Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 86 I 60



86 I 60

12. Extrait de l'arrêt du 11 mars 1960 dans la cause Steiner et Fabriques
de tabac réunies SA contre Confédération suisse. Regeste

    Art. 110 OG und Art. 10 des Verantwortlichkeitsgesetzes vom 14.
März 1958 (BBVG). Zuständigkeit des Bundesgerichts (Erw. 1).

    Art. 34 Abs. 2 und Art. 66 Abs. 3 BZP. Die Frage der Verjährung oder
Verwirkung ist im Bereich des öffentlichen Rechts von Amtes wegen zu prüfen
(Erw. 2).

    Art. 26 BB VG. Übergangsrecht: Die Klage ist gegen den Bund zu richten
(Erw. 3).

    Art. 11 Abs. 1 Ziff. 1 des Verantwortlichkeitsgesetzes vom 9.
Dezember 1850, Art. 20 BB VG. Die einjährige Frist kann weder unterbrochen
noch zum Stillstand gebracht werden (Erw. 4 und 5).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Se fondant sur le résultat de recherches scientifiques faites
par Pierre Steiner, docteur en médecine, la société anonyme Fabriques de
tabac réunies a entrepris, dès le 5 août 1953, des démarches auprès du
Service fédéral de l'hygiène publique aux fins d'obtenir l'autorisation
de lancer sur le marché des cigarettes contenant une certaine quantité de
vitamine PP ajoutée au tabac et mentionnée pour l'acheteur. La requérante
fut invitée à produire le certificat qu'exige l'art. 20 ODA.

    La Commission fédérale de l'alimentation examinait alors s'il y avait
lieu de proposer au Conseil fédéral d'interdire l'adjonction de vitamines
à certaines denrées (Genussmittel), telles que le tabac. C'est comme
membre de cette commission que le Dr Fleisch, professeur à l'Université
de Lausanne, prit part aux expériences et discussions qui aboutirent à la
promulgation premièrement d'un arrêté du 27 janvier 1956, par lequel le
Conseil fédéral, modifiant l'art. 9 ODA, conféra au Département fédéral de
l'intérieur le pouvoir de réglementer notamment l'adjonction de vitamines
aux denrées alimentaires et, secondement, d'une ordonnance du 23 mai 1957,
par laquelle le département prénommé interdit l'addition de vitamines au
tabac et l'enrichissement de cette denrée en vitamines.

    Entre temps, le 25 juin 1955, le Service fédéral de l'hygiène publique
avait refusé l'autorisation demandée par les Fabriques de tabac réunies
SA, vu le résultat des recherches faites et les décisions prises par la
Commission fédérale de l'alimentation.

    Le 27 septembre 1957, le Département fédéral de l'intérieur rejeta
un recours que les Fabriques de tabac réunies avaient formé devant lui
contre la décision du 25 juin 1955.

    B.- Les Fabriques de tabac réunies SA et le Dr Steiner estimèrent que
le professeur Fleisch leur avait porté préjudice en faisant interdire,
par ses interventions, la vente de cigarettes additionnées de vitamines
et qu'ils avaient droit à des dommages-intérêts. Ils lui firent tout
d'abord notifier chacun plusieurs commandements de payer successifs.
Puis, par deux mémoires du 30 août 1958, ils présentèrent séparément au
Conseil fédéral, selon l'art. 43 de la loi fédérale du 9 décembre 1850 sur
la responsabilité des autorités et des fonctionnaires de la Confédération
(en abrégé: LRF), une demande de dommages-intérêts contre le professeur
Fleisch et requirent le Conseil fédéral de donner son adhésion.

    Le 28 mai 1959, le Département fédéral des finances contesta les
deux demandes au nom de la Confédération, selon l'art. 20 al. 3 de la
loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération,
des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (en abrégé: LRCF).

    C.- Le 24 juin 1959, les Fabriques de tabac réunies et le Dr
Steiner ouvrirent chacun, devant le Tribunal fédéral, une action en
dommages-intérêts contre la Confédération suisse.

    D.- Préliminairement, la Confédération a opposé la prescription et
conclu au rejet des deux demandes.

    Le Tribunal fédéral a fait droit à ces conclusions.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

Erwägung 1

    1.- Les deux actions, ouvertes contre la Confédération en tant que
responsable des actes d'un de ses fonctionnaires, sont des réclamations
fondées sur le droit public qui ressortissent à la compétence du Tribunal
fédéral en vertu de l'art. 110 OJ (RO 81 I 165; art. 10 LRCF).

Erwägung 2

    2.- A la requête de la défenderesse, il a été décidé que la question
de la péremption ou de la prescription des deux actions serait examinée
préalablement et séparément du fond (art. 30 al. 1, 34 al. 2 et 66 al. 3
PCF). En matière de droit public, le Tribunal fédéral examine d'office
la péremption aussi bien que la prescription (RO 73 I 128 consid. 1).

Erwägung 3

    3.- Les deux demandes d'indemnité contre le professeur Fleisch ont
été portées devant le Conseil fédéral le 1er septembre 1958, à savoir
sous l'empire de la loi fédérale du 9 décembre 1850. Elles étaient encore
pendantes, le 1er janvier 1959, lorsque la nouvelle loi du 14 mars 1958 est
entrée en vigueur. Selon l'art. 26 de cette loi, la Confédération répond
seule du dommage qui aurait été causé sans droit par un fonctionnaire,
même avant cette entrée en vigueur. Par conséquent les deux actions ont
été, à bon droit, intentées contre la Confédération.

Erwägung 4

    4.- Selon l'art. 20 LRCF, les actions en dommagesintérêts doivent être
portées au préalable devant l'autorité administrative fédérale dans le
délai d'un an dès la connaissance du dommage. L'art. 11 LRF fixait un délai
identique pour les soumettre tout d'abord au Conseil fédéral. Cependant,
les conséquences que chacune de ces lois attache à l'inobservation du délai
sont formulées dans des termes différents. Or les parties demanderesses
prétendent avoir interrompu le délai d'un an par les commandements de payer
successifs qu'elles ont fait notifier au fonctionnaire dont les fautes
prétendues leur auraient porté préjudice. La Confédération, au contraire,
soutient que le délai légal ne saurait être interrompu, ni prorogé par des
poursuites. Il convient, dès lors, en principe, de rechercher laquelle,
de l'ancienne ou de la nouvelle loi, s'applique, supposé que les solutions
qui en découlent sur le point litigieux soient différentes.

    L'art. 26 al. 2 LRCF dispose que la Confédération répond aussi selon
la loi nouvelle du dommage causé avant l'entrée en vigueur de cette loi,
à condition qu'il n'y ait ni prescription, ni péremption en vertu de
l'art. 20. Il semble donc que l'art. 20 LRCF règle la prescription ou
la péremption d'une demande préalable qui, comme celle dont il s'agit
en l'espèce, présentée au Conseil fédéral avant le 1er janvier 1959,
était encore pendante à cette date. Cette question, toutefois, peut
rester ouverte et il n'est pas nécessaire de rechercher laquelle, de
l'ancienne ou de la nouvelle loi, s'applique touchant l'interruption ou
la prorogation du délai légal d'un an, car, malgré la divergence de leur
lettre, ces deux lois imposent, sur ce point, une solution identique.

Erwägung 5

    5.- Tandis que l'art. 20 LRCF dispose que la responsabilité de la
Confédération s'éteint (erlischt), si le lésé n'introduit pas sa demande
(Begehren) dans l'année à compter du jour où il a eu connaissance du
dommage, l'art. 11 LRF porte que l'action contre les fonctionnaires se
prescrit (verjährt) si la partie lésée n'a pas déposé de plainte dans le
délai d'un an à partir du même jour. Selon l'art. 20 LRCF, il y a donc
extinction de l'obligation; selon l'art. 11 LRF, prescription de l'action.

    La doctrine distingue entre la péremption, d'une part, qui entraîne
la déchéance du droit lui-même, faute d'exercice dans un délai donné
(Verwirkung, Präklusion, Befristung) et, d'autre part, la prescription
(Verjährung) de l'action, qui prive le créancier de la possibilité de
faire valoir sa créance contre la volonté du débiteur. On peut admettre
que, en cas de prescription, les intérêts des parties sont seuls en cause,
de sorte que la loi permet, au créancier et au débiteur soit d'interrompre
le délai par certains actes, soit de renoncer aux conséquences qu'entraîne
son inobservation. Dans le cas de péremption, en revanche, par une mesure
d'ordre public ou simplement afin d'assurer plus de sécurité au droit, en
limitant les effets d'un régime particulier qui déroge au régime normal,
le législateur impose généralement, dans l'intérêt du débiteur, un délai
que les parties ne peuvent en principe proroger et prévoit que, lorsque le
titulaire n'exerce pas son droit, il en est déchu par le seul écoulement du
délai. En matière de droit public, où la prescription s'applique d'office
aussi bien que la péremption, la différence entre ces deux institutions
est moins accusée (FORSTHOFF, Lehrbuch des Verwaltungsrechts, 1958, t. I,
p. 178).

    La terminologie, du reste - prescription ou péremption -, n'est pas
fixée d'une manière définitive. Ainsi le Code fédéral des obligations
n'use jamais du terme: péremption (Verwirkung; RO 62 II 154, lit. c). Pour
déterminer si un délai fixé par la loi peut être interrompu ou prorogé,
ou au contraire s'il est péremptoire, on ne saurait, surtout s'il s'agit
de textes légaux qui ne sont pas récents, se fonder sur le fait que le
législateur utilise ou non ce terme (REGELSBERGER, Pandekten, Leipzig
1893, t. I, p. 463). Il convient d'examiner pour chaque disposition légale
si le délai fixé est un délai de prescription ou de péremption (BECKER,
Remarques préliminaires sur les art. 127 à 142 CO, note 3) et notamment
quels sont les actes par lesquels la loi permet d'intervenir pour éviter
les conséquences qu'elle attache à l'écoulement du temps.

    Le Code fédéral des obligations, par exemple, règle la prescription
proprement dite par deux dispositions distinctes: dans l'une, il se borne
à fixer la durée du délai, qui est variable suivant les cas (art. 127,
128, 60 et 67); dans l'autre (art. 135, disposition commune aux délais
que fixent les articles précités), il ordonne que la prescription sera
interrompue par certains actes du créancier comme du débiteur, actes
qu'il énumère (cf. art. 46 et 100 LCA, 44 al. 1 et 2 LA, art. 9 LT et
son interprétation: RO 73 I 131 consid. 3).

    Au contraire, dans l'art. 11 LRF, le législateur use d'une formule
bien différente. En disposant que l'action se prescrit lorsque la
partie lésée n'a pas porté plainte auprès du Conseil fédéral dans le
délai d'un an à partir du jour où elle a eu connaissance du dommage,
la loi règle simultanément deux points: d'une part elle fixe le délai
et, d'autre part, elle définit le seul moyen d'éviter la prescription,
qui est de porter plainte auprès du Conseil fédéral. Ni dans cette
disposition, ni ailleurs dans la loi, il n'est question de suspendre
ou d'interrompre le délai au moyen d'autres actes, tels que poursuites
ou reconnaissance par le débiteur. Le texte de la loi est précis: il
y a prescription si, dans le délai fixé, la plainte n'a pas été portée
devant le Conseil fédéral. En réalité, si l'action n'est pas intentée
dans ce délai, le droit de la partie lésée est caduc. Les motifs qui,
à cet égard, ont inspiré le législateur de 1850 apparaissent d'ailleurs
clairement. Il a voulu protéger les fonctionnaires (cf. art. 43) et, en
outre, assurer un contrôle efficace de l'administration sur les demandes
de dommages-intérêts; à cette fin, il a soumis le droit de réclamation à
des délais à la fois brefs et péremptoires (Jurisprudence des autorités
administratives de la Confédération, année 1951, fascicule 21, no 25).

    L'art. 20 LRCF remplace l'art. 11 LRF. Concernant le second délai,
celui dans lequel le lésé doit introduire devant le juge l'action
proprement dite, après que l'autorité administrative a été saisie, la loi
précise qu'il s'agit d'un délai de péremption de l'action. Touchant le
premier délai, dans lequel la demande d'indemnité doit être portée devant
l'administration fédérale, l'art. 20 LRCF ne prévoit pas, comme le fait
l'art. 11 LRF, que, par l'inobservation du délai, l'action est prescrite
ou périmée. Disposant que la responsabilité de la Confédération s'éteint
si le lésé n'introduit pas sa demande dans le délai fixé, le législateur
statue la déchéance du droit lui-même, c'est-à-dire l'extinction de la
créance et de l'obligation. Il s'est écarté par conséquent de la notion de
la prescription de l'action. En outre l'art. 20 LRCF précise, comme le fait
l'art. 11 LRF, que le seul moyen d'éviter la déchéance est d'introduire la
demande. Il n'est pas question de suppléer cet acte nettement défini par
d'autres procédés, tels que la notification d'un commandement de payer à
la Confédération ou à un fonctionnaire. Ce caractère péremptoire du délai,
en cas de réclamation pécuniaire contre la Confédération, est justifié
par les intérêts de l'administration.

    Le chapitre VI de la nouvelle loi, dans lequel figure l'art. 20, a pour
titre: "Prescription et péremption". Les parties demanderesses en concluent
que ce chapitre institue des délais de l'une et l'autre espèce. Mais il
n'en reste pas moins qu'il faut, dans chaque cas, déterminer la nature
exacte des délais fixés et que celui d'un an, institué par l'art. 20 al. 1
est péremptoire, comme on l'a montré plus haut. Il est vrai que, lors
des débats relatifs à la loi de 1958, le rapporteur du Conseil national
a proposé - avec succès - de porter de cinq à dix ans le délai absolu de
l'art. 20 al. 1, "ceci par analogie avec l'art. 60 CO" (Bull. stén. CN,
1957 III, p. 833). On n'en saurait toutefois conclure avec les parties
demanderesses que le législateur a voulu faire des délais fixés par
l'art. 20 al. 1 de véritables délais de prescription, comme l'est celui de
l'art. 60 CO; on ne peut voir, dans la déclaration alléguée, plus qu'une
simple assimilation par la durée de délais distincts par leur nature.

    Les parties demanderesses voudraient aussi tirer argument de
l'art. 26 al. 2 LRCF, lequel dispose que, pour les demandes en
suspens lors de l'entrée en vigueur de la loi, la responsabilité de la
Confédération ne naît que "s'il n'y a ni prescription, ni péremption en
vertu de l'art. 20". Vu ce texte, on pourrait penser effectivement que le
législateur a fait une distinction entre le second délai de l'art. 20 -
qui expressément, selon la teneur de l'art. 20 al. 3, est un délai de
péremption - et le premier délai qui, aux termes de l'art. 26 al. 2,
serait un délai de prescription. Cependant, l'emploi de ce dernier terme
ne serait guère conforme à la doctrine, ni à la terminologie du Code
fédéral des obligations et des lois qui s'y réfèrent. L'art. 20 al. 1,
en effet, dispose expressément que l'obligation est éteinte et non pas que
l'action est prescrite. Il se distingue donc très nettement de l'art. 60
CO. Toutefois, on l'a dit plus haut, la terminologie n'est pas encore
bien fixée, surtout en droit public. Dès lors, le terme de prescription
pourrait s'appliquer à la déchéance instituée par l'art. 20 al. 1, tandis
que celui de péremption aurait un sens plus restreint, parce qu'il s'agit
de la péremption de l'action. Quoi qu'il en soit, du reste, le premier
de ces termes n'implique nullement que le délai puisse être interrompu
et notamment qu'il puisse l'être par les procédés qu'énumère l'art. 135
CO. Au contraire, l'art. 20 al. 1 LRCF dispose expressément que le seul
moyen d'éviter la déchéance c'est d'introduire la demande. Par ce fait,
la prescription dudit art. 20 al. 1 diffère et des cas de prescription du
Code fédéral des obligations, pour lesquels l'art. 135 CO est applicable,
et de ceux des art. 21 et 23 LRCF, auxquels certaines dispositions dudit
code s'appliquent aussi en vertu d'une règle expresse (art. 7, 8 et 9
LRCF). Que l'art. 135 CO soit aussi de ce nombre ou non, peu importe;
en tout cas - et la loi l'indique d'une manière très précise - le renvoi
au Code fédéral des obligations ne concerne que les réclamations de la
Confédération contre un fonctionnaire, non pas celles du lésé contre la
Confédération, lesquelles sont réglées de façon complète par les art. 3
ss. LRCF.

    En conséquence, l'art. 20 LRCF a confirmé la règle de l'art. 11 LRF,
suivant laquelle le seul moyen d'éviter la déchéance ou la prescription
est d'introduire la demande en temps utile, devant l'autorité que désigne
la loi.

    6 à 10. - ...