Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 86 I 321



86 I 321

46. Arrêt du 7 décembre 1960 dans la cause A. contre Conseil d'Etat du
canton de Vaud. Regeste

    Ausübung des Berufs eines Architekten.

    Art. 31 und 33 BV. Wenn ein Kanton die Ausübung des Berufs eines
Architekten von einer Bewilligung abhängig macht, darrf er die bestehenden
Verhältnisse berücksichtigen und besondere Vorschriften aufstellen
zugunsten von Personen, die bei Einführung der Bewilligungspflicht den
Beruf schon während einer bestimmten Zeit im Kantonsgebiet ausgeübt haben
(Erw. 1).

    Art. 5 Üb. Best. BV. Anwendung dieser Bestimmung auf den Beruf des
Architekten (Erw. 2-4).

Sachverhalt

    A.- La loi neuchâteloise du 12 février 1951 sur les constructions
(en abrégé: LC neuch.) a créé un registre des architectes et des
ingénieurs. L'inscription dans ce registre donne le droit d'établir des
projets de plans communaux, de plans de propriétaires et de plans de
construction (art. 130 à 133 LC neuch.). Elle est accordée notamment
aux architectes domiciliés dans le canton ou d'origine neuchâteloise,
qui sont inscrits dans le registre suisse, en outre aux architectes
qui ont subi avec succès l'examen professionnel cantonal (art. 131 LC
neuch.). Le registre suisse a été créé par une convention que quatre
associations professionnelles ont conclue, en 1951, et qui comporte,
en annexe, un règlement. L'art. 12 de celui-ci prévoit, à titre de
disposition transitoire, l'inscription des personnes qui, lors de
l'entrée en vigueur de la convention, n'étaient pas membres de l'une des
associations contractantes, lorsque lesdites personnes avaient pratiqué
correctement la profession depuis cinq ans au moins.

    B.- En 1937, A. a obtenu le diplôme de technicienarchitecte du
Technicum cantonal de Bienne. De 1946 à 1956, il a exercé la profession
d'architecte dans le canton de Neuchâtel. Il a été inscrit dans le registre
suisse en vertu de l'art. 12 du règlement précité, après examen de son
cas par une commission d'experts, statuant sur pièces. En conséquence,
il a été également inscrit dans le registre neuchâtelois.

    En 1956, A. s'est établi dans le canton de Vaud. Il a demandé à y être
reconnu comme architecte de par l'art. 70 de la loi vaudoise du 5 février
1941 sur la police des constructions (en abrégé: LC vaud.), afin de pouvoir
mettre des plans à l'enquête pour obtenir l'autorisation de construire
exigée dans la plupart des cas. Le 29 juillet 1960, le Conseil d'Etat du
canton de Vaud a rejeté la requête, en bref par les motifs suivants:

    Le requérant est en possession d'un certificat de capacité d'un
établissement suisse d'enseignement technique officiellement reconnu,
mais il n'était pas établi dans le canton depuis plus de trois ans avant
l'entrée en vigueur de la loi vaudoise du 5 février 1941 (art. 70 ch. 3
LC vaud.). De plus, il invoque à tort le ch. 5 Disp. trans. Cst. Le
diplôme du Technicum de Bienne, qu'il possède, ne constitue pas une
preuve de capacité exigée par le canton de Berne (art. 33 Cst.),
puisque, dans ce canton, l'exercice de la profession d'architecte est
libre. L'inscription dans le registre neuchâtelois des architectes ne
tient pas non plus lieu du certificat de capacité que vise l'art. 5 Disp.
trans. Cst. Car l'autorité neuchâteloise n'a pas contrôlé les aptitudes
scientifiques et professionnelles du requérant, mais l'a inscrit du seul
fait qu'il figurait dans le registre suisse, lequel a été institué par
une convention de droit privé.

    C.- Contre cette décision, A. a formé un recours de droit public. Il
allègue la violation des art. 4 et 31 Cst., ainsi que de l'art. 5
Disp. trans. Cst. Son argumentation se résume comme il suit:

    Selon l'art. 33 Cst. et par analogie avec la jurisprudence du
Tribunal fédéral relative à l'art. 5 Disp. trans. Cst., un canton n'est
pas autorisé à exiger d'un architecte, outre des preuves de capacité,
qu'il ait eu un domicile ou une pratique d'une certaine durée sur
le territoire cantonal lors de la demande ou, pour l'application des
dispositions transitoires, lors de l'entrée en vigueur de la loi. Une
telle exigence est aussi contraire à l'art. 31 Cst., dont le recourant
peut se réclamer dans la mesure où l'art 33 n'y déroge pas. Car elle
ne se justifie par aucun intérêt public. Enfin, le refus du Conseil
d'Etat viole l'art. 5 Disp. trans. Cst.; l'inscription dans le registre
neuchâtelois est l'équivalent d'un certificat de capacité cantonal, parce
que l'autorité neuchâteloise s'en remet à des experts hautement qualifiés
du soin de contrôler les aptitudes professionnelles des candidats.

    D.- Le Conseil d'Etat du canton de Vaud conclut au rejet du recours,
en bref par les motifs suivants:

    Le certificat de capacité que vise l'art. 5 Disp. trans. Cst. doit
avoir pour but et pour effet d'autoriser son titulaire à exercer
une profession libérale qui lui serait autrement fermée. Il suppose
que le canton ait, par un examen ou d'une autre manière, contrôlé les
aptitudes du requérant (RO 84 I 27). Selon ces principes, le recourant
n'est pas au bénéfice d'un certificat de capacité bernois, car, dans le
canton de Berne, l'exercice de la profession d'architecte est libre. Le
canton de Neuchâtel ne lui a pas non plus délivré un tel certificat,
car l'autorisation de pratiquer dans ce canton lui a été accordée sur
le simple vu de l'inscription dans un registre privé, inscription sur
laquelle l'autorité cantonale ne s'est réservé aucun droit de regard. Le
canton de Neuchâtel n'a pas non plus délégué son pouvoir de contrôler
les connaissances scientifiques des requérants aux commissions instituées
par la convention conclue entre les associations professionnelles; il a
simplement dispensé du certificat de capacité les architectes inscrits
dans le registre suisse. Au surplus, le recourant y a été inscrit
en vertu de l'art. 12 du règlement annexé à la convention précitée,
c'est-à-dire du fait qu'il avait exercé correctement pendant cinq ans
au moins. Il ne saurait, enfin, invoquer les ch. 3 et 4 de l'art. 70 LC
vaud. Ce sont là des dispositions transitoires. A ce titre, les art. 31
et 33 Cst. n'empêchent pas les cantons de reconnaître un droit acquis
aux seuls architectes qui, lors de l'entrée en vigueur de la loi qui
réglementait la profession, avaient exercé celle-ci sur leur territoire
depuis un certain temps.

    E.- L'argumentation que le recourant présente dans sa réplique se
résume comme il suit:

    Sur l'art. 5 Disp. trans. Cst., le Conseil d'Etat se réfère à la
jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux avocats. Or, si, pour
l'exercice de cette profession, il est raisonnable d'exiger que le
certificat de capacité cantonal n'ait été délivré qu'après contrôle,
par l'Etat, des aptitudes du requérant, il n'en va pas de même pour la
profession d'architecte. Si l'on exigeait ce contrôle, il s'ensuivrait,
selon la loi vaudoise (art. 70), que les architectes admis à l'exercice
de la profession sur le simple vu d'un titre universitaire ne pourraient
se mettre au bénéfice de l'art. 5 Disp. trans. Cst., "alors que les
architectes ... non universitaires ayant subi l'examen réglementaire de
l'Etat, recevraient une autorisation valable de plein droit pour toute la
Suisse". Si le canton de Vaud reconnaît certains diplômes universitaires,
il admet par là même qu'un contrôle effectif par l'administration cantonale
n'est pas indispensable lorsque, par ailleurs, les titres du candidat sont
suffisants. Tel est le cas dans le canton de Neuchâtel, dont la loi se
réfère au contrôle exercé pour l'inscription dans le registre suisse. En
l'espèce, la commission chargée de ce contrôle avait une connaissance
précise des capacités professionnelles du recourant.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 70 ch. 3 LC vaud. admet à l'exercice de la profession
d'architecte dans le canton les personnes qui, d'une part, possèdent
un certificat de capacité d'un établissement suisse d'enseignement
technique officiellement reconnu et qui, d'autre part, étaient établies
dans le canton depuis plus de trois ans lors de l'entrée en vigueur de la
loi. A. satisfait manifestement à la première de ces exigences, puisqu'il
est titulaire d'un diplôme délivré par le Technicum de Bienne. Il ne
satisfait pas à la seconde, mais estime qu'elle viole l'art. 31 Cst.,
car, dit-il, elle ne se justifie par aucun intérêt public. Cependant,
il s'agit là d'une disposition transitoire applicable aux personnes qui,
lors de l'entrée en vigueur de la loi, ne remplissaient pas les conditions
désormais nécessaires, mais pouvaient se réclamer d'une certaine situation
acquise. S'il voulait tenir compte de cette situation en limitant les
exigences fixées par les ch. 1 et 2 de l'art. 70, le canton de Vaud pouvait
se borner à le faire en faveur des personnes "établies dans le canton
depuis plus de trois ans". Cette condition permet de ne mettre au bénéfice
du droit transitoire que les candidats qui, ayant déjà pratiqué dans le
canton pendant une période assez longue, y ont prouvé leurs capacités,
sont connus des autorités et possèdent donc une situation acquise. Une
telle limitation se justifie (arrêt Bonnard c. Vaud, du 20 mars 1943,
non publié).

    A.- la vérité, la lettre de l'art. 70 ch. 3 LC vaud. vise les
personnes "établies" et semble ne pas exiger, comme le fait l'art. 70
ch. 4, qu'elles aient en outre pratiqué dans le canton depuis plus de
trois ans. Or, comme le relève le recourant, on ne peut guère admettre
qu'une personne ait un droit acquis à exercer la profession d'architecte
alors qu'elle a seulement été domiciliée dans le canton depuis un certain
temps, sans y avoir pratiqué. Mais le Conseil d'Etat vaudois affirme -
et le recourant ne le conteste pas - que, depuis l'année 1955, modifiant
sa jurisprudence antérieure, il a interprété strictement l'art. 70 ch. 3
LC vaud. et a constamment exigé "que l'intéressé fût établi dans le canton
comme architecte depuis plus de trois ans avant l'entrée en vigueur de la
loi". Ce changement de jurisprudence se justifie objectivement, il ne viole
pas les exigences de la sécurité juridique d'une façon insupportable et
n'est donc pas entaché d'arbitraire (RO 78 I 101; 80 I 322). Le recourant
ne le conteste pas. Il est dès lors mal venu à prétendre que l'art. 70
ch. 3 LC vaud. violerait les art. 31 et 33 Cst., parce qu'il admettrait
à l'exercice de la profession d'architecte, dans le canton de Vaud, tous
les titulaires d'un certificat de capacité délivré par un établissement
suisse d'enseignement technique officiellement reconnu, sous la seule
condition qu'ils aient été établis dans le canton depuis plus de trois
ans avant l'entrée en vigueur de la loi, même sans y avoir pratiqué.

Erwägung 2

    2.- Dès lors que le refus d'admettre le recourant à l'exercice de sa
profession dans le canton de Vaud ne viole ni l'art. 4, ni les art. 31 et
33 Cst., il ne reste plus qu'à examiner s'il est contraire à l'art. 5 Disp.
trans. Cst. Selon cette règle constitutionnelle, jusqu'à la promulgation de
la loi fédérale sur la matière (art. 33 Cst.), les personnes qui exercent
une profession libérale et ont obtenu un certificat de capacité d'un canton
peuvent pratiquer sur tout le territoire de la Confédération. L'architecte
exerce une profession libérale. Les cantons peuvent donc exiger de lui
un certificat de capacité s'il entend pratiquer sur leur territoire. Mais
lorsqu'un canton, ayant réglementé l'exercice de la profession, a délivré
un certificat de capacité, l'art. 5 précité oblige tous les autres à se
contenter de cette pièce comme preuve des connaissances requises.

    Cependant, selon la jurisprudence constante, le certificat de capacité
ne sortit de tels effet que si l'autorité cantonale compétente a constaté
que le candidat possède les connaissances non seulement théoriques, mais
aussi pratiques, requises pour l'exercice de la profession et si, sur le
vu de cette constatation, elle a autorisé cet exercice sans restriction
sur tout le territoire cantonal. Ce principe, que le Tribunal fédéral a
posé pour la profession d'avocat (v. notamment: RO 45 I 365), se justifie
aussi pour la profession d'architecte.

    Le recourant conteste ce point; la première de ces professions,
dit-il, appelle un contrôle de l'aptitude du candidat par l'autorité
cantonale elle-même, mais non pas la seconde. Cette opinion se heurte
au texte clair de l'art. 5 Disp. trans. Cst., qui exige, pour toutes
les professions libérales sans distinction, un certificat de capacité
"d'un canton". Même si le législateur vaudois avait renoncé au contrôle
par les autorités vaudoises dans la mesure où il reconnaît d'office la
qualité d'architecte aux porteurs du diplôme de l'Ecole polytechnique
fédérale ou de certains diplômes suisses ou étrangers (art. 70 ch. 1 LC
vaud.), il n'aurait pas, ce faisant, conféré à ces porteurs un certificat
de capacité cantonal selon l'art. 5 précité et ne se serait pas non plus
obligé à reconnaître comme de tels certificats les autorisations délivrées
par d'autres cantons sans un contrôle préalable exercé par leurs propres
autorités. La question, du reste, ne se pose pas dans la présente espèce,
car le recourant ne possède aucun diplôme universitaire.

    Lorsqu'une personne demande l'autorisation d'exercer une profession
libérale dans un canton et allègue être titulaire d'un certificat de
capacité d'un autre canton conformément à l'art. 5 Disp. trans. Cst.,
l'autorité saisie de la requête peut examiner si l'autorité compétente pour
délivrer ledit certificat a effectivement contrôlé les aptitudes théoriques
et pratiques du candidat. Mais elle doit accorder l'autorisation demandée,
dès lors que ce contrôle a eu lieu, même s'il n'a été que sommaire et
n'a porté que sur l'activité pratique du requérant, pourvu qu'il ait été
conforme au droit cantonal applicable; il n'est pas nécessaire que l'on
ait fait passer des examens au requérant (RO 45 I 364; 84 I 27).

Erwägung 3

    3.- A. est titulaire d'un diplôme de technicien-architecte, délivré
par le Technicum de Bienne. Mais il ne s'agit pas là d'un certificat
de capacité selon l'art. 5 Disp. trans. Cst. Car, l'exercice de la
profession d'architecte étant libre dans le canton de Berne, ce n'était
pas son diplôme qui conférait au recourant le droit de pratiquer sur le
territoire bernois.

Erwägung 4

    4.- Il reste à savoir si A. peut, à l'égard du canton de Vaud, se
réclamer de l'art. 5 Disp. trans. Cst. du fait qu'il a été inscrit dans
le registre neuchâtelois des architectes. Il y a été inscrit et admis à
pratiquer sans aucune réserve dans le canton de Neuchâtel, conformément à
l'art. 98 LC neuch., parce qu'il figurait dans le registre suisse. Mais,
comme on l'a montré, le Conseil d'Etat vaudois avait le pouvoir,
selon l'art. 5 précité, de rechercher si l'autorité neuchâteloise
avait contrôlé elle-même les connaissances théoriques et pratiques du
recourant. Il a résolu cette question par la négative et, ce faisant,
il n'a pas outrepassé son pouvoir.

    Le recourant n'a point subi d'examen cantonal à Neuchâtel, mais
cela n'est pas décisif; selon la jurisprudence, rappelée plus haut,
il suffit que l'autorité cantonale ait contrôlé, selon les principes
qu'il lui appartient de définir, les aptitudes que révèle l'activité
pratique du candidat. Cependant, ce contrôle n'a pas eu lieu en
l'espèce. L'inscription du recourant dans le registre neuchâtelois a été
accordée sur le simple vu de l'inscription préalable dans le registre
suisse. Or celle-ci ne dépend pas de l'autorité neuchâteloise; le registre
suisse a été créé par une convention de droit privé, conclue entre des
associations professionnelles, qui ont fixé et peuvent modifier librement,
sans aucune intervention de l'Etat, les exigences auxquelles le candidat
doit satisfaire pour être inscrit. De plus, selon l'art. 98 LC neuch.,
lorsque l'inscription dans le registre suisse a été obtenue, l'autorité
neuchâteloise est liée; elle est tenue d'ordonner l'inscription dans
le registre cantonal. Ce n'est donc pas du canton, mais exclusivement
des associations professionnelles contractantes que dépend l'admission
ou le refus des candidatures. Peu importe, dès lors, que le législateur
neuchâtelois ait entendu ou non déléguer le pouvoir de réglementation et
de contrôle cantonal aux associations dont dépend le registre suisse. Il
lui était loisible de le faire, mais une telle délégation ne saurait
lier les autres cantons. L'art. 5 Disp. trans. Cst. vise expressément le
"certificat de capacité d'un canton" et l'on ne saurait tenir pour tel
celui que délivre une institution privée, selon des règles purement
contractuelles, sans aucune participation de l'autorité. Peu importe,
dès lors, que le contrôle que prévoit l'art. 12 du règlement annexé à
la convention interprofessionnelle soit plus ou moins sévère et qu'en
l'espèce, il ait été ou non exercé strictement.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Rejette le recours.