Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 86 I 293



86 I 293

41. Arrêt du 4 novembre 1960 dans la cause Lear, Incorporated contre
Administration fiscale du canton de Genève. Regeste

    Wehrsteuer.

    Wann hat die Veranlagungsbehörde einen Vorentscheid darüber zu treffen,
ob jemand grundsätzlich steuerpflichtig sei? (Erw. 2).

    Ein solcher Entscheid kann gemäss Art. 99 WStB durch Einsprache und
sodann durch Beschwerde bei der kantonalen Rekurskommission angefochten
werden. (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- La société anonyme Lear, Incorporated (en abrégé: Lear Inc.),
entreprise des Etats-Unis d'Amérique, a ouvert à Genève un bureau technique
qui sert de liaison entre elle et ses représentations en Europe, en
Afrique du Nord et dans le Proche-Orient. S'opposant à l'opinion soutenue
par l'autorité fiscale genevoise, elle conteste que ce bureau constitue un
établissement fixe selon la loi genevoise sur les contributions publiques,
l'arrêté du Conseil fédéral concernant la perception d'un impôt pour la
défense nationale et la convention du 24 mai 1951, conclue entre la Suisse
et les Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions
dans le domaine de l'impôt sur le revenu (en abrégé: la Convention du
24 mai 1951); elle en conclut qu'elle n'est pas assujettie à l'impôt à
Genève. Après que l'administration genevoise l'eut invitée, à plusieurs
reprises, à remplir une formule de déclaration, elle demanda à cette
autorité de prendre, sur la question de l'assujettissement, une décision
en la forme, qui lui permette de recourir.

    Le 30 août 1960, le chef de l'Administration fiscale genevoise lui
répondit que le bureau technique entretenu par elle à Genève constituait
sans conteste un établissement fixe selon les art. 63 de la loi genevoise
sur les contributions publiques, 6 AIN, ainsi que selon la Convention
du 24 mai 1951 et qu'elle était, par conséquent, assujettie aux impôts
cantonaux et fédéraux. Il lui assigna un délai pour le dépôt de la
déclaration et ajouta que sa décision ne pouvait faire l'objet ni d'un
recours, s'agissant de l'impôt cantonal (art. 329 de la loi genevoise
sur les contributions publiques), ni d'une réclamation, s'agissant de
l'impôt fédéral (art. 99 AIN.

    B.- Lear Inc. a formé un recours de droit administratif.  Elle demande
au Tribunal fédéral d'annuler la décision attaquée et de constater qu'elle
n'est pas assujettie à l'impôt pour la défense nationale, subsidiairement,
pour le cas où la lettre du chef de l'administration fiscale genevoise
ne pourrait être considérée comme une décision, de renvoyer la cause à
l'autorité cantonale pour que celle-ci se prononce préjudiciellement sur
le principe de l'assujettissement à l'impôt. Son argumentation se résume
comme il suit:

    La lettre du chef de l'Administration fiscale genevoise constitue
une décision préjudicielle, rendue à la demande de la recourante sur
le principe de l'assujettissement à l'impôt; elle se fonde sur les
art. 3 ch. 3 lit. d'et 6 AIN, ainsi que sur les art. II al. 1 lit. c
et III al. 1 lit. b de la Convention du 24 mai 1951. Elle viole les
dispositions précitées et peut donc être attaquée par la voie du recours
de droit administratif de par l'art. 97 al. 1 OJ. De plus, elle a été
prise en dernière instance cantonale (art. 102 lit. b OJ), car, selon
son texte même, elle ne peut ni faire l'objet d'une réclamation, ni être
déférée à la Commission genevoise de recours. Les art. 99 et 106 AIN
n'ouvrent ces voies de droit cantonales que contre les taxations, mais
non pas contre les autres décisions relatives à l'impôt pour la défense
nationale. L'art. 112 AIN ne déroge pas davantage au principe général
posé par l'art. 97 OJ. Aussi bien, dans son arrêt B., du 23 novembre
1945 (Archives de droit fiscal suisse, t. 14, p. 345), statuant sur
les règles analogues applicables à l'impôt sur les bénéfices de guerre,
le Tribunal fédéral a-t-il statué qu'il était admissible de trancher, à
titre préjudiciel, la question de l'assujettissement à l'impôt et que de
telles décisions ne pouvaient être attaquées par la voie de la réclamation,
mais seulement par celle du recours de droit administratif. Il a en outre
dit que la question devait être liquidée préjudiciellement lorsque les
moyens soulevés imposaient d'emblée une solution négative. La recourante
a néanmoins formé une réclamation par prudence.

    Sur le fond, la recourante affirme n'être pas imposable en Suisse,
d'après la Convention du 24 mai 1951, et n'être pas tenue, par conséquent,
de remplir une formule de déclaration. En matière de double imposition
intercantonale, le Tribunal fédéral a jugé que l'autorité est tenue,
lorsque le contribuable présumé le demande, de se prononcer sur
l'assujettissement avant toute autre procédure de taxation. Il doit en
aller de même en matière internationale lorsque l'assujettissement est
contesté, parce que contraire à un traité conclu entre Etats. Les clauses
d'un tel traité ont le pas sur les règles de la loi suisse, de même que
la Constitution fédérale l'emporte sur le droit cantonal.

    C.- L'Administration fédérale des contributions conclut à
l'irrecevabilité du recours; l'Administration fiscale genevoise déclare
s'en référer à ce préavis.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    1. - La recourante lui ayant demandé de prendre, en la forme, une
décision de principe sur son assujettissement à l'impôt, le chef de
l'Administration fiscale genevoise lui a répondu, le 30 juillet 1960,
qu'elle était soumise, à Genève, non seulement à l'impôt cantonal, mais
aussi à l'impôt pour la défense nationale et il lui a assigné un délai
pour déposer sa déclaration. Cette lettre constitue manifestement une
décision préjudicielle sur l'assujettissement à l'impôt, contesté par
la recourante. En effet, d'une part son signataire la désigne lui-même
comme une "décision", d'autre part elle contient, en plus du dispositif,
des motifs - à la vérité quelque peu sommaires -, d'où il ressort que
la recourante est imposable à Genève, parce que le bureau qu'elle y
entretient constituerait un établissement stable selon les art. 63 de la
loi genevoise sur les contributions publiques, 6 AIN et aussi d'après la
Convention du 24 mai 1951.

    La voie du recours de droit administratif n'étant ouverte qu'en matière
de contributions fédérales (art. 97 OJ), l'assujettissement à l'impôt
cantonal n'est pas litigieux dans la présente procédure. L'autorité
genevoise affirme que sa décision, dans la mesure où elle vise l'impôt
pour la défense nationale, ne peut faire l'objet d'une réclamation, car
c'est seulement à l'encontre des taxations que l'art. 99 AIN prévoit ce
moyen. La recourante estime que, si la réclamation est exclue, la décision
attaquée a été prise en dernière instance cantonale (art. 102 lit. b OJ)
et peut faire l'objet d'un recours de droit administratif; qu'en effet,
l'art. 97 OJ, qui ouvre cette voie contre les décisions touchant le
principe de l'assujettissement aux contributions de droit fédéral, vise
aussi les décisions préjudicielles sur ce point. L'Administration fédérale
des contributions objecte en premier lieu qu'en matière d'impôt pour la
défense nationale, les dispositions applicables ne prévoient point de
décisions de ce genre, subsidiairement que les voies de droit cantonales
n'auraient pas été épuisées, contrairement à ce qu'exige l'art. 102 lit. b
OJ. Il échet d'examiner tout d'abord ces objections à la recevabilité du
présent recours.

    2. - Les décisions préjudicielles sur le principe de l'assujettissement
à l'impôt sont expressément prévues par maintes lois fiscales, s'agissant
des impôts sur les transactions notamment, que le contribuable
doit acquitter spontanément, sans qu'intervienne une taxation par
l'autorité (par exemple: art. 5 al. 1 lit. a AChA, art. 4 al. 1
lit. a AIL'art. 3 al. 1 OT). L'arrêté concernant la perception d'un
impôt pour la défense nationale ne prévoit, ni n'exclut les décisions
préjudicielles de ce genre. La doctrine et la pratique les admettent
en général aussi pour les impôts avec procédure de taxation (METTLER,
Die Verwaltungsgerichtsbeschwerde an das Bundesgericht in Steuersachen,
p. 51 et les citations). Le Tribunal fédéral les a déclarées licites dans
deux arrêts concernant l'impôt sur les bénéfices de guerre (affaires B.,
du 23 novembre 1945, et M., du 30 avril 1948; Archives de droit fiscal
suisse, t. 14, p. 347 et t. 16, p. 500, consid. 1). Il a même dit,
dans le premier de ces arrêts, que l'autorité de taxation est tenue de
prendre une telle décision lorsque les arguments soulevés excluent à
l'évidence tout assujettissement et, de plus, lorsque le choix de la
voie préjudicielle peut entraîner une simplification importante de la
procédure. Ces principes s'appliquent également à l'impôt pour la défense
nationale, où la déclaration obligatoire et la procédure de taxation sont,
pour l'essentiel, soumises aux mêmes règles. En particulier, l'autorité
fiscale doit se prononcer par la voie préjudicielle lorsque le principe de
l'assujettissement est contesté en vertu d'un accord international. Le
Tribunal fédéral a adopté la même solution dans le cas analogue où,
vu l'art. 46 al. 2 Cst., un contribuable dénie à tel canton le droit de
l'imposer (RO 62 I 75; Archives de droit fiscal suisse, t. 28, p. 252,
consid. 1). Celui qui n'est pas soumis à la souveraineté fiscale suisse,
non seulement ne peut être astreint à payer l'impôt pour la défense
nationale, mais encore ne saurait être soumis à une procédure de taxation
proprement dite. Les art. 80, 82 et 85 AIN ne portent aucune atteinte
à ce principe; "le contribuable présumé" peut contester en principe
que ces dispositions lui soient applicables et exiger que ce point soit
tranché tout d'abord. C'est seulement lorsque son assujettissement a été
constaté par une décision passée en force qu'il est tenu de déposer une
déclaration et de donner tous les renseignements nécessaires pour le calcul
de l'impôt. Auparavant, il ne doit révéler que les faits dont résulte
son obligation de payer l'impôt en Suisse. Si ces faits coïncidaient
avec ceux sur lesquels la taxation elle-même se fonde, il apparaîtrait,
à la vérité, inutile de trancher séparément les deux points. Mais il
n'est pas nécessaire d'examiner, dans la présente espèce, si l'autorité
cantonale avait seulement le droit ou était bien plutôt tenue de prendre
une décision préjudicielle, car elle en a effectivement pris une.

    3. - Il reste à rechercher si cette décision peut être attaquée et,
dans l'affirmative, par quelle voie.

    Dans le premier des arrêts précités, touchant l'impôt sur les bénéfices
de guerre (Archives de droit fiscal suisse, t. 14, p. 347, consid. 1), le
Tribunal fédéral a dit que la décision préjudicielle, prise par l'autorité
de taxation sur le principe de l'assujettissement à l'impôt, pouvait être
attaquée directement par la voie du recours de droit administratif. Dans
ce cas, en effet, a-t-il dit, les dispositions de l'ACF du 12 janvier 1940
ne prévoient pas expressément la réclamation, laquelle n'est pas non plus
indispensable, tout au moins lorsqu'il s'agit exclusivement de trancher
une question de droit. Peu après, dans le second arrêt (Archives de droit
fiscal suisse, t. 16, p. 500), il a, après nouvel examen de la question,
modifié sa jurisprudence, ouvrant la voie de la réclamation. Il a dit,
en particulier, que le contribuable avait le droit de soumettre le litige
à la Commission de l'impôt sur les bénéfices de guerre (art. 19 et 27 al. 4
ABG). Cet organe n'existe pas en matière d'impôt pour la défense nationale,
mais sa consultation est remplacée par le recours à la commission cantonale
(art. 106 ss. AIN). Les autres motifs donnés dans l'arrêt précité valent
aussi en matière d'impôt pour la défense nationale: Lorsque la procédure
de taxation est exécutée en plusieurs étapes, les mêmes voies de droit
doivent être ouvertes contre chacune des décisions partielles que contre
une décision d'ensemble. La décision préjudicielle constitue une partie de
la procédure de taxation, limitée tout d'abord aux questions préalables; il
faut lui appliquer les dispositions qui régissent la taxation elle-même. Il
s'ensuit, en matière d'impôt pour la défense nationale, que la décision
préjudicielle relative au seul principe de l'assujettissement peut faire
l'objet tout d'abord d'une réclamation, puis d'un recours à la commission
cantonale. Le chef de l'Administration genevoise des contributions a, par
conséquent, affirmé à tort, dans sa décision du 30 août 1960, que celle-ci
ne pouvait être attaquée par la voie de la réclamation, parce que l'art. 99
AIN n'ouvrait cette voie qu'à l'encontre de la taxation elle-même.

    La décision entreprise dans la présente espèce n'a donc pas été rendue
en dernière instance cantonale selon l'art. 102 lit. b OJ, de sorte que
le Tribunal fédéral ne peut se saisir du recours de droit administratif
formé contre elle.

Erwägung 4

    4.- Bien que l'indication des voies de droit dans la décision
entreprise ait été erronée, la recourante a formé une réclamation, outre
son recours de droit administratif. Il n'y a donc pas lieu d'examiner
quelle serait la situation si elle avait agi autrement. En tout cas, vu
l'erreur commise par l'autorité cantonale, il se justifie de dispenser
la recourante du paiement des frais de justice pour la procédure devant
le Tribunal fédéral.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Déclare le recours irrecevable.