Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 86 I 256



86 I 256

36. Arrêt du 7 octobre 1960 dans la cause Berthoud contre Département
fédéral de l'économie publique. Regeste

    Bewilligung, ein Atelier für das Gravieren von Clichés zum Abdruck der
Stunden und Namen auf Uhrenzifferblättern zu betreiben. Art. 3 und 4 UB.

    1.  Ist die Bewilligung erforderlich, wenn der Gesuchsteller allein,
ohne Beizug von Arbeitskräften, arbeiten will? Stellt sich die Frage
gleich, wenn die in Aussicht genommenen Arbeiten nicht von einem
Heimarbeiter ausgeführt werden können? (Erw. 1 und 2).

    2.  Anforderungen an einen Stahlstecher, der allein in selbständiger
Stellung arbeiten will (Erw. 3 und 4).

Sachverhalt

    A.- Marcel Berthoud a fait un apprentissage de graveur sur aciers,
dans une fabrique de cadrans, de 1945 à 1949. Il y travailla ensuite
comme ouvrier jusqu'en septembre 1959. Il demanda alors l'autorisation
d'exploiter un atelier de gravure de clichés pour le décalquage des
heures et des noms sur les cadrans de montres. Le Département fédéral de
l'économie publique rejeta sa requête le 1er décembre 1959; il constatait
que le requérant n'avait jamais occupé, dans la branche en cause, un poste
dirigeant qui lui permît d'assumer des responsabilités et de diriger du
personnel, et qu'il n'avait pas justifié de connaissances commerciales
suffisantes. Berthoud continua dès lors (il le faisait depuis le 14
octobre 1959) d'exécuter comme ouvrier à domicile des travaux de gravure.

    Le 20 janvier 1960, Berthoud renouvela sa requête. Plusieurs maisons,
disait-il, lui demandaient, pour des raisons de commodité, de facturer
les produits livrés; il devait, pour ce faire, obtenir l'autorisation
d'exercer son métier comme patron graveur. Une fois établi, il pourrait
développer ses affaires.

    B.- Le 30 juin 1960, le Département fédéral a rejeté la nouvelle
requête, les circonstances n'ayant pas changé depuis le premier refus;
que le requérant travaille actuellement à domicile n'exerce en effet
aucune influence sur la décision à prendre. Il y a tout lieu de croire,
d'ailleurs, que l'entreprise envisagée, si limitée, est particulièrement
vulnérable en cas de fluctuations économiques.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, Berthoud
requiert le Tribunal fédéral d'annuler cette décision et de lui accorder
l'autorisation demandée. Il précise qu'il n'emploiera aucun ouvrier. Ses
arguments seront exposés, pour autant que besoin, dans les considérants
de droit.

    Le Département fédéral de l'économie publique conclut au rejet
du recours. L'Union des graveurs sur acier, priée de donner son avis,
se prononce en faveur de l'autorisation.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recourant prétend que l'entreprise projetée n'est pas soumise à
l'autorisation, car il y travaillera seul, sans recourir à la main-d'oeuvre
étrangère. La Chambre de céans doit résoudre d'office cette question
préalable. Si l'autorisation n'est pas nécessaire, la requête est sans
objet et la décision administrative doit le dire; le rejet, en effet,
implique l'obligation de demander le permis et entraîne l'interdiction
d'ouvrir l'atelier. Dans le cas contraire, en revanche, le requérant
peut exploiter l'entreprise projetée et la décision du Département doit
être annulée. On ne saurait dès lors objecter au recourant d'avoir admis
implicitement l'obligation en formant des requêtes. Il avait d'ailleurs
intérêt à mettre au clair sa situation juridique; le moyen normal était
de présenter une demande d'autorisation.

Erwägung 2

    2.- L'ouverture de nouvelles entreprises de l'industrie horlogère
(art. 1er AIH) est subordonnée à un permis (art. 3 AIH). Toute activité
indépendante constitue une entreprise dans le sens où l'entend l'arrêté
(Unternehmen, Betrieb). L'horlogerie, de par la nature des choses,
s'adapte souvent à la petite entreprise. Elle comporte, en effet, nombre
de travaux accessoires convenant parfaitement à des ateliers de faible
capacité. Il n'est pas rare même qu'une seule personne y suffise. Ces cas
ne répondent guère, au premier abord, à la notion commune (en économie
institutionnelle) de l'industrie ou de l'entreprise. L'administration
et les milieux intéressés de la branche n'ont pas hésité néanmoins à les
soumettre à l'autorisation. Ils s'apparentent certes au travail à domicile
exécuté par un seul ouvrier pour divers patrons, surtout si l'on a peu
recours à des machines ou installations spéciales. Cette ressemblance
ne doit pas cependant voiler la différence essentielle existant entre les
deux situations. Le chef d'entreprise exerce une activité indépendante pour
son propre compte et sous sa seule responsabilité; il facture son travail
à qui l'a commandé. La position économique de l'ouvrier, en revanche,
est dépendante et lui procure un salaire. Cette différence se répercute
sur le plan social, notamment en matière d'assurances. On ne saurait
dès lors douter que l'arrêté fédéral, faute de prévoir une exception,
subordonne aussi à un permis la nouvelle entreprise lorsque le requérant
se propose d'y travailler seul, sans l'aide d'ouvriers.

    Le recourant soutient que la Chambre de céans s'est départie de
ce principe dans les arrêts Vanetti et Hofer des 29 mai et 16 octobre
1953 (cf. CH.-A. JUNOD. L'interprétation jurisprudentielle du nouveau
"statut de l'horlogerie", Revue de droit administratif et fiscal, 1954,
p. 275/276). Ce n'est pas exact. En refusant - dans les deux cas - le
permis, la Chambre a admis implicitement qu'il était nécessaire. Dans
l'affaire Vanetti, elle a réservé la question de savoir si le rejet
s'imposait, en principe, lorsque l'activité du requérant s'apparentait au
travail à domicile d'un ouvrier et que ce mode de faire n'est pas permis
(par exemple, le sciage de pierres fines; art. 13 et 14 de l'ordonnance du
Conseil fédéral du 21 décembre 1951). Quant à Hofer, elle l'a simplement
rendu attentif à la possibilité de prendre du travail à domicile (dans
l'ébavage et le polissage de fournitures); comme il ne remplissait pas les
conditions de l'autorisation, l'activité projetée pouvait, si le requérant
n'entendait pas nécessairement devenir chef d'entreprise, s'exercer comme
travail d'ouvrier à domicile. Dans cette mesure seulement, la Chambre
fit intervenir cette dernière notion (aussi la distinction proposée
par Junod paraît-elle mal fondée dans son principe). Si, en revanche,
le requérant veut précisément quitter la position dépendante et devenir
patron, le problème reste entier et les arrêts cités n'en préjugent
pas la solution dans le sens désiré par le recourant; ils conduisent au
contraire implicitement à subordonner la nouvelle situation à l'obtention
du permis. Peut-être en sera-t-il autrement dans la législation future
(cf. art. 8, al. 4 du projet de revision élaboré par le Département);
mais peu importe.

    Il suit de ces considérations que la réalisation du projet du
recourant est subordonnée au permis. La Chambre de céans, en admettant
l'obligation, peut néanmoins laisser encore indécise (comme dans l'arrêt
Vanetti, où existaient d'autres motifs de rejet) la question de savoir si
l'autorisation, en principe nécessaire, devrait être exceptionnellement
refusée lorsqu'un travail déterminé ne peut être effectué par un ouvrier
à domicile et que le requérant entend l'entreprendre chez lui et seul. La
gravure de clichés pour le décalquage des heures et des noms sur les
cadrans de montres peut être confiée, en effet, au travailleur à domicile
(art. 14 al. 1 ch. 2 litt. k de l'ordonnance d'exécution). Il ne saurait
donc y avoir d'empêchement, de ce point de vue, à l'octroi du permis,
s'il est par ailleurs justifié.

Erwägung 3

    3.- Selon l'art. 4 al. 1 litt. a AIH, une autorisation est accordée,
si elle ne lèse pas d'importants intérêts de l'industrie horlogère dans son
ensemble ou d'une de ses branches dans son ensemble, lorsque le requérant
qui désire ouvrir une entreprise horlogère prouve qu'il a déjà exercé dans
la branche dont ìl s'agit une activité technique et commerciale suffisante
et justifie des connaissances nécessaires pour exploiter l'entreprise qu'il
se propose d'ouvrir. L'autorisation couronne l'activité de l'ouvrier
qualifié et appliqué lorsqu'il a montré des dispositions certaines de
chef d'entreprise en occupant avec succès un poste dirigeant, et qu'il a
ainsi acquis une certaine expérience du rendement et l'aptitude à diriger
du personnel (RO 79 I 109). Pour chaque espèce d'entreprise envisagée,
il y aura lieu d'estimer quelles sont les connaissances nécessaires et
de juger si le requérant les possède.

    Il n'est pas contesté que le recourant ait exercé avec succès,
dans sa branche, une activité technique suffisante et qu'il soit bon
ouvrier. Il a dix ans de métier, outre l'apprentissage et le travail à
domicile effectué récemment.

    Sous l'angle des responsabilités et des qualités d'organisateur propres
au chef d'entreprise, le recourant - qui se propose de travailler seul -
doit savoir dominer et répartir ses tâches techniques. Cela n'est guère
difficile si, comme en l'espèce, l'habileté manuelle compte plus que
les machines ou les installations. Il n'est pas nécessaire, en revanche,
qu'il possède des capacités de meneur d'hommes: il n'aura personne à ses
ordres. Il serait dès lors inutile d'exiger de lui qu'il ait eu l'occasion
de diriger la production d'un service et de veiller aux rapports mutuels
des personnes qui le composent, et qu'il ait donné satisfaction à un tel
poste. Une telle exigence serait même choquante, car il ne pourrait, de
par la nature des choses, faire cette preuve. Les fabricants de cadrans,
en effet, s'ils ne confient pas les travaux de gravures à des ouvriers
à domicile, emploient un ou deux graveurs; il ne saurait donc y avoir de
poste dirigeant dans cette branche.

    Il est constant, en revanche, que le recourant ne possède aucune
formation commerciale, ni celle d'un employé exécutant son travail sous
la surveillance d'un supérieur, ni a fortiori les connaissances requises
des personnes qui organisent l'activité commerciale. Certes, celles
dont il aura besoin sont peu nombreuses. Il travaillera pour un nombre
restreint de clients. Tant ses relations personnelles avec l'extérieur que
l'organisation commerciale et comptable se réduiront donc à un minimum. Le
recourant, notamment, n'aura guère à prospecter la clientèle et son champ
d'activité se limitera au marché suisse. Aussi l'autorité administrative
ne doit-elle pas être trop exigeante (cf. RO 84 I 174, pour la branche du
terminage). Elle le sera d'autant moins que le recourant, on l'a vu, ne
pouvait trouver d'emploi qui lui permît d'étendre ses connaissances dans
ce domaine. Dans ces circonstances on ne saurait sans plus ample informé
admettre que le recourant, malgré les cours suivis durant l'apprentissage,
manque des aptitudes nécessaires. On peut néanmoins laisser la question
ouverte, car l'autorisation doit être accordée en vertu de l'art. 4
al. 2 AIH.

Erwägung 4

    4.- Le Département, en effet, peut accorder une autorisation, à la
condition qu'elle ne lèse pas des intérêts prépondérants de l'industrie
horlogère considérée dans son ensemble, au requérant qui justifie de
connaissances techniques ou commerciales suffisantes ou d'une expérience
suffisante. Dans sa pratique, confirmée par le Tribunal fédéral, il use
de cette faculté dans des circonstances spéciales et si la viabilité de
l'entreprise projetée paraît assurée (RO 78 I 469, 474 No 69; 79 I 112).

    Cette dernière condition est réalisée en l'espèce. Le recourant,
en continuant une activité qu'il exerçait déjà comme ouvrier, recevra
des commandes suffisantes. En outre, personne ne prétend que l'industrie
horlogère, considérée dans son ensemble, serait lésée par l'octroi du
permis demandé.

    Reste à voir si des circonstances spéciales justifient qu'on s'écarte,
en faveur du recourant, des conditions strictes de l'art. 4 al. 1 AIH. Tel
est le cas. Le recourant, on l'a vu, ne put occuper un poste dirigeant ni
du point de vue technique ni dans le secteur commercial et administratif
des entreprises. C'est le cas, certes, de tous les graveurs. Mais le
recourant possède en outre, à côté des capacités techniques d'un bon
ouvrier de sa branche, une expérience de travail indépendant. Depuis qu'il
travaille à domicile, il a acquis, dans ses occupations, une autonomie
incontestable et s'est tiré d'affaire à satisfaction de ses employeurs
sans être dirigé et surveillé. Il s'est ainsi préparé à une tâche qui
ne requerra guère plus de lui que ce qu'il a fait jusqu'à présent. Il
est d'autant plus indiqué de le promouvoir au rang de patron que les
fabricants intéressés par son travail expriment le désir d'établir des
relations d'égal à égal plutôt que d'employé à employeur. Ce faisant,
ils se conforment à une habitude non contestée de la branche.

    La Chambre de céans peut dès lors accorder l'autorisation pour autant
que le recourant, comme il en exprime le désir, travaillera seul. Certes,
on ne saurait lui refuser de développer ses affaires. S'il entend employer
des ouvriers il devra remplir les conditions de l'art. 4 al. 1 litt. d
AIH. Mais l'administration pourra se demander alors si des qualités qui
n'étaient pas nécessaires pour travailler seul le deviennent lorsqu'on
projette de mettre en oeuvre de plus amples moyens de production. Ainsi les
capacités d'organisateur, l'habileté à mettre en oeuvre des installations
techniques et du personnel et la compétence administrative et commerciale
prendront une importance nouvelle. L'autorité compétente sera peut-être
amenée à mettre en doute, par voie de conséquence indirecte, la
possibilité, pour le recourant, de procurer à son personnel une occupation
de longue durée. La Chambre de céans ne préjuge donc pas, en accordant le
permis, les conséquences que l'autorité pourra tirer de la formation de
recourant au moment où il présentera une nouvelle requête d'autorisation.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours en ce sens que le recourant est autorisé à ouvrir un
atelier de gravure de clichés pour le décalquage des heures et des noms
sur les cadrans de montres; il ne pourra toutefois employer des ouvriers.