Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 86 II 437



86 II 437

64. Arrêt de la IIe Cour civile du 8 décembre 1960 dans la cause
G. contre G. Regeste

    1.  Prüfung der Rechtnatur der Klage durch den Richter (Erw. 1).

    2.  Mängel einer durch Eintragung in einer Zivilstandsurkunde
festgestellten Ehelicherklärung kraft nachfolgender Heirat der
Eltern. Wirkungen solcher Mängel. Auf welchem Wege können sie beseitigt
oder unschädlich gemacht werden? (Erw. 2).

    3.  Natur der Klage auf Berichtigung von Zivilstandseintragungen
(Art. 45 Abs. 1 ZGB; Erw. 3 und 4).

    4.  Abgrenzung der staatlichen Gerichtsbarkeiten für Klagen betreffend
den Familienstand und die Berichtigung von Zivilstandseintragungen
(Art. 8 NAG; Erw. 5).

Sachverhalt

    A.- Le 19 décembre 1958, Dlle M. N., à Cressier (Neuchâtel), mit au
monde un enfant illégitime, AnnaHélène. Entendue par l'Autorité tutélaire
le 5 janvier 1959, elle désigna le ressortissant suisse W. comme père
de son enfant; c'était le seul homme avec qui elle aurait entretenu
des relations sexuelles depuis le 16 juin 1957. Le 3 mars 1959, Me B.,
curateur, introduisit contre W. une action en recherche de paternité
tendant à des prestations pécuniaires.

    Le 7 mars 1959, Dlle N. épousa le ressortissant italien P. G. A en
croire l'avis que l'officier de l'état civil fit parvenir à l'Autorité
tutélaire et l'inscription qu'il opéra, les époux déclarèrent à cette
occasion qu'Anna-Hélène était leur enfant (art. 259 al. 1 CC).

    B.- Dans une plainte formée le 23 mars 1959, le président de l'Autorité
tutélaire communiqua ces faits au procureur général (art. 253 CP). Au
cours de l'enquête, l'officier de l'état civil affirma avoir attiré
l'attention des époux conformément à la prescription de l'art. 98 al. 4
OSEC et demandé au mari s'il reconnaissait être le père de l'enfant;
il n'ignorait pas cependant que l'opinion avançait le nom d'une tierce
personne; d'après le curateur, il aurait même jugé inutile de s'informer.
Interrogés à leur tour, les époux déclarèrent avoir seulement voulu donner
à l'enfant le nom du mari, qui se considère moralement comme responsable
du sort de la fillette; à cette fin, ils avaient affirmé que le mari était
le vrai père, encore que la mère ne l'eût connu que le 1er août 1958, alors
qu'elle était déjà enceinte de cinq mois. G. précisa qu'il avait demandé à
l'officier de l'état civil si l'enfant pouvait porter son nom. Il contesta
(comme aussi sa femme) que l'officier l'eût rendu attentif conformément à
l'art. 98 al. 4 OSEC. Quant à l'agent de la sûreté chargé de faire rapport,
il eut le sentiment que les prévenus n'avaient pas compris le sens exact
des questions qui leur leur auraient été posées.

    Le 4 août 1959, le Tribunal de police de Neuchâtel libéra les
accusés. A son avis, ceux-ci entendaient donner leur nom de famille à
l'enfant et ont admis la forme que leur proposait l'officier de l'état
civil.

    C.- Le 24 mars 1959 déjà, le curateur de l'enfant, avocat, avait
proposé à l'Autorité tutélaire - en se fondant sur les déclarations de la
mère - d'introduire une action en rectification d'inscription au registre
des légitimations; il citait l'art. 45 CC; il y fut autorisé expressément
le 15 juin. Le 26, il déposa une demande dirigée contre les époux G.,
priant le juge de:

    "1.   Déclarer la demande recevable et bien fondée.

    2.  Dire qu'Anna-Hélène G. n'est pas la fille de P. G.

    3.  Annuler la légitimation intervenue le 7 mai 1959.

    4.  Requérir la rectification des livres des Offices de l'Etat civil
en ce sens que la légitimation doit être radiée".

    Les défendeurs acquiescèrent et conclurent, reconventionnellement,
dans le même sens que la demanderesse.

    Les parties soutiennent que la légitimation - dont les
défendeurs n'eurent connaissance que par l'agent de la sûreté - est le
résultat d'un malentendu. Les époux G. voulaient donner leur nom à la
demanderesse. Insuffisamment orientés par l'officier célébrant le mariage,
peu familiers du droit et - pour le mari - de la langue française, ils
ne comprirent pas la portée de la procédure qu'on leur fit suivre. Ils
entendaient qu'Anna-Hélène restât Suissesse.

    Les parties se fondent notamment sur les art. 45 et 262 CC.

    Statuant séparément du fond, le Tribunal cantonal du canton de
Neuchâtel a prononcé, le 1er juin 1960, que les tribunaux suisses n'étaient
pas compétents.

    D.- La demanderesse recourt en réforme auprès du Tribunal fédéral
contre ce jugement. Elle soutient que la Cour cantonale est compétente. Les
intimés n'ont pas répondu.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- En l'espèce, la question à résoudre par le juge (et non par
les parties) est de savoir si la recourante vise la rectification d'une
inscription dans le registre des légitimations ou si le litige a trait
à son état civil. De la réponse dépend l'application de l'art. 8 LRDC -
combiné avec l'art. 32 -, à teneur duquel l'état civil d'une personne
est soumis à la législation et à la juridiction du lieu d'ori.

    gine.

    Pour déterminer la nature juridique de l'action intentée (RO 41 II
3 consid. 1 al. 1), les conclusions ne sont pas seules décisives. Ce
qui importe, c'est "la tendance, le but et le contenu de la demande"
(RO 36 I 394. consid. 3), soit son fondement, recherché dans les faits
allégués ("Formulierung und Begründung", dit l'arrêt publié dans RO 32 I
653). Dans son examen, le juge doit se représenter de manière exacte la
nature des différentes voies susceptibles d'être suivies par les parties.

Erwägung 2

    2.- L'enfant né hors mariage est légitimé de plein droit par le
mariage de ses père et mère (art. 54 al. 5 Cst. et 258 CC). Il suit de
là que l'effet juridique visé par la loi - la légitimité de l'enfant - se
réalise ipso jure dès la conclusion du mariage, que les époux respectent
ou non l'obligation imposée par l'art. 259 al. 1 CC: leur déclaration
à l'officier de l'état civil et l'inscription consécutive ne sont pas
constitutives du droit (art. 259 al. 2 et 9 CC; RO 40 II 298, consid. 2;
74 I 73/74) et l'expression allemande "Ehelicherklärung", traduisant le
terme de "légitimation", est partiellement impropre. Cette circonspection
du législateur se justifie d'ailleurs. Le pouvoir d'examen de l'officier
de l'état civil est, en effet, très restreint (RO 70 I 113; en ce qui
concerne la paternité: EGGER, no 20 ad art. 39 et no 3 ad art. 258 CC;
HEGNAUER, no 20 ad art. 258/259 CC; SILBERNAGEL, no 3 ad art. 259 CC).

    En cas d'impossibilité ou de refus de déclarer l'enfant né hors
mariage, l'art. 98 al. 5 et 6 OSEC prévoit comment l'inscription a lieu;
lorsque celle-ci fait néanmoins défaut, l'action constatatoire est le
seul moyen de preuve.

    La légitimation constatée par une inscription dans un document de
l'état civil peut être viciée de diverses façons (cf. l'arrêt Degele
RO 41 II 3/4, commenté par KAUFMANN, Die gerichtliche Berichtigung des
Zivilstandsregisters nach Art. 45 ZGB, RSJ 1915 p. 325 sv., spécialement
I et II; v. aussi l'arrêt publié partiellement dans RO 86 IV 180 sv.).

    L'inscription elle-même, en tant qu'acte d'un agent public, peut être
défectueuse, c'est-à-dire formellement inexacte dès l'origine, en raison
d'une insuffisance de la procédure qui y a abouti. C'est le cas lorsque
l'officier commet une inadvertance ou une erreur, lorsque, par exemple,
il comprend mal le titre de l'inscription (constitué par la déclaration
elle-même ou certains documents: art. 98 et 99 OSEC; cf. RO 32 I 651
B et 75 II 14). Il arrive en outre que l'officier soit mal renseigné -
par les époux - ou se fonde sur un document falsifié. Chacune de ces deux
situations peut résulter d'une erreur (fautive ou non).

    Dans une seconde série d'hypothèses, la constatation opérée par
l'officier l'a été régulièrement; c'est la légitimation elle-même
(c'est-à-dire le titre sur lequel repose le droit et non l'inscription)
qui est vicieuse. Exacte à l'origine, l'inscription ne l'est plus parce
qu'un fait nouveau surgit, qui modifie l'état d'une personne, ou bien
l'inscription était erronée, matériellement, dès le principe (exemple:
l'enfant était légitime, le mariage nul, le père autre que le mari
déclarant: RO 40 II 295 sv.).

    Ces divers vices de la légitimation constatée dans les registres
de l'état civil entraînent des effets propres, différents les uns des
autres. Il n'est pas exclu que ceux-ci dépassent le cadre ordinaire des
nullités absolue et relative, l'invalidité des actes juridiques présentant
en matière d'état des personnes des aspects spéciaux (cf. HEGNAUER,
no 26 ad art. 258/259 CC; EGGER, no 5 in fine ad art. 258 CC). Si et
dans la mesure où ces effets contredisent l'inscription, les registres où
celle-ci figure créent une apparence juridique erronée (un "Rechtsschein";
cf. EGGER, no 5 ad art. 258).

    A chaque vice correspond, suivant sa nature et ses effets, un moyen
approprié de le réparer ou de s'en défendre (et de faire disparaître,
le cas échéant, l'apparence trompeuse de l'inscription). Ce sont la
rectification judiciaire ou administrative (art. 45 CC), la modification
de l'inscription (art. 47 CC) ou l'action d'état (Statusklage), qui peut
être constatatoire ou formatrice. Ces moyens soulèvent des problèmes
délicats. Il est malaisé, notamment, de fixer dans chaque cas la qualité
pour agir et la voie à suivre (l'action ou l'exception) et de reconnaître
la compétence du juge pour statuer à titre principal ou préjudiciel.

Erwägung 3

    3.- En matière de légitimation, l'existence et la nature juridique
de l'action en rectification ont donné lieu à controverse et provoqué
des confusions. Ainsi, semble-t-il, la décision publiée dans le Rapport
présenté à l'Assemblée fédérale par le Conseil fédéral sur sa gestion
en 1913 (FF 1914 I p. 390 lettre g) méconnaît la possibilité de la
rectification (cf. aussi GAUTSCHI, Die Rechtswirkungen der Eintragung in
die Zivilstandsregister, p. 99). La doctrine admet cette action (EGGER,
no 7 ad art. 262 CC; JACQUES, La rectification des actes de l'état
civil, p. 178/179 notamment; cf. aussi BlZR 1905 p. 351 cité par KNAPP,
La compétence internationale des tribunaux suisses dans les questions
d'état civil des étrangers domiciliés en Suisse, Recueil de travaux de
l'Université de Neuchâtel, 1946, p. 126), encore que KAUFMANN (RSJ 1915
p. 327/328), après l'avoir nettement différenciée de l'action d'état,
paraisse abandonner la distinction dans le cas de la légitimation.

    L'action en rectification tend à réparer le premier vice énoncé dans
le précédent considérant. Elle vise à corriger l'inscription défectueuse
et formellement inexacte dès le principe. Elle ne suffit que lorsque
l'état, au fond, n'est pas en jeu (en raison de sa modification ou d'une
inexactitude matérielle). Elle ne saurait remplacer l'action d'état ni
le juge se borner à statuer sur l'état civil à titre préjudiciel, dans
un motif de son jugement qui ne serait pas susceptible de l'autorité de
la chose jugée (cf. L'état civil suisse, 1915, p. 206 seconde colonne; la
solution de l'arrêt Mattmann, RO 32 I 653/654, est douteuse sur ce point;
RO 36 I 394 consid. 3 al. 3). Si l'action d'état doit être intentée ou la
modification requise (art. 47 CC), la rectification ne fait, dans ce cas,
qu'exécuter la décision ou réaliser la nouvelle situation, sur présentation
du jugement ou d'un document (RSJ 1915 p. 326, II).

Erwägung 4

    4.- En l'espèce, il ne fait aucun doute que les parties ont intenté
l'action en rectification. Point n'est besoin de renvoyer la cause à la
Cour cantonale pour qu'elle éclaircisse cette question.

    Dès avant la procédure de légitimation, celle-ci ne paraît possible
que par une erreur ou un dol. Dame G. connut en effet son mari alors
qu'elle était enceinte de cinq mois, ce qu'elle lui avoua; et le 3 mars
1959 déjà, le curateur de la recourante introduisit une action en recherche
de paternité contre W. W., en se fondant sur les renseignements donnés par
l'intimée à l'Autorité tutélaire. La légitimation ultérieure, opérée contre
la réalité, s'expliquerait par un malentendu dont l'exposé constitue le
fondement de la demande. D'après les faits allégués (qui bénéficient déjà
de preuves sérieuses), les intimés entendaient conserver à la recourante
la nationalité suisse tout en lui procurant un père nourricier et un
nom qu'elle pût porter sans ennuis. Après s'être enquis à plusieurs
reprises, semble-t-il, des moyens juridiques permettant d'atteindre ce
but, ils se rangèrent à l'avis de l'officier de l'état civil, qui leur
proposait de légitimer l'enfant. Ils ne se rendirent pas compte de la
portée de l'institution, tant en raison de leur ignorance du droit que
des difficultés d'expression du mari, ressortissant italien. Il est du
reste douteux que l'officier ait attiré leur attention conformément à
l'art. 98 al. 4 OSEC.

    Dans ces circonstances, de deux choses l'une: ou bien l'officier
a mal compris les déclarations des époux, ou bien ceux-ci se sont mal
exprimés et l'ont induit (involontairement) en erreur. De toutes façons,
le noeud de la difficulté s'est produit au cours de la procédure -
purement formelle - de l'inscription. Redresser cette procédure, c'est
précisément l'objet de la rectification prévue par l'art. 45 CC. Si,
d'ailleurs, l'erreur avait été remarquée sitôt après l'inscription, le
caractère de la demande introduite eût apparu d'emblée clairement. Quant
à la voie à suivre, c'est évidemment celle de l'action judiciaire (art. 45
al. 1 CC); la décision administrative n'entre en effet en ligne de compte
que lorsque l'inexactitude de l'inscription résulte d'une inadvertance
ou d'une erreur manifestes (al. 2; v. RO 76 I 230; RSJ 1915 p. 326, III);
or l'enquête pénale et l'exposé des faits de la cause démontrent que tel
n'est pas le cas en l'espèce. Enfin, la qualité pour agir des parties ne
saurait faire de doute (cf. art. 50 al. 3 OSEC et RSJ 1915 p. 327, V).

Erwägung 5

    5.- Si la Cour cantonale s'était réellement trouvée en présence
d'une action d'état (constatatoire ou formatrice), il n'est guère
contestable que le litige n'eût pas ressorti à sa compétence (ni au droit
suisse). L'art. 8 LRDC eût été applicable (en vertu de l'art. 32), qui
prévoit la juridiction du lieu d'origine du père (italien). Peu importe
que la loi sur la nationalité suisse confère ou non le droit de cité
suisse à la recourante en raison de la légitimation erronée (art. 8
LF du 29 septembre 1952), car c'est celui du père selon les registres
de l'état civil qui est déterminant (cf. RO 49 II 318/319). Quant à
l'énumération de l'art. 8, elle n'est pas exhaustive; cette disposition
vise la légitimation, car elle embrasse tous les éléments de l'état d'une
personne (cf. article de KNAPP cité ci-dessus, p. 125 sv.; RO 36 I 395)
et n'est pas mise en veilleuse par la règle spéciale de portée interne
de l'art. 262 al. 2 CC (cf. RO 75 II 180; HEGNAUER, no 21 ad art. 262 CC;
SCHNITZER, IPR, 4e éd., I p. 456 en haut; STAUFFER, IPR, no 13 ad art. 8
LRDC; VON ARX, Die Stellung des ausserehelichen Kindes im IPR der Schweiz,
p. 44; GAUTSCHI, op.cit., p. 99).

    L'art. 8 LRDC, en revanche, n'est certainement pas applicable à
l'action en rectification, qui relève de la juridiction du lieu où se
trouve le registre ou document de l'état civil renfermant l'erreur,
éventuellement la première erreur à rectifier (RO 32 I 653, au milieu de
la page; JACQUES, op.cit., p. 292; SCHNITZER, IPR, 4e éd., I p. 303 en
bas; GAUTSCHI, loc.cit.; EGGER, no 13 ad art. 45 CC). C'était la règle de
l'ordonnance sur l'état civil de 1910 (art. 38), critiquée il est vrai
par SCHEURER (L'état civil suisse, 1915, p. 206) et abandonnée dans les
ordonnances des 18 mai 1928 et 1er juin 1953 (art. 50). Elle se justifie
par de bonnes raisons; il s'agit d'un ordre à donner à l'officier public
chargé de la tenue d'un document officiel suisse et c'est en Suisse que
les preuves nécessaires peuvent être le plus aisément rapportées. Point
n'est besoin de faire appel à la réserve de l'ordre public; on n'est pas en
présence d'une règle sur la juridiction internationale dont l'application
devrait être évitée, mais au contraire d'une norme qui respecte notre
sens du droit et vise directement l'action en rectification.

    Il suffit cependant, en l'espèce, de constater que les autorités
neuchâteloises sont en tout cas compétentes, C. étant à la fois le lieu
où fut opérée la première inscription prétendument erronée et le domicile
des défendeurs. Ce sont là, en dehors du cadre de l'art. 8 LRDC, les seuls
éléments possibles de rattachement pour fixer le for. En ce qui concerne
la compétence matérielle, la Cour cantonale, à laquelle la cause doit
être renvoyée, décidera de quelle autorité judiciaire relève l'action
en rectification.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Admet le recours, annule le jugement attaqué et renvoie la cause
au Tribunal cantonal neuchâtelois pour qu'il procède dans le sens des
considérants.