Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 86 II 201



86 II 201

34. Arrêt de la Ire Cour civile du 27 septembre 1960 dans la
cause Bergerioux contre Association genevoise des fabricants de
bijouterie-joaillerie et de boîtes de montres. Regeste

    Art. 28 ZGB, 20 OR; Persönlichkeitsrecht. Es bedeutet einen
widerrechtlichen Eingriff in das Persönlichkeitsrecht, wenn durch den
Entscheid einer Privatperson oder durch die von einer Körperschaft des
Privatrechts getroffene Ordnung jemandem die Ausübung einer durch die
Verwaltungsbehörde ausdrücklich erlaubten Tätigkeit praktisch verunmöglicht
wird.

Sachverhalt

    A.- L'Association genevoise des fabricants de bijouterie-joaillerie
et de boîtes de montres (en abrégé: Association genevoise), la Société
suisse des fabricants de boîtes de montres en or, à La Chaux-de-Fonds (en
abrégé: Société suisse) et le Syndicat des patrons décorateurs de boîtes
de montres et bijoutiers, à La Chaux-de-Fonds également, constituent
ensemble la Fédération suisse des associations de fabricants de boîtes
de montres en or (ci-après FB). Le 19 mars 1936, la FB a communiqué à
ses membres la décision suivante, prise par son comité central:

    "... Les membres de la Société suisse et les maisons ... (suit
l'énumération de sept entreprises membres de l'Association genevoise)
ont seuls le droit de fabriquer les boîtes rondes or et platine. Les
autres membres de l'Association genevoise et du Syndicat des Bijoutiers
de La Chaux-de-Fonds n'ont pas la faculté de fabriquer ces boites..."

    Le 14 mai 1956, l'Association genevoise a tenu une assemblée générale,
au cours de laquelle elle a approuvé un projet de nouveau règlement,
que la FB a adopté le 26 mai 1956. D'après ce règlement, les membres de
la Société suisse et les membres des sections de bijoutiers au bénéfice
d'une situation acquise reconnue à la date du 19 mars 1936 ont seuls le
droit de fabriquer des boîtes or rondes (art. 2). Cependant, le comité
central de la FB peut autoriser un membre d'une section de bijoutier à
fabriquer des boîtes rondes, moyennant accord de la Société suisse et
paiement à celle-ci d'une indemnité "en compensation des charges qu'elle
a assumées pour la défense du métier" (art. 6).

    B.- Pierre Bergerioux entra en 1931 comme ouvrier bijoutier-joaillier
dans l'entreprise Klauber, à Genève. Sieur Klauber étant décédé, Bergerioux
reprit l'affaire et adhéra à l'Association genevoise. Le 24 octobre 1941,
il passa avec elle une convention qui prévoit notamment ce qui suit:

    "... 2o Monsieur Bergerioux s'engage à ne pas modifier l'activité de
l'atelier de feu Klauber. Cette activité consistait principalement dans
la fabrication de bijouterie et joaillerie ainsi que dans l'exécution
de boîtes de montres riches et soignées. La fabrication de la boîte de
montre n'était pas la principale activité et se limitait à de petites
séries seulement.

    Aucune modification de l'atelier permettant de fabriquer la boîte en
grandes séries ne pourra se faire sans entente préalable avec l'Association
genevoise...

    Il est précisé qu'au moment du décès de M. Klauber le personnel
était de cinq personnes, ouvriers et apprentis, dont un seul déclaré
comme ouvrier boitier..."

    Au vu de cette convention, la FB renonça à exercer un droit de
préemption qui lui appartenait sur l'entreprise de feu Klauber.

    Il semble que Bergerioux ne tarda pas à chercher à étendre sa
fabrication de boîtes de montres. En tout cas, le 29 septembre 1944,
il obtint du Département fédéral de l'économie publique son inscription
au registre des entreprises horlogères, l'autorisant à fabriquer des
boîtes de montres en or et en platine, avec un effectif maximum de 17
ouvriers. Toutefois, étant donné la convention qu'il avait signée et
comme il ne figurait pas parmi les maisons auxquelles la décision de
la FB du 19 mars 1936 avait reconnu le droit de fabriquer des "boîtes
rondes or et platine", il dut limiter son activité à la boîte or "riche
et soignée". Il en va de même actuellement sous l'empire de l'art. 2 du
règlement de la FB du 26 mai 1956, auquel il tenta en vain de s'opposer.

    C.- Désireux de se faire reconnaître le droit de fabriquer des boîtes
de montres en or et en platine, Bergerioux assigna, le 29 juin 1956,
l'Association genevoise devant le Tribunal de première instance de Genève
en concluant notamment à ce que l'art. 2 de la convention de 1941 et la
décision de l'Association genevoise du 14 mai 1956 approuvant le projet
de nouveau règlement soient annulés, la possibilité étant reconnue
au demandeur, comme membre de l'Association, de fabriquer n'importe
quel genre de boîtes de montres en or ou en platine, en particulier la
boîte ronde. Le 2 juillet 1959, le Tribunal de première instance débouta
Bergerioux. Celui-ci recourut à la Cour de justice qui, le 12 avril 1960,
confirma le jugement attaqué, en constatant notamment que Bergerioux
n'avait jamais demandé au comité central de la FB l'autorisation prévue
par l'art. 6 du règlement de 1956.

    D.- Contre l'arrêt de la Cour de justice, Bergerioux a interjeté
un recours en réforme dans lequel il reprend les conclusions de sa
demande. L'intimée a proposé le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recourant soutient que l'art. 2 de la convention du 24 octobre
1941 restreint sa liberté économique d'une manière excessive et que,
partant, il doit être annulé conformément à l'art. 20 CO. Certes, cette
convention a des conséquences très lourdes pour le recourant. Elle dispose
cependant que l'intimée peut autoriser ce dernier à fabriquer la boîte
en grandes séries. L'autorisation ainsi prévue ne pourra pas dépendre de
n'importe quelle condition. Elle devra être accordée ou refusée selon que
le recourant satisfera ou non aux exigences posées par le règlement de la
FB. La convention, qui date d'une époque où la corporation recourait au
contrat particulier plutôt qu'à la réglementation générale pour atteindre
ses buts, ne saurait être interprétée autrement. Elle apparaît ainsi
comme le moyen pour l'intimée d'obtenir du recourant le respect de la
réglementation corporative exprimée dans les règlements de la FB. Sa
validité se confond dès lors avec celle de la réglementation qu'attaque
le recourant. Il n'y a donc pas lieu de l'examiner pour elle-même.

Erwägung 2

    2.- Tenant compte des intérêts supérieurs de l'horlogerie dans son
ensemble, la Confédération limite l'ouverture, l'agrandissement ou la
transformation d'entreprises dans ce secteur de l'économie et n'accorde
des autorisations que dans la mesure compatible avec le maintien d'une
industrie saine. Les associations horlogères n'ont dès lors plus la
faculté d'adopter une réglementation privée qui serait fondée sur les
mêmes considérations que la législation fédérale et qui aggraverait les
conditions d'ouverture, d'extension ou de transformation d'une entreprise
horlogère. Comme l'a exposé le Conseil fédéral dans son message du 6
octobre 1950 à l'appui de l'arrêté fédéral du 22 juin 1951 sur les mesures
propres à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère suisse (AIH),
"celui qui a obtenu une autorisation doit pouvoir s'en servir... Il serait
inadmissible qu'un groupement professionnel ou une tierce personne la
rendît illusoire, par exemple en refusant l'admission du titulaire dans
l'organisation intéressée" (FF 1950 III p. 99). Ce principe a trouvé son
expression à l'art. 4 al. 6 AIH, aux termes duquel "le Conseil fédéral
prendra les mesures nécessaires pour qu'un permis ... ne puisse être
rendu inopérant par un ou plusieurs groupements professionnels".

    Ces considérations s'appliquent au cas particulier de
bijoutiers-joailliers qui demandent l'autorisation d'étendre leur activité
à la fabrication de boîtes de montres en or et en platine. Selon une
pratique, confirmée dans son principe par le Tribunal fédéral (RO 79 I
378, 84 I 252), l'autorité administrative tient compte de la concurrence
que les bijoutiers-joailliers pourraient faire aux entreprises horlogères
spécialisées dans la fabrication des boîtes de montres. La réglementation
de la FB ne saurait donc tendre, elle aussi, à sauvegarder les intérêts
que les entreprises horlogères possèdent à cet égard ni, sous prétexte de
protéger ces intérêts, rendre illusoire un permis accordé par l'autorité
administrative.

    En l'état de la cause, on ne saurait affirmer que le règlement adopté
par la FB le 26 mai 1956 ait de telles conséquences, car il prévoit que
le comité central de la FB peut accorder l'autorisation de fabriquer
des boîtes rondes (art. 6). Or, en sa qualité de membre de l'intimée,
le recourant est en principe lié par les décisions de l'Association
genevoise et de la FB, sauf s'il établit qu'elles violent des dispositions
légales. Il lui incombe donc - ce qu'il n'a pas encore fait - d'user de
la faculté que lui confère l'art 6 précité. La réglementation de la FB
ne pourra apparaître comme illicite que suivant le contenu de la décision
qui sera prise sur la demande du recourant et notamment si l'autorisation
sollicitée est refusée ou si elle est assortie de conditions prohibitives
ou non objectivement justifiées, si par exemple l'indemnité réclamée
au recourant ne représente pas la contre-partie équitable d'avantages
qui lui seraient assurés. Le recourant pourrait alors s'adresser à
l'administration, conformément à l'art. 4 al. 6 AIH. Il aurait également la
faculté de saisir les tribunaux ordinaires sans qu'on puisse lui opposer
cette dernière disposition, car une décision d'une personne privée ou
une réglementation corporative de droit privé, qui rendent illusoire
l'exercice d'une activité expressément autorisée par l'administration,
constituent une atteinte illicite aux droits de la personnalité, atteinte
que le juge a la compétence de faire cesser en vertu soit des art. 28 CC
et 41 al. 2 CO, soit de l'art. 20 CO. Comme l'action ne tendrait alors
pas à l'annulation d'une décision irrégulière de l'Association mais à la
cessation d'une atteinte illicite aux droits personnels, elle ne serait
pas subordonnée à l'observation du délai prévu par l'art. 75 CC.

    Actuellement toutefois, comme le recourant n'a pas sollicité
l'autorisation prévue par l'art. 6 du règlement de 1956, on ignore comment
cette disposition sera appliquée et si l'usage qui en sera fait empêchera
le recourant d'exercer l'activité pour laquelle il a reçu autorisation,
ou la soumettra à des conditions prohibitives. L'action ne peut donc être
que rejetée. Il s'ensuit que l'arrêt attaqué doit être confirmé sans
qu'il soit nécessaire d'examiner encore les autres questions soulevées
par le recourant.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.