Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 86 II 155



86 II 155

26. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 27 juin 1960 dans la
cause La Sablière du Cannelet SA contre Claude. Regeste

    Art. 336 OR. Umfang der Verpflichtung zur Leistung von Mehrarbeit
und des Anspruchs auf einen Lohnzuschuss. Stillschweigender Verzicht
auf diesen.

Sachverhalt

    A.- Le 1er octobre 1956, Georges Claude fut engagé en qualité de
mécanicien par l'entreprise de la gravière du Cannelet, transformée plus
tard en société de la Sablière du Cannelet SA (en abrégé: la société). Il
fut également nommé fondé de pouvoir de l'affaire. Son salaire mensuel
fut fixé à 800 fr. Dès son engagement et jusqu'à la fin du mois de
décembre 1958, il accomplit de très nombreuses heures supplémentaires
sans recevoir le salaire correspondant. En 1959, les rapports entre
sieur Claude et la société s'altérèrent et, le 28 septembre 1959, cette
dernière le congédia sans délai, estimant qu'elle avait de justes motifs
de se départir du contrat.

    B.- Le 2 octobre 1959, sieur Claude assigna la société devant les
Tribunaux de prud'hommes de Genève en paiement de 30 077 fr. de salaire en
raison des heures supplémentaires. La société conclut au rejet de l'action.

    Le 17 décembre 1959, le Tribunal alloua au demandeur 7500 fr. Il estima
que le demandeur avait effectué environ 1500 heures supplémentaires et
qu'il devait être payé de ce chef sur la base de 5 fr. l'heure, car il
n'avait pas fourni ses services gratuitement et n'avait pas non plus
renoncé à une rémunération, qui n'était du reste pas comprise dans son
modeste salaire mensuel.

    Le 16 février 1960, le Chambre d'appel des prud'hommes, saisie par
la société, qui avait conclu derechef au rejet de l'action, confirma
ce jugement.

    C.- La société recourt en réforme au Tribunal fédéral.  Elle reprend
ses conclusions libératoires. L'intimé conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- Quant aux heures supplémentaires de travail, les juridictions
cantonales ont relevé que l'intimé en avait donné 1500 à son employeur. Il
s'agit là d'une constatation de fait qui lie la Cour de céans (art. 63
al. 2 OJ). Il n'en serait autrement que si cette constatation impliquait
une violation des règles de droit fédéral en matière de preuve.
Tel n'est cependant pas le cas. La recourante ne saurait en particulier
soutenir que les juridictions cantonales ont admis sans preuve l'existence
d'heures supplémentaires. En effet, de nombreux témoins ont été entendus
à ce sujet. Quant à savoir ce qu'il y avait lieu de retenir de leurs
dépositions, c'était un problème d'appréciation des preuves qui échappe
à la censure du Tribunal fédéral.

    La Cour de céans peut en revanche examiner si la recourante doit être
condamnée à payer des heures supplémentaires, alors que, selon ce qu'elle
prétend, elle ne les a pas demandées. La solution de cette question
est fournie par l'art. 336 CO. Cette disposition prévoit le supplément
de salaire lorsque l'employé est appelé à fournir plus d'ouvrage que
n'en prévoit le contrat ou l'usage. Elle ne suppose pas nécessairement
des instructions expresses de l'employeur. L'employé peut et même doit,
de sa propre initiative, accomplir les travaux supplémentaires qui sont
indispensables à la bonne marche de l'entreprise et qu'il est équitable de
lui demander. Il est vrai que ces travaux supplémentaires donnant droit à
un salaire spécial ne sauraient s'étendre sur une longue durée sans que
l'employeur donne alors son approbation. Pareil accord peut cependant
résulter d'actes concluants. Ainsi en va-t-il en l'espèce. En effet,
alors que la recourante savait que son employé effectuait des travaux
supplémentaires, elle ne s'y est pas opposée et, qui plus est, elle s'en
est félicitée et l'en a remercié. Elle est dès lors mal venue à contester
aujourd'hui son obligation de verser une rémunération particulière en
plaidant qu'elle n'a pas commandé ces tâches supplémentaires.

    Certes, le Tribunal fédéral a déjà jugé qu'"en général un employé
supérieur, tel un directeur, peut être appelé à fournir un labeur
supplémentaire sans avoir droit à une rétribution spéciale" (arrêt
non publié du 6 décembre 1955, dans la cause Wicky c. Banque de dépôts
SA). Encore faut-il que l'effort demandé n'excède pas largement, comme en
l'espèce où l'intimé a fourni une moyenne de 13 heures supplémentaires par
semaine pendant une longue période, ce qu'un employeur peut normalement
attendre d'un employé supérieur (arrêt précité). En outre, même fondé
de pouvoir, l'intimé était avant tout un contremaître mécanicien dont le
salaire ne dépassait en fait guère celui d'un ouvrier qualifié. Il ne peut
dès lors être assimilé à l'employé supérieur visé par la jurisprudence. Il
n'y aurait lieu par conséquent de déroger à l'art. 336 CO que si, en
vertu du contrat ou de l'usage, l'intimé avait été tenu de travailler
régulièrement au-delà de l'horaire normal. Comme la recourante n'a rien
établi à ce sujet, les juridictions cantonales ont eu raison de reconnaître
à l'intimé le droit d'être payé pour les heures supplémentaires qu'il
a effectuées.

    La quittance pour "solde de tout compte" que ce dernier a signée
pour les salaires perçus en 1958 et le fait qu'il n'a réclamé la
rémunération de ces heures supplémentaires qu'au cours de ses derniers
mois d'activité au service de la recourante n'y changent rien. En effet,
même si, en signant la quittance litigieuse et en s'abstenant pendant
plus de deux ans de demander le salaire correspondant à son surcroît
de travail, l'intimé avait ainsi manifesté la volonté de renoncer à ce
surplus de rémunération, sa renonciation ne pourrait être considérée
comme définitive. Ainsi que le Tribunal fédéral l'a déjà observé dans
son arrêt non publié du 17 mai 1958 en la cause Association de l'école
internationale de Genève contre Dalla Giacoma, il est fréquent qu'un
employé qui veut se créer une situation durable dans une entreprise se
charge de travaux supplémentaires sans exiger de rémunération. Il trouve
une certaine compensation dans le fait qu'il profite indirectement de
la prospérité de l'entreprise et augmente ses chances d'avancement. Sa
renonciation est dès lors subordonnée à la condition qu'il reste au service
de l'employeur. Lorsque, comme en l'espèce, il doit quitter prématurément
l'entreprise, cette condition n'est pas réalisée. A moins d'une convention
contraire expresse ou tacite, il recouvre alors le droit de réclamer les
prestations auxquelles l'art. 336 al. 2 CO lui permet de prétendre. Or,
loin de souscrire à pareille convention, la recourante, dans sa lettre du
30 décembre 1958, a laissé entrevoir à l'intimé qu'elle lui manifesterait
sa gratitude d'une manière plus tangible.

    La recourante soutient sans doute que cette promesse, subordonnée à la
condition que le travail fourni donnât satisfaction, ne saurait justifier
l'allocation d'une somme qui, fixée à 7500 fr., excède largement une
simple gratification. Cependant, ce moyen ne serait pertinent que si la
promesse en question constituait le fondement juridique de la créance de
l'intimé. Or tel n'est pas le cas. La somme allouée à l'intimé l'a été
en vertu de l'art. 336 CO. La lettre du 30 décembre 1958 sert uniquement
à montrer que les parties n'ont pas décidé de laisser sans rétribution
les heures supplémentaires et que l'intimé pouvait espérer améliorer sa
situation en restant au service de la recourante. Au surplus, même si les
juridictions cantonales ont été assez favorables à l'intimé en arrêtant
à 7500 fr. la rétribution des heures supplémentaires, rien ne permet de
penser qu'elles aient dépassé les bornes de leur pouvoir d'appréciation.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.