Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 85 I 128



85 I 128

21. Arrêt de la Ire Cour civile du 28 avril 1959 dans la cause Borgeaud
et consorts contre Département du commerce et de l'industrie du canton
de Genève. Regeste

    Firmabezeichnung.

    1.  Legitimation der Gründer einer Aktiengesellschaft zur Beschwerde
gegen einen Entscheid der kantonalen Behörde auf Verweigerung der
Eintragung der gewählten Firma (Erw. 1).

    2.  Unzulässige Reklame im Sinne von Art. 44 Abs. 1 HRV? (Erw. 2).

    3.  Nationale, territoriale und regionale Bezeichnungen.

    a)  Wann ist die Bewilligung des eidg. Amtes für das Handelsregister
erforderlich? (Erw. 3 a).

    b)  Überprüfungsbefugnis des eidg. Amtes für das Handelsregister und
des Bundesgerichtes (Erw. 3 b).

    c)  Massgebende Gesichtspunkte für die Entscheidung über die
Zulässigkeit einer solchen Bezeichnung (Erw. 3 c).

Sachverhalt

    A.- Le 12 mars 1958, Georges Borgeaud, Maurice Bourgeois, Tibor
Rosenbaum, Louis-Jules Perrin, Jean-Pierre Laplanche et Julien Lescaze
ont fondé la société anonyme Air-Genève SA Les statuts disposaient
notamment que le but de la société était l'exploitation d'une entreprise
de transports et travaux aériens, l'entretien d'avions, la vente,
la fabrication, l'échange de pièces de rechange et d'accessoires, la
formation de pilotes et de mécaniciens, l'importation, la location et
la vente d'avions, ainsi que toute activité se rapportant directement
ou indirectement au but social. Meyrin (canton de Genève) était désigné
comme siège de la société et le capital social était fixé à 50 000 fr.

    Le préposé au registre du commerce de Genève a refusé d'inscrire
la raison sociale "Air-Genève SA". A son avis, elle était de nature à
induire le public en erreur sur le caractère de l'exploitation, car, dans
les milieux de l'aviation, la combinaison du mot "Air" avec le nom d'un
Etat ou d'une contrée désigne généralement des entreprises officielles
ou semi-officielles.

    Là-dessus, les fondateurs ont décidé de modifier la raison et d'appeler
la société "Airgenève SA".

    Le préposé au registre du commerce a, le 11 avril 1958, refusé
l'inscription de cette raison pour les motifs déjà exposés dans sa
décision précédente.

    Les fondateurs de la société ont recouru au Département du commerce et
de l'industrie du canton de Genève, autorité de surveillance du registre
du commerce. Ils concluaient à ce qu'il annulât la décision du préposé
et ordonnât à celui-ci d'inscrire la raison sociale "Airgenève SA".

    Le Département genevois du commerce et de l'industrie a rejeté le
recours par décision du 23 juin 1958. Il a considéré, en bref, que le mot
"Airgenève" n'était pas un terme de fantaisie; que les tiers risquaient
de croire qu'il désignait une société à laquelle l'Etat ou la ville de
Genève participait comme actionnaire ou de quelque autre manière; que
la raison sociale litigieuse était donc de nature à induire le public en
erreur et que, partant, elle violait l'art. 38 al. 1 ORC; qu'en outre, elle
attribuait à la société une importance que celle-ci n'avait pas en réalité
et qu'elle constituait ainsi une réclame prohibée (art. 44 al. 1 ORC).

    B.- Contre cette décision, l'avocat Julien Lescaze forme un recours de
droit administratif au Tribunal fédéral "pour 'Airgenève, en formation,
soit pour elle Messieurs Georges Borgeaud, Maurice Bourgeois, Tibor
Rosenbaum, Louis-J. Perrin, J. P. Laplanche". Il conclut à ce que la
décision attaquée soit annulée et que le Tribunal fédéral, statuant à
nouveau, dise "que la recourante peut faire inscrire auprès du Registre du
Commerce de Genève la raison sociale 'Airgenève SA'" et "que le Registre du
Commerce de Genève doit procéder à l'inscription de cette raison sociale".

    Le Département du commerce et de l'industrie du canton de Genève
propose que le recours soit déclaré irrecevable et, subsidiairement,
qu'il soit rejeté.

    Le Département fédéral de justice et police conclut également au
rejet du recours. Il produit une lettre du 1er octobre 1958 dans laquelle
l'Office fédéral de l'air s'oppose à l'inscription de la dénomination
"Airgenève" et renvoie pour le reste à son exposé du 6 juin 1957, relatif
à l'inscription d'une société en nom collectif Air-Genève, Borgeaud & Cie,
qui avait été fondée en 1956 par Borgeaud, Bourgeois, Laplanche et Parisod
(cf. RO 84 I 83).

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Pour justifier ses conclusions tendantes à ce que le recours
soit déclaré irrecevable, le Département genevois expose que les
personnes désignées au début du mémoire de recours interviennent soit
comme mandataires soit comme organes d'"Airgenève en formation"; que,
faute d'inscription au registre du commerce, cette société n'a pas encore
la personnalité juridique (art. 643 al. 1 CO); que, dès lors, Borgeaud,
Bourgeois, Rosenbaum, Perrin, Laplanche et Lescaze interviennent au nom
d'une personne inexistante.

    Il est exact qu'Airgenève SA n'existe pas encore, puisqu'elle n'est
point inscrite au registre du commerce. D'autre part, si les fondateurs
forment entre eux une société simple (cf. SIEGWART, Obligationenrecht,
ad art.645, rem. 14), celle-ci ne peut ester en justice et ne saurait
donc interjeter un recours de droit administratif (RO 71 I 184 consid. 1).

    On peut considérer, cependant, que le recours émane des fondateurs
eux-mêmes (RO 71 I 184 consid. 1). Or ceux-ci ont, en la forme, qualité
pour recourir, attendu qu'ils ont déjà été admis comme parties dans
l'instance cantonale (cf. art. 103 al. 1 OJ; RO 84 I 85 consid. 1,
et les arrêts cités). En outre, c'est à eux qu'il incombe de procéder
aux actes qu'exige la constitution de la société anonyme. Ils ont donc
également, quant au fond, qualité pour requérir l'inscription de la
raison sociale qu'ils ont choisie et pour recourir contre le refus des
autorités administratives.

Erwägung 2

    2.- Selon l'autorité cantonale, la désignation "Airgenève" confère à
la société une importance qu'elle n'a pas en réalité et constitue ainsi
une réclame prohibée par l'art. 44 al. 1 ORC.

    Le principe de la véracité des inscriptions au registre du commerce
(art. 944 CO et 38 ORC) interdit d'inclure dans une raison de commerce
des éléments qui ne sont pas destinés à individualiser l'entreprise. C'est
pourquoi des adjonctions ne se rapportant qu'à sa réputation ou à son
importance ne sont pas admises. Aussi bien l'art. 44 al. 1 ORC proscrit-il
expressément les désignations qui servent uniquement de réclame (cf. RO
69 I 123, 79 I 176).

    En l'espèce, la raison sociale litigieuse se compose de deux éléments,
"Air" et "Genève". Le premier indique de façon exacte le genre de la
société. Celle-ci, en effet, a pour but l'exploitation d'une entreprise
de transports aériens et diverses tâches qui sont en rapport étroit
avec de tels transports. Quant à l'adjonction "Genève", elle désigne
le canton où la société a son siège et où elle exerce ordinairement
son activité. Dès lors, les éléments de la raison sociale tendent à
individualiser l'entreprise et aucun d'eux ne sert exclusivement de
réclame. L'autorité cantonale a donc considéré à tort que la dénomination
"Airgenève" violait l'art. 44 al. 1 ORC.

Erwägung 3

    3.- a) Aux termes des art. 45 et 46 ORC, édictés par le Conseil fédéral
sur la base de l'art. 944 al. 2 CO, les raisons de commerce des entreprises
individuelles, des sociétés commerciales et des sociétés coopératives ne
peuvent comprendre des désignations nationales, territoriales ou régionales
qu'avec l'agrément de l'Office fédéral du registre du commerce. Celui-ci
ne doit admettre de telles désignations que si des circonstances spéciales
le justifient. Seule, l'indication du siège en la forme substantive n'est
subordonnée à aucune autorisation (art. 46 al. 3 ORC).

    Cette réglementation pourrait être éludée facilement si les
désignations visées n'étaient soumises à autorisation qu'au cas où
elles constitueraient, à elles seules, un des mots de la raison de
commerce. Pour que le but poursuivi par le législateur puisse être atteint,
il faut qu'elles tombent également sous le coup des art. 45 et 46 ORC
lorsqu'elles ne forment pas, dans la raison, un mot indépendant mais sont
unies à d'autres termes pour composer un seul mot avec eux. Aussi bien le
texte allemand de l'art. 944 al. 2 CO parle-t-il de façon générale de la
"formation" (Bildung) des raisons de commerce; de même, l'art. 46 al. 1
ORC vise toute "adjonction" territoriale ou régionale.

    En l'espèce, les recourants maintiennent, contrairement à l'opinion
de l'autorité cantonale, que "Airgenève" est une désignation de
fantaisie. Cette affirmation est trop absolue. Sans doute, l'union
dans un même mot de "air" et "Genève" est arbitraire et relève de la
fantaisie. Mais les termes génériques qui composent la raison sociale
"Airgenève" ne disparaissent pas. Tant à la lecture qu'à l'audition, on
se rend compte que cette désignation est constituée de deux mots de la
langue française, savoir "air" et "Genève". En particulier, le second
élément de la raison sociale fait immédiatement penser à la ville et
au canton de Genève. Par conséquent, la raison litigieuse comprend une
désignation nationale et territoriale selon les art. 45 et 46 ORC. Elle
ne peut donc être inscrite qu'avec l'agrément de l'Office fédéral du
registre du commerce, sauf si la désignation en cause indique seulement,
en la forme substantive, le siège de la société.

    Cette dernière condition n'est pas remplie. Certes, le nom de Genève
est repris dans la raison litigieuse en la forme substantive et sans
modification orthographique. Mais, uni à un autre nom pour former un
nouveau terme, il ne peut plus être considéré comme l'indication du
siège. Au surplus, les recourants ne pourraient de toute façon invoquer
l'art. 46 al. 3 ORC que si la raison désignait la commune où la société
a son siège d'après les statuts. Or ce n'est pas le cas: le siège
d'Airgenève SA est Meyrin et non Genève.

    Dans ces conditions, la raison sociale litigieuse est soumise à
l'agrément prévu par les art. 45 et 46 ORC.

    b) ... L'Office fédéral du registre du commerce a refusé d'autoriser
l'inscription de la raison Airgenève SA Il a pris cette décision après
avoir consulté, conformément aux art. 45 et 46 ORC, l'organisme compétent
d'après les circonstances, savoir l'Office fédéral de l'air.

    Lorsqu'il juge si, en vertu des art. 45 et 46 ORC, des circonstances
spéciales justifient l'emploi de désignations nationales, territoriales
ou régionales dans une raison de commerce, l'Office fédéral du registre
du commerce dispose d'un large pouvoir d'appréciation (cf. HIS,
Obligationenrecht, ad art. 944, rem. 135). Saisi sur recours en sa
qualité de tribunal administratif suprême, le Tribunal fédéral ne peut
substitue son appréciation à celle de l'autorité administrative. En
vertu de l'art. 104 al. 1 OJ, le recours de droit administratif n'est
recevable que pour violation du droit fédéral. Le Tribunal fédéral doit
donc se borner à vérifier si l'autorité administrative a bien appliqué
le droit fédéral, notamment dans le choix des critères déterminants,
et si elle n'a pas excédé les limites de son pouvoir discrétionnaire
(cf. RO 78 I 470 consid. 2, 79 I 309, 81 I 384; FLEINER, Institutionen
des deutschen Verwaltungsrechts, 8e éd., p. 257 et suiv.).

    c) Pour refuser l'inscription de la raison Airgenève, on ne saurait
considérer que les désignations nationales, territoriales ou régionales
doivent être réservées à la Confédération, aux cantons ou à d'autres
organismes de droit public. Lorsque les circonstances le justifient, de
telles désignations peuvent également être employées dans les raisons de
commerce d'entreprises privées (cf. RO 72 I 360, 82 I 45). C'est également
le cas des raisons sociales d'entreprises de transports aériens. On
ne peut donc réserver à des organismes officiels ou semi-officiels les
raisons composées du mot "Air" et d'une désignation nationale, territoriale
ou régionale.

    En l'espèce, il faut toutefois considérer que le canton de Genève
a un grand aérodrome intercontinental, connu dans le monde entier sous
le nom d'Aéroport de Genève ou de Genève-Cointrin. Dans ces conditions,
les autorités administratives pouvaient, sans dépasser les bornes de
leur pouvoir d'appréciation, considérer qu'une raison sociale telle
qu'"Airgenève" devait être réservée à une entreprise publique ou privée
dont l'importance fût proportionnée à celle de l'aérodrome dont elle
reprenait le nom dans sa raison. Elles pouvaient donc exiger qu'il s'agît
d'une entreprise ayant une large base financière, offrant des garanties
particulières en raison de la personnalité de ses organes et déployant
une activité aérienne intense. Or, à ce sujet, l'Office fédéral de l'air
a exposé ce qui suit dans son rapport du 6 juin 1957, qui, d'après sa
lettre du 1er octobre 1958, s'applique également à la société anonyme
en formation:

    "21.  Il est posé en fait que la société en nom collectif 'Air-Genève',
Borgeaud & Cie à Genève, est constituée par Georges Borgeaud et trois
associés. D'après l'autorisation du 1er février 1957 de l'Office fédéral de
l'air, la société est autorisée à effectuer des transports occasionnels de
personnes et de biens, ainsi que des vols d'excursion au moyen d'avions
jusqu'au poids en vol de 2000 kg. A cet effet, la société exploite un
avion HB-XAM qui est la propriété de Georges Borgeaud ou un avion HB-OOF
qui n'appartient à aucun membre de la société. Les avions en question ne
disposent que de deux places de passagers.

    Georges Borgeaud, qui dirige l'entreprise, est photographe de
profession et ne possède que la licence restreinte de pilote professionnel
qui l'autorise à effectuer des vols commerciaux non réguliers à l'intérieur
de la Suisse sur des avions d'un poids de 2000 kg. au plus.

    .....

    C'est assez dire qu'il s'agit en l'espèce d'une exploitation de
caractère extrêmement modeste qui repose tout entière sur l'utilisation
d'un seul avion de faible puissance dont la capacité est réduite au
transport de deux passagers seulement."

    D'autre part, la société anonyme n'a qu'un capital social de 50 000 fr.

    En considérant, dans ces conditions, que cette société ne pouvait
s'appeler "Airgenève SA", l'autorité administrative est restée dans
les limites de son pouvoir discrétionnaire. Les recourants relèvent,
il est vrai, qu'un capital social de 50 000 fr. est suffisant en vertu
de l'art. 621 CO. Cela importe peu. Ce qui est décisif, ce n'est pas le
minimum général prescrit par la loi, car l'autorité compétente pouvait
considérer à juste titre l'importance que la société doit avoir dans le
cas concret pour mériter la désignation "Airgenève".

Erwägung 4

    4.- Ainsi, le recours doit être rejeté sans qu'il soit nécessaire
de juger si la raison sociale litigieuse risque d'induire le public en
erreur et si elle doit être refusée également pour ce motif (art. 944
al. 1 CO et art. 38 al. 1 ORC).

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.