Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 85 IV 53



85 IV 53

15. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 13 mars 1959 dans la cause
Electric and Musical Industries Ltd. contre Delachaux et Ministère public
du canton de Neuchâtel. Regeste

    Art. 24 lit. c MSchG.

    Ist der Inhaber einer Marke für das Gebiet der Schweiz strafrechtlich
dagegen geschützt, dass die gleiche, im Auslande eingetragene
Marke von deren Inhaber für andere Staaten in der Schweiz gebraucht
wird? (abweichende Auslegung der angeführten Bestimmung gegenüber der in
BGE 50 I 328 vertretenen Auffassung).

Sachverhalt

    A.- Le trust Electric and Musical Industries Ltd. (EMI), qui a son
siège en Angleterre, groupe les deux sociétés anglaises The Gramophone
Company Ltd. et Columbia Company Ltd. La première est titulaire de
la marque suisse "His Master's Voice", la seconde des deux marques,
également déposées en Suisse, "Twin Notes" et "Columbia".

    Les maisons américaines Columbia et RCA Victor apposent également
ces marques sur des disques de leur fabrication. Selon EMI, elles ont le
droit de les utiliser, mais seulement sur le territoire des Etats-Unis
d'Amérique.

    La maison Delachaux et Niestlé SA a importé et vendu en Suisse des
disques de fabrication américaine munis de l'une ou l'autre de ces trois
marques. Sommée par l'avocat d'EMI de s'en abstenir, elle déclara renoncer
à utiliser les marques "His Master's Voice", "Columbia" et "Twin Notes"
pour la vente de disques non fabriqués par la société anglaise, titulaire
de ces marques en Suisse. Elle continua à vendre des disques provenant
des maisons américaines Columbia et RCA Victor, mais prit soin de cacher
les marques litigieuses avec du papier gommé.

    B.- Prévenue, sur plainte d'EMI, d'infraction à l'art.  24 litt. c
LMF, l'administratrice de la maison Delachaux et Niestlé SA, a bénéficié
d'un non-lieu, que la Chambre d'accusation neuchâteloise a confirmé,
le 26 décembre 1958.

    C.- Contre cet arrêt, EMI se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Elle conclut au renvoi de la prévenue devant le juge de
répression.

    D.- L'intimée propose de déclarer le pourvoi irrecevable,
subsidiairement de le rejeter.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- .....

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 24 litt. c LMF, seule disposition qui puisse
s'appliquer en l'espèce, peut être recherché pénalement:

    "... quiconque aura vendu, mis en vente ou en circulation des produits
ou marchandises revêtus d'une marque qu'il savait contrefaite, imitée ou
indûment apposée."

    Il s'agit donc de savoir si les marques "His Master's Voice",
"Columbia" et "Twin Notes" étaient indûment apposées sur les disques
américains que la maison Delachaux et Niestlé SA a mis en vente en Suisse,
c'est-à-dire si, lorsqu'une marque est enregistrée à la fois en Suisse
et à l'étranger en faveur de deux titulaires différents, mais pour des
produits de même nature, l'usage en Suisse de la marque étrangère viole
l'art. 24 litt. c LMF, même si elle a été apposée légalement à l'étranger.

    La Chambre d'accusation neuchâteloise a répondu par la négative,
en se fondant sur l'arrêt Hoffmann-La Roche, du 17 décembre 1924 (RO
50 I 328). Dans cet arrêt, la cour de céans, sans se prononcer sur le
principe de la territorialité des marques, a nié le caractère pénal des
actes visés, considérant d'une part qu'en tout cas une marque apposée
légalement à l'étranger ne pouvait être tenue pour "indûment apposée"
selon l'art. 24 litt. c LMF lorsque le produit était ensuite vendu, mis
en vente ou en circulation sur le territoire suisse, d'autre part, que
le public ne risquait pas d'être induit en erreur dans le cas particulier.

    La recourante invoque en sens contraire l'arrêt Seifenfabrik Sunlight,
du 12 février 1952 (RO 78 II 165), où la Ie Cour civile, se ralliant au
principe de la territorialité des marques, a jugé que, du point de vue
civil tout au moins et même si la marque apposée à l'étranger l'avait été
légalement, son usage en Suisse était illicite selon l'art. 24 litt. c LMF
et que l'interprétation littérale de ce texte ne pouvait donc être admise.

    Postérieurement à ces deux arrêts, la cour de céans a jugé encore un
cas d'usage d'une marque étrangère également enregistrée en Suisse, mais en
faveur d'un autre titulaire (arrêt Saba: RO 84 IV 119). Cependant cet arrêt
ne tranche pas le débat. Dans l'espèce considérée, les marchandises vendues
par l'ayant droit de la marque suisse et celles qui avaient été importées
et vendues sans son consentement provenaient toutes du même fabricant,
titulaire de la marque étrangère, de sorte qu'en l'absence d'un risque de
confusion l'art. 24 LMF ne s'appliquait pas. Toutefois, la cour a dit qu'un
tel risque peut surgir lorsque des marchandises provenant de producteurs
différents sont munies de marques identiques ou plus ou moins semblables.

    Effectivement, le risque de confusion est essentiel. Il existe en
l'espèce, puisqu'on a mis sur le marché suisse des disques "Columbia",
"Twin Notes" et "His Master's Voice" provenant d'une part des deux
sociétés anglaises titulaires de ces marques pour la Suisse et d'autre
part des deux sociétés américaines, titulaires des mêmes marques pour les
Etats-Unis. Peu importe que les marchandises de fabrication anglaise et
américaine soient qualitativement égales. La protection conférée par la
marque existe, indépendamment d'une telle circonstance; le but premier
de la marque n'est pas de distinguer entre eux des produits du même genre
ou de genres différents, mais d'indiquer le fabricant et son exploitation
(RO 78 II 172 litt. d et les arrêts cités).

    Cependant, s'il existe un risque de confusion, il ne s'ensuit pas
encore que l'intimée ait commis une infraction à l'art. 24 litt. c LMF et
tombe sous le coup des sanctions pénales prévues à l'art. 25. Il faudrait
encore qu'il se fût agi de marques "indûment apposées".

Erwägung 3

    3.- Comme le Tribunal fédéral l'a exposé dans son arrêt Sunlight
(précité), à la suite des décisions prises par la Conférence de Londres du
2 juin 1934, le législateur suisse, dans la loi du 22 juin 1939 portant
revision partielle de la loi du 26 septembre 1890 sur la protection des
marques de fabrique etc., a abandonné le principe de l'universalité des
marques pour se rallier à celui de la territorialité, déjà prédominant en
matière internationale. C'est ainsi qu'il a permis de diviser une marque
de façon que, dans les divers pays où elle est protégée, elle le soit en
faveur de titulaires différents (art.11).

    En l'espèce, les mêmes marques dépendant d'EMI ont été enregistrées en
faveur de titulaires différents aux Etats-Unis d'Amérique et en Suisse. Il
s'agit dès lors de savoir si les titulaires suisses seront protégés
contre tout usage de leur marque par des tiers sur le territoire suisse,
c'est-à-dire si l'art. 24 litt. c LMF permet de poursuivre les auteurs
d'un tel usage. Cela peut paraître douteux lorsque, comme en l'espèce,
la marque a été légitimement - et non indûment - apposée par le titulaire
étranger, les produits ou marchandises étant après coup introduits et
vendus, mis en vente ou en circulation en Suisse. Dans l'arrêt Sunlight,
le Tribunal fédéral a jugé qu'une telle interprétation ne se concilierait
pas avec la ratio legis et aboutirait à des conséquences inacceptables pour
la Suisse. Effectivement, le titulaire de la marque suisse serait désarmé
en face de l'usage de la marque étrangère, même lorsqu'il bénéficierait
de la priorité. Le législateur ne peut avoir raisonnablement voulu ce
résultat. Il a conféré au titulaire de la marque déposée en Suisse un droit
d'usage exclusif et réglé les moyens destinés à en assurer l'exercice. La
protection qui en résulte est limitée au territoire suisse. Elle cesse
à l'égard de la marque apposée et utilisée à l'étranger, mais devient
efficace dès que ce signe apparaît en Suisse. Dès ce moment, la situation à
l'étranger est indifférente. En Suisse, le titulaire de la marque déposée
dans le pays est l'unique ayant droit. Si la marque n'émane pas de lui,
si elle n'a pas été apposée par lui ou avec son consentement, l'usage
est illicite. Du point de vue civil tout au moins, un tel usage entraîne
l'application de l'art. 24 litt. c LMF.

    Du point de vue pénal et selon les règles d'interprétation strictes,
propres à ce domaine, la cour de céans a repoussé cette solution dans
son arrêt Hoffmann-La Roche (précité). Lorsque, comme en l'espèce,
une marque a été légitimement apposée dans le pays d'où provient la
marchandise, l'origine qu'elle atteste n'est effectivement pas modifiée
par les déplacements que cette marchandise subit dans l'espace. Dès lors,
si l'apposition est licite, on ne voit pas comment elle pourrait perdre
ce caractère.

    Cependant, de l'acte qui consiste à apposer une marque sur un objet,
il faut distinguer l'état qui en résulte, c'est-à-dire le fait pour la
marque d'être apposée. Sans doute le caractère licite ou illicite de
l'apposition n'est-il pas affecté par les vicissitudes ultérieures de la
marchandise. Mais la licéité de l'acte, de l'apposition, n'emporte pas
nécessairement celle de la situation qui en découle. Cette situation
se juge non pas, une fois pour toutes, selon le droit du pays où
l'apposition a eu lieu, mais suivant la législation des pays où l'objet
est mis sur le marché. Ainsi, alors même qu'un fabricant appose une
marque conformément au droit dans le pays d'origine de la marchandise,
cette marque peut "être ... indûment apposée" sur le territoire suisse
(art. 24 litt. c). Une telle interprétation, plus conforme aux textes
français et italien (texte italien: "essere ... illecitamente apposata")
de la loi, doit être préférée à celle que la cour de céans avait tout
d'abord donnée dans son arrêt Hoffmann-La Roche. Elle permet d'accorder
au titulaire d'une marque suisse une protection non seulement civile,
mais aussi pénale, qui est tout aussi justifiée et nécessaire.

    Selon le dossier, la recourante et les deux sociétés anglaises qui la
constituent sont les seules titulaires suisses des marques "His Master's
Voice", "Columbia" et "Twin Notes". Elles ont le droit exclusif de les
utiliser en Suisse. Du point de vue suisse, les dites marques ne sont donc
légitimement apposées que sur des disques provenant de ces maisons; d'où
il suit que, dans la mesure où elles figurent sur des disques américains,
elles sont indûment apposées, bien que l'apposition elle-même ait été
licite.

Erwägung 4

    4.- .....

Entscheid:

          Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:

    Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à la
juridiction cantonale pour nouvelle décision.