Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 85 IV 125



85 IV 125

33. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 15 mal 1959 en
la cause Annen contre Ministère public du canton de Vaud. Regeste

    Misshandlung eines Kindes; Art. 134 StGB. Wann erleidet die Gesundheit
oder geistige Entwicklung eines Kindes eine Schädigung oder schwere
Gefährdung? (Erw. 1).

    Einfache Körperverletzung; Eventualvorsatz; die Verfolgung wegen
einfacher Körperverletzung im Sinne von Art. 123 Ziff. 1 Abs. 1 StGB
setzt einen Antrag voraus (Erw. 2 und 3).

    Anwendung des Art. 123 Ziff. 1 Abs. 2 StGB (sofern es sich beim Opfer
um einen Wehrlosen handelt), wenn die Verletzung durch eine Überschreitung
des Züchtigungsrechts verursacht wird (Änderung der Rechtsprechung; Erw.
4-6).

Sachverhalt

                      Résumé des faits:

    A.- Le 8 juillet 1958, Annen s'étant aperçu qu'on lui avait pris 80
fr., accusa du vol son fils Daniel, âgé de onze ans, mais fortement retardé
dans son développement intellectuel. Le garçon ayant nié, le père, saisi
d'une colère violente, le frappa au moyen d'une ceinture de cuir. Daniel
quitta alors la maison paternelle et, n'osant pas y rentrer, fut trouvé
par la police dans la rue, à 22 h. 50, et ramené chez ses parents. Un
médecin l'examina le lendemain et écrivit notamment dans son certificat:

    Le dos en son entier et la région derrière l'oreille droite sont
couverts d'ecchymoses, dont quelques-unes sont enflées et couvertes de
cloques. Le bras gauche est transformé en une ecchymose unique...

    Le 12 juillet suivant, Daniel fut admis au Home Eben-Hézer, à Lausanne,
où l'on constata qu'il présentait quelques ecchymoses dans le dos, mais
qu'il n'avait pas subi de préjudice dans sa santé.

    B.- Le 23 décembre 1958, le Tribunal de police de Morges condamna Annen
à un mois d'emprisonnement pour avoir fait subir des lésions corporelles
simples à une personne sans défense (art. 123 ch. 1 al. 2 CP).

    Le 9 février 1959, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois rejeta un recours formé par Annen contre ce jugement.

    C.- Annen s'est pourvu en nullité; il conclut au renvoi de la cause
à l'autorité cantonale pour que celle-ci prononce l'acquittement.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- (Résumé.) Les coups donnés par Annen à son fils ont été
suffisamment nombreux et violents pour causer des lésions étendues,
mais relativement superficielles, puisqu'au bout de quatre jours, il
ne subsistait plus que quelques ecchymoses dans le dos. La santé ni le
développement intellectuel de l'enfant n'ont été "gravement compromis",
c'est-à-dire mis en danger (art. 134 ch. 1 CP), car il n'apparaissait
pas très probable que la première subirait un dommage sérieux ou que le
second serait sérieusement détourné de son cours normal par les mauvais
traitements infligés. De plus, il est constant que ces biens n'ont
effectivement point subi d'atteinte sérieuse. L'art. 134 CP n'était donc
pas applicable (RO 80 IV 105).

Erwägung 2

    2.- (Résumé.) En revanche, l'enfant a subi, dans son intégrité
corporelle, des atteintes qui constituent des lésions simples (art. 123
ch. 1 CP), car elles n'étaient pas de celles que produisent en général
un coup peu violent (cas minimes: RO 72 IV 21).

    Annen devait savoir que ses actes entraîneraient presque nécessairement
des lésions corporelles et, même s'il n'a pas précisément voulu ce
résultat, il l'a tout au moins accepté comme tel, de sorte qu'il a agi
par dol éventuel (cf. RO 74 IV 83).

Erwägung 3

    3.- (Résumé.) Aucune plainte n'ayant été portée contre Annen, il ne
peut en tout cas être puni en vertu de l'art. 123 ch. 1 al. 1 CP.

Erwägung 4

    4.- La condamnation ne pouvait dès lors être fondée que sur l'art. 123
ch. 1 al. 2 CP, qui prescrit la poursuite d'office lorsque le délinquant
a fait usage du poison, d'une arme ou d'un instrument dangereux, ou si
la victime était hors d'état de se défendre. La cour cantonale a admis
que Daniel Annen s'était trouvé dans ce dernier cas. Il faut examiner si
cette opinion est justifiée.

    a) Dans son arrêt Piquerez, la cour de céans a dit qu'un enfant
de quatre ans, battu par son père, même s'il avait subi des lésions
corporelles simples, ne pouvait être considéré comme "hors d'état de se
défendre", le père ayant, en principe, le droit de correction; elle en
a conclu que, dans ce cas, la poursuite ne pouvait avoir lieu d'office
(RO 80 IV 108).

    Cependant, le fait que l'auteur exerce son droit de correction n'exclut
pas que la victime soit "hors d'état de se défendre" (LOGOZ: comm. ad art.
123 CP, n. 4, lit. c; WAIBLINGER: ZBJV 1956, p. 252 ss.). L'exercice
de ce droit n'est pas sans rapport avec la capacité de résistance de
l'enfant. Mais ce rapport n'est pas tel que l'a jugé la cour de céans dans
son arrêt Piquerez; au contraire, loin qu'elle soit toujours en état de
se défendre lorsqu'elle est soumise à l'autorité de l'auteur, la victime,
dans cette hypothèse, aura en général d'autant plus de peine à résister
qu'elle se trouve dans une plus grande sujétion. On ne saurait toutefois
formuler de règle absolue sur ce point et l'on en décidera dans chaque
cas sur le vu de toutes les circonstances.

    A la vérité, il pourrait paraître préférable, dans l'intérêt même de
l'enfant et suivant sa situation personnelle et familiale, que l'action
pénale ne soit pas ouverte d'office contre le détenteur du droit de
correction, mais dépende d'une plainte dont le dépôt serait nécessairement
contrôlé par l'autorité tutélaire (GILLIÉRON: Revue pénale suisse, t. 70,
p. 90 ss.; GERMANN: ibid., p. 96). Cependant, le texte même de l'art. 123
ch. 1 al. 2 CP ne permet pas de tenir compte de cette circonstance. Car
il soumet à la poursuite d'office tous les cas où la victime était hors
d'état de se défendre, sans faire aucune exception. On ne saurait en
introduire une par le seul motif qu'elle apparaîtrait désirable. Du reste,
une décision contraire laisserait subsister le même inconvénient dans les
cas nombreux où, comme dans la présente espèce, on peut se demander si
l'art. 134 CP n'est pas applicable, de sorte qu'en tout cas la poursuite
doit être engagée d'office, même si l'inculpé ne se trouve en définitive
punissable qu'en vertu de l'art. 123 ch. 1 al. 1 et que, faute de plainte,
l'abandon de la poursuite s'impose.

    Ainsi, lorsque c'est dans l'exercice de son droit de correction
que l'auteur a infligé des lésions corporelles à la victime, ce droit
entre en ligne de compte tout d'abord comme facteur qui peut diminuer ou
exclure les possibilités de résistance de l'enfant. Mais il doit aussi être
envisagé sous son aspect d'excuse absolutoire; il s'agit alors de savoir
si l'auteur l'a outrepassé ou non. En tout cas, envisagé du point de vue
du droit pénal, ses limites doivent être fixées d'une façon large; tous
les excès justifiant une intervention de l'autorité tutélaire n'appellent
pas nécessairement celle du juge pénal.

    b) La poursuite devait donc avoir lieu d'office en l'espèce si, comme
l'a admis la cour cantonale, Daniel Annen s'est trouvé hors d'état de se
défendre lorsque son père lui a fait subir des lésions corporelles.

    Est "hors d'état de se défendre", celui qui n'est pas en mesure
de se soustraire aux effets dommageables des actes dont il est l'objet
(cf. HAFTER, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil, I, p. 38). Les
termes employés par le législateur n'impliquent donc pas que l'incapacité
visée découle de particularités physiques ou psychiques telles que l'âge,
la faiblesse corporelle, la maladie ou l'infirmité. Le plus souvent
toutefois, ce seront bien des causes physiques ou psychiques qui seront
décisives. La loi n'exige pas non plus que la victime soit hors d'état de
se soustraire à n'importe quelle attaque; il suffit qu'elle ne puisse se
défendre avec quelques chances de succès contre son agresseur et contre
le dommage dont il la menace.

    C'est en raison de la bassesse que l'acte révèle chez l'auteur et de
la protection dont la victime a particulièrement besoin que le législateur
a prévu la poursuite d'office (ZÜRCHER, Erläuterungen zum Vorentwurf vom
April 1908, p. 133).

    c) En l'espèce, Daniel Annen, alors âgé de onze ans, mais qui n'avait
que le développement mental d'un enfant beaucoup plus jeune, était
hors d'état de se soustraire aux excès du droit de correction dont il a
été la victime. Un enfant de onze ans n'est physiquement pas capable de
résister aux attaques d'un adulte, surtout lorsque celui-ci s'abandonne à
une violente colère. Cette colère rendait le recourant peu accessible aux
représentations raisonnables qu'on aurait pu lui faire; venant de son fils,
sur lequel il avait autorité, de telles représentations n'auraient point eu
d'effets et auraient même risqué de lui paraître déplacées et d'augmenter
encore son irritation. L'enfant du reste était d'autant moins capable d'en
concevoir qu'il n'avait pas - et de loin - atteint le développement qui
correspond d'habitude à son âge. Enfin, même si le père était d'habitude
juste et affectueux, l'enfant, surpris par le débordement de la colère
paternelle, pouvait fort bien être paralysé par une crainte invincible et
par une impuissance qu'augmentait encore le sentiment de sa subordination
normale et habituelle. Qu'il ait été terrorisé, sa fugue le prouve: depuis
le milieu du jour et jusqu'à l'heure tardive où la police l'a trouvé
errant, il n'a pas osé rentrer à la maison, ce qui n'aurait pas été le
cas si les liens d'affection et de confiance qui doivent exister entre
un enfant et son père avaient peu à peu repris leur emprise et chassé ou
suffisamment adouci sa crainte. Il faut donc admettre que l'enfant s'est
trouvé hors d'état de se défendre contre les sévices dont il a été l'objet.

Erwägung 5

    5.- Le traitement brutal infligé à son fils outrepassait le droit
de correction que l'art. 278 CC conférait à Annen comme détenteur de la
puissance paternelle. Sans doute une correction sévère pouvait-elle être
indiquée en l'espèce; une certaine violence n'aurait, dans ce cas, pas
nécessairement entraîné de suites pénales. Mais, même si l'enfant avait
commis et niait mensongèrement le vol qu'on lui reprochait, la force
et le nombre des coups donnés étaient manifestement disproportionnés à
la faute. Il ne pouvait plus s'agir d'une mesure éducative, mais d'un
abus et d'un excès, qui justifiaient non seulement l'intervention de
l'autorité tutélaire pour la protection de l'enfant (art. 283 ss. CC),
mais encore celle du juge pénal.

Erwägung 6

    6.- Annen ayant, par un abus de son droit de correction, fait subir
à dessein (dol éventuel) des lésions corporelles simples à une personne
hors d'état de se défendre, devait être condamné en vertu de l'art. 123
ch. 1 al. 2 CP, de sorte que l'arrêt attaqué, fondé sur cette disposition
légale, ne viole pas le droit fédéral.

Entscheid:

          Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:

    Rejette le pourvoi.