Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 85 II 97



85 II 97

18. Arrêt de la IIe Cour civile du 22 avril 1959 dans la cause Cyma Watch
Co. SA contre Société de contrôle fiduciaire SA Regeste

    1.  Auslegung der Rechtsgeschäfte. Tat- und Rechtsfragen (Erw. 1).

    2.  Fiduziarisches Rechtsgeschäft. Davon zu unterscheidende Abreden,
namentlich Scheingeschäfte (Erw. 1 und 2).

    Nichtigkeit der fiduziarischen Zuwendung? (Erw. 3).

    3.  Bedeutung der Besitzübertragung bei freihändigem Verkauf nach
Art. 130 SchKG (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- La Société de contrôle fiduciaire SA, à Genève (ci-après:
la société), a acquis de l'office des poursuites de cette ville, selon
procès-verbal de vente de gré à gré du 30 juin 1948, un lot de 35 meubles
et objets garnissant l'appartement de Marc Bloch, pour le prix de 11 000
fr. (estimation lors de la saisie: 5565 fr.). Elle vendit ces objets le
8 décembre 1952 à Tatiana Bloch, épouse du débiteur, pour le prix de 20
000 fr., avec réserve de propriété.

    La société agissait en son propre nom pour le compte de l'un de
ses clients, Hans Schauwecker, à Zurich. Celui-ci entendait conserver à
dame Bloch la jouissance de l'appartement et des meubles du débiteur. Il
conclut, notamment par lettre du 29 juin 1948, une convention de fiducie
avec la société et paya les 11 000 fr.; la société lui remit, après
déduction de ses propres frais et honoraires, les acomptes versés en vertu
du contrat de vente de 1952. Elle signa en outre, dans la même intention,
un contrat de location avec le propriétaire de l'immeuble habité par
Bloch et sous-loua l'appartement pris à bail à l'épouse du débiteur.

    Aucun des actes passés ne mentionne le rapport interne existant entre
le client et la société; celle-ci ne s'est jamais engagée à faire connaître
l'identité du mandant; l'acte de vente du 8 décembre 1952 précise qu'elle
agit "à titre fiduciaire en qualité de propriétaire et de vendeur"; les
droits de la société n'ont jamais été rétrocédés. Invitée à dire le nom
du fiduciant, la société l'a donné dès qu'elle y fut autorisée.

    Les employés de la société se rendirent dans l'appartement des Bloch
à l'occasion de la vente de gré à gré du 30 juin 1948 et en vue des deux
contrats de location et de sous-location; ils reconnurent les lieux et
y firent inventaire des objets saisis qui s'y trouvaient.

    B.- Dans la poursuite intentée contre Bloch par la société Cyma Watch
Co. SA, à La Chaux-de-Fonds, l'Office des poursuites de Genève a saisi,
le 15 décembre 1955, un lot d'objets - estimé 9412 fr. - comprenant les
nos 1 à 34 réalisés le 30 juin 1948. La société en revendiqua la propriété
à concurrence du solde impayé du prix de revente; elle prétendit en outre
le droit de rétention du bailleur. Ses prétentions ayant été contestées,
elle a ouvert action à la créancière. Celle-ci a conclu à libération. Elle
allègue que Schauwecker n'est que l'homme de paille du débiteur; Bloch
a racheté sous main son mobilier pour le soustraire à l'emprise de ses
créanciers; les actes passés sont fictifs et tombent sous le coup de
l'action révocatoire (art. 288 LP); la revendiquante, en outre, n'est
pas entrée en possession des objets saisis.

    C.- Le 5 mars 1958, le Tribunal de première instance de Genève a
débouté la société demanderesse. Celle-ci renonça à prétendre un droit
de rétention. Par arrêt du 19 décembre 1958, la Cour de justice a admis
la revendication du droit de propriété à concurrence du solde impayé (12
500 fr., plus les intérêts et les frais). Elle a estimé que le contrat de
fiducie ne tendait pas à léser les créanciers de Bloch et n'avait pas eu
cet effet; la tradition n'étant pas nécessaire en cas de vente de gré à gré
(art. 235 CO), la propriété des objets saisis avait passé à la société,
et la revendication était ainsi fondée.

    D.- La créancière a recouru en réforme au Tribunal fédéral; elle
conclut à libération avec suite de frais et dépens, et au renvoi de la
cause à la cour cantonale aux fins de lui allouer des dommages-intérêts
en application des art. 487 et 489 CPC.

    L'intimée propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La convention de fiducie oblige le fiduciaire à conformer son
activité, dans l'exercice d'un droit, au but fixé par le fiduciant. Elle
déploie, entre les parties qui la concluent, les effets du mandat ou d'un
contrat similaire et détermine dans quelle mesure le fiduciaire est lié
à des instructions ou agit de manière indépendante. Ce dernier, suivant
les cas, est déjà titulaire du droit, ou l'acquiert du fiduciant ou d'un
tiers (en son nom propre, mais pour en faire usage selon les intentions du
fiduciant). L'acquisition et l'exercice du droit, seuls actes apparents,
sont voulus par les deux parties (s'agissant du transfert de la propriété
mobilière, qui revêt en Suisse un caractère causal et exige une cause
valable (RO 55 II 302), il faut que les parties aient voulu à la fois le
transfert et sa cause); leurs effets s'accomplissent dans la personne du
fiduciaire, qui est parfois tenu de les transmettre à son mandant. Lorsque
ce dernier entend seulement se servir d'un homme de paille au lieu d'agir
personnellement, on est en présence d'actes juridiques per interpositam
personam ou "convention de prête-nom" (cf. RO 54 II 439). Les rapports
fiduciaires réalisent des buts variés; ils sont en principe licites
quels que soient leurs mobiles; ceux-ci peuvent toutefois entraîner des
sanctions, telle la nullité (cf. RO 71 II 99; 72 II 67, 154, 235, 275).

    On doit interpréter les actes juridiques pour déterminer si l'on
est en présence de rapports fiduciaires. Les déclarations faites par les
parties pour régler leurs relations étant destinées à produire les effets
juridiques qui correspondent à leur contenu, le but de l'interprétation
est de rechercher ces effets juridiques tels qu'ils résultent des textes
ou des termes dans lesquels les parties ont exprimé leurs manifestations de
volonté. A cet égard, la constatation de la volonté interne des parties et
celle des actes, paroles et attitudes par lesquels elles se sont exprimées
relèvent du fait et lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ); c'est
par contre une question de droit que de donner aux faits constatés par les
autorités cantonales leur qualification légale et d'apprécier, notamment,
si les parties ont manifesté leur intention de simuler selon les principes
de l'art. 1er CO et si le juge a défini exactement la notion de simulation
(RO 66 II 32; 72 II 79, 158) ou celle d'acte fiduciaire.

    En l'espèce, suivant l'arrêt attaqué, l'intimée a agi sur mandat de
Schauwecker et selon ses instructions; elle passa les actes de vente "à
titre fiduciaire" (cf. acte du 8 décembre 1952); elle acquit la propriété
des objets saisis, exerça le droit et le transféra selon les intentions de
son client. Celui-ci a fourni les moyens de payer le prix d'achat (11 000
fr.) et récupéré les acomptes du prix de vente (20 000 fr.). Mais l'intimée
a constamment traité en son propre nom; jamais son client n'est apparu dans
les transactions; les tiers ont ignoré son identité et l'intimée ne s'est
jamais engagée à la faire connaître. Tant la convention de fiducie que les
actes passés par l'intimée avec l'office des poursuites, le propriétaire
de l'immeuble loué et dame Bloch ont été sérieusement voulus par les
parties. La société fiduciaire a dès lors acquis la propriété et en a
usé validement. Il suit de là qu'elle était seule habile à revendiquer
les meubles saisis qu'elle a revendus avec réserve de propriété.

Erwägung 2

    2.- Les objections (d'ailleurs contradictoires) de la recourante sont
vaines. Il ne saurait y avoir, en l'espèce, représentation directe (art. 32
CO) ou indirecte. D'une part, les contrats de vente (et de bail) n'ont
pas été passés au nom de Schauwecker; celui-ci n'en revendique pas les
effets et son mandataire n'a pas agi en qualité de représentant. D'autre
part, le rapport liant l'intimée à son client était durable et le droit
de propriété acquis par la première n'a pas été rétrocédé au second; la
société en a simplement usé dans l'intérêt du fiduciant; il n'était pas
dans l'intention des parties de faire acquérir au mandant la propriété
et la possession.

    Certes, les actes sur lesquels on fonde la revendication pourraient
être simulés et nuls. Ce ne serait le cas toutefois que si l'intimée
(sur ordre de son client) et les cocontractants eussent été d'accord
que l'acquisition de la propriété et son usage étaient sans valeur et
n'avaient que l'apparence d'actes juridiques (soit qu'ils n'eussent voulu
créer que cette apparence, soit qu'ils entendissent réaliser un second
acte dissimulé; cf. RO 54 II 438 et arrêts cités; 71 II 99). Or, suivant
l'arrêt attaqué, la convention de fiducie a été sérieusement conclue en
vue de déployer les effets qui lui sont propres; il en est de même des
actes passés selon les instructions du fiduciant. Une simulation eût été
impossible, d'ailleurs, lors de la vente de gré à gré par l'office des
poursuites (VON TUHR, I § 35, note 24). On n'est donc pas en présence
d'actes simulés (nuls) et dissimulés (cas échéant, valides).

    Quant aux dispositions réglant le contrat de mandat (art. 401 al. 3
CC), elles facilitent dans un cas spécial le transfert des droits en
matière de représentation indirecte (art. 32 al. 3 CO). On vient de voir
que les faits de la cause ne permettent pas de conclure à un tel rapport;
les conditions de la disposition invoquée ne sont en outre pas remplies.

Erwägung 3

    3.- L'acte fiduciaire devient nul, en vertu de l'art. 20 CO, s'il a
pour but d'éluder une disposition légale impérative (RO 72 II 73). Pour
en juger, il faut rechercher si la loi interdit absolument le résultat
économique que les intéressés veulent atteindre, ou ne l'autorise que dans
certaines limites qui échappent au droit de disposition des parties, ou
si au contraire elle permet d'obtenir tel résultat par la voie suivie
en l'espèce (RO 54 II 440; 56 II 198). La recourante ne cite aucune
disposition légale que les parties à la convention de fiducie auraient
éludée et ne démontre pas que cette dernière soit contraire aux bonnes
moeurs. Il est par ailleurs constant, d'après la Cour cantonale, que
les actes de Schauwecker et de l'intimée n'ont causé aucun préjudice
aux créanciers du débiteur; les anciens ont récupéré par la réalisation
une somme supérieure à l'estimation des objets saisis et vendus de gré
à gré, les nouveaux ne pouvaient dès cette réalisation mettre la main
sur lesdits objets. On ne voit pas davantage comment s'appliquerait
l'art. 288 LP, qui a trait aux actes du débiteur poursuivi ou failli;
du moins ne ressort-il pas des faits constatés que Bloch ait "acheté"
ses propres meubles par personne interposée.

Erwägung 4

    4.- Si la convention de fiducie est licite in casu, encore faut-il que
la société, pour exercer un droit de revendication, ait acquis, lors de
la vente de gré à gré du 30 juin 1948, la propriété des objets saisis et
qu'elle se la soit réservée valablement lors de la seconde vente (de 1952).

    a) On peut laisser ouverte la question de savoir si le transfert
de possession est nécessaire en cas de vente de gré à gré au sens de
l'art. 130 LP, ou si l'art. 235 al. 1 CO est applicable (RO 50 III 110;
JAEGER-DAENIKER, no 2 ad art. 130 LP; FAVRE, Cours de droit des poursuites,
p. 200/201). Même si l'arrêt attaqué fait erreur sur ce point, la solution
du litige n'en est pas modifiée pour autant. Les organes de l'intimée en
effet, ou ses employés, ont pris possession pour elle des objets achetés
au domicile de Bloch; ils les ont reconnus et en ont pris inventaire;
ils revinrent dans l'appartement qui les contenait en vue de la prise à
bail. L'intimée, en outre, exerça la copossession de ces locaux à titre
de locataire. Les objets saisis et achetés étant avant tout destinés à
meubler l'appartement, il est évident qu'ils sont tombés en la puissance
de la société, par le truchement de ses employés, selon la volonté de
l'office procédant à la réalisation.

    b) La recourante ne critique pas l'inscription de la réserve de
propriété ni la clause contractuelle qui la prévoit.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.