Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 85 II 28



85 II 28

6. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 avril 1959 dans la
cause Fessard contre Favela SA Regeste

    Art. 38, 39, 998 OR. Voraussetzungen der wechselmässigen Haftung
desjenigen, der ohne Ermächtigung einen Wechsel als Vertreter
unterzeichnet; Voraussetzungen seiner Haftungsbefreiung.

Sachverhalt

    A.- En 1956, la société Favela SA, fabrique de vêtements à Lausanne,
livra à la société Monsieur SA, à Lausanne également, des marchandises qui
furent facturées à cette dernière. En couverture de ce compte, Monsieur
SA, par la signature de son administrateur M. Rey, accepta deux effets de
change, d'un montant de 1500 fr. chacun, échéant l'un le 30 avril 1956,
l'autre le 31 mai 1956. Ces effets ne furent pas payés. Le 3 octobre
1956, Favela SA émit deux nouveaux effets, en partie pour remplacer les
précédents, le premier de 2711 fr. échéant le 31 octobre 1956, le second
de 3003 fr. échéant le 30 novembre 1956. Ces deux nouvelles lettres furent
acceptées par Georges Fessard, signant au nom de Monsieur SA Elles ne
furent pas non plus payées.

    Poursuivie par voie de change, la société Monsieur SA fit opposition
en exposant qu'elle ne pouvait être engagée que par la signature de son
administrateur unique, M. Rey, et non par celle de G. Fessard, qui n'était
ni administrateur ni fondé de pouvoir. L'opposition fut admise.

    B.- Le 25 septembre 1957, Favela SA, estimant que la responsabilité
personnelle de Fessard était engagée, l'asigna devant le Tribunal de
première instance de Genève en paiement de la valeur des deux effets
en cause. Fessard conclut au rejet de la demande. En cours de procès,
Favela SA imputa sur sa réclamation une somme de 1643 fr. 65 qu'elle
avait obtenue le 24 janvier 1958 à titre de dividende provisoire dans la
faillite de Monsieur SA, déclarée dans l'intervalle.

    Le 1er octobre 1958, le Tribunal de première instance rejeta l'action
de Favela SA Reprenant les conclusions de sa demande, cette dernière déféra
la cause à la Cour de justice qui, le 24 février 1959, condamna Fessard
à lui payer "2711 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 octobre 1956 et 3003
fr. avec intérêts à 5% dès le 30 novembre 1956, le tout sous imputation
de 1643 fr. 45, valeur au 24 janvier 1957".

    C.- Sieur Fessard a recouru en réforme au Tribunal fédéral en reprenant
ses conclusions libératoires. Il a été débouté.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La Cour de justice a admis l'action de Favela SA en vertu de l'art.
998 CO, lequel dispose notamment que "quiconque appose sa signature sur
une lettre de change, comme représentant d'une personne pour laquelle
il n'avait pas le pouvoir d'agir, est obligé lui-même en vertu de la
lettre". Le recourant conteste que cette disposition soit applicable. Il
fonde ses conclusions libératoires en particulier sur les art. 38 et 39 CO.

    Ainsi que cela ressort de l'art. 998 CO - qui correspond à l'art. 8
de la loi uniforme (LU) -, la responsabilité du signataire sans pouvoirs
en matière cambiaire n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute
(M. STRANZ, Wechselgesetz, 14e éd., rem. 8 c ad art. 8; STAUB/STRANZ,
Wechselgesetz, 13e éd., rem. 16 ad art. 8). Pour que le signataire engage
sa responsabilité, il suffit qu'il appose sa signature en se portant
représentant d'un tiers, alors qu'il n'a pas le pouvoir d'agir. C'est à
lui qu'il incombe de prouver l'existence de pouvoirs valables (STRANZ,
op.cit., rem 8 a ad art. 8; STAUB/STRANZ, op.cit., rem. 13 a ad
art. 8; JACOBI, Wechsel- und Scheckrecht, p. 244). Le représenté peut
d'ailleurs ratifier après coup l'acte du représentant. Celui-ci est
alors déchargé de sa responsabilité (STRANZ, op.cit., rem. 8 a in fine;
JACOBI, op.cit., p. 244). Pour le surplus, il ne peut s'en libérer que
si le demandeur connaissait l'absence de pouvoirs, ou ne pouvait tout au
moins l'ignorer sans commettre une faute lourde confinant au dol. Dans
ce cas, le signataire est en droit d'opposer au demandeur une exception
de dol, dont il lui appartient, conformément à l'art. 8 CC, d'établir
les éléments (cf. STRANZ, op.cit., note 8 c ad art. 8; STAUB/STRANZ,
rem. 16 ad art. 8; SCHNEIDER et FICK, note 8 ad art. 821). Il ne saurait
en revanche opposer d'exception quand le demandeur, tout en ignorant que
le signataire n'avait pas de pouvoirs, aurait dû le savoir en faisant
preuve de la diligence commandée par les circonstances. Cette opinion,
qui est celle de la doctrine dominante (STRANZ, op.cit., rem. 8 c
ad art. 8; STAUB/STRANZ, op.cit., rem. 16 ad art. 8; JACOBI, op.cit.,
p. 245 note 2; en sens contraire, MOSSA, Trattato della cambiale, 3e éd.,
p. 263), est conforme à la ratio de l'art. 998 CO/8 LU. En effet, celui
qui souscrit un engagement cambiaire au nom d'autrui affirme par là même
qu'il a les pouvoirs nécessaires, et il répond de la véracité de cette
affirmation (STAUB/STRANZ, op.cit., rem. 12 ad art. 8; JACOBI, op.cit.,
p. 244). Dès lors - et c'est l'idée qui est à la base de l'art. 998 CO/8
LU - le porteur est réputé pouvoir se fier à la validité des signatures
apposées sur la lettre. On ne saurait donc exiger de lui des vérifications
portant sur les relations internes entre le signataire et celui qu'il dit
représenter. Il s'ensuit qu'il peut rechercher le "falsus procurator"
même si, le cas de dol étant réservé, il avait dû connaître l'absence
de pouvoirs. Cette solution, conforme d'ailleurs au système général de
l'exceptio doli en matière cambiaire (cf. art. 1007 CO, "... à moins
que le porteur n'ait agi sciemment au détriment du débiteur"), repose
sur les nécessités propres au droit de change. Elle déroge aux règles
du droit commun telles qu'elles sont exprimées à l'art. 39 al. 1 in fine
CO. Cette disposition n'est dès lors pas applicable.

    En l'espèce, ainsi que l'arrêt attaqué le constate, le recourant a
accepté les deux lettres de change en signant au nom de la société Monsieur
SA Il a donc agi à cet égard en se portant représentant d'un tiers. D'autre
part, loin de prouver qu'il était un représentant autorisé, il n'a pas,
d'après la Cour de justice, "contesté, en dernier lieu, son absence de
pouvoirs lorsqu'il accepta au nom et pour le compte de cette société
les effets de change du 3 octobre 1956". Il faut dès lors considérer
qu'il n'avait pas le pouvoir d'agir. Il s'ensuit que les deux conditions
auxquelles l'art. 998 CO subordonne la responsabilité du falsus procurator
sont réunies. Ce dernier ne peut d'ailleurs opposer à l'intimée l'exceptio
doli que le défendeur à l'action cambiaire a le droit de soulever quand le
demandeur connaissait l'absence de pouvoirs ou ne pouvait l'ignorer sans
commettre une faute lourde confinant au dol. En effet, mettant avec raison
le fardeau de la preuve sur ce point à la charge de Fessard, la juridiction
cantonale constate souverainement que ce dernier n'a pas établi que Favela
SA connaissait l'absence de pouvoirs. Il n'est pas démontré non plus que
l'ignorance de l'intimée sur ce point aurait été dolosive. C'est dès lors
à juste titre que l'arrêt attaqué, appliquant l'art. 998 CO, admet que le
recourant est obligé en vertu des deux lettres de change du 3 octobre 1956.

    Il reste, il est vrai, à se demander si, comme le soutient le
recourant, le fait que l'administration de la faillite de Monsieur SA
a admis la créance de Favela SA signifie qu'elle a ratifié l'engagement
cambiaire pris pour elle par le falsus procurator. Il est clair cependant
que cette question doit être résolue négativement. En effet, ainsi que
l'observe la Cour de justice, la décision de la masse reconnaît simplement
l'existence de la créance de droit civil appartenant à Favela SA en raison
des marchandises livrées par elle à Monsieur SA