Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 85 II 267



85 II 267

42. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 septembre 1959 dans
la cause Swissair, société anonyme suisse pour la navigation aérienne,
contre La Concorde SA, compagnie d'assurance. Regeste

    1.  Begriff des von einer Hilfsperson "in Ausübung ihrer Verrichtungen"
verursachten Schadens (OR Art. 101, Lufttransportreglement Art. 10)
(Erw. 2).

    2.  Anwendbares Recht hinsichtlich der Frage der Subrogationswirkung
bei Entschädigungsleistung durch eine Versicherungsgesellschaft (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 5 octobre 1953, le Comptoir Lyon-Allemand, à Paris, a expédié à
Ritschard & Cie SA, à Genève, par un avion de la Swissair, société anonyme
suisse pour la navigation aérienne, huit caisses contenant des lingots
d'or destinés à l'Union de banques suisses, à Zurich. L'une des caisses,
qui renfermait 25 lingots de 1 kg environ, fut soustraite par Harold Dahl,
chef-pilote de l'aéronef en cause, et ne fut jamais retrouvée.

    Le dommage était couvert par une assurance-abonnement pour les
transports d'or contractée en Belgique par la Banque de Bruxelles SA,
"pour le compte de ses correspondants suisses". Les assureurs étaient,
outre La Concorde SA, à Bruxelles, d'autres compagnies belges ou les
établissements belges de compagnies étrangères. Le contrat prévoyait la
compétence juridictionnelle exclusive des tribunaux belges et renvoyait
aux "Grandes conditions de la Police maritime d'Anvers de 1859/1931".

    Le 28 novembre 1953, les assureurs versèrent à l'Union de banques
suisses 30 005,50 dollars U.S., représentant la valeur de l'or disparu. Par
acte écrit du 27 septembre 1954, La Concorde obtint des autres assureurs
la cession de tous leurs droits contre la Swissair.

    B.- Agissant tant en son nom qu'en sa qualité de cessionnaire de
ses coassureurs, La Concorde a, par exploit du 2 octobre 1954, fait
assigner la Swissair devant les tribunaux genevois. Elle concluait à ce
que celle-ci fût condamnée à lui payer la contre-valeur de l'indemnité
versée à l'Union de banques suisses, c'est-à-dire 129 068 fr. 65, avec
intérêt à 5% dès le 28 novembre 1953.

    La Swissair a proposé le rejet de l'action.

    Statuant en appel par arrêt du 10 avril 1959, la Cour de justice de
Genève a alloué les conclusions de la demande, en fixant toutefois le point
de départ des intérêts au 2 octobre 1954, jour de l'ouverture de l'action.

    C.- La Swissair recourt en réforme au Tribunal fédéral, en persistant
dans ses conclusions libératoires.

    L'intimée propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- .....

Erwägung 2

    2.- La responsabilité de la Swissair envers l'Union de banques suisses
est régie par le droit suisse, loi du siège du transporteur (RO 74 II 85).

    D'après l'art. 18 al. 1 de la Convention de Varsovie, du 12 octobre
1929, à laquelle renvoie l'art. 10 du règlement fédéral de transport
aérien du 3 octobre 1952 (RTA), le transporteur aérien est en principe
responsable du dommage survenu par la destruction, la perte ou l'avarie de
la marchandise transportée. Mais, sauf convention contraire, il ne répond
du préjudice qu'à concurrence de 72 fr. 50 par kilogramme de marchandise
(art. 22 al. 2 et 4 de la Convention de Varsovie et art. 9 litt. b RTA). Il
ne peut cependant se prévaloir de cette limitation si le dommage provient
de son dol ou sa faute grave; il en est de même si le préjudice a été causé
dans les mêmes conditions par un de ses préposés agissant dans l'exercice
de ses fonctions (art. 25 de la Convention de Varsovie et art. 10 RTA).

    En l'espèce, il est constant que la Swissair était le transporteur
de la caisse disparue, que Dahl était l'un de ses préposés et que
le comportement de ce dernier constitue un dol selon l'art. 25 de la
Convention de Varsovie et l'art. 10 RTA. Il reste à juger si Dahl a
soustrait l'or "dans l'exercice de ses fonctions".

    Comme le Tribunal fédéral l'a déjà jugé (RO 83 II 238 consid. 3 a), le
règlement de transport aérien institue une responsabilité contractuelle,
qui ne diffère pas dans son principe de la réglementation du droit
commun. Il doit donc recevoir, à moins d'une disposition expresse ou de
motifs pertinents, une interprétation qui ne déroge pas aux règles du Code
des obligations. Il faut en conclure que l'expression "dans l'exercice de
ses fonctions" utilisée à l'art. 10 RTA a le même sens que les termes "dans
l'accomplissement de leur travail", qui figurent à l'art. 101 al. 1 CO. Du
reste, les textes allemands de ces dispositions traduisent ces mots par
des expressions quasi identiques ("in Ausführung ihrer Verrichtungen" pour
l'art. 10 RTA et "in Ausübung ihrer Verrichtungen" pour l'art. 101 CO).

    En prescrivant que l'employeur répond du dommage causé par ses
auxiliaires "dans l'accomplissement de leur travail" ou "dans l'exercice de
leurs fonctions", la loi entend exclure sa responsabilité lorsque l'acte
de l'auxiliaire n'a pas été commis dans l'exécution du contrat, mais
seulement à l'occasion de l'exécution. Il ne suffit donc pas qu'il existe,
entre cette exécution et l'acte dommageable, une relation dans le temps
et l'espace. Il faut que ce rapport soit fonctionnel: l'acte dommageable
de l'auxiliaire doit constituer lui-même une exécution défectueuse ou une
inexécution du contrat. Dans ce cas, l'employeur répond du préjudice,
tout au moins lorsque l'auxiliaire a agi pendant son service (RO 40 II
150 consid. 4; 53 II 240; OSER/SCHÖNENBERGER, Komm. zum OR, ad art. 55,
rem. 15 et 16, et ad art. 101, rem. 13; BECKER, Komm. zum OR, ad art. 101,
rem. 16 et 17; VON TUHR/SIEGWART, Obligationenrecht, 2e éd., p. 567 et 568;
OFTINGER, Haftpflichtrecht, Ire éd., p. 514 et suiv.).

    En l'espèce, la Swissair avait assumé l'obligation de transporter les
caisses d'or de Paris à Genève et de les remettre au destinataire. Elle
avait confié, au moins en partie, l'exécution du contrat à Dahl, qui,
en sa qualité de commandant de bord, était responsable de l'acheminement
des marchandises transportées. Or, en soustrayant l'une des caisses,
il a compromis cette exécution. Il est vrai qu'il a agi de son propre
chef, au mépris des instructions de son employeur. Mais cela importe
peu. En matière de responsabilité contractuelle, l'employeur répond
de ses auxiliaires même s'il a pris tous les soins commandés par les
circonstances pour détourner un dommage (RO 53 II 240).

    D'autre part, il n'est pas nécessaire de juger si la responsabilité
de l'employeur n'est donnée qu'au cas où l'auxiliaire a agi durant son
service, car cette condition est de toute façon remplie en l'espèce. En
effet, selon les constatations définitives de la juridiction cantonale,
c'est pendant le trajet que Dahl a soustrait la caisse d'or et l'a
dissimulée dans ses effets privés, qui n'étaient pas réceptionnés par le
personnel de terre mais dont il conservait la libre disposition.

    Ainsi, c'est dans l'exercice de ses fonctions que Dahl, préposé de
la Swissair, a soustrait l'or. Cet acte constituant un dol, la recourante
répond pleinement du dommage subi par l'Union de banques suisses.

Erwägung 3

    3.- Il reste à examiner si les droits de cette banque ont été éteints
par le paiement de La Concorde et de ses coassureurs, ou s'ils leur ont
été transférés. La recourante soutient que cette question doit être résolue
d'après le droit suisse, tandis que l'intimée invoque le droit belge..

    a) La responsabilité de la Swissair et, par conséquent, la créance
à laquelle l'intimée prétend être subrogée sont régies par le droit suisse.

    Quant au titre en vertu duquel les assureurs ont payé, c'est un
contrat d'assurance passé en Belgique par une banque de ce pays auprès
de compagnies belges ou des établissements belges d'autres compagnies. De
plus, le contrat prévoit la juridiction exclusive des tribunaux belges et
renvoie aux "Grandes conditions de la Police maritime d'Anvers". Il est
dès lors soumis au droit belge (RO 72 III 54; SCHNITZER, Handbuch des
internationalen Privatrechts, 4e éd., p. 734/735), ce que, du reste,
la Swissair ne conteste pas.

    En ce qui concerne le droit applicable à l'effet subrogatoire du
paiement de l'indemnité, on peut envisager soit la loi de la créance
cédée (dans ce sens GULDENER, Zession, Legalzession und Subrogation im
internationalen Privatrecht, p. 133 et suiv.; NIBOYET, Note dans Recueil
Sirey, 1934 II p. 50), soit le droit régissant le rapport d'obligation
en vertu duquel le paiement a été opéré (dans ce sens SCHNITZER, op.cit.,
p. 656; LEWALD, Das deutsche internationale Privatrecht, p. 277/278;
WOLFF, Das internationale Privatrecht Deutschlands, 2e éd., p. 130.;
BATIFFOL, Traité élémentaire de droit international privé, 3e éd., no 626;
cf. également, pour le cautionnement, GIOVANOLI, Bürgschaftsrecht, p.
184, rem. 32; DOMKE, Le projet suisse sur le conflit de lois en matière
de cautionnement, dans Journal du droit international, 1938, p. 431/432).

    Le Tribunal fédéral s'est rallié à cette dernière conception (RO 39
II 77 et 74 II 88, dont la solution est approuvée par GUTZWILLER, dans
Annuaire suisse de droit international, 1949, p. 226).

    b) Un nouvel examen de la question ne peut conduire qu'à la
confirmation de cette jurisprudence. En effet, on doit faire une
distinction essentielle entre la cession conventionnelle et la subrogation
légale. La première est un acte de disposition sur la créance et il se
justifie de le soumettre au statut qui régit son objet. En revanche,
la subrogation légale procède d'un paiement effectué en exécution
d'un autre rapport de droit, indépendant de celui dont découle la
créance transportée. Le seul fait que le créancier a reçu d'un tiers,
en vertu d'un titre juridique différent, un montant égal à sa créance ne
suffit pas, en soi, à libérer le débiteur et à éteindre sa dette. Cette
conséquence est déterminée par le titre en vertu duquel le paiement a été
fait, c'est-à-dire, en l'espèce, par le contrat d'assurance. Appliquer en
pareil cas la loi de la dette qui est l'objet de la subrogation pourrait
avoir pour effet de restreindre ou d'étendre les obligations de l'assureur
contrairement à ce dont les parties sont convenues soit expressément soit
en vertu de la loi régissant le contrat d'assurance.

    Certes, la subrogation n'entraîne pas seulement le maintien
de la créance, mais aussi son transfert sur la tête de l'auteur du
paiement. C'est là, cependant, un élément secondaire. La subrogation
n'est qu'un effet du paiement, lequel est régi par le droit applicable
à l'obligation dont il constitue l'exécution. C'est seulement un moyen
technique par lequel est réalisée la règle qui détermine si l'obligation
de l'auteur du paiement est subsidiaire ou non, si sa responsabilité est
pure et simple ou si, au contraire, il ne doit répondre qu'à défaut ou
en cas de carence d'autres responsables. Or ces questions doivent être
résolues d'après le droit qui régit le rapport juridique en vertu duquel
le paiement a été fait.

    c) La recourante soutient cependant que ce système est contraire à
la règle selon laquelle le droit suisse prescrit impérativement l'ordre
des recours entre débiteurs; en matière d'assurance, il permettrait
d'éluder aisément cet ordre en soumettant le contrat d'assurance à un
droit étranger.

    Le Tribunal fédéral a effectivement jugé que les parties ne pouvaient
déroger aux art. 50 et 51 CO et 72 LCA (RO 45 II 645, 80 II 252/253).
Toutefois, cette règle n'est valable que si tous les rapports de droit
dont découlent les responsabilités concurrentes sont soumis à la loi
suisse. S'ils sont régis par des droits différents, le législateur
suisse ne saurait imposer dans tous les cas l'ordre des recours qu'il
a institué. Celui-ci ne s'applique au contraire que si le droit fédéral
est celui de l'obligation en exécution de laquelle le paiement a été fait.

    La réglementation étrangère ne saurait cependant aggraver la
situation du débiteur subrogé. Mais ce n'est pas le cas en l'espèce:
l'intimée ne fait pas valoir plus de droits que n'en avait l'Union de
banques suisses. Pour la Swissair, le contrat d'assurance est une res
inter alios acta. Pas plus qu'elle ne pouvait dénier sa responsabilité
envers l'Union de banques suisses elle-même, elle ne peut la contester
à l'égard des assureurs dont le paiement n'a pas éteint sa dette et qui
sont les ayants cause de sa créancière. L'expéditeur et le destinataire
sont libres d'assurer la marchandise; le fait qu'ils l'assurent contre les
risques d'un transport international auprès d'une compagnie étrangère ne
saurait, sauf en cas de fraude à la loi, être invoqué par le transporteur
comme un moyen de libération.

    On doit en conclure que le droit de recours de l'intimée est régi
par le droit belge.

Erwägung 4

    4.- La juridiction cantonale a jugé que, si la subrogation était
soumise à la loi belge, La Concorde pouvait faire valoir contre la
Swissair tous les droits qui compétaient d'abord à l'Union de banques
suisses. Cette question, qui relève du droit étranger, échappe à la
censure du Tribunal fédéral.

    Dès lors, le recours doit être rejeté.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.