Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 85 II 256



85 II 256

41. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 28 septembre 1959 dans
la cause Berra père et fils, Garage du Salève, S.à r.l. et Assurance
mutuelle vaudoise contre Cirlini Regeste

    Subrogation der SUVAL in die Ansprüche des Geschädigten gegenüber
dem haftpflichtigen Dritten, Art. 100 KUVG.

    Bei Herabsetzung der Ansprüche des Geschädigten gegen den
haftpflichtigen Dritten auf Grund von Art. 43/44 OR oder auf Grund
entsprechender Bestimmungen eines Spezialgesetzes tritt keine Verminderung
des Rückgriffsanspruchs der SUVAL in entsprechendem Verhältnis ein
(Änderung der Rechtsprechung).

Sachverhalt

                       Résumé des faits:

    Le 30 avril 1954, Daniel Cirlini a été gravement blessé par une
voiture appartenant à Berra père et fils, Garage du Salève, S.à r.l. Il
était assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents. Jusqu'en mars 1956, celle-ci considéra qu'il était totalement
incapable de travailler et lui servit une indemnité de chômage mensuelle
de 560 fr. jusqu'en février 1955, puis de 576 fr. 38 jusqu'à fin février
1956. Par décision du 9 mars 1956, elle considéra que l'incapacité de
travail était définitive et devait être évaluée à 75%. Toutefois, pour
permettre à Cirlini de trouver une situation appropriée à son état, elle
se déclara d'accord d'admettre encore une incapacité de travail de 100%
durant six mois. Ainsi, elle lui servit, jusqu'à fin août 1956, une rente
mensuelle de 490 fr. 30, calculée sur la base d'un gain de 8405 fr. par
année. Depuis cette date, il reçoit une rente d'invalidité de 367 fr. 70
par mois.

    Cirlini a fait assigner devant les tribunaux genevois la société à
responsabilité limitée Berra père et fils, Garage du Salève, ainsi que son
assureur, l'Assurance mutuelle vaudoise, en concluant à la réparation du
dommage qu'il avait subi. La Cour de justice du canton de Genève a statué
en seconde instance par arrêt du 17 octobre 1958 et toutes les parties
ont déféré la cause au Tribunal fédéral par des recours en réforme.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

    I. Question de la responsabilité:

    (La Cour de justice a considéré que, Cirlini ayant commis une faute
concomitante, les défenderesses n'étaient responsables du dommage qu'à
concurrence de 60%. Le Tribunal fédéral fixe ce pourcentage à 75%.)
II. Question du dommage:

    (Le préjudice total se monte à 6020 fr. pour la période du 30 mars
1954 au 28 février 1955, à 12 420 fr. pour celle du 1er mars 1955 à fin
août 1956, à 3240 fr. pour celle du 1er septembre 1956 à fin janvier 1957
et à 8335 fr. pour celle du 1er février 1957 à fin avril 1958. Quant au
dommage futur, il est de 134 325 fr.)

    III. Imputation des prestations de la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 100 LAMA, la Caisse nationale est subrogée,
pour le montant de ses prestations, dans les droits de l'assuré ou des
survivants contre tout tiers responsable de l'accident. Dans cette mesure,
la victime ou ses survivants ne peuvent donc réclamer la réparation de
leur préjudice à celui qui en répond civilement.

    En l'espèce, la Cour de justice a calculé pour chaque période,
jusqu'au 1er mai 1958, la perte de gain de Cirlini et les indemnités de
chômage versées par la Caisse nationale et elle a alloué à la victime
60% de la différence. Ainsi, le droit de recours de la Caisse nationale
a été réduit dans la même proportion que les prétentions civiles de
Cirlini. Pour le dommage futur, les juges cantonaux ont procédé selon la
même méthode. Ils ont d'abord calculé la valeur, au 1er mai 1958, de la
rente à laquelle Cirlini a droit en réparation de son dommage corporel,
selon l'art. 46 CO. Puis ils ont déduit de ce montant la valeur actuelle de
la rente viagère servie par la Caisse nationale, valeur qu'ils ont établie
d'après les tables de PICCARD (Capitalisation de prestations périodiques,
6e éd.). Ils ont adjuge à Cirlini 60% de la différence.

    Les défenderesses critiquent ce mode de calcul. A leur avis, la
faute concurrente de la victime ne doit pas entraîner une réduction
correspondante du droit de recours de la Caisse nationale. Celui-ci
ne devrait être limité que par les prestations effectives de cette
institution et les droits de la victime ou de ses survivants contre
le tiers responsable. 2. a) Dans les premiers arrêts où il a appliqué
l'art. 100 LAMA, le Tribunal fédéral a jugé que la Caisse nationale était,
à concurrence de ses prestations, subrogée sans restriction dans les
droits de la victime ou de ses survivants contre le tiers responsable. Il
se bornait par conséquent à additionner les dommages-intérêts dus en vertu
du droit civil, d'une part, et les prestations de la Caisse nationale,
d'autre part, et à allouer la différence à l'ayant droit (cf. notamment
RO 51 II 520 consid. 1, ainsi que consid. 6 [non publié]; RO 53 II 180
et 501).

    Le Tribunal fédéral a amendé cette jurisprudence par son arrêt Wyder
et Wey c. Stalder (RO 54 II 464). Il a considéré que la subrogation
se produisait seulement dans la mesure où les prestations de la Caisse
nationale concernaient la même espèce de dommage que les droits de l'assuré
ou de ses survivants contre le tiers responsable. Il en a conclu, en
particulier, qu'une rente allouée en vertu des art. 84s. LAMA ne pouvait
être imputée sur les indemnités pour frais d'inhumation et pour tort
moral auxquelles les survivants avaient droit en vertu des art. 45 al. 1
et 47 CO.

    Cette nouvelle jurisprudence a été développée dans l'arrêt Heinzelmann
c. Gandoni (RO 58 II 230), confirmé par la suite (RO 60 II 36 et 157,
63 II 345, 64 II 426). D'après ces décisions, l'art. 100 LAMA n'exige
pas seulement que les dommages couverts par la Caisse nationale et le
tiers responsable soient du même genre. La subrogation ne se produit, à
l'intérieur de chaque catégorie, que dans la mesure où le préjudice doit
être réparé tant en vertu de la LAMA que selon le droit civil. D'après
cette jurisprudence, la Caisse nationale ne peut donc récupérer ses
prestations en prétendant, par exemple, aux indemnités que le tiers
doit pour la perte de gain subie par la victime durant les deux premiers
jours qui suivent l'accident (art. 74 al. 1 LAMA) et pour ce qui, par la
suite, dépasse 80% de la perte de salaire (art. 74 al. 2 LAMA). De même,
si la Caisse nationale paie une rente d'invalidité ou de survivants, les
dommages-intérêts dus pour le même type de préjudice en vertu des art. 46
ou 45 al. 3 CO (ou des dispositions correspondantes des lois spéciales)
échappent à son emprise en tant qu'ils dépassent la valeur d'une rente
calculée selon les art. 76s. ou 84s. LAMA. Inversement, cette institution
n'a pas de droit de recours pour ses prestations afférentes à une période
pour laquelle la victime ou ses survivants ne peuvent prétendre à aucune
indemnité d'après le droit civil. C'est également le cas dans la mesure où
la réparation forfaitaire prévue par la LAMA est supérieure au préjudice
que le tiers responsable doit réparer. Enfin, si l'indemnité due par
celui-ci est réduite en vertu des art. 43 ou 44 CO (ou des dispositions
correspondantes des lois spéciales), le droit de recours de la Caisse
nationale doit l'être dans la même proportion.

    b) Par son arrêt Lauper c. Ed. Laurens "Le Khédive" SA (RO 81 II 38s.,
consid. 3), le Tribunal fédéral a renoncé partiellement à la jurisprudence
qu'il avait inaugurée dans son arrêt Heinzelmann c. Gandoni. Dans la
cause Lauper, en effet, la Caisse nationale avait alloué à la veuve de
la victime, selon les art. 78 al. 1 et 84 LAMA, une rente viagère - sous
réserve du remariage - équivalente à 30% du salaire de 5626 fr. De son
côté, le Tribunal fédéral a jugé que la même personne avait droit, en vertu
de l'art. 45 al. 3 CO, à une rente équivalente à 40% d'un salaire de 6216
fr., capitalisée sur deux têtes en prenant la moyenne entre les indices
fournis par les tables de longévité et ceux qui ressortaient des tables
d'activité. Ensuite, il a purement et simplement imputé sur ce capital
la valeur actuelle de la rente servie par la Caisse nationale. Ainsi,
il a admis que la subrogation de l'art. 100 LAMA se produisait même dans
la mesure où le préjudice ne devait pas être réparé tant en vertu de la
LAMA que d'après le droit civil.

    En revanche, il n'a pas abordé expressément la question de l'influence
que peut avoir sur le droit de recours de la Caisse nationale le fait
que les dommages-intérêts dus par le tiers responsable sont réduits en
vertu des art. 43 ou 44 CO.

Erwägung 3

    3.- Lorsqu'il a jugé que le droit de recours de cette institution
était réduit dans la même proportion que les indemnités fondées sur le
droit civil, le Tribunal fédéral a considéré que cette règle découlait
du principe selon lequel la subrogation prévue par l'art. 100 LAMA se
produisait seulement dans la mesure où coïncidaient les dommages dont
la réparation était due par la Caisse nationale aussi bien que par le
tiers responsable. Mais ce principe a été abandonné par l'arrêt Lauper
c. Laurens et un nouvel examen de la question ne peut conduire qu'à la
confirmation de cette jurisprudence.

    a) En premier lieu, le texte de l'art. 100 LAMA n'exige nullement
la coïncidence des dommages. Il subroge simplement la Caisse nationale,
à concurrence de ses prestations, dans les droits de l'assuré ou des
survivants contre le tiers responsable. La manière la plus naturelle
d'interpréter cette disposition est de comprendre que toutes les
prétentions que la victime ou ses survivants peuvent faire valoir en
vertu du droit civil passent à la Caisse nationale en tant qu'elles ne
dépassent pas la valeur de ses prestations. On considère, il est vrai, que
la subrogation se produit seulement dans la mesure où les montants payés
par la Caisse nationale et ceux qui sont dus par le tiers responsable
couvrent des dommages de la même espèce. Mais cette jurisprudence est
déjà fondée sur une interprétation restrictive de l'art. 100 LAMA et aucun
argument de texte n'oblige à limiter encore davantage la portée de cette
disposition légale.

    b) On ne peut davantage invoquer à l'appui de l'ancienne jurisprudence
du Tribunal fédéral le fait que l'art. 100 LAMA serait une disposition
exceptionnelle.

    Certes, on admet généralement que les règles exceptionnelles ne
doivent pas être interprétées de façon extensive. Une telle interprétation
risquerait en effet d'étendre la portée de la disposition en cause au
point de lui faire perdre le caractère d'exception que le législateur
a voulu lui donner. Mais ce principe ne signifie nullement que, si une
règle dérogeant à une autre plus générale est susceptible de plusieurs
interprétations, on doive nécessairement choisir la plus restrictive.

    Au surplus, l'art. 100 LAMA n'est pas une disposition
exceptionnelle. Dans le droit social, l'assureur peut, en général,
recourir contre le tiers responsable (cf. notamment, outre l'art. 100 LAMA,
l'art. 49 de la loi fédérale sur l'assurance militaire, du 20 septembre
1949, l'art. 64 al. 7 du règlement des employés de la Confédération, du 1er
avril 1947, l'art. 73 al. 7 du règlement des ouvriers de la Confédération,
du 28 décembre 1950, ainsi que les statuts de la plupart des caisses de
pension). Si l'on a dérogé à cette règle dans l'assurance-survivants et,
partiellement, dans l'assurance-invalidité (cf. art. 11 al. 3 et 52 de la
loi fédérale du 19 juin 1959), c'est surtout parce que l'exercice du droit
de recours eût exigé un appareil administratif disproportionné aux revenus
qu'on pouvait en attendre (cf. rapport de la Commission fédérale pour
l'introduction de l'assurance-invalidité, du 30 novembre 1956, p. 146/147).

    c) D'autre part, le but de la Caisse nationale est d'empêcher que
ses assurés victimes d'accidents ou leurs survivants ne tombent dans le
besoin. Aussi est-elle tenue d'intervenir même si le dommage doit être
réparé par un tiers: dans la mesure de ses prestations, c'est elle qui
doit supporter le risque que le tiers responsable soit insolvable et le
retard que souffre fréquemment la réparation du préjudice sur la base
du droit civil. Cependant, la Caisse nationale est une organisation
d'assurance sociale, qui met à contribution les deniers de l'Etat et
ceux des employeurs. Il serait donc contraire à l'équité que la victime
de l'accident ou ses survivants puissent s'enrichir grâce au cumul des
prestations de cette institution et des dommages-intérêts dus par le tiers
responsable. C'est pour éviter ce résultat qu'a été édicté l'art. 100 LAMA
(cf. message du Conseil fédéral du 10 décembre 1906, FF 1906, 6e vol., p.
346). Or, en limitant la subrogation de la Caisse nationale à la mesure
dans laquelle coïncident les dommages qui doivent être réparés en vertu
de la LAMA et du droit civil, on permet aux assurés et à leurs survivants
de recevoir des indemnités qui dépassent tant le préjudice réel que les
prestations dues par la Caisse nationale. Cette conséquence est contraire
à la ratio legis et à l'équité.

    Il est vrai qu'elle peut aussi se produire - quoique dans une moindre
mesure - en vertu de la jurisprudence selon laquelle l'art. 100 LAMA exige
que les prestations de la Caisse nationale et du tiers responsable couvrent
des dommages de la même espèce. Mais, la question ne se posant point dans
la présente cause, il n'est pas nécessaire de juger si cette jurisprudence
est conforme à la ratio legisou peut être justifiée par d'autres motifs.

    d) Enfin, la méthode que le Tribunal fédéral a inaugurée dans son
arrêt Heinzelmann c. Gandoni complique gravement le calcul des droits de
la Caisse nationale et, par conséquent, celui des dommages-intérêts dus à
la victime ou à ses survivants par le tiers responsable. Les prestations
de cette institution sont établies d'après des règles plus formelles
que la réparation fondée sur le droit civil. Même allouées en plein,
elles ne couvrent en général qu'une partie du préjudice et elles peuvent
encore être réduites pour différents motifs (cf. notamment art. 74, 77,
78, 83, 84s., 90 al. 2, 91 et 98 LAMA). Il est cependant possible, dans
certains cas, que les montants payés en vertu de la LAMA soient supérieurs
à l'indemnité due par le tiers responsable ou même au dommage réel.
Plusieurs de ces différences peuvent se cumuler dans une seule espèce,
de sorte qu'il devient alors extrêmement difficile d'établir dans quelle
mesure les prestations de la Caisse nationale et la réparation due en
vertu du droit civil couvrent le même préjudice. Cette situation nuit à
la sécurité juridique et entrave gravement la liquidation extrajudiciaire
des sinistres.

    e) Pour toutes ces raisons, il s'impose de confirmer l'arrêt
Lauper c. Laurens, qui a du reste été approuvé par la doctrine (MAURER,
Zum Regressrecht der schweizerischen Unfallversicherungsanstalt, dans
Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung, 1957, p. 222s.;
VONMOOS, Die Regressrechte in der schweizerischen obligatorischen
Unfallversicherung, p. 100. Cf. également OFTINGER, Schweizerisches
Haftpflichtrecht, 2e éd., I, p. 373, note 152a; BENER, Die
Regressrechte der SUVAL nach Art. 100 KUVG, p. 65; HUMBEL, Obligatorische
Unfallversicherung und Haftpflicht des Unternehmers, p. 72s.).

    Ainsi, on ne saurait plus fonder sur le principe de la coïncidence des
dommages la règle selon laquelle le droit de recours de la Caisse nationale
devrait être réduit dans la même proportion que les dommages-intérêts
dus en vertu du droit civil.

Erwägung 4

    4.- On peut cependant se demander si cette dernière règle ne doit
pas être maintenue seule, indépendamment du principe d'après lequel les
dommages réparés par la Caisse nationale et le tiers responsable doivent
coïncider pour que la subrogation de l'art. 100 LAMA se produise.

    a) La Caisse nationale ne peut acquérir, en vertu de l'art. 100
LAMA, plus de droits que la victime ou les survivants n'en avaient
eux-mêmes. Ainsi, la prescription qui a commencé à courir avant la
subrogation n'est pas interrompue par ce transfert (RO 60 II 34). Mais
on n'en saurait déduire que, si les dommages-intérêts sont limités à une
partie du préjudice, le droit de recours de la Caisse nationale doive
être restreint dans la même proportion. Ce qui est décisif, en effet,
ce n'est pas l'importance du dommage mais les indemnités dues en vertu
de la législation civile. Ces droits peuvent être cédés intégralement de
quelque façon qu'ils aient été déterminés. L'art. 100 LAMA permet donc à
la Caisse nationale d'être subrogée, dans les limites de ses prestations,
à la victime ou aux survivants, même si leurs droits contre le tiers
responsable ne couvrent pas intégralement le dommage.
   b) La ratio legis n'exige pas non plus la réduction proportionnelle
du droit de recours prévu par l'art. 100 LAMA. Sans doute, cette solution
ne permet pas aux assurés ou à leurs survivants de s'enrichir aux dépens
de la Caisse nationale. Mais ils obtiennent, dans la plupart des cas,
des indemnités qui dépassent à la fois les dommages-intérêts dus en
vertu du droit civil et les prestations de la Caisse nationale. Cette
conséquence ne peut être justifiée par la ratiode l'art. 100 LAMA. Pour
que le but visé par le législateur soit atteint, il suffit en tout cas
que, pour chaque catégorie de dommage, le droit social et le droit commun
se complètent de telle sorte que la victime ou ses survivants reçoivent
toujours ce que leur attribue le plus généreux des deux.

    c) D'autre part, la réduction proportionnelle du droit de recours de la
Caisse nationale entraîne des calculs compliqués lorsque les prestations
de cette institution sont elles-mêmes réduites en vertu des art. 91 et
98 al. 3 LAMA. Elle aboutit même à des résultats inadmissibles quand la
réduction fondée sur ces dernières dispositions est supérieure à celle
qui est opérée sur les dommages-intérêts en vertu du droit civil. Dans
ce cas, l'unique solution est d'imputer purement et simplement sur les
dommages-intérêts la valeur des prestatioons de la Caisse nationale
(cf. RO 64 II 139s.; MAURER, op.cit., p. 230s.).

    d) Lors donc que les dommages-intérêts dus par le tiers responsable
sont réduits en vertu des art. 43 ou 44 CO ou de dispositions analogues,
on doit renoncer à diminuer dans la même proportion le droit de recours
de la Caisse nationale. Celle-ci est subrogée, à concurrence de ses
prestations, dans tous les droits qu'ont la victime ou les survivants
contre le tiers responsable, du moins lorsque les dommages couverts en
vertu de la LAMA et du droit civil sont de la même espèce.

    D'ailleurs, la réduction proportionnelle des droits de la Caisse
nationale est critiquée par la plupart des auteurs (MAURER, loc.cit.;
BENER, op.cit., p. 66s.; HUMBEL, loc.cit.; VONMOOS, op.cit., p. 102s.;
cf. également STREBEL, Kommentar zum Bundesgesetz über den Motorfahrzeug-
und Fahrradverkehr, ad art. 56, rem. 42).

    Une telle réduction n'est pas non plus admise en France, en Allemagne
et en Italie, pays dans lesquels le droit de recours de l'établissement
officiel d'assurance contre les accidents est réglé par des dispositions
analogues à l'art. 100 LAMA (cf., pour le droit français, les arrêts de la
Cour de cassation des 10 mars 1953 et 19 octobre 1955, résumés dans DALLOZ
1954.3.29 et 1956.3.29, ainsi que TUNC, Le recours de la sécurité sociale
et des collectivités publiques, dans Revue trimestrielle de droit civil,
1955, p. 583s., no 13, et MAZEAUD/TUNC, Traité de la responsabilité
civile, 5e éd., I, no 267-6. Pour l'Allemagne, voir notamment les arrêts
du Reichsgericht du 13 mai 1935 [Entscheidungen des Reichsgerichts in
Zivilsachen, vol. 148 p. 20], du 6 février 1936 [Deutsches Autorecht,
1936, p. 224] et du 27 juin 1941 [Entscheidungen des Reichsgerichts in
Zivilsachen, vol. 167 p. 210], l'arrêt du 24 mai 1950 de l'Oberster
Gerichtshof für die Britische Zone [Deutsche Rechtszeitschrift,
1950, p. 326] ainsi que l'arrêt du Bundesgerichtshof du 16 mars 1954
[Entscheidungen des Bundesgerichtshofes in Zivilsachen, vol. 13, p. 32];
cf. également GEIGEL, Der Haftpflichtprozess, 9e éd., p. 508. En ce qui
concerne le droit italien, cf. l'arrêt de la Cour de cassation du 16 mai
1958, dans Diritto del lavoro, 1958, p. 469s.).

Erwägung 5

    5.- La décision prise au sujet de l'imputation des prestations de la
Caisse nationale déroge à une jurisprudence suivie non seulement par la Ire
Cour civile du Tribunal fédéral, mais aussi par la IIe Cour civile (cf. RO
60 II 150). C'est pourquoi elle a été soumise, conformément à l'art. 16 OJ,
aux deux cours réunies, qui ont approuvé ce changement de jurisprudence.

    IV. Calcul des dommages-intérêts dus à Cirlini:

    Sur le vu de ce qui précède, les dommages-intérêts dus par les
défenderesses doivent être calculés comme il suit:

    1. Dommage pour la période du 30 mars 1954 au 28 février 1955  Fr.
6020.--
      75% de cette somme                                          Fr.
      4515.-- Prestations de la Caisse nationale pendant la même période
      Fr.   4480.80
                                                                  -------------
      Différence encore due par les défenderesses                 Fr.
      34.20

    2. Dommage pour la période du 1er mars 1955 au 31 août 1956    Fr.
12420.--
      75% de cette somme                                          Fr.
      9315.-- Prestations de la Caisse nationale pendant la même période
      Fr.   9318.40
                                                                  -------------
      Différence à imputer sur la dette des défenderesses         Fr.
      3.40

    3. Dommage pour la période du 1er septembre 1956 au
      31 janvier 1957                                             Fr.
      3240.-- 75% de cette somme
      Fr.   2430.-- Prestations de la Caisse nationale pendant la même
      période  Fr.   1838.50
                                                                  -------------
      Différence encore due par les défenderesses                 Fr.
      591.50

    4. Dommage pour la période du 1er février 1957 au
      30 avril 1958                                               Fr.
      8335.-- 75% de cette somme
      Fr.   6251.25 Prestations de la Caisse nationale pendant la même
      période  Fr.   5515.50
                                                                  -------------
      Différence encore due par les défenderesses                 Fr.
      735.75

    5. Perte de gain future
Fr. 134325.--
      75% de cette somme
      Fr. 100743.75 Valeur capitalisée de la rente servie par la Caisse
      nationale                                         Fr.  92660.40
                                                                  -------------
      Différence encore due par les défenderesses                 Fr.
      8083.35