Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 85 II 221



85 II 221

35. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 18 septembre 1959 dans
la cause époux C. Regeste

    1.  Völlige oder teilweise Urteilsunfähigkeit: Folgen für die Führung
eines Scheidungsprozesses als klagende oder beklagte Partei (Erw. 1).

    2.  Art. 140 ZGB. Wann liegt böswillige Verlassung vor? (Erw. 2). Kann
man beim Fehlen der Klagevoraussetzungen des Art. 140 ZGB die böswillige
Verlassung im Rahmen von Art. 142 ZGB anrufen und unter welchen
Voraussetzungen? (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Les époux C., qui vivent à Genève, se sont mariés le 20 octobre
1928. Ils ont eu deux enfants, actuellement majeurs. En mars 1954,
"à la suite de certaines dissensions", les conjoints passèrent une
convention prévoyant une séparation pour une durée de six mois, du 1er
avril au 1er octobre 1954, prolongeable de six mois si aucune entente
n'intervenait pour la reprise de la vie commune. Le 28 août 1954, dame C.,
invitée par son mari à reprendre la vie commune, s'y refusa. Depuis lors,
les époux continuèrent à vivre séparés.

    Le 4 novembre 1954, C. introduisit une action en divorce fondée sur
l'art. 142 CC. Le Tribunal de première instance de Genève le débouta le
20 décembre 1955, en considérant que, d'après les preuves rapportées, la
vie commune n'était pas devenue impossible et que le divorce aurait pu être
prononcé tout au plus en vertu de l'art. 140 CC, si les conditions de cette
disposition avaient été remplies. Le 20 janvier 1956, sieur C. invita sa
femme à reprendre la vie commune au domicile conjugal. Ce fut en vain. Il
renouvela sa demande en faisant adresser à dame C., le 17 janvier 1957,
la sommation prévue par l'art. 140 al. 2 CC. Le 20 février 1957, dame C.
se présenta à la pension où logeait son mari, en offrant à ce dernier d'y
reprendre la vie commune. Sieur C. demanda cependant que la vie commune
reprît au domicile conjugal. Aucune entente ne fut toutefois réalisée
dans ce sens. En août 1957, C. introduisit derechef action en divorce,
en invoquant, dans sa demande, l'art. 140 CC seulement, puis en cours
de procédure l'art. 142 CC. Le 5 juillet 1958, le Tribunal de première
instance le débouta à nouveau en bref pour les motifs suivants:

    Dans la mesure où l'action en divorce est fondée sur l'art. 142 CC,
il y a chose jugée pour les circonstances antérieures au jugement du
20 décembre 1955. Depuis lors, aucun fait ne s'est passé qui permette
d'affirmer que le lien conjugal est définitivement rompu. Le divorce ne
saurait donc être prononcé en vertu de l'art. 142 CC. Quant à l'art. 140
CC, il n'est pas applicable non plus. En effet, la santé mentale de la
défenderesse est gravement compromise, probablement par suite notamment
du comportement du demandeur à son égard. Dame C. aurait donc pu invoquer
l'art. 170 al. 1 CC, ce qui exclut l'abandon malicieux. D'ailleurs, vu
les troubles psychiques dont la défenderesse est atteinte, l'application
de l'art. 140 CC reviendrait à éluder les dispositions impératives de
l'art. 141 CC.

    Ces motifs conduisirent également le Tribunal de première instance à
transmettre le dossier à l'autorité compétente, conformément à l'art. 369
al. 2 CC, en vue de faire éventuellement interdire dame C.

    Le 19 décembre 1958, la Cour de justice du canton de Genève, saisie
d'un appel du demandeur, réforma le jugement du Tribunal de première
instance et prononça le divorce en vertu de l'art. 140 CC. Elle considéra
en substance ce qui suit:

    Depuis le mois de mars 1954, les époux n'ont pas repris la vie
commune. C'est dame C. qui est responsable de cette situation, sans
d'ailleurs pouvoir se prévaloir d'un motif valable. Les prétextes qu'elle
invoque à cet égard ne sont pas établis. Mais il n'est pas démontré non
plus que les offres que C. a faites en vue de reprendre la vie commune
étaient dépourvues de sincérité. Dès lors les conditions objectives de
l'art. 140 CC sont réunies. Quoi qu'en pense le Tribunal de première
instance, il en va de même du point de vue subjectif, car il n'est
nullement établi que la défenderesse souffre d'une maladie mentale. Le
divorce doit donc être prononcé en vertu de l'art. 140 CC.

    B.- Alors qu'aucune décision n'avait encore été prise au sujet de
l'interdiction de dame C., le conseil de cette dernière a interjeté un
recours en réforme au Tribunal fédéral en concluant au rejet de l'action en
divorce intentée par sieur C. Ultérieurement, la Chambre des tutelles du
canton de Genève a privé provisoirement la défenderesse de l'exercice des
droits civils, et lui a désigné un tuteur. Celui-ci, autorisé d'ailleurs
par la Chambre des tutelles, a donné mandat au conseil de sa pupille de
soutenir le procès.

    Sieur C. a conclu au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- D'après la jurisprudence (RO 78 II 101), l'époux qui est incapable
de discernement n'est pas recevable à intenter une action en divorce, même
quand son tuteur agit pour lui. Ce principe ne peut cependant pas être
appliqué sans autre au cas où le conjoint incapable de discernement est
défendeur au procès. Aussi bien le Tribunal fédéral lui a-t-il apporté
un tempérament en ce sens que si le défendeur, sans être capable de
discernement au sens le plus large du terme, peut néanmoins comprendre dans
une certaine mesure l'objet du litige et décider de résister à l'action,
il faut lui reconnaître la faculté de conclure seul au rejet de l'action
et de recourir contre un jugement prononçant le divorce (RO 77 II 12). Il
est nécessaire même d'aller plus loin et d'admettre que l'époux privé de
l'exercice de ses droits civils et incapable de tout discernement peut
défendre à une action en divorce lorsqu'il agit par l'intermédiaire de
son représentant légal. La sauvegarde des intérêts du pupille l'exige,
notamment en ce qui concerne les conséquences pécuniaires du divorce.

    En l'espèce, la défenderesse, qui, depuis que le Tribunal fédéral est
saisi de la cause, a été privée provisoirement de l'exercice des droits
civils et se trouve peut-être incapable de tout discernement, agit dans
son recours en réforme par l'intermédiaire de son tuteur. Elle se borne à
conclure au rejet de l'action. Il se justifie dès lors d'entrer en matière.

Erwägung 2

    2.- La recourante soutient que, contrairement à l'opinion du premier
juge, les conditions de l'art. 140 CC ne sont pas réunies. D'après cette
disposition, l'abandon doit avoir duré deux ans au moins, auxquels
s'ajoutent les six mois suivant la sommation de l'art. 140 al. 2 CC,
cette sommation ne pouvant être faite qu'après l'écoulement des deux ans
et revêtant le caractère d'une condition de l'action (RO 40 II 9, 52 II
411). De plus, l'abandon doit être "malicieux", ce qui suppose notamment
que l'époux coupable a abandonné son conjoint sans y être autorisé.

    En l'espèce, sieur C. et sa femme ont cessé la vie commune le
1er avril 1954. Toutefois, dès cette dernière date et jusqu'au 1er
octobre 1954 en tout cas, la recourante a vécu de son côté en vertu de la
convention qu'elle a passée avec son mari en mars 1954. Du 4 novembre 1954
à fin décembre 1955, c'est-à-dire pendant le premier procès en divorce,
elle était autorisée par l'art. 170 al. 2 CC à cesser la vie commune. Au
mois de janvier 1957, quand sieur C. fit adresser à sa femme la sommation
prévue par l'art. 140 al. 2 CC, il n'y avait donc pas deux ans que durait
l'abandon, et la sommation était prématurée. Comme, dès le mois d'août
1957, la recourante avait de nouveau le droit de vivre séparée, puisque
c'est à ce moment-là que l'instance actuellement pendante a été introduite,
il est certain que les conditions de l'art. 140 CC ne sont pas remplies.

Erwägung 3

    3.- La recourante conteste également que l'art. 142 CC soit
applicable. La juridiction cantonale estime au contraire - et sur ce point
l'intimé exprime la même opinion - "qu'après quatre ans de séparation
de fait et de procédures, la désunion ... doit être considérée comme
totale et définitive". Autrement dit, ce qui, d'après elle, justifie
l'application de l'art. 142 CC, c'est uniquement l'abandon. En principe,
lorsque les conditions de temps posées par l'art. 140 CC font défaut,
l'abandon malicieux peut permettre de prononcer le divorce en vertu
de l'art. 142 CC. Il est nécessaire toutefois que les éléments de
fait de l'abandon ne soient pas seuls réalisés et invoqués, sinon cela
reviendrait à éluder l'art. 140 CC. Il faut que, même si l'abandon est
une cause prépondérante de la désunion, il n'en soit cependant que l'une
des causes et qu'il y ait d'autres circonstances permettant de dire que
la vie commune est devenue insupportable (RO 53 II 100).

    En l'espèce, l'abandon, à lui seul déjà, ne saurait guère être
invoqué contre la recourante. En effet, si aujourd'hui la vie commune
a cessé depuis un peu plus de cinq ans, la plus grande partie de la
séparation (trois ans et trois mois) a cependant son origine dans les
actions en divorce que l'intimé a successivement intentées. Comme ces
procès manifestent la volonté de sieur C. de se séparer de sa femme,
ils ne sauraient en même temps être retenus comme une cause de désunion à
la charge de la recourante. Il eût au contraire appartenu au demandeur de
prouver dans ces instances que le lien conjugal était définitivement rompu,
sans qu'il en fût principalement responsable. Or les faits qu'il a allégués
et qui auraient pu, le cas échéant, être invoqués à cet égard sont demeurés
sans preuve. En particulier, les témoignages dont il fait état devant la
Cour de céans n'établissent ni une faute de quelque importance à la charge
de la recourante ni une rupture complète du lien conjugal. Aussi bien,
hormis le fait que les époux vivent séparés depuis de longues années et
que la recourante ne veut pas reprendre la vie commune, l'arrêt attaqué ne
contient aucune constatation relative à des circonstances qui, envisagées
dans le cadre de l'art. 142 CC, démontreraient que la vie commune est
devenue insupportable. Dès lors le divorce ne saurait être prononcé en
vertu de l'art. 142 CC.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et réforme l'arrêt attaqué en ce sens que l'action
en divorce est rejetée.