Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 84 I 252



84 I 252

36. Arrêt du 12 décembre 1958 dans la cause Fuchs contre Département
fédéral de l'économie publique. Regeste

    Art. 4 Abs. 2 UB. Fall eines Bijoutiers, welcher Uhrgehäuse fabrizieren
will.

Sachverhalt

    A.- Fuchs a fait, de 1923 à 1926, un apprentissage de
bijoutier. Jusqu'en 1944, il a travaillé la plupart du temps dans des
fabriques de boîtes de montres, en dernier lieu, pendant quinze mois, comme
chef de fabrication pour la maison Weber & Cie SA, à Genève. Depuis 1944,
il possède son propre atelier de bijouterie à Genève, où il a occupé
jusqu'à dix ouvriers. Il a créé et produit avec succès des modèles de
boîtes de montres de luxe en or; des fabriques de montres lui ont demandé
à plusieurs reprises s'il pourrait en livrer. C'est pourquoi, le 20 août
1957, il demanda au Département fédéral de l'économie publique (en abrégé:
le Département) l'autorisation d'ouvrir une fabrique de boîtes de montres
en or avec douze ouvriers au maximum. Par une décision majoritaire,
Consulthor proposa d'accorder l'autorisation en limitant à quatre le
nombre des ouvriers; la minorité proposa de refuser l'autorisation,
subsidiairement de ne l'accorder que pour "la fabrication des boîtes de
montres or de forme, à l'exception des boîtes rondes". Au cours d'une
séance d'instruction contradictoire à laquelle le Département avait invité
Fuchs et des représentants des associations de fabricants de boîtes,
on proposa de limiter le droit du requérant à la confection de boîtes de
fantaisie ou d'un petit nombre de pièces, ce qui avait déjà été fait à
l'égard d'autres bijoutiers. Fuchs déclara cependant que, dans ce cas,
l'autorisation ne l'intéressait pas et qu'il voulait produire en série
les boîtes rondes comme les autres.

    Le 1er septembre 1958, le Département refusa l'autorisation, en bref
par les motifs suivants:

    Les capacités professionnelles de Fuchs sont incontestées, mais il
n'a jamais exercé d'activité commerciale dans la fabrication des boîtes
de montres. Il n'a pas non plus les connaissances techniques requises,
car il n'a plus eu aucune activité dans la branche depuis 1944. Il y
a une différence fondamentale entre la production, pièce par pièce, de
boîtes de luxe et la fabrication en série. Fuchs ne satisfait donc pas aux
exigences de l'art. 4 al. 1 lit. a AIH. Il n'existe point de circonstances
spéciales qui justifieraient une autorisation en vertu de l'art. 4 al. 2
AIH. Le requérant, il est vrai, a produit des modèles de boîtes de luxe,
mais il en va de même de nombreux autres bijoutiers; si on lui accordait
l'autorisation, on ne pourrait la refuser à ceux qui se trouvent aussi
dans ce cas. Une telle pratique extensive se justifierait d'autant moins
que, depuis quelques mois, les commandes de boîtes en or ont fortement
diminué. Il est dès lors douteux que l'entreprise projetée soit viable.

    B.- Fuchs a formé un recours de droit administratif. Il conclut
à l'annulation de la décision du 1er septembre 1958 et requiert que
l'autorisation demandée lui soit accordée, au besoin après l'administration
des preuves nécessaires. Son argumentation se résume comme il suit:

    Ses capacités professionnelles, qui sont reconnues, comprennent les
connaissances techniques requises pour la fabrication de boîtes de montres.
Dans les examens cantonaux d'apprentissage, il est expert non seulement
pour la bijouterie, mais aussi pour les boîtes de montres. Comme employé
de la maison Weber & Cie, il a occupé le poste de chef de fabrication au
moment où cette entreprise a introduit la production de boîtes de montres
rondes. Depuis lors, il n'a plus quitté la branche; au contraire, il a
créé des modèles pour des fabricants et s'est tenu au courant de leur
fabrication en série. Il a l'intention d'employer les machines les plus
modernes, se distinguant ainsi de nombreux membres de l'association,
qui usent de méthodes surannées. Depuis quatorze ans, dans sa propre
entreprise, il a fait preuve de ses connaissances commerciales; elles
suffisent d'autant plus qu'il n'a pas l'intention d'exporter. La demande
ne lèse pas non plus des intérêts importants de l'industrie horlogère
ou de l'une de ses branches. La décision attaquée ne le conteste pas. La
diminution des commandes qu'elle mentionne sera passagère, de même que la
récession économique constatée aux Etats-Unis d'Amérique; les exportations
de montres dépassent encore celles de 1955, où l'on croyait qu'elles ne
pourraient plus augmenter. Les conditions de l'art. 4 al. 1 lit. a AIH sont
remplies et l'autorisation doit être accordée. Il est incompréhensible que
le Département l'ait refusée nonobstant le préavis favorable de Consulthor.
Subsidiairement, il y aurait lieu de l'accorder en vertu de l'art. 4 al. 2
AIH. Constitue une circonstance spéciale la justifiant, la création de
modèles de boîtes en or, qui sont très intéressants pour l'industrie
horlogère suisse et ont figuré dans des expositions internationales,
ainsi à Bruxelles. Il est dans l'intérêt de l'industrie horlogère suisse
qu'un bijoutier qui a fait preuve d'une telle capacité créatrice puisse
entreprendre la fabrication. Une autre circonstance spéciale consiste
dans la nécessité d'industrialiser la fabrication des boîtes de montres
en or, ce que compte faire le recourant. Sur ce point, les considérants
de l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral en la cause Huguenin conservent
toute leur valeur, en particulier touchant les boîtes rondes qui sont
seules demandées aujourd'hui et se prêtent mieux que les autres à la
fabrication en série. La viabilité de l'entreprise est garantie par les
capacités du requérant et par le désir de diverses fabriques de montres
de lui acheter des boîtes.

    C.- Le Département a conclu au rejet du recours après avoir recueilli
un nouvel avis, négatif de la part des fabricants de boîtes de montres en
or et positif de la part des fabricants d'horlogerie. Son argumentation
est, en bref, la suivante:

    Le recourant ne satisfait aux exigences de l'art. 4 al. 1 lit. a AIH
ni du point de vue technique, ni du point de vue commercial. Même s'il en
allait autrement, l'autorisation devrait néanmoins lui être refusée de par
le préambule à l'art. 4 al. 1, car le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs
reprises qu'il serait contraire aux intérêts importants de l'industrie
horlogère d'ouvrir aux bijoutiers l'accès à la fabrication des boîtes
en or. Dans l'affaire Huguenin, l'autorisation a été accordée sur le
vu de circonstances tout à fait spéciales pour permettre de soutenir la
concurrence des entreprises étrangères par la fabrication industrielle
en grandes séries.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recourant exploite un atelier de bijouterie auquel il veut
ajouter une fabrique de boîtes de montres. Au contraire de celui-là,
celle-ci relève de l'industrie horlogère. Du point de vue de cette
industrie, la présente demande tend donc non pas à la transformation d'une
entreprise existante, mais à l'ouverture d'une entreprise nouvelle. Ce
sont par conséquent les dispositions légales applicables à une telle
ouverture qui seules s'appliquent; une autorisation préalable est en tout
cas nécessaire de par l'art. 3 al. 1 AIH. Le recourant fonde sa requête
sur l'art. 4 al. 1 lit. a et subsidiairement sur l'art. 4 al. 2 AIH.

    2 - Selon l'art. 4 al. 1 AIH, l'autorisation d'ouvrir une nouvelle
entreprise de l'industrie horlogère doit être accordée, sous réserve des
intérêts importants de cette industrie dans son ensemble ou de l'une de
ses branches, si le candidat prouve qu'il a exercé, dans la branche dont
il s'agit, une activité technique et commerciale suffisante et qu'il
possède les connaissances nécessaires pour exploiter l'entreprise dont
il projette la création.

    Point n'est besoin d'examiner, en l'espèce, si le recourant remplit
toutes ces conditions, car, même si la question appelait une réponse
négative, le recours devrait être admis de par l'art. 4 al. 2 AIH. Cette
disposition légale permet d'accorder l'autorisation dans certains cas où
le requérant ne satisfait pas aux exigences de l'art. 4 al. 1, pourvu
que, sous réserve des intérêts prépondérants de l'industrie horlogère
considérée dans son ensemble, il justifie de connaissances suffisantes
dans le domaine soit technique soit commercial ou d'une expérience
suffisante. Encore faut-il, selon la pratique suivie par le Département
et que le Tribunal fédéral a approuvée, que des circonstances spéciales
justifient l'autorisation exceptionnelle et qu'en tout cas la bonne marche
de l'entreprise apparaisse assurée.

    Jugeant du point de vue de l'art. 4 al. 1 AIH, le Tribunal fédéral a
dit (RO 79 I 383, consid. 2) que des "importants intérêts de l'industrie
horlogère dans son ensemble ou d'une de ses branches dans son ensemble"
s'opposaient à ce que les bijoutiers-joailliers fussent autorisés à
adjoindre à leur exploitation la fabrication de boîtes de montres en or, et
que cette règle ne souffrait de dérogation que lorsqu'un bijoutier, ayant
obtenu des résultats intéressants par la création de boîtes-bijoux, devait,
dans l'intérêt même de l'industrie horlogère, être autorisé à entreprendre
une telle fabrication, aux fins d'améliorer la production de ces articles.
S'agissant de l'art. 4 al. 2 AIH, la cour de céans a considéré qu'il y
avait lieu d'admettre le même principe et la même exception, qu'en effet
la création de modèles intéressants pouvait constituer une circonstance
spéciale propre à justifier une autorisation exceptionnelle, pourvu que les
autres conditions que pose la disposition légale précitée fussent remplies.

    En l'espèce, le recourant possède des connaissances techniques
suffisantes pour entreprendre la fabrication des boîtes de montres en
or. Il a travaillé pendant de nombreuses années pour des fabriques
de telles boîtes, en dernier lieu comme chef de fabrication pendant
quinze mois, jusqu'en 1944. Depuis lors, il est vrai, il a quitté
cette branche qui, en quatorze ans, s'est développée avec rapidité,
notamment par l'introduction de nouveaux procédés techniques. Il ne s'en
est cependant pas désintéressé; il a créé des modèles de boîtes et les
a exécutés. Sans doute y a-t-il une différence considérable entre ce
travail et la fabrication en série des boîtes en or, mais, du fait qu'il
connaissait très bien cette fabrication, on peut admettre que, pour créer
des modèles utilisables, il s'est tenu au courant de la fabrication.

    L'intimé ne conteste pas que les modèles de boîtes créés par le
recourant présentent un intérêt certain pour l'industrie horlogère
suisse. Cela résulte des dessins produits et du fait que plusieurs de
ces modèles ont été acquis par une fabrique des plus connues et ont été
présentés à d'importantes expositions, qu'enfin plusieurs fabriques de
montres ont demandé à Fuchs de leur livrer de telles boîtes. On peut donc
admettre que l'industrie horlogère considérée dans son ensemble a, de ce
fait, intérêt à ce que Fuchs obtienne l'autorisation requise (préambule
à l'art. 4 al. 2 AIH). Il n'y a pas lieu de craindre que la répétition
de cas semblables n'entraîne un développement excessif de l'appareil
de production (RO 79 I 383, consid. 2; 80 I 88 s.), car la situation du
recourant se distingue par une autre circonstance spéciale. C'est qu'il
a non seulement acquis des connaissances techniques mais aussi travaillé
pendant de nombreuses années dans la branche, à laquelle il n'est pas,
aujourd'hui encore, étranger. C'est tout au plus si les entreprises
de la même branche pourraient subir un certain dommage. Cependant,
outre que le statut de l'horlogerie n'a pas pour but de garantir en tout
cas les situations acquises (RO 80 I 282), si l'on met en balance les
intérêts opposés (arrêts Julini, du 21 octobre 1955 et Chambre suisse de
l'horlogerie c. Huguenin, du 28 mars 1958, non publiés), ceux de la branche
le cèdent en l'espèce à ceux de l'industrie considérée dans son ensemble.

    Quant à la bonne marche de l'entreprise, elle paraît assurée vu les
capacités professionnelles marquées du recourant, que prouvent à la fois
le succès incontesté de son atelier de bijouterie et le fait que diverses
fabriques de montres demandent à acheter des boîtes en or de sa production.

Erwägung 3

    3.- L'autorisation qui doit être accordée à Fuchs étant justifiée par
l'intérêt de l'industrie horlogère suisse, on peut se demander s'il y a
lieu de la limiter à la fabrication des modèles de joaillerie créés par
lui. Mais la viabilité d'une exploitation ainsi restreinte et pratiquement
exclue de toute fabrication en série serait douteuse. La spécialisation
d'une entreprise à l'intérieur d'une branche donnée ("débrisement") n'est
pas dans l'intérêt de l'industrie horlogère; c'est à juste titre que le
Département s'y oppose (arrêt Varrin, du 1er juin 1956, non publié). Il
était normal que le recourant refusât de s'intéresser uniquement à
la fabrication des boîtes dites de fantaisie ou d'un petit nombre de
boîtes en or - proposition faite par certains intéressés au cours de la
procédure administrative. Pour que l'entreprise puisse subsister, il faut
qu'elle dispose d'une certaine liberté de mouvements et soit à même de
travailler dans des conditions favorables; pour cela, il est nécessaire de
produire en série. Etant donné que l'activité de Fuchs ne doit pas être
bornée à l'ornementation de boîtes fabriquées par d'autres, il faut lui
permettre de les fabriquer lui-même; peu importe qu'il entre, de ce fait,
en concurrence avec les entrepreneurs de la branche. Cette concurrence
sera toutefois tempérée et une augmentation excessive de l'appareil de
production prévenue par la limitation du nombre des ouvriers qu'il sera
loisible au recourant d'employer. On lui accordera donc l'autorisation de
fabriquer des boîtes de montres en or, mais avec quatre ouvriers seulement,
comme Consulthor l'avait proposé.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet partiellement le recours en ce sens que l'autorisation est
accordée à Fuchs d'ouvrir une fabrique de boîtes de montres en or et d'y
occuper quatre ouvriers au plus.