Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 84 I 167



84 I 167

24. Arrêt du 28 mai 1958 dans la cause Ries et consorts contre Conseil
d'Etat du Canton de Vaud. Regeste

    1.  Art. 86 Abs. 2 OG. Erschöpfung des kantonalen
Instanzenzuges. Stellt die im waadtländischen Recht vorgesehene Einsprache
gegen eine kantonale Planung ein kantonales Rechtsmittel dar? (Erw. 2).

    2.  Eigentumsgarantie.

    a)  Öffentlich-rechtliche Eigentumsbeschränkung; Voraussetzungen;
Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts (Erw. 3).

    b)  Gesetzliche Grundlage für eine kantonale Planung zum Schutze einer
Landschaft. Erfordernis einer klaren gesetzlichen Grundlage? (Erw. 4).

    c)  Öffentliches Interesse an einer solchen Planung. Umfang der
Schutzmassnahmen (Erw. 5).

    d)  Materielle Enteignung. Offenstehen des Rechtswegs zur
Geltendmachung einer Entschädigungsforderung (Art. 30 des waadtländischen
Baupolizeigesetzes). Folgen dieses Umstands für die Frage der Verletzung
der Eigentumsgarantie (Erw. 6).

Sachverhalt

    A.- La loi vaudoise du 5 février 1941 sur la police des constructions
(LPC) "fixe les règles destinées à assurer notamment ... la sauvegarde
des beautés et des curiosités naturelles du pays" (art. 1er ch. 2). Elle
prévoit que ce but peut être atteint en particulier par le moyen de plans
d'extension cantonaux. Les art. 53 et 54 al. 1 LPC disposent à ce sujet
ce qui suit:

    "Art. 53. - L'Etat peut établir des plans et règlements d'extension:

    2. pour les rives du lac Léman...

    3. pour les régions ou les sites du canton que détermine le Conseil
d'Etat au für et à mesure des besoins.

    Avant de procéder à l'élaboration d'un plan d'extension cantonal,
le Département des travaux publics entend les municipalités des communes
territoriales intéressées."

    "Art. 54 al. 1. - Les art. 25 ... 30 ... sont applicable s par analogie
aux plans et aux règlements d'extension cantonaux."

    L'art. 25 LPC concerne les règlements communaux. Il prévoit notamment
que ces "règlements ... peuvent fixer les règles et conditions relatives
... à la destination des immeubles". En vertu de l'art. 30 LPC, "la commune
peut être tenue d'exproprier sitôt après l'approbation du plan toute
parcelle non bâtie dont la valeur dépend principalement de la possibilité
d'y construire, lorsque l'utilisation en est rendue impossible ou gênée
dans une trop large mesure par l'interdiction de construire". Enfin
l'art. 57 al. 1 LPC interdit toute construction de nature à compromettre
l'aspect ou le caractère d'un site. Toutefois, lorsqu'une commune applique
l'art. 57 al. 1, elle peut être tenue d'exproprier tout fonds dont la
valeur dépend principalement de la possibilité d'y construire quand, du
fait de l'interdiction, l'utilisation en est rendue impossible ou gênée
dans une trop large mesure.

    B.- En 1953, le Département des travaux publics du canton de Vaud mit
à l'enquête un plan d'extension cantonal tendant à sauvegarder l'aspect
actuel de la région des Grangettes et du Vieux-Rhône, sur le territoire
de la commune de Noville. Tenant compte des observations présentées par
celle-ci, le département mit à l'enquête, du 8 octobre au 7 novembre 1955,
un nouveau plan comportant un périmètre quelque peu réduit. Ce plan fit
l'objet de nouvelles oppositions émanant de propriétaires de parcelles
situées dans la zone du plan 56, notamment des communes de Villeneuve et
de Noville ainsi que de Jean Ries, J. Tuchschmidt, Jean-Pierre Fontannaz,
R. Robyr, François Arnaud, Jacques Breuer, Louis Bruchez, les hoirs de
Georges Stettler, Gustave et Marthe Favrod, Auguste Chessex, Edouard
Stettler, Louis et Emma Perret, Robert Favrod, les enfants de Robert
Clausen, Marcel Favrod, Paul Dorsaz, Henri Fontannaz, l'hoirie de Fritz
Brönimann, René Pernet, Albert Trollux, Emile Cathélaz, J. Puenzieux,
Gustave Pernet et Henri Pernet. Ayant examiné ces diverses oppositions,
le Conseil d'Etat décida de réduire encore le périmètre du plan. Le 15
novembre 1957, il adopta le plan d'extension cantonal no 56, qui comprend
une bande de terrain de 500 m environ le long de la grève du lac entre
Villeneuve et l'embouchure du Grand Canal et tout le secteur compris
entre le Grand Canal, la rive du Léman et le Rhône jusqu'à environ 3 km
en amont. Le plan porte l'inscription suivante:

    "... Sont seules admises:

    a) les constructions existantes ou destinées à compléter une
exploitation existante;

    b) les constructions et installations nécessaires à l'exploitation
agricole et sylvicole;

    Toutes ces constructions doivent être préalablement autorisées par
le Département des travaux publics.

    c) une utilisation du sol pour l'agriculture et la sylviculture
(à l'exclusion de gravières, aérodromes, dépôts d'entreprises, camping,
etc.)."

    Le Département des travaux publics a informé les opposants de
l'adoption du plan par une lettre-circulaire du 20 novembre 1957 où
il explique que, selon le Conseil d'Etat, les terrains englobés dans le
périmètre du plan ne sont pas de ceux dont la valeur dépend principalement
de la possibilité d'y construire et que l'art. 30 LPC n'est donc pas
applicable.

    C.- Le plan fait aujourd'hui l'objet d'un recours de droit public. Ce
recours a été interjeté par les communes et particuliers qui ont fait
opposition en procédure cantonale, par Emile Dufaux, Edouard Jordan,
Robert Korkis, Fritz Riesen et l'entreprise Luini et Chabod qui, au
moment de l'enquête, n'étaient pas encore propriétaires des parcelles
qu'ils possèdent aujourd'hui dans la zone du plan, enfin par la commune
de Rennaz et différents particuliers qui n'ont pas fait opposition
devant les autorités cantonales. Ces particuliers sont Ernest Favrod,
Rodolphe Mail, Hélène Borloz, Edmond Collomb, Robert Perriaz, Paul Favrod,
Marguerite Favrod, Charles Pernet, Adèle Favrod, Charles Favre, Joseph
Daven, Ed. Deppen, Robert Borloz, René Favrod, Elisa Culand, l'entreprise
Fontannaz et Perriaz, dame veuve Henri Fontannaz et Aloïs Cathélaz.

    Les recourants demandent l'annulation du plan 56 et de la décision du
15 novembre 1957 par laquelle le Conseil d'Etat a adopté ce plan. Ils se
plaignent essentiellement d'une violation de la garantie de la propriété.
Leurs moyens seront repris ci-après dans la mesure utile.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet des recours, celui de la commune
de Villeneuve étant toutefois déclaré irrecevable pour cause de tardiveté.

    Une délégation du Tribunal fédéral a procédé à une inspection locale
sur laquelle on reviendra en tant que de besoin.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La commune de Villeneuve a reçu la décision attaquée le 27 novembre
1957, de sorte que, pour elle, le délai de trente jours prévu par l'art. 89
OJ expirait le 27 décembre 1957. Le recours de droit public qu'elle a mis
à la poste conjointement avec les communes de Noville et de Rennaz le 28
décembre 1957 seulement est tardif en ce qui la concerne. L'exception
d'irrecevabilité soulevée par le Conseil d'Etat sur ce point est donc
fondée.

Erwägung 2

    2.- Sous réserve de certaines hypothèses qui ne sont pas réalisées
ici, les recours pour violation de droits constitutionnels des citoyens
- et notamment le recours pour violation de la garantie de la propriété
- ne sont recevables qu'après que les moyens de droit cantonal ont été
épuisés (art. 86 al. 2 OJ). La notion de moyen de droit cantonal doit être
entendue largement et comprend non seulement les recours proprement dits,
mais toutes les voies de droit par lesquelles il est possible d'éliminer
le préjudice juridique allégué dans le recours de droit public (RO 81
I 61/62; 78 I 250). La procédure d'opposition à un plan d'extension
cantonal, qui s'est déroulée en l'espèce conformément aux prescriptions
de la loi (art. 54 al. 2 et 36 LPC), est une procédure contradictoire,
qui permet aux propriétaires intéressés de défendre ceux de leurs droits
constitutionnels auxquels le projet porterait atteinte et qui, de fait,
a permis en l'occurrence aux communes de Villeneuve et de Noville
d'obtenir une réduction appréciable du périmètre de la zone frappée
par le plan. Pareille procédure doit dès lors être considérée comme un
moyen de droit cantonal au sens de l'art. 86 al. 2 OJ. Les recourants
qui n'ont pas fait opposition lors de l'enquête n'ont donc pas épuisé
les moyens de droit cantonal. Il s'ensuit que le recours est irrecevable
en ce qui les concerne. On peut se demander s'il ne l'est pas également
dans la mesure où il a été déposé par les cinq personnes qui, au moment
de l'enquête, n'étaient pas encore propriétaires des parcelles qu'elles
possèdent aujourd'hui. Cette question peut cependant demeurer indécise car,
ainsi qu'on va le voir, le recours est en tout cas mal fondé.

Erwägung 3

    3.- Le plan attaqué constitue une restriction de droit public à la
propriété foncière au sens de l'art. 702 CC. Les restrictions de ce genre
sont admissibles moyennant la réunion de certaines conditions.

    Il faut tout d'abord que la restriction repose sur une base
légale. Dans la mesure où, comme en l'espèce, le recourant ne soutient
pas que la base légale choisie par l'autorité est elle-même contraire
à la garantie de la propriété mais où il allègue simplement que l'acte
attaqué ne repose pas sur une base légale, le sort du recours dépend
exclusivement du lien qui peut être établi entre l'acte attaqué et le
texte qui, d'après l'autorité intimée, lui sert de fondement. Comme ce
texte est une règle de droit cantonal, le Tribunal fédéral ne s'écarte
pas sans nécessité de l'interprétation qu'en donne l'autorité cantonale
et ne revoit cette interprétation que sous l'angle de l'arbitraire. Il
ne quitte ce terrain et n'exige une base légale non équivoque que lorsque
l'atteinte que subit le propriétaire est particulièrement grave et dépasse
largement ce qui est habituel en Suisse.

    Il est nécessaire d'autre part que la restriction imposée au droit
de propriété soit dans l'mtérêt public. A cet égard, le Tribunal fédéral
reconnaît un pouvoir d'appréciation étendu aux autorités cantonales
mieux placées que lui pour examiner le problème de l'intérêt général et
des mesures que la sauvegarde de celui-ci exige. Il n'intervient que si,
de toute évidence, les restrictions imposées au propriétaire dépassent le
but visé ou qu'il ne peut manifestement pas être question d'un intérêt
public. Sur ce point aussi, il ne revoit donc l'opinion des autorités
cantonales que sous l'angle de l'arbitraire.

    Enfin, dans les cas où la restriction équivaut à une
véritable expropriation, elle doit donner lieu au paiement d'une
indemnité. Toutefois, même si cette hypothèse est réalisée, il ne saurait
être question d'une violation de la garantie de la propriété tant que le
propriétaire qui se prétend lésé dispose d'une voie de droit pour réclamer
une indemnité.

    (Sur ces différents principes, voir RO 82 I 161, 162 b; (Sur ces
différents principes, voir RO 82 I 161, 162 b; 81 I 348; 81 I 29; 79 I 228;
78 I 427/8; 77 I 218; 76 I 334; 74 I 150/1; 57 I 385).

    Les recourants contestent que ces conditions soient remplies. C'est
ce qu'il convient d'examiner.

Erwägung 4

    4.- Le Conseil d'Etat fonde le plan attaqué essentiellement sur les
art. 1er ch. 2, 53 et 25 ch. 6 LPC. Les recourants, qui ne prétendent pas
que ces dispositions sont elles-mêmes inconstitutionnelles, soutiennent en
revanche qu'elles ne permettaient pas à l'autorité cantonale de décréter,
au sujet d'une très vaste zone, une interdiction générale de construire
ne souffrant d'exception que pour les bâtiments destinés à l'agriculture
ou à la sylviculture.

    Toutefois, ainsi d'ailleurs que les communes recourantes le relèvent
elles-mêmes, le plan litigieux vise uniquement à protéger un site. Or
il n'est en tout cas pas arbitraire d'affirmer que ce but est conforme
aux dispositions de la loi vaudoise sur la police des constructions. En
effet, celle-ci permet aux autorités de sauvegarder les beautés et
les curiosités naturelles du pays (art. 1er ch. 2) et d'interdire les
constructions pouvant compromettre l'aspect ou le caractère d'un site
(art. 57 al. 1). On peut se demander, il est vrai, si les mesures que
l'Etat a prises pour atteindre ce but reposent elles aussi sur une base
légale suffisante. Ces mesures consistent à admettre exclusivement, sur
une zone comprenant non seulement les rives mêmes du lac mais aussi une
large part de l'arrière-pays, "les constructions existantes ou destinées à
compléter une exploitation existante", "les constructions et installations
nécessaires à l'exploitation agricole et sylvicole", et "une utilisation
du sol pour l'agriculture et la sylviculture". Quant à la zone frappée
de l'interdiction, l'autorité cantonale peut, sans aucun arbitraire,
invoquer l'art. 53 LPC puisque cette disposition l'autorise à établir
des plans d'extension non seulement pour les rives du Léman mais aussi
pour les régions et les sites du canton que le Conseil d'Etat détermine
au für et à mesure des besoins. Quant à l'interdiction de construire,
elle peut, sous l'angle de l'art. 4 Cst. en tout cas, être fondée sur
l'art. 26 ch. 6 LPC concernant l'objet des règlements communaux et qui est
applicable aux plans d'extension cantonaux. Cette disposition prévoit
en effet que le règlement communal fixe "la destination des immeubles",
c'est-à-dire le but auquel ceux-ci peuvent être affectés ou la manière
dont ils peuvent être utilisés. S'agissant d'un plan d'extension cantonal
visant à sauvegarder un site, cette disposition, qui est applicable par
analogie, peut justifier non pas uniquement, ainsi que le soutiennent les
recourants, la création de zones de construction dans une région urbaine,
mais aussi des mesures consistant, comme en l'espèce, à restreindre les
constructions et l'utilisation du sol à des fins agricoles ou sylvicoles et
permettant d'atteindre le but recherché. Il n'est en effet pas arbitraire
de considérer qu'une mesure de ce genre fixe la destination des immeubles
compte tenu des fins particulières que poursuit l'autorité.

    Les recourants invoquent la jurisprudence selon laquelle la base légale
doit être claire et nette quand l'atteinte que subit le propriétaire
est particulièrement grave et dépasse largement ce qui est habituel en
Suisse (RO 74 I 156, 76 I 336, 77 I 218). Ils perdent toutefois de vue
que cette jurisprudence ne vise que la création de zones de verdure ou
de zones réservées à l'agriculture dans des régions à caractère urbain
ou semi-urbain. Ils ne sauraient dès lors l'invoquer en l'espèce où il
s'agit de la sauvegarde d'un site. Ils le peuvent d'autant moins que
l'atteinte qu'ils subissent ne présente pas le caractère particulier
de gravité exigé par cette jurisprudence et qu'en permettant certaines
constructions nouvelles pour compléter par exemple les installations d'une
industrie existante ou pour ouvrir de nouvelles exploitations agricoles
ou sylvicoles, l'Etat leur a fait des concessions appréciables.

Erwägung 5

    5.- Les recourants ne contestent pas que, dans son principe,
le plan soit dans l'intérêt public. Ils font valoir en revanche que
le but poursuivi par l'autorité cantonale ne justifie ni l'étendue de
la zone frappée ni l'importance des restrictions imposées au droit de
propriété. Ils affirment en particulier que le plan ne vise à sauvegarder
que la région des rives du lac et que les mesures prises dépassent de
beaucoup ce qui était nécessaire pour atteindre ce but. Ils se méprennent
toutefois sur les fins que l'autorité cantonale poursuit. Il ne s'agit
nullement pour elle de conserver dans leur état actuel les seules berges
du lac. Elle entend bien plutôt sauvegarder à la fois la zone des grèves
et celle du Vieux-Rhône. Or cette région forme un véritable tout. Ainsi
que l'inspection locale l'a démontré, elle présente un intérêt certain
du point de vue de la faune et de la flore et réserve au promeneur
le charme de paysages variés et reposants que peu de régions offrent
encore en Suisse. Dans ces conditions, l'autorité cantonale pouvait sans
arbitraire considérer que l'ensemble de la région était un site et qu'il
était conforme à l'intérêt public de la protéger, ainsi d'ailleurs que
la jurisprudence l'admet.

    Tout au plus pourrait-on se demander si la partie est de la zone
comprise dans le plan correspond entièrement à la notion de site. Cette
question peut cependant demeurer indécise car les terrains sis dans
cette région appartiennent à la commune de Villeneuve dont le recours
est irrecevable. Au reste, il est raisonnable, pour sauvegarder un site,
d'ordonner des mesures restreignant le droit de propriété à une certaine
distance déjà de l'objet même à protéger. Il n'y a donc pas de raison de
considérer comme manifestement excessif le périmètre du plan attaqué. Quant
aux mesures prises, elles ne dépassent pas non plus ce qui est nécessaire
pour atteindre le but d'intérêt public que l'autorité poursuit. Le Tribunal
fédéral a d'ailleurs déjà jugé que la protection des sites peut comporter
des restrictions au droit de propriété et notamment l'interdiction de
construire, dans des zones étendues, d'autres bâtiments que ceux destinés à
l'exploitation agricole (cf. arrêts Messikommer du 22 mars 1950 relatif au
lac de Pfäffikon, et Jucker du 12 juin 1957 concernant le Neeracherried).

Erwägung 6

    6.- Les recourants exposent enfin que le plan les empêche d'utiliser
leurs fonds notamment comme terrain à bâtir et restreint ainsi à tel point
leur droit de propriété qu'il équivaut en fait à une expropriation. Ils en
concluent qu'ils ont droit à une indemnité et que la décision approuvant le
plan et qui ne leur en accorde aucune viole la garantie de la propriété.
Toutefois, en l'état actuel de la cause, ce moyen n'est pas fondé. En
effet, d'après l'art. 30 LPC, la commune peut être tenue d'exproprier toute
parcelle non bâtie dont la valeur dépend principalement de la possibilité
d'y construire, lorsque l'utilisation en est rendue impossible ou est
gênée dans une trop large mesure par l'interdiction de construire. En
instituant l'obligation d'exproprier le terrain, cette disposition prévoit
implicitement l'obligation de payer une indemnité. Tant que cette voie
n'est pas utilisée - et les recourants n'ont pas demandé expressément
l'application de l'art. 30 LPC - la question de l'indemnité reste donc
ouverte et, conformément à la jurisprudence, il ne saurait être question
d'une violation de la garantie de la propriété.

    Il est vrai que l'art. 30 LPC vise le cas où l'interdiction
de construire est décrétée par la commune dans le cadre d'un plan
d'extension communal. Toutefois, l'art. 54 al. 1 LPC prévoit expressément
que l'art. 30 LPC est applicable par analogie aux plans d'extension
cantonaux. La question de savoir quelle est exactement la procédure à
suivre lorsqu'il s'agit d'un plan d'extension cantonal, et en particulier
à qui la demande d'exproprier doit être adressée et quelles sont les
autorités compétentes pour statuer, relève du droit cantonal et ne saurait
être aujourd'hui préjugée par le Tribunal fédéral.

    Il est vrai aussi que, dans sa lettre du 20 novembre 1957 aux
opposants, le Département des travaux publics a expliqué que, selon le
Conseil d'Etat, l'art. 30 LPC n'était pas applicable parce que les terrains
frappés d'interdiction de bâtir n'étaient pas de ceux dont la valeur
dépendait principalement de la possibilité d'y construire. Cependant,
cette affirmation est faite en termes tout à fait généraux, de sorte qu'on
ne saurait dire actuellement que le Conseil d'Etat a pris définitivement
position, à l'égard de chacun des recourants, au sujet de l'application de
l'art. 30 LPC, lequel d'ailleurs, d'après un avis de droit produit par le
Conseil d'Etat, peut aussi être invoqué en cas de circonstances nouvelles.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Déclare irrecevables les recours des communes de Villeneuve et
Rennaz ainsi que des propriétaires mentionnés dans l'arrêt, qui n'ont
pas fait opposition au plan dans l'instance cantonale;

    2. Rejette les autres recours en tant qu'ils sont recevables.