Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 84 IV 84



84 IV 84

25. Arrêt de la Cour de cassation du 27 juin 1958 dans la cause Burnat
contre Pro-Auto SA et consorts. Regeste

    Art. 268 BStP. Begriff des Urteils. Ist die Nichtigkeitsbeschwerde
zulässig gegen eine Entscheidung, durch die das Begehren auf Anordnung
vorsorglicher Massnahmen im Sinne des Art. 9 UWG abgewiesen wurde?

Sachverhalt

    Au mois de juin 1953, Emile Mayor, à Lausanne, obtint la représentation
exclusive pour la Suisse du Redex, produit fabriqué en Angleterre. En
janvier 1957, il en concéda la distribution exclusive à la maison
Pro-Auto SA, à Genève. En automne de la même année, il résilia le contrat
qu'il avait passé avec elle et confia la distribution du Redex à Roger
Burnat, à Lausanne. Pro-Auto SA continua cependant à vendre cette
marchandise. Mayor et Burnat déposèrent alors contre elle et contre le
président de son conseil d'administration, sieur Bayle N'Diaye, à Genève,
une plainte pénale pour concurrence déloyale.

    Le 2 avril 1958, le juge d'instruction de Genève, se fondant sur
les art. 24, 25, 26, 108 ss. CPP gen., ordonna le séquestre d'environ
10 000 litres de Redex qui se trouvaient en main de Pro-Auto SA Le 26
avril 1958, il leva ce séquestre et condamna solidairement Pro-Auto SA
et Bayle N'Diaye à verser une somme de 5000 fr. à titre de sûretés. Le
23 mai 1958, la Chambre d'accusation du canton de Genève, à laquelle
Burnat avait recouru en se plaignant d'une violation des art. 9 ss. LCD,
confirma l'ordonnance rendue par le juge d'instruction le 26 avril 1958,
tout en élevant à 8000 fr. le montant des sûretés.

    Roger Burnat se pourvoit en nullité contre l'arrêt de la Chambre
d'accusation. Il se plaint d'une violation de la loi fédérale du 30
septembre 1943 sur la concurrence déloyale.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- En vertu de l'art. 269 PPF, le pourvoi en nullité n'est recevable
que pour violation du droit fédéral. Cette exigence est remplie en
l'espèce, bien que le juge d'instruction ait statué en se fondant sur les
règles de la procédure cantonale (art. 24, 25, 26, 108 ss. CPP gen.). En
effet, déjà dans son mémoire à la Chambre d'accusation, le recourant a
soutenu que des mesures provisionnelles devaient être ordonnées en vertu
des art. 9 ss. LCD et c'est de la violation de ces dispositions qu'il se
plaint aujourd'hui.

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 268 PPF, le pourvoi en nullité est recevable
exclusivement contre des jugements, des ordonnances de non-lieu et des
prononcés pénaux émanant d'autorités administratives. L'arrêt attaqué ne
rentre ni dans l'une ni dans l'autre des deux dernières catégories. Il
convient d'examiner en revanche s'il constitue un jugement.

    D'après la jurisprudence, le jugement est une décision (de dernière
instance cantonale) qui statue sur le sort même de la cause et non sur la
marche de la procédure ou sur une simple question d'exécution (RO 83 IV
113; 74 IV 128). Il peut avoir pour objet non seulement l'acquittement ou
la condamnation du prévenu mais aussi des mesures. Cependant, celles-ci
ne doivent pas être simplement provisoires Il est nécessaire qu'elles
concernent le sort même de la cause, comme les mesures prévues aux art. 42
à 45 ou à l'art. 91 CP (RO 80 IV 148, 70 IV 115 et 122, 68 IV 159),
comme aussi la révocation du sursis (RO 68 IV 118), la conversion d'une
amende en arrêts (RO 68 IV 118) ou la radiation d'une condamnation au
casier judiciaire (RO 68 IV 105). Il n'est pas indispensable en revanche
que le jugement mette fin à la procédure. Il peut s'agir d'un jugement
incident concernant une question préjudicielle, à condition toutefois que
la décision prise soit définitive et qu'il ne soit pas possible d'y revenir
ultérieurement (RO 68 IV 113, 72 IV 89, 80 IV 177). De plus, le jugement
incident doit lui aussi porter sur des questions intéressant le sort même
de la cause, telles que la validité de la plainte, la prescription de
l'action pénale ou la responsabilité de l'accusé (RO 80 IV 177, 72 IV 89).

    Certains auteurs paraissent donner à la notion de jugement un sens plus
large et y englobent "toute décision ayant statué ... sur une requête en
matière pénale dont le juge connaît" (L. COUCHEPIN, Le pourvoi en nullité
au Tribunal fédéral contre les décisions rendues en matière pénale par
les autorités cantonales, SJ 1942, p. 231/232; J. BOURGKNECHT, Fiches
juridiques suisses no 748 p. 3). Cette opinion est cependant dépassée
par la jurisprudence qui vient d'être rappelée. Elle ne saurait dès lors
être retenue. D'ailleurs les auteurs qui la professent exigent aussi que
la décision soit prise par le juge.

Erwägung 3

    3.- L'arrêt attaqué examine s'il y a lieu d'ordonner en vertu des
art. 9 ss. LCD, comme l'avait demandé Burnat, le séquestre d'une certaine
quantité de Redex. Il ne statue dès lors pas sur le sort même de la
cause, c'est-à-dire sur le mérite de la plainte pénale pour concurrence
déloyale. Il a trait à une mesure provisoire destinée uniquement à
sauvegarder les prétentions éventuelles du recourant ou à lui permettre
de prouver les faits qu'il allègue pour en déduire son droit. Dans la
mesure où il constitue un jugement incident, il n'est pas définitif. En
tout cas, le recourant ne soutient pas que le droit cantonal interdirait à
l'autorité compétente d'ordonner à nouveau le séquestre. Supposé du reste
que tel fût le cas, on pourrait se demander si, dans l'hypothèse où les
circonstances l'exigeraient, le séquestre ne devrait pas être ordonné en
vertu des règles du droit fédéral (art. 9 ss. LCD). Quoi qu'il en soit,
la décision que le recourant sollicite en se fondant sur les art. 9
ss. LCD ne concerne pas une question intéressant le sort même de la
cause. Or cela suffit pour qu'il soit impossible de considérer l'arrêt
attaqué comme un jugement au sens de l'art. 268 PPF, d'autant plus du
reste que le droit fédéral ne confie pas au juge le soin d'ordonner les
mesures provisionnelles des art. 9 ss. LCD mais simplement à l'autorité
compétente (art. 11 LCD). Peu importe que le recourant demande des mesures
provisionnelles pour assurer l'exercice provisoire des droits litigieux
prévus à l'art. 2 al. 1 litt. b et c LCD Seul en effet le jugement au fond
statuera définitivement sur ces droits. Peu importe aussi qu'en vertu de
l'art. 9 al. 2 LCD, celui qui requiert des mesures provisionnelles doive
rendre vaisemblable qu'il est menacé d'un dommage difficilement réparable,
car cette question ne concerne pas davantage le sort même de la cause.

Erwägung 4

    4.- On pourrait se demander, il est vrai, si, par analogie avec
les règles du recours en réforme, l'arrêt attaqué devrait pourvoir faire
l'objet d'un pourvoi en nullité sur la question civile. Cette question doit
être résolue négativement. En effet, étant donnés l'objet et la nature de
la décision prise par la Chambre d'accusation, tels qu'ils ont été définis
ci-dessus, la seule règle qui entrerait en ligne de compte dans le cadre du
recours en réforme serait celle de l'art. 50 OJ relative au recours contre
des décisions préjudicielles ou incidentes prises séparément du fond. Or,
d'après la jurisprudence, ces décisions doivent être des jugements au
fond portant sur une question de droit matériel dont la solution peut
être de nature à mettre fin au procès et non pas des prononcés qui, comme
les simples mesures provisionnelles des art. 9 ss. LCD, n'ont pas de
caractère préjudiciel par rapport au jugement final (RO 71 II 250, 81 II
398, 82 II 170; BIRCHMEIER, Handbuch, note 1 ad art. 50 OJ). D'ailleurs,
conformément à l'art. 58 OJ, les mesures provisionnelles demeurent de la
compétence des autorités cantonales même après que le procès a été porté
devant le Tribunal fédéral.

    Il est sans intérêt de rechercher si l'arrêt de la Chambre d'accusation
constitue une décision incidente causant un dommage irréparable au sens
de l'art. 87 OJ et si le recourant aurait pu ainsi l'attaquer par la voie
d'un recours de droit public pour violation de l'art. 4 Cst. En effet,
Burnat ne fait pas valoir ce grief. Il n'y a dès lors pas lieu non plus
de transmettre le dossier à la Chambre de droit public.

Entscheid:

          Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:

    Déclare le pourvoi irrecevable.