Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 84 II 44



84 II 44

6. Arrêt de la Ire Cour civile du 17 janvier 1958 dans la cause Société
immobilière de Villamont SA contre Becker. Regeste

    Klage auf Auflösung einer Aktiengesellschaft, Art. 736 Ziff. 4 OR.

    1.  Die Auflösungsklage ist unzulässig, wenn die Missstände,
auf die sie sich stützt, vermittelst einer Klage auf Anfechtung von
Generalversammlungsbeschlüssen (Art. 706 OR) oder einer Schadenersatzklage
nach Art. 754/5 OR beseitigt werden können (Erw. 1).

    2.  Wichtige Gründe (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- La société immobilière de Villamont est une société anonyme
au capital de 100 000 fr., divisé en 200 actions de 500 fr. chacune.
Lors de sa constitution elle avait pour but l'achat d'une maison locative
à Neuchâtel. Jusqu'en février 1948, les actions appartenaient en totalité
à dame veuve Adèle Zumbach. A ce moment-là, c'est-à-dire après le décès
de dame Zumbach, elles furent réparties par parts égales entre ses quatre
enfants, dont dame Aimée Becker née Zumbach, qui se trouve actuellement
encore en possession de cinquante actions. Les cent cinquante autres ont
passé en la propriété d'un sieur Carlo Caimi à Lugano, lequel paraît
les avoir ensuite cédées à son fils Pio Caimi et à son gendre Ermano
Pianta. Ces deux derniers se présentent aux assemblées, porteurs ensemble
des cent cinquante actions.

    En 1950 le conseil d'administration était composé des sieurs Pozzi,
Bellasi, Pio Caimi et de Me Zumstein, avocat à Berne, qui était considéré
comme le représentant de dame Becker. En 1954, il se composait des sieurs
Pio Caimi, Pianta et de Me Zumstein. Ce dernier donna sa démission par
lettre du 5 décembre 1955.

    Jusqu'en 1950, l'immeuble a été géré par Me Baillod, notaire, qui
fut remplacé à sa mort par Me Jean-Paul Bourquin, notaire à Neuchâtel.
Ce dernier préparait les comptes de la société et les rapports du conseil
d'administration.

    Le 27 décembre 1954, la société a modifié son but, de manière à pouvoir
vendre l'immeuble. Ce dernier fut effectivement vendu le 30 du même mois
à la société Asteria, société anonyme ayant son siège à Lugano, pour
le prix de 560 000 fr. dont 455 802 fr. 50 étaient payés par la reprise
d'hypothèques et le solde devait l'être le 15 février 1955 au plus tard.

    B.- Par demande du 16 janvier 1956, dame Becker, se plaignant de la
manière dont les administrateurs tessinois avaient géré les affaires
de la société, qu'ils avaient, prétendait-elle, exploitée à leur seul
profit, a assigné la société immobilière de Villamont devant le Tribunal
de la République et Canton de Neuchâtel en concluant à ce qu'il plaise
au tribunal:

    1o prononcer la dissolution de la société,

    2o ordonner la liquidation de la société et désigner un liquidateur
neutre,

    3o condamner. la défenderesse aux frais et dépens.

    A l'appui de ses conclusions, la demanderesse alléguait une série
de faits tendant à démontrer que depuis un certain nombre d'années une
majorité d'actionnaires, qu'elle appelle "le groupe Caimi", n'avait cessé
d'exploiter la société dans son propre intérêt et avec un mépris total
de ses droits à elle.

    C.- La défenderesse a conclu au rejet de la demande et à la
condamnation de la demanderesse aux frais et dépens.

    Elle a contesté l'existence du groupe Caimi. Suivant elle, le conseil
d'administration avait toujours agi régulièrement et dans l'intérêt de la
société. La demanderesse n'était pas en mesure de faire valoir de justes
motifs de dissolution au sens de l'art. 736 ch. 4 CO.

    D.- Par jugement du 7 octobre 1957, le Tribunal a prononcé la
dissolution de la société immobilière de Villamont et en a ordonné la
liquidation, déclaré irrecevable, pour cause d'incompétence, le second
chef de conclusions de la demande et mis les frais et dépens à la charge
de la défenderesse.

    E.- La société immobilière de Villamont a recouru en réforme en
reprenant ses conclusions libératoires et en concluant à la condamnation
de dame Becker aux frais et dépens.

    Dame Becker a conclu au rejet du recours, à la confirmation du jugement
attaqué et à l'allocation de dépens.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La recourante ne conteste pas - avec raison du reste - que
l'intimée, dont les actions représentent plus du cinquième du capital
social, n'ait qualité à ce titre pour exercer l'action prévue par
l'art. 736 ch. 4 CO (cf. RO 67 II 163).

    Elle prétend, en revanche, que cette action n'était pas recevable,
car les griefs de la demanderesse auraient pu être invoqués, dit-elle,
à l'appui d'une action en annulation du bilan adopté par l'assemblée
générale. Ce moyen n'est pas fondé. Il a bien été dit dans l'arrêt précité
que l'action en dissolution de la société anonyme "constitue un moyen de
droit tout à fait exceptionnel et qu'elle n'est donnée, en règle générale,
que là où ni les statuts ni la loi n'offrent une protection suffisante à
la minorité". Mais, comme il a été également relevé dans le même arrêt,
cela ne signifie pas qu'elle soit toujours irrecevable lorsqu'elle n'a
pas été précédée d'une action infructueuse en annulation des décisions
de l'assemblée générale selon l'art. 706 CO; cela veut dire simplement
qu'elle est mal fondée lorsque le but visé, c'est-à-dire la suppression
de l'abus invoqué, peut être atteint par cette voie-là. Or, en l'espèce,
contrairement à ce que soutient la recourante, les opérations critiquées
par la demanderesse ne pouvaient pas faire l'objet d'une action fondée
sur l'art. 706 CO. C'est à tort qu'à ce sujet la recourante croit pouvoir
invoquer l'arrêt Witschi c. Elektrische Bahn Steffisburg-Thun-Interlaken
(RO 72 II 293). Cet arrêt a trait en effet à une question différente. Le
demandeur d'alors critiquait divers articles du bilan de la société et
notamment l'inscription d'une somme de 401 296 fr. à titre de déficit
du fonds de renouvellement. Contrairement à l'opinion de la juridiction
cantonale, le Tribunal fédéral a jugé que c'était à l'assemblée générale
de dire si le bilan était ou non conforme aux prescriptions légales ou
statutaires ou aux principes d'une saine politique financière, ce qui
permettait d'examiner chaque année "l'état de la fortune, la structure
financière interne, la capacité vitale et les possibilités économiques
de la société", et il ajoutait, tout naturellement, que si un actionnaire
estimait que la décision prise sur ces différents points était contraire à
la loi ou aux statuts, il avait le droit de l'attaquer en justice en vertu
de l'art. 706 CO, quoi qu'il en fût du point de savoir si le bilan portait
ou non atteinte à "ses droits purement financiers". Or, en l'espèce, il
s'agit de tout autre chose. Le dernier bilan correspondait à la situation
résultant des opérations effectuées; il était conforme aux prescriptions
légales et statutaires concernant l'établissement d'un bilan. Ce que la
demanderesse reproche à certains administrateurs, c'est de s'être livrés à
des opérations financières défavorables tant à la société qu'à elle-même,
et il est clair que ces opérations ne pouvaient donner lieu à l'action
de l'art. 706 CO. Aussi bien cette action n'aurait-elle pu les modifier
en rien; elles avaient été conclues par le conseil d'administration dans
les limites de sa compétence et obligeaient la société, qu'elles eussent
été ou non attaquées devant l'assemblée générale.

    Quant à l'action en dommages-intérêts prévue par les art. 754 et 755
CO, alors même qu'elle aurait abouti à une condamnation, relativement à
un des faits incriminés, cette condamnation n'aurait pas nécessairement
prémuni la demanderesse contre la répétition de faits de même nature. Le
seul moyen pour elle de faire cesser les abus dont elle était victime
était donc bien d'introduire l'action en annulation de la société.

Erwägung 2

    2.- En ce qui concerne les conditions du fond de l'action, on
ne saurait sérieusement contester qu'elles ne soient réalisées en
l'occurrence.

    Le Tribunal cantonal a admis d'une façon générale l'exactitude des
faits allégués par la demanderesse et les a exposés de la manière suivante:

    "Le groupe Caimi a versé quelques milliers de francs à Carlo
Caimi. Ces versements n'ont pas été justifiés. La justification n'a même
pas été tentée. Les actionnaires majoritaires ont agi ainsi au préjudice
de la société et dans leur intérêt à eux, ou dans l'intérêt d'un de
leurs proches, ce qui revient au même. Le groupe Caimi a emprunté
des sommes importantes à la société. Il lui incombait de justifier
objectivement de telles opérations qui posent un grave problème de
conflits d'intérêts. Nonobstant les protestations de Me Zumstein,
les administrateurs tessinois ont continué à se prêter l'argent de la
société, sans fournir la moindre justification et sans même reconnaître
leurs dettes par écrit. Ils ont refusé de rétablir l'égalité entre Dame
Becker et eux en lui consentant un prêt. Lors de la vente de l'immeuble,
le groupe Caimi a rejeté sous de mauvais prétextes l'offre de Me Zumstein,
supérieure de Fr. 10'000.-- à celle d'Astéria. Il a agi ainsi au préjudice
de la défenderesse et au profit d'Astéria, société avec laquelle ils
entretiennent évidemment d'étroites relations. L'acte de vente contient
une clause inhabituelle, défavorable à Villamont, favorable à Astéria. Les
administrateurs luganais ont prêté Fr. 75'000.-- à Fidentia, société
administrée par l'un d'eux. Cette opération, qui posait à nouveau un
problème de conflits d'intérêts, ils l'ont accomplie subrepticement et
l'ont assortie d'une clause illicite."

    Retenant, d'autre part, la déposition de Me Zumstein, dont il a tenu le
témoignage pour digne de foi, le Tribunal cantonal a admis que le groupe
Caimi ne consultait Me Zumstein que pour la forme ou ne le consultait
pas du tout, prenant des décisions en dehors des séances du conseil.

    Qu'il s'agisse de la constitution d'hypothèques, de l'octroi de prêts
aux actionnaires, de l'adjudication des travaux de réfection de l'immeuble,
de négociations avec Asteria SA, de l'allocation de diverses sommes à
Carlo Caimi, le représentant de la demanderesse a constamment été mis
devant un fait accompli. Pour finir, il ne fut plus tenu au courant de
rien. Il s'abstint d'assister à des séances où tout était décidé d'avance
et démissionna.

    En présence de ces faits, dont la recourante ne conteste d'ailleurs pas
l'exactitude, le recours apparaît mal fondé. Comme l'ont très justement
relevé les premiers juges, il en résulte que ce n'est pas seulement au
sujet de l'une ou l'autre des décisions des membres du conseil représentant
la majorité des porteurs d'actions que dame Becker a lieu de se plaindre,
mais d'une série d'actes dont la répétition démontre à l'évidence que,
depuis un certain nombre d'années et plus particulièrement depuis la
modification du but de la société, ces mêmes personnes ont administré
les fonds sociaux avec un mépris total de ses intérêts légitimes et au
seul profit de quelques actionnaires, de leurs proches ou de sociétés
étrangères, qu'ils devaient certainement avoir des raisons particulières
d'avantager. De tels faits ont certes une incidence différente selon
les circonstances. Mais ils sont particulièrement graves en l'espèce, vu
notamment qu'il s'agit d'une petite société anonyme, dont les actionnaires
ont quasi nécessairement des relations personnelles. Or, étant données
la facilité et même la légèreté avec laquelle les représentants du
groupe majoritaire disposaient des biens sociaux, il est tout à fait
compréhensible que l'intimée ait jugé ne plus pouvoir tolérer un état de
choses qui risquait à la longue de compromettre l'équilibre financier de la
société et par voie de conséquence de lui causer un préjudice considérable.
Le fait est que la société était viciée dans son fonctionnement interne
et que dans ces conditions dame Becker était fondée à en demander la
dissolution (RO 67 II 165).

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Rejette le recours et confirme le jugement attaqué.