Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 84 II 418



84 II 418

56. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 27 novembre 1958 dans la
cause Roschi contre Roschi. Regeste

    Vertragsabschluss oder blosse Vorbesprechung?

    Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts.

Sachverhalt

    A.- Alexandre-Jacob Roschi, de nationalité suisse, et son épouse
Hélène-Sophie-Marie, née Mingard, sont décédés en France ab intestat,
celle-ci le 11 février 1919, son époux le 30 décembre 1954. Leurs
successions échoient à leurs huit enfants.

    La masse successorale comprend notamment un immeuble sis à
Plan-les-Ouates à Genève (parcelle no 10 222, feuille 7, contenance 92
ares 27).

    Dès janvier 1955, des discussions eurent lieu entre héritiers au sujet
de cet immeuble, soit directement, soit par l'intermédiaire de l'étude de
notaires R. et D., chargée de la liquidation des biens immobiliers sis
dans le canton de Genève. Elles n'aboutirent pas. Le 29 septembre 1955
se tint en présence de Me D. une réunion à laquelle tous les héritiers
avaient été priés d'assister ou de se faire représenter; Alix-Charrles
Roschi, seul absent, donna procuration à son frère Robert.

    Après une longue discussion, Me D. prit note à la main, sur une série
de feuilles, des accords auxquels on avait abouti touchant l'ensemble de
la succession; y figure le passage suivant:

    "Plan-les-Ouates:

    Cession à MM. Henri et Jean Roschi sur la base de 80 000 fr. (comptant)
moitié moitié en copropriété, frais à la charge de l'hoirie.

    Réponse définitive de MM. Roschi pour le lundi 3 octobre 1955. Si
pas d'entente entre MM. Jean et Henri Roschi, cession à M. Jean Roschi
du bloc pour 80 000 francs dans les mêmes conditions."

    "Coffre:

    Remise de la totalité du coffre à Me D. le jour de la signature de
la cession de P.L.O. et signature par M. Henri Roschi de la procuration
pour encaisser les livrets.

    Répartition de l'or suisse (les filles conservant par préciput les
pièces françaises)."

    Ces notes furent signées par les héritiers.

    Le lendemain, le notaire envoya à Alix-Chartles Roschi une copie
des décisions prises la veille, en exprimant l'espoir que le principal
avait été réglé et que l'exécution se poursuivrait sans difficultés; il
demandait une procuration destinée avant tout "à le faire représenter à la
stipulation de l'acte de cession de la propriété de Plan-les-Ouates telle
qu'elle avait été décidée en principe et dont il espérait la réalisation
prochaine".

    Louis-Henri Roschi ayant renoncé à l'attribution de l'immeuble,
Me D. prépara en la forme authentique une cession à titre de partage à
Jean Roschi, pour le prix de 80 000 fr., soit 10 000 fr. à payer à chaque
cohéritier. L'acte contenait une réquisition d'inscription au registre
foncier. Le notaire convoqua les hoirs pour le 14 octobre, en vue de
la signature de la convention. Quatre d'entre eux se présentèrent et
signèrent; Fernand Roschi et dame Dénervaud signèrent ultérieurement. Plus
tard, Louis-Henri retira sa signature parce que, disait-il, il avait
appris l'existence d'une offre supérieure pour l'immeuble cédé. Il ne
déposa qu'après le 14 octobre le contenu du coffre. Sur ces entrefaites,
Me D., qui avait reçu des pouvoirs de Robert et Alix-Charles Roschi,
ne signa pas le document. Il avisa les héritiers que ce dernier n'avait
pu être régularisé et les pria de définir leur position et de dire s'ils
se considéraient comme obligés par l'acte de cession préparé.

    B.- Le 22 février 1956, Jean Roschi a assigné ses cohéritiers aux fins
de faire prononcer qu'il est devenu le 14 octobre 1955 seul propriétaire
de l'immeuble de Plan-les-Ouates et d'ordonner son inscription au
registre foncier; il concluait en outre au paiement d'une indemnité par
les opposants.

    Dame Quiblier, Alix-Charles et Lina Roschi ont cédé leur part au
demandeur, qui avait ainsi droit pour la moitié (4/8) à l'immeuble. Les
autres cohéritiers ont conclu au rejet.

    Le 2 avril 1957, le Tribunal de première instance de Genève a admis
l'action, l'acte du 29 septembre 1955, signé par tous les héritiers,
lui paraissant valoir contrat de partage.

    C.- Sur appel des défendeurs, la Cour de justice de Genève a confirmé
ce jugement par arrêt du 27 mai 1958. En vertu de l'art. 5 du traité
franco-suisse du 15 juin 1869, le juge genevois est compétent et le droit
suisse, applicable. Selon l'art. 634 CC, le partage convenu en la forme
écrite est valable même si la succession comprend des immeubles (RO 47
II 251; 83 II 370). Les circonstances qui ont entouré la réunion du 29
septembre 1955 démontrent que l'on entendait y régler notamment le sort
de l'immeuble de Plan-les-Ouates; un accord y fut trouvé sur les points
essentiels (prix et attribution). La remise du coffre et des livrets a
été accomplie; dans le cas contraire, et si elle avait été prévue comme
condition de validité de l'acte, Louis-Henri Roschi à qui elle incombait
n'eût pu se prévaloir de sa propre carence (art. 156 CO). De plus,
les opposants ne peuvent prétendre ni qu'ils ont été lésés au sens de
l'art. 21 CO, ni que les cohéritiers ont réservé la forme authentique
(art. 16 al. 1 CO).

    D.- Louis-Henri Roschi a recouru en réforme au Tribunal fédéral,
en concluant au rejet de l'action. Il a interjeté également un recours
de droit public. Jean Roschi propose le rejet des pourvois.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    .....

Erwägung 3

    3.- Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et
d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1er al. 1 CO). Si
les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels, le
contrat est réputé conclu, lors même que des points secondaires ont été
réservés (art. 2 al 1 CO).

    S'agissant de la conclusion d'un contrat, seule se présente comme
étant de fait la question de savoir quels sont les paroles, les actes,
les attitudes par lesquels a pu s'exprimer la volonté des parties, et
c'est dans cette mesure seulement que le Tribunal fédéral ne peut revoir
les jugements cantonaux. En revanche, c'est certainement une question de
droit que de donner aux faits ainsi constatés leur qualification légale,
c'est-à-dire de rechercher si les conditions requises par la loi pour
qu'il y ait contrat sont réalisées (RO 72 II 79 et les arrêts cités).

    Me D. s'est exprimé sur la portée des notes qu'il prit le 29 septembre
1955. Il l'a fait postérieurement à l'arrêt attaqué. C'est là un moyen
de preuve nouveau que le Tribunal fédéral ne peut apprécier et retenir
(art. 63 al. 2 et 55 al. 1 litt. c OJ).

    Les héritiers des époux Roschi ont-ils entendu s'obliger dès le
29 septembre ou, bien que le contenu du contrat fût projeté et fixé
par écrit, puis signé, se sont-ils réservé de décider ultérieurement
s'ils voulaient conclure et comment, définitivement, ils désiraient se
lier? L'interprétation des notes prises par l'officier public, jointe à
divers indices, conduit à penser que le document dressé n'incorporait
pas encore une volonté sortant les effets juridiques propres d'un
contrat parfait, mais n'était que la fixation hâtive du résultat des
pourparlers, un projet plus ou moins définitif (Traktaten, Punktationen:
OSER/-SCHÖNENBERGER, I, ad art. 2 CO). Quoique rédigé par un notaire dans
son étude, lors d'une réunion préparée et convoquée par lui pour dénouer
un conflit entre héritiers, il est écrit sur papier ordinaire, à la main,
sans aucun souci de forme ni de présentation. Les marges ne sont pas
respectées; les paragraphes du texte ne se suivent pas; aucun préambule ne
les précède. Les biens de la masse ne font l'objet d'aucune précision. Le
style est celui des télégrammes, la syntaxe, celle de l'écolier; aucune
phrase n'est formée; ratures et retouches sont nombreuses et déparent
l'écrit. Intelligible pour son auteur et les héritiers, le texte est conçu
comme projet d'un acte futur, dont on élabore péniblement, en commun,
le contenu en vue de la rédaction du document définitif; les discussions
traînant depuis des mois, on note au long de l'entretien les résultats
qui semblent acquis et on les signe pour éviter qu'un participant ait
l'idée saugrenue de remettre sur le chantier tout ce qui vient d'être
échafaudé. Ce ne peut être là oeuvre définitive aux yeux du juriste de
carrière qui conseille les hoirs et est appelé constamment à liquider des
successions complexes de manière à couper court à toute contestation. Le
brouillon qu'il fait signer contient-il d'ailleurs les données essentielles
d'un partage successoral, même partiel? Cette opération n'y est mentionnée
nulle part; au contraire, un "prix" de vente est stipulé qui doit être payé
"comptant"; aucune imputation n'est prévue sur la part des cohéritiers,
ni aucune soulte à la charge de ceux d'entre eux que le partage en nature
aurait favorisés. Ce n'est que plus tard, dans l'acte nul du 14 octobre,
que des précisions seront apportées. On comprend dès lors que le notaire
ait demandé, entre les deux dates, une procuration à Alix-Charles Roschi
pour se faire représenter à l'acte de cession de Plan-les-Ouates, en
exprimant l'espoir que le principal avait été réglé; on conçoit aussi
qu'il ait prié les héritiers, en constatant la caducité du contrat du 14
octobre, de lui dire s'ils se considéraient néanmoins comme obligés par les
notes signées antérieurement: un assentiment définitif était nécessaire;
restait à l'obtenir, puisque l'acte authentique était nul.

    Le passage concernant l'immeuble sis en Suisse n'est d'ailleurs pas le
seul à donner l'impression d'une entente encore embryonnaire. Les autres
points du brouillon du notaire la confirment. Aucune décision n'est
prise quant à la pierre tombale. Les "dispositions" concernant l'Hôtel
Bellerive sont inexécutables comme telles et ne comportent certainement
aucun engagement valable. Celles qui traitent du "coffre" prévoient
expressément la signature ultérieure d'une "cession de Plan-les-Ouates".

    Il est enfin manifeste que l'intimé n'a pas cru à la validité du
document du 29 septembre 1955; il ne se considère comme propriétaire
que depuis le 14 octobre, date où fut passé le contrat authentique,
qu'il savait nul; il ne se fiait donc ni au premier ni au second des
textes élaborés.