Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 84 II 174



84 II 174

26. Arrêt de la Ire Cour civile du 3 mars 1958 dans la cause Institut
central des sociétés financières contre Union des usines et des
exploitations forestières de Nasic SA Regeste

    Kraftloserklärung von Inhaberaktien, Ausstellung neuer Titel,
Art. 971/2, 981 ff. OR.

    Wirkungen der Kraftloserklärung vermisster Titel; Rechtsnatur des
Begehrens um Ausstellung von Ersatztiteln (Erw. 1).

    Unzulässigkeit der Berufung gegen den Entscheid des kantonalen
Richters, zur Beurteilung eines solchen Begehrens sei eine andere kantonale
Behörde zuständig (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- L'Union des usines et des exploitations forestières de Nasic SA
(en abrégé: Nasic) est une société anonyme qui a son siège à Genève. Ses
actions sont au porteur.

    L'Institut central des sociétés financières, à Budapest (en abrégé:
Institut central), est un établissement de l'Etat hongrois. De février à
avril 1952, des citoyens hongrois ou leurs curateurs lui ont cédé un grand
nombre d'actions de Nasic, sans pouvoir cependant représenter ces titres,
qui avaient été perdus pendant la guerre.

    L'Institut central a demandé au Président du Tribunal de première
instance de Genève d'annuler 13874 actions de Nasic. Après avoir procédé
selon les art. 983 et suiv. CO, ce magistrat a annulé 11884 actions de
Nasic et ordonné à celle-ci de remettre à l'Institut central les titres
de remplacement correspondants.

    Nasic a formé opposition, en alléguant que les cessions invoquées
par le requérant étaient en réalité des actes de spoliation contraires
à l'ordre public suisse.

    Statuant sur appel, la Cour de justice civile du canton de Genève a
déclaré l'opposition de Nasic recevable, annulé les décisions du Président
du Tribunal et renvoyé la cause à ce magistrat pour qu'il statue sur
le fond après avoir procédé à une information complémentaire. Elle a
considéré notamment que la procédure d'annulation des titres était une
procédure contentieuse, où le débiteur intervenait comme défendeur, et
que la délivrance de nouveaux titres pouvait être requise en même temps
que l'annulation des anciens.

    L'Institut central a recouru en réforme au Tribunal fédéral, en
demandant que l'opposition de Nasic soit déclarée irrecevable et que les
titres en cause soient annulés. Il déclarait en outre qu'il était prêt
à présenter une seconde requête pour obtenir de nouveaux titres ou le
paiement de la dette.

    Le Tribunal fédéral a statué par arrêt du 27 mars 1956 (RO 82 II
224). La procédure d'annulation - a-t-il exposé en substance - ressortit
à la procédure gracieuse, de sorte que personne ne peut intervenir en
qualité de défendeur; un droit d'opposition appartient toutefois à ceux
qui font valoir sur le titre lui-même des droits qu'ils perdraient s'il
était annulé; enfin, ce n'est qu'une fois l'annulation prononcée que le
requérant peut demander qu'un nouveau titre lui soit remis ou que la dette
lui soit payée; or, en l'espèce, Nasic ne fait valoir aucun droit sur les
actions en cause, de sorte que son opposition n'était pas recevable. Par
conséquent, tout en donnant acte à l'Institut central de son offre de
présenter une seconde requête, le Tribunal fédéral a admis le recours,
annulé l'arrêt attaqué et prononcé l'annulation des 11884 actions.

    B.- Le 11 avril 1957, l'Institut central a présenté au Président
du Tribunal de première instance de Genève une demande de mesure
provisionnelle dans laquelle il concluait à ce que Nasic se vît ordonner de
lui délivrer 11072 titres de remplacement. Il déclarait en effet renoncer
provisoirement à obtenir de tels titres pour 812 des actions qui avaient
été annulées.

    Nasic a conclu à l'irrecevabilité de la requête, en déclarant qu'elle
contestait les droits de l'Institut central et que le litige devait être
tranché par les tribunaux ordi.

    naires.

    Par décision du 23 mai 1957, le Président du Tribunal s'est déclaré
incompétent pour connaître des questions litigieuses et il a renvoyé
les parties à mieux agir. Il a considéré, en bref, que la délivrance de
nouveaux titres ne suivait pas automatiquement l'annulation des anciens;
que cette mesure touchait au fond du droit et qu'en la prenant le juge
statuait définitivement sur les droits du requérant; que, dans cette
procédure, il devait donc pouvoir examiner tous les moyens libératoires
du débiteur et ordonner au besoin une administration de preuve complète;
qu'il s'agissait dès lors d'une procédure contentieuse ressortissant aux
tribunaux ordinaires.

    C.- Contre cette décision, l'Institut central recourt en réforme
au Tribunal fédéral en reprenant les conclusions qu'il a formulées dans
l'instance cantonale.

    Nasic propose que le recours soit déclaré irrecevable et,
subsidiairement, qu'il soit rejeté.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Comme le Tribunal fédéral l'a déjà exposé dans son arrêt du 27
mars 1956, l'annulation prononcée selon les art. 971 et 986 al. 1 CO prive
le titre de la légitimation formelle qu'il donne à son possesseur. Elle
replace le requérant dans la situation où il se trouverait s'il détenait
encore le papier-valeur, mais elle ne lui confère pas de nouveau droit
envers le débiteur. Celui-ci ne subit aucune atteinte dans sa situation
juridique et conserve toutes les exceptions qu'il pouvait opposer à
la partie requérante lorsqu'elle possédait encore le titre. Il peut
donc contester l'existence même du droit qui était incorporé dans
le papier-valeur ou nier que le requérant en soit le titulaire. En
particulier, si l'annulation n'est pas demandée par celui qui a perdu le
titre mais par un ayant cause, le débiteur peut exciper du fait que le
droit n'a pas été transféré valablement.

    Après l'annulation, il est évident que le débiteur doit être admis
à soulever toutes ses exceptions lorsque celui qui a obtenu cette mesure
fait directement valoir ses droits envers lui, par exemple en demandant le
paiement de la dette exigible. Mais il en est de même si c'est la création
d'un nouveau titre qui est requise. En effet, ni l'art. 972 ni l'art. 986
CO ne font de différence entre la faculté pour le requérant d'exercer ses
droits et celle de demander la délivrance d'un titre de remplacement. En
outre, cette dernière mesure constitue une reconnaissance de dette; or on
ne saurait y obliger le débiteur sans qu'il ait pu soulever les exceptions
dont il dispose. Bien plus, en transférant le nouveau papier-valeur à un
acquéreur de bonne foi, le requérant aurait la possibilité, s'il s'agit
d'un titre à ordre ou au porteur, de priver le débiteur des exceptions que
celui-ci a contre lui personnellement (art. 979 al. 2 et 1007 CO). Dès
lors, il ne suffit pas que le débiteur puisse soulever ses exceptions
au moment où la personne qui a obtenu l'annulation ou son ayant cause
fait valoir des droits en se fondant sur le titre de remplacement. Il
doit pouvoir le faire dès que la délivrance d'un nouveau papier-valeur
est demandée.

    Ainsi, cette dernière mesure ne fait plus partie de la procédure
d'annulation, qui est une procédure gracieuse, dans laquelle le débiteur
ne peut intervenir en qualité de défendeur ou d'opposant. Si le débiteur
refuse de créer un titre de remplacement, celui qui a obtenu l'annulation
doit l'actionner en justice, dans une procédure contentieuse qui permette
aux deux parties de faire valoir tous leurs droits. C'est du reste ce
qu'a dit le Tribunal fédéral en exposant, dans son arrêt du 27 mars 1956,
que la délivrance des nouveaux titres ne pouvait être ordonnée dans la
même procédure que l'annulation, mais exigeait la présentation d'une
seconde requête.

Erwägung 2

    2.- En l'espèce, cependant, le Président du Tribunal n'a pas statué
sur le fond du droit. Il a, il est vrai, considéré dans ses motifs que la
demande de l'Institut central posait des questions de fond qui relevaient
du droit fédéral. Mais les considérants ne participent pas, en règle
générale, à l'autorité de la chose jugée et, si ce principe souffre des
exceptions, aucune d'elles n'est donnée en l'occurrence. Ainsi, le juge
genevois s'est en définitive prononcé seulement sur sa compétence; il l'a
niée et a renvoyé l'Institut central à mieux agir. Celui-ci conserve donc
tous ses droits et la faculté de les faire valoir devant le juge. Dans
ces conditions, le jugement attaqué n'est pas une décision finale donnant
ouverture au recours en réforme selon l'art. 48 OJ.

    L'art. 49 OJ permet, il est vrai, de recourir en réforme contre
certaines décisions préjudicielles ou incidentes pour violation des
prescriptions de droit fédéral au sujet de la compétence à raison de la
matière ou du lieu. Toutefois, la question de savoir quelle juridiction
genevoise est compétente pour connaître de la demande de l'Institut central
ressortit exclusivement à la procédure cantonale. En niant sa compétence,
le Président du Tribunal n'a donc pu violer aucune prescription de droit
fédéral.

    Dès lors, le recours est irrecevable.