Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 84 II 158



84 II 158

23. Arrêt de la Ire Cour civile du 18 avril 1958 dans la cause Garage
Place Claparède SA contre Barambon. Regeste

    Automobilkauf.

    1.  Übergang von Nutzen und Gefahr, Art. 185 OR.

    a)  Individualisierung der Sache gemäss Art. 185 Abs. 2. Wann liegt
der Fall vor, dass die Sache "versendet werden soll"? (Erw. 1a).

    b)  Auslegung von Art. 185 Abs. 1. Gefahrsübergang, wenn der Verkäufer
sich die Sache auf seine Kosten zusenden lässt (Erw. 1b).

    2.  Kann ein Wagen, der einen Zusammenstoss von gewisser Bedeutung
erlitten hat, noch als neu verkauft werden? (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- Par contrat du 30 août 1956, le Garage Place Claparède SA
(ci-après: la société) a vendu à Marc Barambon une voiture neuve Morris
Oxford avec conduite à droite. L'acheteur devait remettre en échange une
Morris Oxford 1949 et payer en outre 6480 fr. Il était stipulé également
que, sauf imprévu, la voiture neuve serait livrée le 4 septembre 1956 et
que le lieu de l'exécution du contrat était Genève.

    Ne disposant pas, dans son stock, d'une voiture correspondant à celle
qu'elle avait vendue, la société en commanda une chez l'importateur, à
Zurich, et la fit amener à Genève par la route. Les frais de ce transport
furent supportés par la société et l'importateur.

    Entre Zurich et Genève, la voiture Morris 1956 fut heurtée par une
autre et endommagée au pare-chocs arrière, à l'aile arrière gauche et
aux deux portes gauches. La société traita elle-même avec l'assureur de
l'automobiliste qui avait provoqué l'accident et obtint une indemnité de
900 fr., qui lui permit de faire réparer les dégâts. Puis elle prétendit
livrer la voiture à l'acheteur. Mais celui-ci refusa d'en prendre livraison
et d'exécuter les prestations que lui imposait le contrat du 30 août
1956. Il maintint cette position bien que la société lui eût offert une
réduction de 300 fr.

    B.- La société a actionné Barambon en paiement de 6480 fr., avec
intérêt à 5% dès le 13 septembre 1956, et d'une indemnité de 25 fr.
par jour dès cette dernière date pour l'utilisation de la voiture Morris
1949. En outre, elle offrait de livrer au défendeur l'automobile Morris
Oxford 1956 contre remise de la voiture Morris 1949 et du montant de
6480 fr.

    Barambon a conclu au rejet de l'action.

    Statuant en deuxième instance le 17 janvier 1958, la Cour de justice
civile du canton de Genève a débouté la demanderesse de ses conclusions.

    C.- Contre cet arrêt, la société recourt en réforme au Tribunal
fédéral, en reprenant les conclusions qu'elle a formulées dans les
instances cantonales.

    L'intimé propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Comme dans les instances cantonales, la recourante prétend en
premier lieu que les profits et les risques de la chose avaient, selon
l'art. 185 al. 1 CO, passé à l'acheteur dès la conclusion du contrat;
ainsi, Barambon devrait supporter lui-même les conséquences de la collision
subie par la voiture.

    a) La Cour de justice n'a pas admis cette thèse, en se fondant sur
l'art. 185 al. 2 CO. Sans doute, a-t-elle exposé, la chose vendue a été
individualisée; mais elle devait être expédiée dans un autre lieu et la
venderesse ne s'en était pas dessaisie puisque, lors de l'accident, le
véhicule n'était pas conduit directement chez l'acheteur mais au garage
en vue de sa livraison.

    C'est avec raison que la juridiction cantonale a admis que l'automobile
vendue avait été individualisée. Il est constant, en effet, que la voiture
conduite de Zurich à Genève correspondait au contrat du 30 août 1956 et
était destinée à Barambon. Dès lors, l'individualisation était valable,
bien que la venderesse l'eût opérée unilatéralement, sans la porter à la
connaissance de l'acheteur.

    En revanche, la Cour de justice a considéré à tort que l'automobile
devait être "expédiée dans un autre lieu" au sens de l'art. 185 al. 2
CO. Cette expression, en effet, ne vise pas n'importe quel transport dont
la chose vendue peut être l'objet avant la livraison. La disposition de
l'art. 185 al. 2 i.f. CO se rapporte uniquement aux ventes à distance,
c'est-à-dire aux ventes dans lesquelles la chose n'est pas livrée au lieu
de l'exécution, mais doit être expédiée à l'acheteur ou à son mandataire
dans un autre lieu (OSER/SCHÖNENBERGER, CO, ad art. 185, rem. 10, et ad
art. 184, rem. 37; BECKER, CO, ad art. 185, rem. 8). Rien de semblable
n'avait été convenu en l'espèce. Les parties avaient simplement stipulé que
le lieu de l'exécution était Genève et, faute d'indication plus précise,
il se trouvait au domicile de la venderesse en vertu de l'art. 74 al. 2
ch. 3 CO. L'acheteur devait donc prendre livraison de la voiture au
garage. Dans ces conditions, il ne s'agissait pas d'une vente à distance.

    Ainsi, l'intimé ne saurait se fonder sur l'art. 185 al. 2 CO pour
prétendre que les risques étaient restés à la charge de la venderesse et
l'art. 185 al. 1 CO est seul applicable en l'espèce.

    b) En vertu de cette dernière disposition, les profits et les
risques passent en principe à l'acquéreur dès la conclusion de la vente.
Il n'en est autrement qu'en cas de circonstances ou de stipulations
particulières. L'art. 185 al. 1 CO consacre ainsi une règle qui déroge à
plus d'un point de vue au système juridique suisse. Il constitue d'abord
une exception au principe selon lequel le propriétaire, qui dispose
de la chose, en a les risques et les profits. Il déroge de plus à la
règle générale de l'art. 119 al. 2 CO, en vertu duquel le contractant
libéré parce que l'exécution de sa prestation est devenue impossible ne
peut plus prétendre à la contre-prestation promise par l'autre partie
(cf. également les art. 220, 254, 376 et, a contrario, l'art. 390 al. 1
CO, qui obéissent au principe de l'art. 119 al. 2 CO). Il est du reste
contraire aux conceptions généralement admises dans le public (comme
le relève avec raison OSER/SCHÖNENBERGER, CO, ad art. 185, rem. 2;
cf. également RSJ 1952 p. 179).

    Dans ces conditions, il faut appliquer restrictivement le principe
selon lequel les profits et les risques passent à l'acheteur dès que le
contrat est conclu et on doit admettre très largement les "exceptions
résultant de circonstances ou de stipulations particulières", qui sont
réservées par l'art. 185 al. 1 CO. Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé, dans
son arrêt Verzinkerei Zug AG c. Debrunner & Cie (RO 52 II 362 consid. 1),
que le vendeur supportait les risques du transport lorsqu'il expédiait
franco la marchandise à son propre représentant au lieu de l'exécution;
en effet - a exposé la juridiction fédérale - l'acheteur est, dans ce
cas, privé de toute possibilité de disposer de la marchandise pendant le
transport et de prendre des mesures pour écarter les risques (cf. également
RO 46 II 460).

    Il en était de même en l'espèce. Comme la voiture vendue se trouvait
à Zurich, le lieu de l'exécution de la prestation de la venderesse eût
été Zurich en vertu de l'art. 74 ch. 2 CO. Mais les parties ont dérogé
à cette règle en désignant Genève comme lieu de l'exécution. Dès lors,
le transport de Zurich à Genève a été opéré aux frais et pour le compte de
la venderesse, chez qui l'automobile devait être conduite. C'est elle qui,
pendant ce trajet, avait la disposition de la voiture et qui était juge
des mesures à prendre. Aussi bien a-t-elle décidé elle-même du mode de
transport et choisi le conducteur, à qui elle a donné ses instructions. Dès
lors, elle doit être réputée avoir pris à sa charge les risques afférents
à ce transport. Le comportement que la recourante a eu après l'accident
révèle du reste clairement qu'à son avis la voiture était transportée à
ses propres risques. Le fait qu'elle a ordonné la réparation des dégâts
et qu'elle a offert à Barambon une réduction de prix peut éventuellement
être considéré comme une concession gracieuse fondée sur des motifs de
politique commerciale. Mais elle a, de plus, traité elle-même la question
des dommages-intérêts avec l'assureur de l'automobiliste qui avait provoqué
l'accident. Elle a ainsi tenu l'acheteur à l'écart de ces discussions et,
en réglant l'affaire directement, elle l'a privé de la possibilité de
faire valoir les prétentions qu'il pouvait fonder sur la dépréciation de
la voiture. Par cette attitude, elle a manifesté l'idée que la collision la
lésait elle-même et, dès lors, qu'elle supportait les risques du transport.

    Dans ces conditions, elle se prévaut à tort de l'art. 185 CO.

Erwägung 2

    2.- Selon la Cour cantonale, la voiture réparée offerte par la société
ne correspond pas à celle qui est mentionnée dans le contrat du 30 août
1956; Barambon entendait obtenir une voiture neuve; or l'automobile que
lui destine la venderesse n'a plus cette qualité, puisqu'elle a subi
un accident qui a provoqué des frais de remise en état pour 900 fr.;
il importe peu que, selon les attestations produites par la société,
la voiture ait été bien réparée et ne soit pas dépréciée techniquement;
il est clair, en effet, que le fait d'avoir subi un accident entraînera
une réduction du prix en cas de revente.

    Le Tribunal fédéral n'a rien à reprendre à cette argumentation. Sans
être grave, le choc subi par la voiture qu'offre la société n'était pas
dénué d'importance. Or il est notoire qu'un tel accident déprécie une
automobile. C'est le cas même si les dégâts apparents ont été parfaitement
réparés. Une collision d'une certaine violence peut en effet avoir sur
les organes mécaniques du véhicule des effets qui ne se révèlent qu'à
la longue. L'automobile offerte par la venderesse est amsi entachée
d'un défaut qui, s'il ne diminue peut-être pas l'utilité de la chose, en
restreint en revanche la valeur dans une notable mesure. La recourante
relève en vain que les carrosseries des voitures subissent fréquemment
des dégâts lors du transport et des opérations de chargement. Il s'agit
alors de dommages insignifiants, qui sont loin d'avoir l'importance de
ceux qu'a subis en l'espèce le véhicule destiné à l'intimé. Ainsi, la
société prétend à tort qu'elle offre une prestation conforme au contrat et
que l'acheteur est tenu, de son côté, d'exécuter les contre-prestations
promises. Au contraire, comme la venderesse n'entendait exécuter ses
obligations qu'imparfaitement, l'intimé était fondé à refuser la livraison
et à se départir du contrat. Dès lors, c'est avec raison que l'action a
été rejetée.

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.