Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 83 I 268



83 I 268

36. Arrêt du 11 décembre 1957 dans la cause Syndicat d'améliorations
foncières du Vallon de Voëns contre Tribunal arbitral du canton de
Neuchâtel. Regeste

    Art. 88 OG. Legitimation einer Bodenverbesserungskorporation zur
staatsrechtlichen Beschwerde wegen Verletzung verfassungsmässiger Rechte?

Sachverhalt

    A.- Dlle Marguerite Frey est propriétaire d'un certain nombre de
parcelles se trouvant dans le périmètre du syndicat d'améliorations
foncières du Vallon de Voëns, à St-Blaise (canton de Neuchâtel). L'un
de ces fonds, qui constituait à son avis un terrain à bâtir, fut estimé
selon elle à un prix trop bas. Elle présenta à ce sujet une réclamation à
l'autorité compétente, c'est-à-dire au président du Tribunal du district
de Neuchâtel. Par jugement du 17 juillet 1957, celui-ci, assisté,
conformément à la loi, de deux arbitres, lui donna partiellement gain de
cause et lui alloua, à la charge du syndicat, une indemnité supplémentaire
de 3015 fr.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, le syndicat
requiert le Tribunal fédéral d'annuler ce jugement. Il se plaint d'une
violation de l'art. 4 Cst.

    Le Tribunal arbitral conclut au rejet du recours. Dlle Frey demande
qu'il soit déclaré irrecevable, subsidiairement qu'il soit rejeté.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recours de droit public prévu par l'art. 84 litt.  a OJ,
dont il s'agit en l'espèce, n'est ouvert que pour violation des droits
constitutionnels. Seul le titulaire d'un droit de cette nature peut donc
l'interjeter. Les droits constitutionnels étant destinés à protéger les
particuliers, personnes physiques ou morales, contre les abus du pouvoir,
ils confèrent au citoyen certaines garanties à l'égard de l'Etat, qui ne
peut dès lors en être titulaire en tant qu'il agit comme détenteur de la
puissance publique. Il s'ensuit que, lorsque l'Etat intervient en cette
qualité, il n'est pas légitimé pour attaquer par la voie du recours de
droit public une décision rendue contre lui.

    Ces principes, valables non seulement pour les cantons ou les
communes comme tels, mais aussi pour leurs autorités quand celles-ci
agissent comme titulaires de la puissance publique, subissent deux
exceptions. Tout d'abord, le Tribunal fédéral reconnaît à la commune la
qualité pour recourir, bien qu'elle se présente comme titulaire de la
puissance publique, lorsqu'elle défend son autonomie. D'autre part, il
admet que les cantons peuvent user de la voie du recours de droit public
dans les cas où, agissant comme des personnes juridiques soumises à la
souveraineté d'un autre canton, ils réclament contre celui-ci le bénéfice
des droits constitutionnels accordé dans la même matière aux particuliers
soumis à la même souveraineté.

    Pour le surplus, la jurisprudence s'en tient aux principes rappelés
plus haut, lesquels ne cessent d'être applicables que lorsque la
corporation de droit public n'agit plus comme détentrice de la puissance
publique, mais se place sur le terrain du droit privé pour se mesurer
d'égal à égal avec d'autres sujets de droit dans des rapports juridiques
ordinaires (sur ces différentes règles, voir par exemple: RO 83 I 121;
82 I 97/8; 76 I 51/2; 74 I 52; 72 I 21; 70 I 155; 68 I 86; 66 I 261/2;
66 I 74; 60 I 231 ss.).

Erwägung 2

    2.- En l'espèce, le recours est interjeté par un syndicat
d'améliorations foncières et il est dirigé contre un jugement arbitral
modifiant une décision prise par ce syndicat au sujet notamment de
l'estimation des terrains de l'intimée et des indemnités allouées à
celle-ci. Ce syndicat a pour but, ainsi que le prévoit l'art. 3 de son
règlement, de "réaliser les améliorations foncières d'après les plans
élaborés par le service cantonal du Génie rural". Il s'agit là d'une tâche
d'intérêt général (RO 41 I 29), qui incombe en réalité à l'Etat, titulaire
de la puissance publique, mais dont celui-ci délègue l'exécution, en
partie tout au moins, à des syndicats. Ceux-ci sont organisés en fonction
de la nature particulière de leur tâche. Ainsi, moyennant l'observation
de certaines règles, ils se constituent en corporation de droit public
(art. 70 de la loi neuchâteloise concernant l'introduction du code civil
suisse, LICC). Une fois l'entreprise approuvée par le Conseil d'Etat,
ils deviennent obligatoires, même à l'égard des propriétaires qui auraient
refusé à l'origine d'en faire partie, et acquièrent le droit d'exproprier
les immeubles et les droits nécessaires à l'exécution de l'entreprise ainsi
que d'exiger une contribution des propriétaires intéressés (art. 79 et 80
LICC). Ils possèdent enfin, quant à la nouvelle répartition des parcelles
et à la fixation des indemnités éventuelles, un pouvoir de décision propre.

    Il faut admettre, dans ces conditions, que, délégataire d'une tâche
relevant de l'intérêt général, le syndicat d'améliorations foncières
est investi à l'égard de ses membres de la puissance publique et exerce
la fonction officielle d'un véritable organe de l'Etat, dans la mesure
notamment où il fixe, avec effet obligatoire, les indemnités payables aux
propriétaires des terrains compris dans le périmètre de l'entreprise. Si
la décision qu'il prend sur ce point peut faire l'objet d'une réclamation
au Tribunal arbitral (art. 89 et 90 LICC), le jugement que rend ce dernier
ne tranche pas une contestation de droit privé entre deux particuliers
placés sur pied d'égalité mais constitue le prononcé administratif d'une
juridiction supérieure contrôlant celui d'une juridiction de premier
ressort. Quand le Tribunal arbitral modifie la décision des organes du
syndicat, celuici n'est donc nullement atteint comme un particulier mais
exclusivement en sa qualité de titulaire de la puissance publique. Par
conséquent, étant donnés les principes rappelés au considérant 1 ci-dessus,
il n'a pas qualité pour attaquer ce jugement arbitral par la voie du
recours de droit public.

    Il ne pourrait en aller autrement que si l'une ou l'autre des
exceptions admises par la jurisprudence citée cidessus était réalisée. Or
tel n'est pas le cas. Peu importe d'ailleurs que le recourant ait été
partie à la procédure cantonale, car, selon une jurisprudence constante,
la question de la qualité pour recourir ne dépend que des règles de la loi
fédérale d'organisation judiciaire (RO 79 I 158 et arrêts cités). Quant
au fait que le jugement attaqué, en accordant une indemnité à l'intimée,
modifie les contributions de l'ensemble des membres du syndicat, il ne
change rien à cet autre fait que le recourant a agi exclusivement comme
titulaire de la puissance publique, ce qui est décisif.

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    déclare le recours irrecevable.