Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 83 I 173



83 I 173

23. Arrêt du 26 juin 1957 dans la cause Quinche et consorts contre Conseil
d'Etat du Canton de Vaud. Regeste

    Art. 4 BV, 85 lit. a OG; Frauenstimmrecht.

    1.  Unzuständigkeit des Bundesgerichts zur Behandlung einer Beschwerde,
die sich auf die Ausübung der politischen Rechte in eidgenössischen
Angelegenheiten bezieht, sowie zur Beurteilung der Frage, ob die
Bestimmungen einer Kantonsverfassung mit der Bundesverfassung vereinbar
sind (Erw. 1 und 6).

    2.  Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts bei Wahl- und
Abstimmungsbeschwerden gemäss Art. 85 litt. a OG (Erw. 2).

    3.  Auslegungsmethoden in der bundesgerichtlichen
Rechtsprechung. Bedeutung der Materialien. Wichtigkeit der Praxis. Eine
kantonale Behörde handelt nicht willkürlich, wenn sie es ablehnt, eine
an sich nicht eindeutige Bestimmung in einer Weise auszulegen, die mit
der bisherigen langjährigen und beständigen Praxis im Widerspruch stände
(Erw. 4 und 5).

Sachverhalt

    A.- Antoinette Quinche et un certain nombre d'autres femmes ont demandé
à leur commune de domicile dans le canton de Vaud de les inscrire au rôle
des électeurs et de leur délivrer une carte civique. Les autorités saisies
ayant refusé d'accéder à cette requête, Antoinette Quinche et consorts
ont recouru au Conseil d'Etat du canton de Vaud, qui les a déboutés par
une décision du 11 mars 1957, motivée en bref comme suit:

    En vertu de l'art. 23 Cst. vaud., "sont citoyens actifs tous les
Suisses âgés de vingt ans révolus, établis ou en séjour dans le canton
depuis trois mois et n'exerçant pas leurs droits politiques dans quelque
autre Etat de la Confédération". Par le mot "Suisse", le législateur n'a
compris que les hommes et a "strictement et intentionnellement" exclu les
femmes de l'exercice du droit de vote. Depuis lors, c'est constamment et
exclusivement dans ce sens que les règles constitutionnelles et légales
existant en cette matière ont été appliquées. Il ne faut d'ailleurs
pas voir là une violation du principe de l'égalité devant la loi (art. 2
Cst. vaud.). En effet, les dispositions délimitant le cercle des personnes
jouissant des droits politiques constituent, par rapport à ce principe,
des règles spéciales, qui l'emportent. Dans son arrêt Lehmann, du 14
septembre 1923, le Tribunal fédéral admet d'ailleurs aussi, pour des
raisons historiques, que seuls les hommes ont le droit de vote sur le
plan fédéral. Il considère de plus que l'introduction du sufrage féminin
reviendrait à modifier un régime juridique profondément enraciné et qu'elle
ne pourrait dès lors avoir lieu que par une revision de la constitution et
non par la simple voie de l'interprétation. Telle est du reste également
l'opinion de la doctrine. Il n'y a aucune raison de s'en écarter.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, Antoinette
Quinche et consorts requièrent le Tribunal fédéral d'annuler la décision
du Conseil d'Etat. A leur avis, les textes applicables en matière de
droit de vote n'excluent pas expressément les femmes de l'exercice des
droits politiques. Ils peuvent au contraire être adaptés à l'évolution des
idées. En se confinant dans une interprétation strictement historique,
le Conseil d'Etat a violé l'art. 4 Cst., car il a perdu de vue qu'au
regard des circonstances actuelles la différence de sexe ne justifie
plus un traitement différentiel quant à l'octroi du droit de vote. Il
est d'ailleurs faux de croire que le suffrage féminin ne pourrait être
introduit que par la voie d'une revision constitutionnelle. Il ne s'agirait
en effet nullement d'abolir un régime juridique profondément enraciné.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les recourantes ne précisent pas si elles demandent l'exercice
des droits politiques en matière communale et cantonale seulement ou
aussi en matière fédérale. Comme elles invoquent l'art. 74 Cst. féd.,
il convient d'admettre qu'elles demandent l'octroi du droit de vote de
façon tout à fait générale. Il s'ensuit que le Tribunal fédéral n'est
qu'en partie compétent pour statuer sur leur recours. En effet, dans la
mesure où le Conseil d'Etat refuse de reconnaître aux recourantes le
droit de vote en matière fédérale et de les inscrire pour cela sur le
rôle des électeurs, sa décision ne peut faire l'objet que d'un recours
au Conseil fédéral (art. 85 litt. a et 125 litt. b OJ; art. 7 LF du 19
juillet 1872 sur les élections et votations fédérales; art. 11 LF du 17
juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés
fédéraux; art. 16 LF du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder
pour les demandes d'initiatives populaires et les votations relatives à
la revision de la constitution fédérale). Conformément à l'art. 96 OJ,
il y aura donc lieu de transmettre le recours au Conseil fédéral en tant
qu'il relève de sa compétence.

Erwägung 2

    2.- Lorsqu'il est saisi d'un recours en vertu de l'art. 85 litt. a
OJ, le Tribunal fédéral examine librement l'application du droit
constitutionnel cantonal, en évitant toutefois de s'écarter sans nécessité
de l'interprétation adoptée par l'autorité cantonale supérieure. Il en
va de même à l'égard des lois cantonales qui précisent le contenu et
l'étendue du droit de vote garanti par la constitution. En revanche, le
Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle étroit de l'art. 4 Cst. les
autres dispositions cantonales ayant pour objet des questions de procédure
ou des questions analogues (RO 41 I 175; 45 I 148; 46 I 121; 49 I 105,
540; 50 I 291; 53 I 33; 74 I 176; 75 I 245; 81 I 196). Il s'agit en
l'espèce de savoir si les femmes peuvent être mises au bénéfice des
droits politiques. Cette question concerne le droit de vote lui-même.
Le Tribunal fédéral statue donc avec pleins pouvoirs.

Erwägung 3

    3.- Les recourantes affirment qu'au regard des dispositions
constitutionnelles ou légales actuelles, elles peuvent prétendre exercer
les droits politiques. Elles posent ainsi le problème de l'interprétation
de ces dispositions constitutionnelles ou légales. S'agissant exclusivement
du droit de vote en matière cantonale et communale, la disposition
applicable est celle de l'art. 23 Cst. vaud., aux termes duquel "sont
citoyens actifs tous les Suisses âgés de vingt ans révolus, établis
ou en séjour dans le canton depuis trois mois et n'exerçant pas leurs
droits politiques dans quelque autre Etat de la Confédération". De l'avis
des recourantes, le mot "Suisses" désigne aussi bien les hommes que les
femmes. Tel est effectivement le cas dans le langage courant. On peut se
demander s'il en va de même dans la terminologie technique utilisée par la
constitution. Ainsi, à l'art. 3 Cst. vaud., en vertu duquel "tout Suisse
habitant le canton est tenu au service militaire", le mot "Suisse" vise
incontestablement les hommes seulement, à l'exclusion des femmes. D'autre
part, lorsque le constituant vaudois a voulu désigner par un seul terme
les hommes et les femmes, il lui est arrivé souvent d'utiliser un mot
dont le caractère neutre ne souffre pas de discussion. Ainsi, à l'art. 4,
où il déclare: "Nul ne peut être poursuivi ou arrêté que dans les cas
déterminés par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. Tout individu
arrêté doit être entendu par le magistrat compétent dans les vingt-quatre
heures qui suivent son arrestation"; de même à l'art. 16, où il pose la
règle que "chacun est libre d'enseigner en se conformant aux lois sur
cette matière". On ne saurait dès lors affirmer que le terme "Suisses"
utilisé à l'art. 23 Cst. vaud. possède un sens clair et indiscutable. Force
est donc de l'interpréter.

Erwägung 4

    4.- Qu'il appartienne au pouvoir judiciaire ou à l'administration,
le juge cherche, quand il interprète une disposition constitutionnelle
ou légale, à en découvrir le sens, à définir la portée juridique
effective de la norme que recouvrent, plus ou moins heureusement, les
expressions dont s'est servi le législateur. Ce sens peut être celui que
le législateur historique a voulu donner au texte. Mais il peut être
aussi celui que doit avoir le texte pour être applicable aujourd'hui
d'une manière raisonnable. Dans plusieurs arrêts récents, le Tribunal
fédéral paraît se rattacher davantage à cette seconde définition du
sens de la norme. En effet, dit-il, la volonté du législateur doit être
dégagée de la loi elle-même, de son texte, de sa logique interne, du
but qu'elle se propose. "Ce qui importe, ce n'est pas le sens qu'a pu
attribuer à une disposition le législateur historique, voire telle ou
telle personne qui a été mêlée à l'élaboration de la loi; c'est le sens
qui résulte de tout le système de la loi, compte tenu des circonstances
actuelles et de l'état de développement de la technique" (RO 78 I 30; cf.
aussi 82 I 153; 81 I 282; 80 II 79, 316; 79 II 434; 79 I 20). Il serait
faux cependant de croire qu'en posant ces principes, le Tribunal fédéral
a entendu se rallier résolument à l'interprétation dite objective et
abandonner du même coup l'interprétation historique. Un examen attentif
de sa jurisprudence montre au contraire qu'il n'exclut aucune méthode
de manière absolue mais qu'il recourt aux procédés d'interprétation
qui lui paraissent, dans le cas particulier, les plus propres à dégager
le véritable sens de la norme. Ainsi, dans les arrêts RO 69 II 216 et
82 IV 91, il a défini le sens de diverses dispositions légales en se
fondant à la fois sur leur genèse telle qu'elle ressortait des travaux
préparatoires, sur leur texte et sur leurs rapports avec d'autres
dispositions légales ou d'autres principes. Si l'on voulait dégager de
sa jurisprudence une règle générale, on pourrait dire tout au plus qu'il
marque une certaine réserve à l'égard de l'interprétation historique.
Cette réserve est d'ailleurs justifiée, car - c'est un fait d'expérience
- les travaux préparatoires renseignent très rarement de façon certaine
sur la volonté réelle et complète du législateur. Cependant, il arrive
que ces travaux préparatoires permettent d'établir avec une parfaite
clarté le sens que l'auteur de la loi a entendu donner aux termes qu'il
a utilisés. Lorsqu'il en est ainsi, le Tribunal fédéral considère qu'il
doit se conformer à l'intention du législateur historique, à moins que
le sens qu'à l'époque on a entendu donner à la loi ne soit incompatible
avec le texte de celle-ci ou absolument inacceptable en pratique (RO 68
II 111). A plus forte raison doit-il en être ainsi lorsqu'une pratique
absolument constante montre que les autorités chargées d'appliquer la
disposition ou les particuliers qui y sont soumis l'ont toujours comprise
de la même manière que le législateur historique. Quand cette pratique
constante s'étend sur un grand nombre d'années, qu'elle acquiert ainsi le
caractère d'une sorte de coutume, elle confère au sens voulu à l'origine
par le législateur une force particulière. La disposition ne s'impose
plus alors au juge par son seul texte mais aussi par la pratique qui l'a
toujours comprise dans un sens bien défini. Malgré l'absence des termes
qui, d'un point de vue purement formel et extérieur, donneraient sans
discussion possible à la disposition le sens que le législateur puis la
pratique lui ont certainement et toujours conféré, le juge doit considérer
que le texte ne souffre pas une interprétation nouvelle. Autrement dit,
dans cette hypothèse particulière et d'ailleurs rare, la disposition dont
les termes pris en eux-mêmes sont ambigus et pourraient recevoir une autre
interprétation sans faire violence au texte, équivaut en réalité à une
règle que le législateur aurait rédigée en des termes rendant exactement
son intention. Le juge ne se trouve plus en présence d'un texte seulement
mais d'un texte doublé d'un usage. Il est alors lié tout comme il l'est par
une disposition qui ne souffre aucune interprétation parce qu'elle possède
un sens absolument clair. Si, en pareil cas, il s'écartait du sens voulu
par le législateur et confirmé par la pratique constante, il ferait un
acte qui reviendrait en fait à modifier la loi. Or, s'il possède bien le
pouvoir de compléter la loi lorsqu'elle présente une lacune, il n'a pas
en revanche celui de la modifier. Ce droit n'appartient qu'à l'autorité
législative. Le particulier qui voudrait donner à la norme un sens
différent doit donc avoir recours non point au juge mais au législateur.

Erwägung 5

    5.- La constitution vaudoise a été adoptée le 1er mars 1885.
Son art. 23, qui garantit la qualité de citoyen actif à "tous les
Suisses âgés de vingt ans révolus, établis ou en séjour dans le canton
depuis trois mois et n'exerçant pas leurs droits politiques dans quelque
autre Etat de la Confédération", n'a pas été modifié depuis lors. Les
constitutions vaudoises antérieures, du 15 décembre 1861 et du 10 août
1845 utilisaient au lieu de l'expression "tous les Suisses", celles de
"Vaudois" et "Confédérés", ce qui revient cependant au même, étant donné le
problème posé. Or il ne peut faire de doute pour personne qu'à l'époque
où ces différentes dispositions constitutionnelles ont été adoptées,
les termes de "Suisses", "Vaudois" ou "Confédérés" visaient les hommes,
à l'exclusion des femmes. Le constituant n'a pu avoir à ce sujet une idée
différente, car en 1845, 1861 ou 1885 la question de savoir s'il fallait
accorder les droits politiques aux femmes ne se posait pas en pratique,
même si quelques esprits en avance sur leur époque l'avaient soulevée
comme un problème de doctrine. Il allait de soi, en effet, que seuls les
hommes pouvaient revêtir la qualité de citoyen actif. Depuis ce moment-là,
l'art. 23 Cst. vaud. et les dispositions légales destinées à le préciser
ont été interprétés de façon absolument constante en ce sens que seuls les
hommes jouissent des droits politiques. A aucun moment les femmes habitant
le canton de Vaud n'ont été admises à participer à des élections ou à
des votations. Lorsque, en 1950, les autorités vaudoises se sont demandé
s'il fallait conférer aux femmes le droit de prendre part à certaines
votations et élections, elles ont proposé au peuple une modification de
la constitution, qui a d'ailleurs été refusée.

    Ainsi, le sens que le constituant de 1885 a entendu au mot "Suisses"
est clair. Ce sens a été confirmé par une pratique absolument constante
et qui peut être comparée à une sorte de coutume. Il s'ensuit que, dans
le canton de Vaud, les droits politiques n'appartiennent qu'aux hommes,
à l'exclusion des femmes. L'art. 23 Cst. vaud. s'imposait au Conseil d'Etat
avec ce sens. Il le liait et lui interdisait toute autre interprétation. Le
Conseil d'Etat n'est donc pas tombé dans l'arbitraire en refusant de lui
donner un sens différent et en renvoyant les recourants à procéder par
la voie d'une demande de revision de la constitution.

Erwägung 6

    6.- On peut se demander en revanche si l'art. 23 Cst. vaud. qui,
d'après la volonté claire du législateur et en vertu d'un usage absolument
constant, confère les droits politiques aux hommes, à l'exclusion des
femmes, constitue, ainsi compris, une disposition contraire à l'art. 4
Cst. féd. Autrement dit, la question pourrait se poser de savoir si
l'art. 4 Cst. féd. impose au constituant vaudois l'obligation d'accorder
aux femmes les mêmes droits politiques qu'aux hommes. Cette question doit
cependant demeurer indécise. Elle soulève, en effet, le problème de la
conformité des dispositions d'une constitution cantonale avec celles
de la constitution fédérale. Or, dans une jurisprudence constante,
le Tribunal fédéral s'est toujours refusé à examiner un problème de
cette nature. En effet, dit-il, les cantons sont tenus de demander à la
Confédération la garantie de leur constitution (art. 6 Cst. féd.). Cette
garantie leur est accordée ou refusée par l'Assemblée fédérale (art. 85
ch. 7 Cst. féd.). Comme celle-ci doit examiner à ce moment-là si la
constitution cantonale est ou non conforme à la constitution fédérale,
cela exclut qu'une autre autorité se livre au même examen. Les art. 6 et
85 ch. 7 Cst. féd. constituent des dispositions spéciales qui l'emportent
sur l'art. 113 Cst. féd. (RO 69 I 177/178; 56 I 330; 22 p. 4 et 1019,
consid. 4; 17 p. 630, consid. 4; 1 p. 347, consid. 6). Il est vrai que
cette jurisprudence a été mise en doute par la doctrine (cf. en effet
BURCKHARDT, Commentaire, 3e éd. p. 71; FLEINER/GIACOMETTI, Schweizerisches
Bundesstaatsrecht, p. 134; GIACOMETTI, Verfassungsgerichtsbarkeit,
p. 110/111). Le Tribunal fédéral s'y est néanmoins tenu encore en 1945
(arrêt non publié du 2 juillet 1945 dans la cause Müller c. Conseil
d'Etat du canton de Zurich, p. 8; BIRCHMEIER, Handbuch, p. 312/313)
et en 1949 (arrêt non publié du 23 juin 1949 dans la cause Parti
"démocratique-progressiste" du Cercle d'Avenches c. Conseil d'Etat du
canton de Vaud). Il n'y a pas lieu de s'en écarter. Il suffit d'observer
que cette jurisprudence fait une distinction suivant que le recours de
droit public est dirigé contre une disposition constitutionnelle prise
pour elle-même ou simplement contre une décision qui l'applique. Dans le
premier cas, elle exclut absolument le recours de droit public, tandis
que, pour ce qui concerne le second, elle a laissé la question indécise
(RO 56 I 330, arrêts Müller et Parti "démocratique-progressiste" du
Cercle d'Avenches). Toutefois, ajoutet-elle, "lorsque... la décision
de l'autorité cantonale se borne à reprendre, sans le modifier en
aucune façon, le principe énoncé dans le texte constitutionnel auquel
l'Assemblée fédérale a accordé la garantie prévue à l'art. 85 ch. 7
Cst., on pourrait se demander si ... le Tribunal fédéral ne devrait pas
se considérer comme lié". La jurisprudence inclinerait donc à exclure
aussi le recours de droit public dirigé contre une décision d'espèce qui
reprendrait le principe constitutionnel sans le modifier. Cette tendance
est exacte et il convient de l'ériger en règle générale. En effet, dans
cette hypothèse, le texte constitutionnel est en jeu exactement comme
lorsque le recours est dirigé contre la disposition elle-même. Il n'y a
donc pas lieu de traiter les deux situations différemment. L'exclusion
du recours de droit public dans ces deux cas ne livre d'ailleurs pas le
citoyen à l'arbitraire de l'Etat. En effet, l'Assemblée fédérale peut en
tout temps retirer la garantie qu'elle a accordée, lorsqu'à l'usage une
disposition d'une constitution cantonale apparaît comme contraire au droit
fédéral, notamment à la constitution fédérale (BURCKHARDT, Commentaire,
p. 70/71; FLEINER/GIACOMETTI, Schweiz. Bundesstaatsrecht, p. 133).

    En l'espèce, la constitution vaudoise du 1er mars 1885, notamment
son art. 23, a été garantie par un arrêté fédéral du 27 mars 1885,
c'est-à-dire à une époque où, de toute évidence, l'Assemblée fédérale
considérait que les femmes étaient exclues des droits politiques et où elle
a accordé la garantie fédérale dans ce sens. Les recourantes n'attaquent
pas l'art. 23 Cst. vaud. comme tel mais une décision qui l'applique et
reprend exactement le principe qu'il pose, tel qu'il résulte de la volonté
claire du législateur et de l'usage constant. Dans cette mesure dès lors,
le présent recours de droit public est irrecevable. D'ailleurs même s'il
ne l'était pas pour cette raison, il devrait l'être pour une autre. En
effet, les recourantes demandent au Tribunal fédéral d'annuler non
pas l'art. 23 Cst. vaud., mais la décision qui leur refuse l'exercice
des droits politiques. Si le Tribunal fédéral leur donnait raison, il
modifierait en fait l'art. 23 Cst. vaud. et en ferait une disposition
nouvelle. Par cette voie, les recourantes éluderaient les règles auxquelles
la revision de la constitution est soumise. Elles échapperaient notamment
au vote populaire et empêcheraient ainsi le canton d'obtenir la garantie
fédérale, puisque celle-ci est soumise en particulier à la condition que
les dispositions nouvelles aient été acceptées par le peuple. Il est clair
que le Tribunal fédéral ne saurait prêter la main à pareille tentative.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours en tant qu'il est recevable.