Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 83 I 128



83 I 128

18. Arrêt du 25 janvier 1957 dans la cause Banque populaire suisse contre
Administration fédérale des contributions. Regeste

    Couponabgabe; Art. 3 Abs. 1 lit. d, Art. 5 Abs. 2 CG.

    Besteuerung der "Rückzahlung" von Genussscheinen, die von einer
Genossenschaft bei der Herabsetzung des Genossenschaftskapitals ausgegeben
worden sind.

Sachverhalt

    A.- La Banque populaire suisse, société coopérative dont le capital
social était divisé en parts de 1000 fr. chacune, a fait, en 1933, l'objet
d'un assainissement financier auquel la Confédération a participé. Un
arrêté fédéral du 8 décembre 1933, qui prévoit une souscription fédérale
de 200 000 parts sociales de 500 fr. chacune sous certaines conditions
qu'il fixe, prescrit en outre à son art. 3:

    "Les statuts actuellement en vigueur sont modifiés comme il suit:

    1o Le capital social de 186 millions de francs et la valeur nominale
de chaque part sont réduits de moitié. Les porteurs reçoivent, pour la
portion amortie de leur part, un bon de jouissance. Les droits afférents
aux bons de jouissance sont déterminés par les statuts."

    Les statuts du 6 janvier 1934 constatent que la banque a émis 185
910 bons de jouissance, qui constituent des titres au porteur sans
valeur nominale. Ils règlent comme il suit les droits des porteurs:
Après attribution préalable au fonds de réserve et distribution d'un
premier dividende, le reste du bénéfice net sera mis à la disposition
de l'assemblée des délégués (art. 39), laquelle peut, sur ces fonds,
rembourser les bons de jouissance; elle fixe le montant et la nature
du remboursement (art. 14). En cas de dissolution, après paiement des
dettes et remboursement des parts sociales, les bons de jouissance
seront remboursés à leur tour à raison de 500 fr. par titre au maximum
(art. 43). Aucune autre prétention ne pourra être élevée du fait de la
possession des bons de jouissance (art. 14).

    Par la suite, ces règles subirent les modifications suivantes:

    Selon les statuts du 30 mars 1935, les droits de jouissance furent
incorporés dans chaque part sociale et ne purent être transférés qu'avec
elle (art. 15). Après attribution au fonds de réserve et distribution d'un
premier dividende, un tiers au moins du bénéfice restant fut attribué
à "l'extinction des droits de jouissance", chaque droit s'éteignant
toutefois après perception de 100 fr. à ce titre (art. 15 et 42). En cas
de liquidation, les dettes et les parts sociales ayant été remboursées,
les droits de jouissance existants devaient être remboursés à leur tour,
mais à raison de 100 fr. au maximum par droit (art. 46).

    Enfin, les statuts du 22 février 1947 rétablirent les bons de
jouissance comme titres au porteur (art.11).

    Pendant la même période, la valeur des parts sociales, réduite à
500 fr. en 1933, puis à 250 fr. en 1937, fut ramenée à 500 fr. en 1947,
par la réunion en une seule de deux parts de 250 fr.

    B.- Le 1er février 1956, le conseil d'administration de la banque
décida de proposer à l'assemblée des délégués de "rembourser" les bons
de jouissance à concurrence de 100 fr. par bon, comme le permettaient
les statuts. Les fonds nécessaires pour cette opération devaient être
fournis par la réserve spécialement constituée à partir de 1948 et par
d'autres réserves libres.

    La banque demanda alors à l'Administration fédérale des contributions
une décision provisoire sur l'assujettissement de cette prestation de
100 fr. au droit de timbre sur les coupons et à l'impôt anticipé.

    Le 25 février 1956, l'assemblée des délégués décida effectivement
d'amortir la totalité des bons de jouissance existants, en attribuant
à chacun de ces titres le montant statutaire de 100 fr. Le paiement fut
cependant retardé jusqu'à droit connu sur l'assujettissement au droit de
timbre et à l'impôt anticipé.

    C.- Le 23 mars 1956, l'Administration fédérale des contributions
a décidé:

    "1. L'amortissement à raison de 100 fr. par titre des bons de
jouissance de la Banque populaire suisse à Berne, décidé, le 25 février
1956, par l'assemblée des délégués, entraîne le paiement du droit de
timbre sur les coupons de 5% et de l'impôt anticipé de 25%; les droits
et impôts s'élèvent à 30 fr. par titre.

    2. Le droit de timbre et l'impôt anticipé doivent être mis à la charge
des porteurs de bons de jouissance."

    Cette décision est motivée comme il suit:

    Le sens de l'art. 3 LC est clair; de plus, il s'agit bien en l'espèce,
de bons de jouissance (art. 25 LT; art. 657 CO). Le titre, qui sera
remis à la banque en échange du versement unique, fait fonction de
coupon. L'opération est du reste expressément visée par l'art. 55 al. 3
OT. Le versement ne saurait être considéré comme le remboursement de la
partie amputée de la part sociale. Car il y a eu abandon définitif de cette
part. Le bon ne donne que le droit de participer à des bénéfices. L'art. 5
al. 2 LC impose la même solution, car l'opération ne constitue pas le
remboursement de parts au capital social versé "existant au moment où la
prestation est effectuée". Peu importe que les bons de jouissance aient
été émis en raison de l'assainissement qui venait d'avoir lieu. Le motif ne
saurait prévaloir sur la nature des bons et les droits qui en résultent. Au
surplus, les porteurs actuels ne se confondent plus, dans de très nombreux
cas, avec les personnes qui ont subi la perte causée par l'assainissement.

    D.- La Banque populaire suisse a formé un recours de droit
administratif. Elle conclut à l'annulation de le décision attaquée.
Dans son premier mémoire et dans sa réplique, elle argumente en bref
comme il suit:

    Les art. 3, 4 et 5 LC ne sont pas applicables en l'espèce, car il
s'agit de bons de jouissance exceptionnels par le caractère économique et
financier des droits qui en découlent. La genèse de la loi concernant le
droit de timbre sur les coupons montre que l'on n'a voulu imposer qu'un
revenu, c'est-à-dire la réalisation d'un bénéfice, à savoir le rendement
d'un capital placé en titres. Aussi bien les art. 3 et 5 LC visent-ils
les "coupons" ou autres documents assimilés en tant qu'ils sont utilisés
pour le service d'intérêts ou de rentes. Ces dispositions légales ne sont
pas applicables en l'espèce, car il s'agit de bons incorporant un droit
à un capital versé, en dépit du nom de "bons de jouissance" qui leur a
été donné à tort. En effet, lors de l'assainissement les sociétaires
n'ont pas abandonné définitivement la portion amortie de leurs parts
sociales. Ils ont conservé un "droit-capital" à cette portion. C'est ce
droit qui a été incorporé pour chacune des parts sociales dans un bon de
jouissance. Ce droit est subordonné à la condition que le capital social
perdu soit reconstitué. Incorporé dans les "bons de jouissance", il a
pour objet non pas la répartition de bénéfices, mais le remboursement
jusqu'à concurrence de 100 fr. du capital social versé par le sociétaire.

    E.- L'Administration fédérale des contributions conclut au rejet
du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 3 al. 1 lit. d LC soumet au paiement du droit de timbre,
s'il s'agit de titres émis par une personne domiciliée en Suisse,
en particulier les coupons d'actions et parts sociales de sociétés
coopératives, ainsi que les coupons d'actions de jouissance et de bons de
jouissance, et l'al. 2 du même article dispose que lorsque le titre est
émis sans coupon, c'est le document qui en tient lieu et au besoin le
titre lui-même qui est frappé du timbre en tant qu'il sert à constater
"la bonification d'intérêts, de rentes ou de parts de bénéfices".
L'art. 5 al. 2 étend encore la portée de ces dispositions légales: il
assimile aux coupons d'actions suisses ou de parts sociales suisses,
ainsi qu'aux actions de jouissance et aux bons de jouissance suisses les
documents utilisés pour le service de toutes espèces de "prestations
appréciables en argent, effectuées par la société anonyme ou par la
société coopérative aux possesseurs de droits de participation à la
société si ces prestations ne se présentent pas comme le remboursement
des parts au capital versé, parts donnant droit au dividende et existant
au moment où la prestation est effectuée". Une énumération exemplaire,
ajoutée au texte légal, précise que sont visés notamment les "bonis,
actions gratuites, excédents de liquidation, etc.".

    Ce sont ainsi toutes les prestations faites aux possesseurs de
droits de participation comme tels (par opposition aux créanciers)
qui sont soumises au droit de timbre, à la seule exception de celles
qui se présentent comme remboursement des parts au capital social
versé. Encore faut-il que les parts remboursées, non seulement donnent
droit aux dividendes, mais encore existent au moment où la prestation a
lieu. Les possesseurs de droits de participation sont en particulier les
actionnaires, les titulaires de parts sociales de sociétés coopératives,
ainsi que les bénéficiaires d'actions de jouissance et de bons de
jouissance. On entend par bon de jouissance le document qui confère non
pas la qualité de sociétaire, mais le droit de participer aux bénéfices
ou au résultat de la liquidation (art. 25 LT, 657 al. 4 CO).

    Le texte de la loi est clair. Alors même que, comme l'affirme la
recourante et selon les documents relatifs aux travaux préparatoires,
le législateur aurait entendu, en principe, imposer par le timbre sur les
coupons le rendement du capital placé en titres, c'est-à-dire un revenu,
à l'exclusion du capital lui-même (Message du 26 décembre 1919, FF 1919
t. V pp. 1057 ss., spécialement 1060), dans la réalisation pratique, en
tout cas, il ne s'en est pas tenu strictement à cette distinction. Car,
sauf pour les remboursements de parts du capital social versé et sous les
conditions précisées d'autre part, il impose indistinctement toutes les
prestations appréciables en argent attachées aux titres qu'il vise, sans
excepter celles qui sont destinées au remboursement d'une mise de fonds
faite ou à la récompense de tout autre avantage consenti à la personne
qui délivre le titre (Archives de droit fiscal suisse, t. 17, p. 540 ss.).

    Le caractère positif, commun aux prestations imposables, découle
ici des limites que le législateur leur impose négativement: est exclu
de l'imposition, outre le service des dettes inscrites au bilan, le seul
remboursement du capital social. La loi ne peut plus dès lors viser que
des distributions de bénéfices, qu'il s'agisse de bénéfices annuels
prélevés directement sur le solde du compte de pertes et profits, de
bénéfices accumulés sous forme de réserves ou de bénéfices de liquidation,
peu importe.

Erwägung 2

    2.- Il suit de là que les prestations appréciables en argent, faites
aux possesseurs de bons de jouissance, sont, en principe, frappées du
droit de timbre sur les coupons. Ces titres, s'ils font naître une dette
conditionnelle, dans le cas tout au moins où les prestations auxquelles
ils donnent lieu ne dépendent pas purement et simplement de la volonté
de celui qui les fournit, ne peuvent néanmoins faire l'objet d'aucune
inscription au bilan (FOLLIET, Le bilan dans les sociétés anonymes, 1954,
p. 284; AMSTUTZ, et WYSS, Das eidgenössische Stempelsteuerrecht, 1930,
n. 1 ad art. 25 LT). Peu importe, à cet égard, que le bon ait une valeur
nominale ou non. Par définition, il ne donne pas droit au capital social,
ne conférant jamais la qualité de sociétaire. Les prestations auxquelles
il peut donner lieu doivent donc être prélevées soit sur les réserves,
soit sur le solde actif du compte de pertes et profits, c'est-à-dire sur
des bénéfices. Il est sans conséquence qu'elles emportent l'extinction
du titre, par exemple par versement de sa valeur nominale, ou qu'elles
le laissent au contraire subsister, ou, de même, qu'elles enrichissent
ou non le bénéficiaire (Archives de droit fiscal suisse, t. 17, p. 540
ss., précité).

Erwägung 3

    3.- Dans la présente espèce, il s'agit effectivement de bons de
jouissance tels qu'on les a définis plus haut. Créés par un arrêté fédéral
(AF du 8 décembre 1933, précité), qui a force obligatoire pour la cour de
céans, ils n'ont jamais conféré aux possesseurs les prérogatives attachées
à la qualité de sociétaire. Il est vrai que, contrairement aux statuts du 6
janvier 1934, ceux du 30 mars 1935 ont "incorporé" chaque bon de jouissance
dans une des parts sociales. Mais cette décision avait seulement pour
effet de lier dans une certaine mesure le sort du bon à celui de la part,
celui-là n'ayant plus de validité que réuni à celle-ci dans les mains
d'un seul et même sociétaire. Par leur nature et leurs effets, les deux
titres n'en demeuraient pas moins distincts l'un de l'autre. Ils ont du
reste été à nouveau dissociés par les statuts du 22 février 1947. Les bons
émis par la recourante, en outre, n'ont jamais donné aux possesseurs aucun
droit quelconque au capital social. Ils n'ont jamais été inscrits au bilan
sous ce titre - pas plus du reste que sous aucun autre - et les statuts
successifs, pour le cas de liquidation, n'ont prévu de versements aux
possesseurs qu'après remboursement complet des parts sociales. Les bons,
enfin, n'ont jamais donné droit qu'à des distributions de bénéfices. Pour
le cas de liquidation, cela est clair selon ce qui vient d'être exposé. Ce
ne l'est pas moins pour les prestations qui auraient pu être faites pendant
la durée de la société. Il suffit, sur ce point, de renvoyer aux règles
clairement formulées dans les statuts successifs. Ceux de 1934 faisaient
même entièrement dépendre les prestations de la volonté de l'assemblée.

Erwägung 4

    4.- La recourante objecte que les bons émis par elle présenteraient
un caractère spécial qui exclurait la perception du droit de timbre sur
les prestations auxquelles ils donnent lieu. C'est, dit-elle, qu'ils
incorporent en réalité un droit tout au moins conditionnel à cette part
du capital social qu'avait touchée la procédure d'assainissement, mais
à laquelle les sociétaires n'avaient pas définitivement renoncé. Dans
la mesure où le capital social avait pu être reconstitué - et c'est
la condition à laquelle les paiements étaient soumis - il devait être
remboursé aux anciens ayants droit.

    Cette argumentation est inopérante. Sans doute la recourante
a-t-elle émis les bons en récompense du sacrifice consenti par ses
membres sous forme de réduction du capital social. Mais il ne s'agit là
que du mobile qui a déterminé l'émission. Il n'en reste pas moins que
les sociétaires ont entièrement et définitivement renoncé dans toute la
mesure de la réduction aux droits que la loi et les statuts attachaient
à leurs parts sociales. Les nouveaux bons ne conféraient pas la qualité
de sociétaire. S'ils créaient un droit aux bénéfices soit à la fin de
l'exercice soit en cas de liquidation, ce droit n'était que subordonné et
postposé à ceux qui s'attachaient à la qualité de sociétaire. Il n'y était
en rien assimilable. Les termes "rembourser" et "remboursement" qu'ont
parfois employés les statuts à propos des prestations afférentes aux bons
n'en modifient nullement la nature juridique et économique. Justifiés ou
non, ils sont usuels - avec d'autres, tels qu'amortissement, extinction
ou rachat - pour désigner le paiement des parts aux bénéfices, fait en
vertu de bons de jouissance. Ils peuvent marquer en l'espèce le mobile
qui a présidé à l'émission, mais on n'en saurait déduire que l'opération
qu'ils désignent constitue un remboursement du capital social.

Erwägung 5

    5.- C'est ainsi à bon droit que l'Administration fédérale
des contributions a soumis au droit de timbre sur les coupons le
"remboursement" des bons de jouissance créés par la recourante. Cette
solution est du reste conforme à celle qu'avaient adoptée, dans des cas
semblables, tout d'abord le Conseil fédéral (Revue trimestrielle de droit
fiscal suisse, t. 7, p. 247) après le Département fédéral des finances
(ibid., t. 6, pp. 71 et 351), puis le Tribunal fédéral lui-même (Archives
de droit fiscal suisse, t. 17, p. 540; cf. l'imposition comme revenu, au
titre de l'impôt pour la défense nationale, des prestations afférentes
à des bons de jouissance, même lorsque la valeur vénale desdits bons
diminue lors de chaque prestation: RO 72 I 36). Il n'existe, en l'espèce,
aucune particularité qui permette d'y faire exception.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.