Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 83 I 119



83 I 119

17. Arrêt du 1er mai 1957 dans la cause Ville de Neuchâtel contre Manfrini
et Tribunal cantonal neuchâtelois. Regeste

    1.  Die staatsrechtliche Beschwerde kann grundsätzlich nur auf
Aufhebung des angefochtenen Entscheids gerichtet sein (Erw. 1).

    2.  Legitimation der Gemeinde als Trägerin öffentlicher Gewalt
zur Erhebung einer staatsrechtlichen Beschwerde wegen Verletzung der
Gemeindeautonomie oder des Art. 4 BV (Erw. 2).

    3.  Begriff der Gemeindeautonomie. Diese ist nur verletzt, wenn eine
kantonale Behörde sich eine Befugnis anmasst, die nach der kantonalen
Verfassung oder Gesetzgebung ausschliesslich der Gemeinde zusteht, nicht
dagegen, wenn eine kantonale Behörde, die das Gemeinderecht anzuwenden
hat, von ihrer Befugnis einen unrichtigen Gebrauch macht, indem sie dieses
Recht unrichtig auslegt oder anwendet (Erw. 3 und 4).

Sachverhalt

    A.- Le 15 juin 1892, la direction du service des eaux de la
ville de Neuchâtel a édicté un "règlement pour les abonnements d'eau
au compteur". Ce règlement a été approuvé par le Conseil communal de
Neuchâtel dans sa séance du 1er juillet 1892. Il prévoit que celui qui est
au bénéfice d'un abonnement d'eau au compteur paie une location pour le
compteur et en outre une certaine somme par mètre cube d'eau consommé. Il
institue, en son art. 6, un tarif minimum et dispose, en son art. 14 que
"le présent règlement et tarifs pourra être revisé en tout temps par
l'administration". De fait, la direction du service des eaux n'applique
plus le tarif prévu par l'art. 6 du règlement. Elle explique qu'elle
l'a modifié depuis plusieurs années et qu'elle se conforme à un nouveau
barème. Ce barème a pour effet d'augmenter les taxes minimales.

    B.- En 1953, l'entrepreneur Dominique Manfrini a construit à Neuchâtel
trois maisons locatives, qui sont alimentées en eau par la commune au moyen
d'un abonnement au compteur. D'après le règlement, la taxe minimale aurait
été de 180 fr. par immeuble. En vertu du nouveau barème, la direction du
service des eaux a fixé ces taxes à 250 fr. pour deux des immeubles et
à 300 fr. pour le dernier.

    Contestant toute valeur à ce barème, Manfrini a intenté action à
la commune de Neuchâtel en demandant au Tribunal cantonal de Neuchâtel,
devant lequel l'affaire avait été portée, de dire notamment que les taxes
minimales fixées par la défenderesse étaient arbitraires. Par jugement
du 7 janvier 1957, le Tribunal cantonal a admis cette conclusion, en bref
par les motifs suivants:

    Pour les trois immeubles qu'il a construits, Manfrini est soumis
au régime de l'abonnement au compteur. Toutefois, quand elle calcule la
taxe minimale, la commune applique non pas le règlement de 1892 mais une
autre méthode qui conduit à fixer une taxe minimale plus élevée. Cette
façon de procéder n'est pas admissible. La commune est en effet liée par
ses propres règlements. Elle est tenue de les appliquer et, si elle les
juge insuffisants, elle peut les modifier. En revanche, tant qu'ils sont
en vigueur, elle doit les observer, sinon elle agit de manière illégale
et arbitraire.

    C.- La commune de Neuchâtel attaque cet arrêt par la voie du recours
de droit public. Elle requiert le Tribunal fédéral de l'annuler et de
renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le
cadre des conclusions des parties et dans le sens des motifs de l'arrêt
du Tribunal fédéral à intervenir. Elle se plaint d'un empiétement dans
son autonomie et d'une violation de l'art 4 Cst.

    Le Tribunal cantonal déclare ne pas avoir d'observations à formuler
et s'en réfère à son jugement. Manfrini conclut à l'irrecevabilité et au
rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- En sa qualité de juridiction constitutionnelle, le Tribunal fédéral
ne peut en principe qu'annuler les décisions cantonales contraires à la
constitution (RO 81 I 14, 146, 195, 345, 359). Dans la mesure où elles
excèdent ce pouvoir, les conclusions de la recourante sont irrecevables.

Erwägung 2

    2.- Le recours de droit public de l'art. 84 litt. a OJ, qui est
celui interjeté en l'espèce, n'est ouvert que pour violation de droits
constitutionnels des citoyens. En sa qualité de détenteur de la puissance
publique, l'Etat ne peut être sujet de droits constitutionnels, car
ceux-ci sont destinés à protéger les particuliers, personnes physiques ou
morales, contre les abus du pouvoir et sont ainsi dirigés contre l'Etat. Il
s'ensuit que le titulaire de la puissance publique n'est pas légitimé à
former un recours de droit public. En revanche, l'Etat a qualité au sens
de l'art. 88 OJ quand il s'est placé sur le terrain du droit privé, qu'il
traite avec un particulier d'égal à égal et que la décision ou l'arrêté
l'atteint juridiquement de même manière qu'une personne privée. Ces
principes sont applicables non seulement aux cantons mais aussi aux
communes. Celles-ci n'ont donc pas qualité pour interjeter un recours
de droit public quand elles agissent comme titulaires de la puissance
publique. Il n'y a d'exception à cette règle que lorque les communes
entendent défendre à l'égard de l'Etat l'autonomie qui leur est garantie.
Bien qu'elles agissent alors comme titulaires de la puissance publique,
la jurisprudence leur reconnaît néanmoins la qualité pour interjeter
un recours de droit public (RO 74 I 52; 72 I 21; 70 I 76, 155; 68 I 86;
66 I 74, 261; 65 I 132).

    En l'espèce, le litige a pour objet la taxe que la commune réclame à
l'intimé pour la distribution de l'eau dans les immeubles construits par
ce dernier. La question de savoir si la commune est légitimée à former
un recours de droit public dépend tout d'abord de la qualité en laquelle
elle agit quand elle distribue l'eau aux particuliers. A cet égard,
il n'est pas contestable que la fourniture de l'eau par les soins de la
commune constitue un service public. En assumant cette distribution, la
recourante ne poursuit en effet pas un but fiscal mais remplit une tâche
d'intérêt général. D'ailleurs la loi neuchâteloise du 24 mars 1953 sur
les eaux définit expressément l'alimentation en eau potable par la commune
comme un service public (cf. art. 67 et 68). Sans doute le fait que la
distribution de l'eau constitue un service public ne signifie-t-il pas
nécessairement que, dans l'exploitation de ce service, la commune agit
à l'égard du particulier comme titulaire de la puissance publique. Cette
question doit bien plutôt être résolue au regard des circonstances du cas
particulier. Dans le canton de Neuchâtel, les propriétaires d'immeubles
qui n'ont pas leur propre source ou des droits sur une eau qui se
trouverait dans le voisinage - et tel paraît être le cas de l'intimé -
ont l'obligation de prendre l'eau au réseau de distribution publique
(art. 72 de la loi de 1953). En pratique donc, ils sont tenus d'accepter
les conditions faites par l'autorité. En ce qui concerne la commune de
Neuchâtel, ces conditions sont fixées unilatéralement et d'une manière
complète et autoritaire par l'administration. Ainsi, dans l'abonnement
au compteur, le système et le calibre du compteur sont choisis par le
service des eaux (art. 3 et 10 du règlement de 1892). Le compteur est loué
à l'abonné moyennant une taxe imposée. L'eau est vendue à un prix qui est
également imposé et le consommateur est tenu de payer une taxe minimale
qu'il n'est pas en droit de discuter quand elle reste dans les limites
légales. Enfin, lorsque l'abonné enfreint ses obligations, il peut être
frappé de sanctions pénales. Il apparaît ainsi que, même si le service
des eaux passe des "contrats" avec les particuliers, ceux-ci ne traitent
pas avec lui sur pied d'égalité. Ils sont au contraire envers lui dans
un état de subordination. Ils sont soumis dès lors à la contrainte de la
commune qui se présente à leur égard comme la puissance publique.

    Du moment que la commune recourante a agi en l'espèce en sa qualité
de titulaire de la puissance publique, elle n'est pas recevable à se
plaindre d'une violation de l'art. 4 Cst. Conformément aux principes
rappelés plus haut, elle n'a qualité qu'en tant qu'elle se plaint d'une
atteinte à son autonomie.

Erwägung 3

    3.- La jurisprudence du Tribunal fédéral définit l'autonomie communale
comme la faculté, pour les communes, de régler leurs affaires de façon
indépendante dans les limites de la constitution et de la loi (RO 65
I 131). Ainsi, le problème de l'autonomie communale est un problème
de compétences. La commune est autonome dans la mesure où soit la
constitution soit la loi lui confèrent à elle seule et à l'exclusion des
autorités cantonales le droit de prendre certaines décisions, d'ordonner
certaines mesures, d'administrer certains biens dans des matières qui
relèvent de sa sphère propre. Etant donné cette définition, une autorité
cantonale ne peut violer l'autonomie communale que lorsque, excédant ses
pouvoirs et empiétant sur ceux de la commune, elle intervient dans un
domaine exclusivement réservé à cette dernière.

    La recourante voudrait aller plusloin. Se fondant sur l'avis du
professeur IMBODEN (Gemeindeautonomie und Rechtsstaat, dans Demokratie und
Rechtsstaat, Festgabe zum 60. Geburtstag von Z. Giacometti, Zurich, 1953,
p. 103), elle affirme qu'une autorité cantonale viole aussi l'autonomie
communale quand, dans un cas particulier, elle doit appliquer le droit
communal et lui donne à cette occasion une interprétation inexacte
("unrichtige Auslegung").

    Cette opinion ne tient toutefois pas compte de l'essence même de
l'autonomie communale, problème des compétences et pouvoirs propres à
la commune. Elle suppose en effet que, dans le cas particulier où le
droit communal a reçu une interprétation inexacte, l'autorité cantonale
avait, en vertu de la constitution ou d'une loi cantonale, le pouvoir
d'intervenir et d'appliquer la norme qu'elle a mal interprétée. Or, si
l'autorité cantonale peut ainsi agir, il est clair qu'elle n'empiète
pas sur les compétences de la commune et, partant, ne viole pas son
autonomie. Du reste, s'il fallait admettre que l'autonomie communale
est violée chaque fois que le droit communal est interprété de manière
inexacte, il faudrait, par voie de conséquence, considérer aussi que le
Tribunal fédéral pourrait rechercher le sens exact de ce droit communal,
ce qui supposerait qu'il juge librement. Cette déduction serait cependant
difficilement conciliable avec la règle selon laquelle le Tribunal fédéral
ne revoit l'application du droit cantonal que sous l'angle étroit de
l'arbitraire. Dans le système suggéré par la recourante, le recours de
droit public, qui est destiné à protéger le citoyen contre les abus du
pouvoir, risquerait d'ailleurs de devenir entre les mains de la commune
l'instrument de la puissance publique contre le citoyen.

    Le problème ne se présenterait pas différemment si, au lieu d'admettre
que l'autonomie communale est violée déjà lorsque le droit communal est
appliqué de manière inexacte, on exigeait que l'autorité cantonale ait
donné à ces normes juridiques une interprétation arbitraire, c'est-à-dire
absolument insoutenable, ou qu'elle en ait purement et simplement omis
d'essentielles. En effet, même avec ces exigences accrues, la nature
du conflit demeurerait la même. Il ne s'agirait pas d'une question
relative aux compétences propres de la commune, qui sont définies par le
droit cantonal, mais uniquement d'une question d'interprétation du droit
communal. Si l'application d'un texte constitue parfois une violation de
l'autonomie communale, il ne saurait s'agir en principe que d'un texte de
droit cantonal définissant l'étendue de l'autonomie communale à l'égard
de l'Etat. On pourrait, il est vrai, imaginer des cas où l'interprétation
fausse ou arbitraire d'une règle communale constituerait une violation
de l'autonomie communale, dans l'hypothèse par exemple où, par son
interprétation de la disposition appliquée, l'autorité cantonale aboutirait
à la conclusion erronée que la tâche incombant en propre à la commune
n'aurait pas été accomplie et où, en lieu et place de celle-ci, elle
ordonnerait les mesures nécessaires. Mais pareille décision reviendrait
en fait à un excès de pouvoir de la part de l'autorité cantonale.

    Dans ces conditions, il convient de s'en tenir à l'idée traditionnelle
selon laquelle il n'y a violation de l'autonomie communale que lorsqu'une
autorité cantonale s'arroge une compétence qui, d'après la constitution ou
une loi cantonale, appartient en propre à la seule commune. En revanche,
l'autonomie communale n'est pas violée quand une autorité cantonale,
qui a le pouvoir d'appliquer le droit communal, fait de sa compétence un
usage inexact en appliquant mal ce droit (RO 65 I 132).

Erwägung 4

    4.- La recourante soutient que son autonomie a été violée. En
effet, dit-elle, en interprétant comme il l'a fait le règlement pour les
abonnements d'eau au compteur, le Tribunal cantonal a "pratiquement annulé"
le nouveau barème des taxes remplaçant l'art. 6 du règlement sans se rendre
compte que l'administration avait modifié cette disposition en vertu d'un
pouvoir qui lui est expressément accordé par l'art. 14 du même règlement.

    La recourante a sans doute raison d'affirmer qu'elle jouit de
l'autonomie communale (RO 40 I 278, consid. 2). Elle a raison aussi de
penser que la gestion du service communal de distribution d'eau rentre
dans ses compétences propres. Cependant, il ne s'ensuit pas nécessairement
que l'arrêt attaqué viole son autonomie. A cet égard, il faut observer
tout d'abord qu'en vertu de l'art. 81 litt. d de la loi de 1953 sur
les eaux, les tribunaux neuchâtelois sont compétents pour s'occuper
des "différends survenant... entre une commune et des particuliers
en raison des droits et des obligations fondées sur une vente ou une
distribution publique... d'eau". Le présent litige, qui a pour objet le
montant des taxes minimales prélevées par la commune de Neuchâtel pour la
distribution de l'eau, rentre incontestablement dans les termes très larges
de cette définition. D'autre part, le Tribunal cantonal - cela n'est pas
contesté - était la juridiction compétente in casu, d'après les règles
de la procédure neuchâteloise (art. 82 al. 2 de la loi de 1953 sur les
eaux). Dès lors, saisi par Manfrini d'une action tendant essentiellement à
faire constater le caractère arbitraire des taxes prélevées et à fixer le
montant réellement dû à ce titre, le Tribunal cantonal avait la compétence
de dire quelle était la taxe minimale que la commune de Neuchâtel était en
droit d'exiger. Etant donné la manière dont le problème se posait devant
la juridiction cantonale, cette compétence impliquait le pouvoir de dire
s'il fallait fixer les taxes minimales conformément au nouveau barème ou
selon les règles contenues à l'art. 6 du règlement. Le Tribunal cantonal
pouvait donc aussi, sans excéder ses compétences, arriver à la conclusion
que seul l'art. 6 du règlement était applicable. Si cette solution a sans
doute pour effet d'annuler le nouveau barème, elle ne constitue cependant
pas une violation de l'autonomie communale car elle est la conséquence
nécessaire des pouvoirs attribués par la loi au Tribunal cantonal.

    Autre chose est évidemment de savoir si le Tribunal cantonal a rendu un
jugement exact, si en particulier, il a bien vu la portée de l'art. 14 du
règlement ou s'il n'a pas omis cette disposition. Toutefois, ainsi que cela
ressort des principes exposés au considérant 3 ci-dessus, le fait qu'en
interprétant le droit communal, le Tribunal cantonal se serait trompé
ou aurait même transgressé les principes découlant de l'art. 4 Cst. ne
saurait ouvrir la voie à un recours de droit public pour violation de
l'autonomie communale.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours en tant qu'il est recevable.