Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 83 I 11



83 I 11

3. Arrêt du 13 mars 1957 dans la cause Duvoisin contre canton de Neuchâtel.
Regeste

    Art. 45 Abs. 3 BV: Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts.
Voraussetzungen des Niederlassungsentzuges: Zweimalige Verurteilung
(Sonderfall des bedingten Strafvollzugs und der Zusatzstrafe), schwere
Vergehen, Wohnsitz im Niederlassungskanton zur Zeit sowohl der Begehung
des letzten schweren Vergehens als auch der Ausweisung (Ausnahmen von
dieser letzten Voraussetzung).

Sachverhalt

    A.- Etienne Duvoisin, originaire de Fontanezier (Vaud) et auquel
diverses peines d'amende ou d'arrêts avaient déjà été infligées,
a été condamné le 23 novembre 1954 par le Tribunal correctionnel de
Neuchâtel à cinq mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans
pour faux témoignage et le 13 mars 1956 par le même tribunal à onze mois
d'emprisonnement pour tentative d'escroquerie, vol, lésions corporelles
par négligence, entrave à la circulation publique et ivresse au volant. Le
sursis accordé par le jugement du 23 novembre 1954 a été révoqué le 12
juillet 1956. Quant au jugement du 13 mars 1956, il vise des faits qui
se sont produits en juin 1954 et en mars 1955. A cette époque, Duvoisin
était domicilié à Neuchâtel.

    B.- Par arrêté du 14 septembre 1956, le Conseil d'Etat du canton de
Neuchâtel, se fondant en particulier sur les deux condamnations précitées,
a expulsé Duvoisin du territoire neuchâtelois.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Duvoisin requiert
le Tribunal fédéral d'annuler cet arrêté. Il se plaint d'une violation
de l'art. 45 al. 3 Cst. Il ne conteste pas que les condamnations qu'il
a encourues en 1954 et 1956 lui ont été infligées en raison de délits
graves. Il soutient simplement qu'il a cessé d'être domicilié dans le
canton de Neuchâtel dès la fin du mois de juillet 1955. Le 29 juillet
1955, dit-il, il a obtenu un congé militaire de 24 mois. Le 16 août 1955,
il s'est annoncé au consulat de Suisse à Besançon, qui lui a délivré une
"carte d'immatriculation" indiquant que son adresse est à Pontarlier,
rue des Sarrons. Le 31 mai 1956, il a d'ailleurs payé sa taxe militaire
au Consulat suisse de Besançon. Dans ces conditions, le Conseil d'Etat
ne pouvait pas retirer à Duvoisin un droit d'établissement au bénéfice
duquel il ne se trouvait plus.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours. Il expose qu'il a fait
procéder à une enquête dont il résulte ce qui suit:

    Du début d'août à fin novembre 1955, Duvoisin a déclaré avoir travaillé
en qualité de voyageur et avoir habité Neuchâtel. Du 28 novembre 1955 au 26
juin 1956, il a été occupé à la fabrique Zénith, au Locle, où il a résidé
et où, le 18 février 1956, il a déposé son acte d'origine en échange
duquel il a reçu un permis de domicile. Si le bail de son logement au
Locle a été établi au nom de son épouse et signé par elle, il a néanmoins
vécu dans cet appartement durant son séjour au Locle. Il a été incarcéré
dans les prisons de Neuchâtel du 2 au 18 juillet, du 29 au 30 juillet,
du 29 septembre au 1er octobre 1955, du 13 mars au 17 mai et du 9 au 13
juillet 1956, date à laquelle il a été transféré au pénitencier de Witzwil.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- S'agissant d'un recours pour violation de l'art. 45 Cst., le
Tribunal fédéral n'est pas limité à l'examen des seuls griefs invoqués,
mais recherche avec plein pouvoir si la décision attaquée viole ou non la
constitution (arrêts non publiés du 31 mars 1949 dans la cause Künzler
et du 14 septembre 1955 dans la cause Cuérel; BIRCHMEIER, Handbuch,
p. 400). Il n'y a donc pas lieu de s'en tenir en l'espèce au seul moyen
soulevé par le recourant et tiré de l'absence du domicile dans le canton
de Neuchâtel.

Erwägung 2

    2.- L'art. 45 al. 3 Cst. et la jurisprudence du Tribunal fédéral
soumettent le retrait d'établissement à deux conditions.

    D'une part, l'expulsé doit avoir encouru deux condamnations au
moins. Il est possible à cet égard de tenir compte de condamnations
prononcées avec sursis quand cette mesure a été révoquée. Il faut
d'ailleurs que la seconde de ces deux condamnations vise des actes que
l'intéressé a commis depuis qu'il est établi sur le territoire du canton
qui a prononcé l'expulsion.

    D'autre part, les condamnations retenues doivent concerner des
"délits graves", c'est-à-dire des infractions qui, par leur nature ou les
circonstances dans lesquelles elles ont été commises, dénotent chez leur
auteur un caractère asocial ou un mépris des lois tels que la présence du
délinquant constitue un danger pour l'ordre public (RO 80 I 176, 72 I 174).

    Au demeurant et lors même que ces conditions sont réunies, l'art. 45
al. 3 Cst. n'autorise que le retrait et non le refus d'établissement. Il
suppose donc nécessairement l'existence d'un établissement ou au moins
d'une résidence de fait sur le territoire cantonal. D'après un arrêt
Andreotti, du 12 mai 1954 (non publié), l'expulsé doit s'être trouvé en
résidence dans le canton tant à l'époque où il a commis le dernier délit
grave qu'à celle où il a été expulsé, à moins qu'il ne s'agisse soit d'un
vagabond qui n'a jamais eu de domicile sur le territoire cantonal mais
qui y commet le dernier délit grave, soit d'un individu qui, résidant en
fait sur le territoire cantonal au moment de commettre le dernier délit
grave, s'établit ensuite ailleurs pour échapper aux poursuites pénales
ou à l'expulsion (cf. aussi RO 66 I 148, 69 I 169 et les autres arrêts
cités dans l'arrêt Andreotti).

Erwägung 3

    3.- En l'espèce, il est établi que, hormis les peines d'arrêts
ou d'amende qui lui ont été infligées, le recourant a encouru deux
condamnations à des peines d'emprisonnement, l'une en 1954, l'autre en
1956. Bien que celle datant de 1954 ait été prononcée avec sursis, il est
possible d'en tenir compte, puisque le sursis a été révoqué le 12 juillet
1956. De plus, le second de ces jugements vise des faits que le recourant
a commis alors qu'il était domicilié à Neuchâtel. L'exigence relative au
nombre des condamnations est ainsi remplie. Il est vrai que le jugement
du 13 mars 1956 réprime notamment une escroquerie commise en juin 1954,
c'est-à-dire avant le jugement du 23 novembre 1954. S'il n'avait que cette
infraction pour objet, on ne pourrait parler de condamnations "réitérées"
(RO 49 I 114/115). Toutefois, il concerne également un accident de
circulation survenu en mars 1955, ainsi qu'un vol commis en juin 1955,
soit après la condamnation du 23 novembre 1954. On peut donc admettre
que le recourant a été condamné à réitérées fois.

    Il est clair d'autre part que les condamnations infligées visent
des délits graves. La question de savoir s'il faut tenir compte de
l'escroquerie commise avant la première condamnation dans le cadre du
second jugement ou non est sans importance. En effet, ce second jugement
concerne pour le surplus, ainsi qu'on l'a déjà rappelé, un accident de
circulation et un vol. Or les faits exposés par le Tribunal montrent
que les infractions retenues à la charge du recourant à l'occasion de cet
accident (lésions corporelles par négligence, ivresse au volant, entrave
à la circulation publique par négligence, délit de fuite) constituent
des délits graves (cf. dossier cantonal, II, pages 470 ss.).

    Enfin, quant aux exigences relatives au lieu de résidence, il est
constant tout d'abord que le recourant était domicilié à Neuchâtel quand il
a commis les actes qui ont abouti à la condamnation du 13 mars 1956. Mais
il l'était également jusqu'au moment où il a commencé à purger sa peine
au pénitencier de Witzwil, époque à laquelle l'arrêté d'expulsion a été
pris. Sans doute semble-t-il ressortir des pièces produites par lui
(livret de service, carte d'immatriculation du Consulat de Suisse à
Besançon) qu'il a quitté le canton de Neuchâtel au mois d'août 1955 pour
aller habiter la France. Mais la réalité de ce séjour ne saurait être
retenue au regard des constatations de fait très précises exposées par le
Conseil d'Etat. Ces constatations sont d'ailleurs confirmées par l'examen
du dossier pénal relatif à la condamnation du 13 mars 1956 et dont il ne
paraît pas ressortir qu'après le mois de juillet 1955 le recourant ait
été domicilié ailleurs que dans le canton de Neuchâtel (cf. par exemple
dossier cantonal II, page 77). Dans ces conditions, on doit admettre que
le recourant, qui paraît surtout avoir voulu chercher à créer une certaine
équivoque, s'est trouvé en résidence dans le canton de Neuchâtel tant au
moment de la commission du dernier délit grave qu'au moment de l'expulsion.

    Toutes les exigences posées par la loi et la jurisprudence étant
réunies, l'expulsion est justifiée.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.