Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 83 IV 121



83 IV 121

33. Extrait de l'arrêt du 14 septembre 1957 dans la cause Pantet contre
Ministère public du canton de Vaud. Regeste

    1.  Gilt die absolute Verfolgungsverjährung des gemeinen Strafrechtes
auch für Widerhandlungen gegen ein Spezialgesetz (hier: Bundesgesetz
über die Getreideversorgung des Landes vom 7. Juli 1932), das sie nicht
ausdrücklich vorsieht? (Erw. 1).

    2.  Idealkonkurrenz zwischen Bestimmungen des gemeinen Strafrechtes
(Betrug, Urkundenfälschung) und denen des Bundesgesetzes über die
Getreideversorgung des Landes? (Erw. 2).

    3.  Methoden der Gesetzesauslegung, insbesondere im
Strafrecht. Bedeutung der Gesetzesmaterialien, aus denen der Wille des
Gesetzgebers klar hervorgeht (Erw. 2).

    4.  Solidarische Haftung der juristischen Person für Bussen, die ihren
Angestellten auferlegt werden. Auswirkungen der Heraufsetzung einer Busse
auf den Umfang der solidarischen Haftung (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Depuis le début de 1948 jusqu'au mois de janvier 1953, Paul Pantet
fut employé par la société coopérative du Moulin agricole de Chavornay
en qualité de chef meunier. Dirigeant l'exploitation de l'entreprise,
il en était le gérant effectif.

    Du mois de mars 1948 au mois de novembre 1949, Pantet vendit
d'importantes quantités de farine blanche sans l'annoncer, comme il
en avait l'obligation, à l'Administration fédérale des blés. Par un
prononcé administratif du 20 juin 1952, fondé sur l'art. 33 al. 2 de
la loi fédérale du 7 juillet 1932 sur le ravitaillement du pays en blé
(LFB), il fut condamné de ce chef à une amende de 1800 fr. Bien qu'une
enquête ait été ouverte contre lui au mois de décembre 1949, il commit
de nouvelles irrégularités dès cette date et jusqu'à la fin de 1952. Il
donna de fausses indications dans ses rapports à la Direction générale
des douanes et à l'Administration fédérale des blés ainsi que dans
ses contrôles de mouture et de vente. A la suite de ces déclarations
inexactes, la société coopérative perçut sans droit une ristourne de
27 411 fr. 75 pour la livraison de farine bise et éluda une taxe de 38
079 fr. 65 relative à la livraison de farine blanche. Le 25 mai 1955,
l'Administration fédérale des blés infligea à Pantet une nouvelle amende
de 3500 fr. et mit à sa charge une partie des frais de la procédure,
par 600 fr. Elle déclara en même temps la société coopérative du Moulin
agricole de Chavornay solidairement responsable du paiement de ces sommes.

    B.- Le Moulin agricole de Chavornay et Pantet ayant fait opposition à
ce prononcé et l'Administration fédérale des blés ayant dénoncé ce dernier
au Ministère public du canton de Vaud pour escroquerie et faux dans
les titres, la cause fut déférée au Tribunal de police correctionnelle
du district d'Orbe. Par jugement du 14 mars 1957, celui-ci condamna
Pantet à huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans et à
500 fr. d'amende; en outre il déclara la société coopérative du Moulin
agricole de Chavornay solidairement responsable du paiement de l'amende
et des frais de l'enquête administrative. Le Tribunal d'Orbe considéra en
particulier que la cause devait être jugée d'après la LFB et non sur la
base de l'arrêté fédéral du 19 juillet 1953 concernant le ravitaillement
du pays en céréales panifiables, que d'autre part la prescription était
réglée exclusivement par la LFB, la prescription absolue de l'art. 72 CP
n'étant ainsi pas applicable et l'action pénale n'étant pas prescrite,
qu'enfin, il y avait concours idéal entre l'art. 33 al. 2 LFB et les
art. 148 et 251 CP, de sorte que Pantet devait être condamné en vertu de
toutes ces dispositions.

    Pantet déféra ce jugement à la Cour de cassation du canton de Vaud,
qui, statuant par arrêt du 10 juin 1957, libéra le recourant de toute
peine privative de liberté, lui infligea une amende de 2500 fr. pour
infraction à la loi sur le blé et maintint pour le surplus le jugement
attaqué. Confirmant l'opinion des premiers juges quant à la loi applicable
et à la prescription, elle estima en revanche que l'art. 33 al. 2 LFB
et les dispositions du CP se trouvaient non en concours idéal, mais en
concours imparfait. Elle renonça dès lors à punir Pantet pour escroquerie
et faux dans les titres; elle se borna à élever le montant de l'amende
infligée pour infraction à la LFB; elle ne modifia cependant pas les
limites de la responsabilité solidaire du Moulin agricole, le jugement
attaqué étant, à son avis, définitif à l'égard de ce dernier.

    C.- Le Ministère public du canton de Vaud et Pantet se pourvoient en
nullité contre cet arrêt.

    Le Ministère public requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt
attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale principalement
pour que Pantet soit condamné à une peine privative de liberté du chef
d'escroquerie et de faux dans les titres, subsidiairement pour que
la société coopérative du Moulin agricole de Chavornay soit déclarée
solidairement responsable du paiement de l'amende augmentée. A l'appui de
ses conclusions principales, le Ministère public fait valoir que l'art. 33
al. 2 LFB est en concours idéal avec les dispositions du code pénal et que
les actes de Pantet renferment les éléments des crimes d'escroquerie et
de faux dans les titres. Quant à ses conclusions subsidiaires, il observe
que, dans son étendue, la responsabilité de la personne morale dépend du
montant de l'amende infligée à la personne physique et que dès lors le
jugement ne peut être définitif à l'égard de la première tant qu'il ne
l'est pas pour la seconde.

    Pantet conclut à ce que l'arrêt attaqué soit annulé et la cause
renvoyée à la juridiction cantonale pour que celle-ci le libère de toute
peine et mette les frais à la charge de l'Etat. A son avis, l'art. 37 LFB
ne régit pas exhaustivement la question de la prescription. L'art. 72 CP,
dont les auteurs de la LFB n'ont pas entendu exclure l'application, fait
règle en ce qui concerne la prescription absolue. Le délai ordinaire étant
de deux ans et les actes incriminés ayant été commis entre 1949 et 1952,
la prescription absolue est acquise.

    Le Ministère public propose le rejet du pourvoi de Pantet. La société
coopérative du Moulin agricole de Chavornay et Pantet concluent au rejet
du pourvoi du Parquet.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Pantet soutient que les actes qui lui sont reprochés sont couverts
par la prescription absolue instituée par l'art. 72 ch. 2 al. 2 CP. Il
méconnaît cependant la portée de l'art. 333 CP. En vertu de ce texte, les
règles générales du code pénal sont applicables aux infractions prévues
par d'autres lois fédérales, "à moins que celles-ci ne contiennent des
dispositions sur la matière". Pour que ces dispositions spéciales excluent
l'application du droit commun, il faut sans doute qu'elles régissent la
matière de façon complète. Il n'est pas nécessaire cependant qu'elles
tranchent les problèmes expressément. Il suffit qu'elles le fassent de
manière implicite et négative (RO 81 IV 188; 74 IV 26; 72 IV 190). Tel
est le cas pour la prescription des infractions à la loi fédérale sur
le blé, régie par l'art. 37 LFB. Cette disposition institue un délai
de prescription et prévoit en outre quand ce délai commence à courir
et quels actes l'interrompent. Elle est muette, il est vrai, en ce qui
concerne la prescription absolue, mais cela ne signifie pas qu'elle ne
règle que partiellement la question de la prescription. L'admettre serait
perdre de vue que le problème de la prescription absolue est étroitement
lié à celui de l'interruption de la prescription. L'interruption de la
prescription fait courir un nouveau délai. C'est là une conséquence si
nécessaire de l'interruption que le législateur peut estimer superflu d'en
préciser l'existence. En revanche, la prescription absolue apparaît non
comme une suite logique de l'interruption mais comme une dérogation aux
effets de celle-ci. Si la loi entend l'instituer. elle doit le faire en
termes exprès. Quand elle ne précise rien à ce sujet, elle n'omet pas
de régler un des problèmes posés par la prescription mais se borne à ne
pas déroger aux conséquences logiques de l'interruption. En pareil cas,
elle règle la matière de la prescription de manière complète quoiqu'en
partie de façon implicite. Du moment que l'art. 37 LFB ne s'occupe en
termes exprès que de l'interruption de la prescription, il faut considérer
qu'il exclut la prescription absolue instituée par le droit commun.

    Sans doute faut-il réserver les cas où la prescription absolue,
bien que non expressément prévue, résulterait du système de la loi, de
son objet ou de son but. Cette hypothèse n'est cependant pas réalisée en
ce qui concerne la LFB. En effet, la brièveté du délai de prescription
qu'elle institue d'une part, les difficultés et partant la longueur de
certaines enquêtes administratives dans ce genre d'infractions d'autre
part sont des raisons de ne pas soumettre à la prescription absolue les
actes qu'elle réprime.

    Il est vrai aussi que la loi n'aurait pas besoin de prévoir
expressément la prescription absolue si cette institution était admise
de façon tout à fait générale. Tel n'est cependant pas le cas. Ainsi,
le Tribunal fédéral a jugé que les infractions douanières ne sont pas
soumises à la prescription absolue (RO 74 IV 26) et cette règle, fondée
sur l'art. 284 PPF, est valable pour toutes les contraventions aux lois
fiscales énumérées à l'art. 279 PPF, sauf prescriptions contraires de
ces lois.

    D'ailleurs, la genèse de l'art. 37 LFB tend à montrer aussi que
cette disposition exclut l'application du droit commun. Ainsi, au cours
des débats parlementaires, on a proposé d'appliquer le droit commun à
certaines infractions. Le conseiller fédéral Musy s'est opposé à cette
proposition. Il a rappelé que des juristes avaient examiné s'il fallait
soumettre les infractions à la loi sur le blé à un régime spécial ou au
droit pénal ordinaire, et qu'en définitive, le code pénal suisse n'étant
pas en vigueur, ils avaient estimé plus judicieux "de créer un ensemble
de dispositions pénales spéciales". Ainsi, a-t-il dit, ce n'est pas la
législation ordinaire - codes pénaux cantonaux, code pénal fédéral -
qui est applicable, mais ces dispositions spéciales. Les Chambres se
sont ralliées à cette manière de voir (Bull. stén. 1932, CN p. 206-209,
CE p. 263-265). Leur opinion tend à confirmer ainsi que le recourant ne
peut invoquer la prescription absolue instituée par le droit commun.

    Le recourant fait observer, il est vrai, que la loi de 1932 a remplacé
l'arrêté fédéral du 22 juin 1929, portant réglementation provisoire de
l'approvisionnement du pays en blé et qu'en son art. 40 al. 3, cet arrêté
instituait une prescription absolue. Le fait est exact mais il ne permet
pas à lui seul de penser que la loi de 1932 connaît elle aussi le système
de la prescription absolue. Certes il en serait autrement si c'était par
suite d'une simple inadvertance que l'art. 40 al. 3 de l'arrêté n'avait
pas été repris dans la loi. Cependant le soin avec lequel a été établi le
chapitre de la loi relatif aux dispositions pénales (cf. Bull. stén. CN
1932, p. 208, intervention du conseiller fédéral Musy) n'autorise pas à
penser qu'il en soit allé ainsi.

    Quant à l'entrée en vigueur du code pénal suisse, elle n'a pas eu
pour effet de modifier la portée de l'art. 37 LFB, puisque l'art. 333 CP
réserve précisément les dispositions spéciales contenues dans les autres
lois fédérales.

Erwägung 2

    2.- Pantet a contrevenu aux dispositions de la loi fédérale sur le blé.
Comme l'action pénale n'est pas prescrite, il est punissable en tout cas
sur la base des art. 33 ss. LFB. On peut se demander si, dans l'hypothèse
où ses actes constitueraient en outre des infractions réprimées par le
droit commun, il serait punissable également en vertu du code pénal,
autrement dit si, entre les dispositions de la loi fédérale sur le blé
et celles du code pénal, il y a concours idéal ou concours imparfait.

    Le concours est imparfait quand un même acte tombe sous le coup de
deux dispositions et que l'une d'elles le régit sous tous ses aspects. La
Cour de cassation vaudoise n'a pas examiné si les conditions de cette
définition étaient remplies en l'espèce. Se fondant sur l'intention du
législateur, elle a considéré que la loi de 1932 réglait elle-même toutes
les questions d'ordre pénal posées par l'application du régime du blé et
qu'elle excluait dès lors complètement le droit commun. Elle en a conclu
que Pantet n'était punissable qu'en vertu de l'art. 33 LFB, lors même qu'il
se serait rendu coupable d'escroquerie ou de faux dans les titres. Selon le
Ministère public, cette manière de voir prête le flanc à la critique. Elle
méconnaît que la diversité des droits pénaux cantonaux, qui paraît avoir
conduit le législateur de 1932 à exclure l'application du droit commun,
a aujourd'hui disparu. Elle n'est donc pas conforme à l'évolution du
droit. De plus, elle aboutit à laisser impunies des infractions que
les auteurs de la loi de 1932 n'ont sans doute pas prévues car elles ne
pouvaient pas exister au regard du système en vigueur à l'époque, mais
qu'ils auraient évidemment réprimées s'ils les avaient imaginées.

    L'argumentation développée par le Ministère public pose tout le
problème des méthodes d'interprétation de la loi. Dans un arrêt récent
(RO 83 I 177 ss.), le Tribunal fédéral a examiné ce problème d'une manière
plus particulière. Certes, dit-il, la jurisprudence affirme que la volonté
du législateur doit être dégagée de la loi elle-même, de son texte, de
sa logique interne et de son but; elle affirme aussi que ce qui importe,
ce n'est pas le sens que le législateur historique a pu attribuer à une
disposition, mais celui qui ressort de tout le système de la loi, compte
tenu des circonstances actuelles (RO 82 I 153; 81 I 282; 80 II 79, 316;
79 II 434; 79 I 20; 78 I 30). Il serait faux cependant de croire qu'en
posant ces principes, le Tribunal fédéral a entendu se rallier résolument à
l'interprétation dite objective et abandonner du même coup l'interprétation
historique. Un examen attentif de sa jurisprudence montre au contraire
qu'il n'exclut aucune méthode de manière absolue mais qu'il recourt aux
procédés d'interprétation qui lui paraissent, dans le cas particulier,
les plus propres à définir le véritable sens de la norme. Si l'on voulait
dégager de sa jurisprudence une règle générale, on pourrait dire tout
au plus qu'il marque une certaine réserve à l'égard de l'interprétation
historique. Cette réserve est d'ailleurs justifiée car - c'est un fait
d'expérience - les travaux préparatoires renseignent très rarement
de façon certaine sur la volonté réelle et complète du législateur.
Parfois cependant ils permettent d'établir avec une parfaite clarté le
sens que l'auteur de la loi a entendu donner aux termes qu'il a utilisés.
Lorsqu'il en est ainsi, le Tribunal fédéral considère qu'il doit se
conformer à l'intention du législateur historique, à moins que le sens
qu'on a entendu donner à l'époque à la loi ne soit incompatible avec le
texte de celle-ci ou absolument inacceptable en pratique.

    Ces règles, posées à propos de l'interprétation d'une disposition
constitutionnelle, ont en fait une portée générale. Elles sont applicables
aussi en droit pénal et tout particulièrement la dernière d'entre elles,
selon laquelle le juge est en principe lié par l'intention du législateur
quand celle-ci ressort avec une parfaite clarté des travaux préparatoires,
c'est-à-dire notamment dans les cas où les Chambres fédérales se sont
elles-mêmes prononcées sur la question litigieuse. On peut considérer
en effet que, lorsque cette intention est certaine et qu'elle ne heurte
pas le texte légal ou n'est pas absolument inacceptable en pratique,
elle s'incorpore à la loi pour devenir en quelque sorte la loi même et
suppléer aux termes ambigus ou aux lacunes que celle-ci peut contenir. En
droit pénal, où domine le principe "nullum crimen sine lege", le juge
peut, moins encore que dans d'autres domaines, aller à l'encontre d'une
volonté exprimée dans de telles conditions.

    En l'espèce, il ressort avec une parfaite clarté des travaux
préparatoires de la loi de 1932 qu'à l'époque le législateur... n'a voulu
laisser aucune place à l'application du droit commun. Ainsi qu'on l'a vu,
la proposition a été présentée, lors des débats devant le Conseil national,
de réserver l'application du droit commun... Au vote, elle a été repoussée
(Bull. Stén. 1932, CN, p. 206-209). Un débat semblable s'est engagé
devant le Conseil des Etats et s'est terminé de manière analogue...

    Il est vrai que les débats qui se sont ainsi déroulés ont eu
essentiellement pour objet l'art. 32 du projet, c'est-à-dire l'art. 33
al. 1 de la loi, qui définit un certain nombre d'infractions spéciales,
et non l'art. 33 du projet (actuellement art. 33 al. 2), qui statue les
peines applicables aux "autres infractions à la loi et aux dispositions
d'exécution" et sur la base duquel le recourant a été condamné. On
ne saurait cependant en conclure que, pour ces "autres infractions",
les dispositions du droit commun sont applicables dans la mesure où
les conditions en sont réunies. Il ressort en effet des différentes
peines instituées par l'art. 33 LFB que la loi établit une hiérarchie
des infractions. Celles de l'art. 33 al. 1, réprimées par l'amende de
100 à 20 000 fr. cumulée le cas échéant avec l'emprisonnement pour trois
ans au plus, sont les plus graves. Celles de l'art. 33 al. 2, passibles
uniquement d'une amende de 20 à 10 000 fr., sont moins importantes. Si,
dans le cas de l'art. 33 al. 2 LFB, les sanctions prévues par le droit
commun étaient également applicables, la hiérarchie des infractions voulue
par la LFB serait renversée puisque l'escroquerie par exemple peut être
punie de réclusion jusqu'à cinq ans.

    Le législateur ayant manifesté avec toute la clarté désirable
l'intention d'exclure l'application du droit commun et cette exclusion
étant seule compatible avec la hiérarchie des infractions prévues,
le Tribunal fédéral ne saurait aujourd'hui déclarer que Pantet
est punissable non seulement sur la base de l'art. 33 al. 2, mais
également pour escroquerie et faux dans les titres. Il ne pourrait en
aller autrement que si la volonté du législateur heurtait le texte de
l'art. 33 ou était absolument inacceptable en pratique. Or tel n'est
pas le cas même si le résultat auquel on aboutit en l'espèce n'est pas
entièrement satisfaisant...

Erwägung 3

    3.- Bien qu'elle ait augmenté l'amende infligée à Pantet, la Cour
de cassation vaudoise n'a pas modifié l'étendue de la responsabilité
solidaire de la société coopérative du Moulin agricole de Chavornay. Elle
a estimé en effet qu'à l'égard de cette dernière le jugement du Tribunal
de district était devenu définitif. Son opinion n'est pas conciliable
avec l'art. 36 al. 3 LFB. Cette disposition prévoit que "la personne
morale ou la société répond solidairement des amendes". Cela signifie
tout d'abord que, dans son principe même, la responsabilité de la personne
morale dépend de la condamnation infligée à l'inculpé. Si celui-ci, après
avoir été condamné par le juge de premier ressort à payer une amende,
est ensuite libéré par la juridiction de recours, la personne morale
est déliée de sa responsabilité. Cependant, étant donnés les termes
très généraux qu'il utilise, l'art. 36 al. 3 LFB signifie aussi que la
condamnation de l'inculpé détermine la responsabilité de la personne
morale quant à son étendue. Si la juridiction de recours réduit l'amende
infligée à l'inculpé, la responsabilité de la personne morale diminue
dans la même proportion. Inversement, elle augmente dans la mesure où
l'amende est majorée. Il est clair dès lors que le jugement ne devient
pas définitif à l'égard de la personne morale tant qu'il ne l'est pas en
ce qui concerne l'amende infligée à l'inculpé. Lors donc que l'amende est
augmentée, la personne morale doit être condamnée à répondre solidairement
du montant majoré, quand bien même le jugement n'aurait pas été attaqué en
ce qui la concerne. Dans ces conditions, la Cour de cassation vaudoise ne
pouvait pas refuser d'étendre la responsabilité de la société coopérative
dans la mesure où elle augmentait l'amende infligée à Pantet. Il faut
par conséquent annuler son arrêt et lui renvoyer la cause pour qu'elle
détermine à nouveau la responsabilité du Moulin agricole. Elle devra
d'ailleurs se fonder à cet égard uniquement sur la loi applicable à
Pantet lui-même, c'est-à-dire sur la loi de 1932. Peu importe que, pour
la personne morale, cette loi soit ou non "lex mitior". Les dispositions
instituant la responsabilité de la personne morale ont pour but d'assurer
le paiement de l'amende et des frais mis à la charge de l'inculpé.
Or ce but ne pourrait pas toujours être atteint si la responsabilité de la
personne morale était fixée d'après une autre loi que celle qui s'applique
à l'inculpé. La juridiction vaudoise devra donc faire abstraction en
l'espèce de l'art. 30 al. 2 de l'arrêté de 1953, qui n'institue qu'"en
règle générale" la responsabilité de la personne morale. Elle n'aura pas
non plus à examiner si, au cas où Pantet eût été jugé selon l'arrêté de
1953, il aurait été frappé d'une peine d'emprisonnement cumulée avec une
amende inférieure à 2500 fr.

Entscheid:

          Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:

    1. rejette le pourvoi de Paul Pantet; admet celui du Ministère
public dans ses conclusions subsidiaires et le rejette pour le surplus;
2. annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
qu'il soit statué à nouveau.