Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 83 II 414



83 II 414

56. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 9 octobre 1957 dans la
cause La Zurich, compagnie générale d'assurance contre les accidents et
la responsabilité civile, et Olivares contre Gertrud et Kurt Weisskopf.
Regeste

    Haftung der Versicherungsunternehmungen, welche die durch ausländische
Motorfahrzeuge verursachten Schäden zu decken haben. BRB vom 28. Juni
1948, Art. 5 Abs. 2.

    Begriff der subsidiären Haftung im Sinne dieser Vorschrift.

Sachverhalt

                      Résumé des faits:

    Le 24 août 1952, Giovanni Olivares, domicilié à Milan, roulait de
Charrat à Saxon (Valais) dans sa voiture automobile, qui était pilotée par
son épouse Joséphine Olivares. Roulant à vive allure, dame Olivares perdit
la maîtrise de son véhicule, qui dérapa sur la route. Il fit deux ou trois
zigzags d'une amplitude croissante et vint finalement heurter la voiture de
Paul Gysin, qui, tenant sa droite, survenait en sens inverse à une allure
d'environ 50 km/h. Gysin fut tué. Les autres occupants de la voiture,
savoir Kurt Weisskopf et sa soeur Gertrud, furent grièvement blessés.

    Kurt et Gertrud Weisskopf ont actionné devant les tribunaux valaisans
le détenteur Olivares ainsi que la Zurich, compagnie générale d'assurance
contre les accidents et la responsabilité civile, prise en sa qualité
de gérante des affaires résultant de la convention passée entre la
Confédération et un groupe d'entreprises d'assurances conformément à
l'art. 5 de l'ACF du 22 juin 1948 sur la réparation des dommages causés
par des véhicules automobiles étrangers.

    Le Tribunal cantonal du Valais a admis l'action.

    Contre ce jugement, la Zurich et Giovanni Olivares ont recouru en
réforme au Tribunal fédéral. Ils concluaient notamment à ce que l'action
intentée à la Zurich fût rejetée dans la mesure où elle concernait le
dommage matériel.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

    La Zurich conteste que les conditions de sa responsabilité soient
réunies. Elle relève que, selon l'art. 5 al. 2 de l'ACF du 22 juin 1948,
dans la teneur que lui a donnée l'ACF du 21 octobre 1950, la réparation
est subsidiaire et est accordée seulement si "les dommages ne doivent pas
être couverts en vertu d'un contrat d'assurance contre les dommages par
une entreprise d'assurances privée autorisée à opérer en Suisse". Or,
soutient-elle, le préjudice subi par les demandeurs est couvert par la
Bâloise, qui assurait Gysin contre la responsabilité civile et qui, dès
lors, répond de la totalité du dommage solidairement avec le détenteur
Olivares. L'assurance-responsabilité civile étant une assurance contre
les dommages, la responsabilité subsidiaire instituée par l'art. 5 al. 2 de
l'ACF du 22 juin 1948 (ci-après: ACF) n'est pas engagée. Elle ne le serait
que si l'assureur de Gysin pouvait se prévaloir d'un motif de libération
fondé sur l'art. 37 al. 2 ou 4 LA; mais cette condition n'est pas remplie.

    On peut invoquer à l'appui de cette thèse le texte de l'art. 5
ACF: la note marginale de cette disposition indique une "réparation
subsidiaire"; en outre, l'assurance-responsabilité civile est effectivement
une assurance contre les dommages au sens du titre II de la loi sur le
contrat d'assurance (cf. art. 59 et 60 de cette loi). Mais l'interprétation
proposée par la Zurich n'est pas la seule qui soit conciliable avec ces
textes. En premier lieu, le dommage dont il est question à l'art. 5 ACF
est évidemment celui de la victime de l'accident. Or ce n'est pas ce
préjudice qui est couvert par l'assurance-responsabilité civile; même si
le lésé a un droit direct contre l'assureur, celui-ci n'est garant que
de la perte résultant pour l'assuré de la réparation due à la victime
(cf. RO 79 II 408). On pourrait donc en conclure que les "contrats
d'assurances contre les dommages" dont il est question à l'art. 5 al. 2
ACF sont uniquement ceux qui couvrent directement le préjudice subi par
la victime de l'accident. Quant au moyen tiré de la note marginale, il
n'est pas décisif. Même si l'on n'admet point la thèse de la Zurich,
la réparation instituée par l'ACF n'en reste pas moins subsidiaire,
puisqu'elle n'est due que si le dommage n'est pas directement couvert
en vertu d'un contrat d'assurance passé avec une entreprise privée.
En outre, la note marginale en question a été introduite en 1948,
alors que l'obligation de réparer le préjudice n'existait pas si le lésé
devait être indemnisé par un établissement officiel suisse d'assurances,
tel que la Caisse nationale. Cette obligation était ainsi nettement plus
subsidiaire que selon la version de 1950, ce qui explique l'accent porté
sur ce caractère par la note marginale. Dans ces conditions, la solution
doit être recherchée par l'interprétation systématique et téléologique
de la loi.

    La thèse de la Zurich se heurte en premier lieu à l'art. ler ACF,
qui, sous la note marginale "droit à la réparation", pose le principe
général suivant: "Lorsqu'un dommage est causé en Suisse par un véhicule
automobile immatriculé à l'étranger, le lésé peut en demander la réparation
conformément aux dispositions du présent arrêté dans les limites des
droits qui lui sont conférés par les art. 37 à 47 de la loi du 15 mars
1932." Or le principe de la responsabilité solidaire des détenteurs et,
partant, de leurs assureurs fait partie des droits que cette loi confère
à la victime. La disposition de l'art. 5 ACF, qui figure sous le titre
II relatif aux "modalités de la réparation", ne saurait sans de sérieux
motifs être interprétée comme apportant une exception au principe général
de l'art. 1er, d'autant moins que l'art. 5 al. 2 se réfère expressément à
"la réparation prévue aux art. 1 et 2".

    En outre, l'argumentation de la Zurich est peu conciliable avec
l'art. 54 LA. Selon cette disposition "le Conseil fédéral édicte les
prescriptions régissant l'assuranceresponsabilité civile des véhicules
étrangers". Il ne s'agit pas là d'une simple délégation, mais d'un mandat
donné au Conseil fédéral d'instituer une assurance obligatoire pour les
détenteurs de véhicules étrangers (STREBEL, Kommentar zum MFG, ad art. 54,
rem. 2). Le message du Conseil fédéral du 12 décembre 1930, concernant
un projet de loi sur la circulation des véhicules automobiles et des
cycles, ne laissait subsister aucune équivoque sur ce point: "L'assurance
obligatoire, disait-il, doit comprendre les véhicules étrangers circulant
temporairement en Suisse. Ainsi seulement les prétentions des lésés
seront suffisamment garanties. Le projet fait face à cette nécessité"
(FF 1930 II, p. 901). C'est dans ce sens également que le rapporteur
français présenta le projet au Conseil national (cf. Bull. stén. 1931
CN p. 17). Ainsi, l'art. 54 LA signifie que les victimes d'un accident
provoqué par un véhicule étranger doivent être couvertes comme si celui-ci
était immatriculé en Suisse. Or, en cas d'accidents causés par plusieurs
véhicules, le principe de la responsabilité solidaire des détenteurs et
de leurs assureurs est une garantie essentielle en faveur du lésé. Si
l'on admettait la thèse de la Zurich, la victime serait, dans les cas
tels que la présente espèce, acculée à la nécessité de diriger d'abord
sa demande contre le détenteur suisse même si celui-ci paraît avoir des
motifs sérieux pour contester sa responsabilité. Elle pourrait, il est
vrai, actionner simultanément les deux assureurs au for de l'accident;
mais elle s'exposerait alors à succomber contre l'un d'eux. En outre, si
les deux détenteurs ont commis des fautes, le lésé devrait nécessairement
intenter deux actions pour obtenir la pleine réparation de son tort moral.

    Certes, le Conseil fédéral a substitué à l'introduction d'une
assurance obligatoire une couverture assumée par l'Etat avec le
concours des assureurs suisses. Mais cette obligation de réparation ne
saurait avoir une étendue sensiblement inférieure à celle qu'aurait eue
l'assuranceresponsabilité civile prévue par la loi. On doit interpréter
l'ACF dans le sens le plus conforme à la règle légale dont le pouvoir
exécutif a été chargé d'assurer l'application. Aussi bien le Département
fédéral de justice et police exposait-il dans sa circulaire du 2 juin
1947, à laquelle se réfère celle qu'il a envoyée à propos de l'ACF de
1948, que les intérêts des personnes lésées par un véhicule automobile
étranger étaient "pleinement" sauvegardés.

    Ainsi, la thèse de la Zurich ne peut être admise. On doit interpréter
restrictivement, à l'art. 5 al. 2 ACF, l'expression "dommages... couverts
en vertu d'une assurance contre les dommages" et comprendre par ces
derniers termes les assurances contre les dommages stricto sensu,
lesquelles donnent au lésé un droit à la réparation fondé directement
sur le contrat d'assurance (cf. LAMBERT DE VRIES, dans RSJ, 1948, p. 142
et 270). Mais, pour le reste, la victime a tous les droits qui découlent
des art. 37 et suiv. LA. Dès lors, en cas d'accident causé par un véhicule
étranger et un véhicule suisse, la Zurich, pour le compte du consortium
prévu par l'art. 5 al. 1 ACF, répond du dommage solidairement avec les
détenteurs et l'assureur du détenteur suisse. Il en est de même de la
réparation du tort moral, si le détenteur étranger ou une personne dont
il est responsable a commis une faute (cf. art. 42 LA; RO 71 II 36).

    En l'espèce, il est constant que cette dernière condition est
remplie. Dès lors, la Zurich est tenue, dans les limites fixées par
l'art. 2 ACF, du dommage matériel et du tort moral subis par les demandeurs
et il n'est pas nécessaire de rechercher préalablement si ce préjudice
doit être couvert en vertu de l'assurance-responsabilité civile de Gysin.