Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 83 II 27



83 II 27

6. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 5 février 1957 dans la
cause Zbinden contre Corchla. Regeste

    OR Art. 339.

    Pflicht des Dienstherrn zum Einschreiten, wenn er sieht, dass der
Angestellte sich grundlos einer offensichtlichen Gefahr aussetzt (Erw. 2).

    Bedeutung des Gesichtspunkts der Billigkeit bei der Anwendung von
Art. 339 OR (Erw. 2).

    Mitverschulden des Verunfallten (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Au printemps 1954, Lorenzo Corchia, né en 1934, est entré au
service de Jean Zbinden comme domestique agricole.

    Le 16 octobre 1954, Zbinden transportait des betteraves à la gare
de St-Blaise, au moyen d'un convoi formé d'un tracteur et de trois
chariots. Un de ses fils et un autre ouvrier agricole avaient été chargés
d'actionner les manivelles de frein des remorques. Zbinden s'était assis
sur le timon du dernier char. Quant à Corchia, qui avait reçu l'ordre
d'accompagner le convoi, il avait pris place sur le timon de la deuxième
remorque.

    En cours de route, alors que le convoi roulait à 10 km/h environ,
Corchia perdit l'équilibre et tomba. Les deuxième et troisième chariots
lui passèrent sur le corps, le blessant grièvement.

    La Neuchâteloise, qui assurait les ouvriers de Zbinden contre les
accidents, a versé diverses indemnités à la victime.

    B.- Le 2 décembre 1955, Corchia a actionné Zbinden devant le Tribunal
cantonal neuchâtelois. Se fondant sur les art. 339 et 47 CO, il concluait
à ce que le défendeur fût condamné à lui payer une indemnité pour tort
moral et à réparer le dommage non couvert par la Neuchâteloise.

    Par jugement du 3 juillet 1956, la juridiction cantonale a condamné
Zbinden à verser au demandeur, à titre de dommages-intérêts, un montant
de 4812 fr. 30, avec intérêt à 5% dès le 2 décembre 1955 pour 282 fr. 15
et dès le 3 juillet 1956 pour le solde. Elle a rejeté le surplus de
la demande.

    C.- Zbinden a recouru en réforme au Tribunal fédéral, en concluant
au rejet de l'action.

    Corchia s'est joint à ce recours pour demander que le défendeur soit
condamné à lui payer 17 277 fr. 95 en capital.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon la juridiction cantonale, Corchia n'était pas un ouvrier
agricole expérimenté. Le défendeur estime que cette constatation est en
contradiction flagrante avec les preuves administrées. Mais le Tribunal
fédéral ne pourrait la corriger que si elle procédait d'une inadvertance
manifeste ou d'une répartition erronée du fardeau de la preuve (art. 63
al. 2 OJ). Ce n'est pas le cas. Zbinden critique en réalité la manière
dont les juges du fait ont apprécié les preuves, question qui échappe à
la censure du Tribunal fédéral.

    La juridiction cantonale a constaté en outre que le demandeur était
assis sur le timon du deuxième char. Le défendeur soutient qu'elle a
commis une inadvertance manifeste sur ce point, car les pièces du dossier
montrent que Corchia avait pris place à la naissance du timon, à l'endroit
où celui-ci était flanqué de deux pièces de bois. Le demandeur en convient
et il ressort effectivement des témoignages et des photographies versées au
dossier que Corchia était assis à la place indiquée par Zbinden. Mais on
ne saurait reprocher aucune inadvertance à la juridiction cantonale. En
réalité, son jugement est, sur ce point, imprécis ou incomplet et le
Tribunal fédéral peut réparer ce défaut en vertu de l'art. 64 al. 2 OJ.

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 339 CO, l'employeur est tenu, en tant que les
conditions particulières du contrat et la nature du travail permettent
équitablement de l'exiger, de prendre les mesures de sécurité propres à
écarter les risques de l'exploitation. Il doit notamment instruire ses
employés des dangers que comporte leur travail et leur interdire de s'y
exposer sans nécessité (RO 56 II 280, 60 II 118, 62 II 157). Il est vrai
qu'il n'est pas tenu de les mettre en garde contre des risques évidents,
dont ils doivent se rendre compte aussi bien que lui (RO 45 II 431, 60 II
118, 62 II 158). Mais, s'il constate qu'ils s'exposent à de tels dangers,
il ne saurait demeurer passif; l'art. 339 CO l'oblige alors à empêcher
le comportement imprudent de ses employés.

    En l'espèce, Zbinden, qui est un agriculteur expérimenté, devait
savoir qu'il est dangereux de s'asseoir sur le timon d'une remorque
en marche, même si l'on prend place à l'endroit où il est flanqué de
deux pièces de bois. Une telle position est, en effet, particulièrement
instable: il suffit que, par suite d'une secousse ou d'une inattention,
on lâche le pont ou la ridelle du chariot pour qu'on risque de perdre
l'équilibre, de tomber et d'être écrasé par les roues du véhicule. Or
Corchia n'avait pas de raison de s'asseoir sur le timon. N'ayant aucune
fonction à remplir pendant la course, il pouvait fort bien prendre place
sur l'une des remorques, où il aurait couru sensiblement moins de risques.
Lorsqu'il vit son employé s'exposer ainsi à un danger, Zbinden aurait dès
lors dû l'en empêcher. C'était là une mesure de sécurité qui était facile
à prendre et qui n'aurait entravé en rien la marche du convoi. On pouvait
donc équitablement l'exiger du défendeur. Or il n'a fait aucune observation
à son employé. Au contraire, il a pris place lui-même sur le timon de la
troisième remorque, donnant à Corchia l'exemple de l'imprudence.

    Ainsi, le défendeur n'a pas exécuté les obligations que lui imposait
l'art. 339 CO et il a commis une faute. Il soutient, il est vrai, qu'il est
usuel à la campagne de s'asseoir sur le timon des remorques. Mais, supposé
que cette pratique existe, elle n'excuserait pas Zbinden: l'employeur ne
peut se prévaloir d'un usage abusif (RO 57 II 66; cf. également RO 57 II
108 et 60 II 223).

    D'autre part, la négligence du défendeur est en rapport de causalité
adéquate avec l'accident. Son comportement était en effet de nature,
dans le cours ordinaire des choses, à causer un accident tel que celui
du demandeur.

    Zbinden prétend cependant que l'art. 339 CO fonde la responsabilité de
l'employeur sur l'équité; or, dit-il, il a volontairement assuré Corchia
contre les accidents et il ne serait pas équitable de le traiter plus
sévèrement que ceux qui assurent obligatoirement leurs employés et ne
répondent que du dol ou de la faute grave (art. 129 al. 2 LAMA et 99 al. 1
de la loi sur l'agriculture, du 3 octobre 1951). Cette argumentation est
erronée. On ne doit se fonder sur l'équité, en vertu de l'art. 339 CO,
que pour déterminer les mesures de sécurité que l'employeur était tenu
de prendre. Si une telle obligation est admise et que son inexécution
soit en rapport de causalité adéquate avec le dommage subi par l'employé,
l'employeur doit en principe réparer ce préjudice, sauf s'il prouve qu'il
n'a commis aucune faute (art. 97 al. 1 CO). Sous réserve des art. 129
al. 2 LAMA et 99 al. 1 de la loi sur l'agriculture, sa responsabilité ne
peut être atténuée que dans les cas prévus par les art. 43 et suiv. CO
(cf. art. 99 al. 3 CO).

    En l'espèce, les conditions de l'art. 339 CO sont remplies et Zbinden
a commis une faute. En outre, il est constant qu'il ne peut se mettre au
bénéfice des dispositions spéciales par lesquelles la responsabilité de
l'employeur est limitée au dol et à la faute grave. Dès lors, il répond
en principe du préjudice subi par Corchia.

Erwägung 3

    3.- La juridiction cantonale a considéré que le demandeur avait commis
une faute concurrente et, appliquant l'art. 44 al. 1 CO, elle n'a mis qu'un
tiers du dommage à la charge du défendeur. Corchia critique ce point du
jugement. Il soutient qu'on ne peut lui reprocher aucune imprudence et
que, s'il a commis une faute, celle-ci est en tout cas moins grave que
celle de Zbinden.

    Son premier moyen n'est pas fondé. Il devait se rendre compte que sa
position sur le timon de la remorque était instable et que, en cas de
chute, il risquait d'être écrasé par les roues du véhicule. Sans doute
n'était-il pas un ouvrier agricole expérimenté. Mais cela ne l'excuse
point: aisément reconnaissable pour tout adulte normalement développé,
le danger ne pouvait échapper à Corchia, qui était âgé de vingt ans et
dont l'intelligence n'a jamais été mise en doute dans la procédure. En
outre, si le demandeur voulait prendre place sur le timon d'une remorque,
il aurait dû à tout le moins se tenir solidement au pont ou à la ridelle
du véhicule. Or, d'après la juridiction neuchâteloise, il a négligé cette
précaution, au moins momentanément. Le demandeur critique, il est vrai, ce
point du jugement cantonal, mais il s'agit là d'une constatation de fait
que le Tribunal fédéral ne saurait revoir, attendu qu'elle ne procède ni
d'une inadvertance manifeste ni d'une répartition erronée du fardeau de
la preuve.

    On doit ainsi retenir une faute concurrente à la charge de Corchia.
Cependant, les juges neuchâtelois ont considéré à tort qu'elle était plus
grave que celle de Zbinden. Sans doute le demandeur s'est-il exposé à un
risque sans aucune nécessité. Mais le défendeur, dont on peut exiger une
diligence accrue étant donné son âge et son expérience, a non seulement
toléré le comportement dangereux de son employé mais encore montré à
celui-ci l'exemple de la témérité. En réalité, les fautes de Corchia et
de Zbinden paraissent sensiblement égales en gravité. Dès lors, chacun
devra supporter la moitié du dommage, dans la mesure où il n'a pas été
couvert par la Neuchâteloise.