Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 82 IV 198



82 IV 198

43. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 2 novembre 1956 dans la cause
Ministère public de la Confédération contre Kramer et consorts. Regeste

    1.  Art. 240 ff. StGB. Sie schützen nur Geld, das gesetzlichen Kurs
hat (Erw. 1).

    2.  Art. 19, 20 StGB. Irrige Vorstellung über den Sachverhalt,
Rechtsirrtum (Erw. 2 und 3).

    3.  Art. 278 BStP. Nur der unterliegenden Partei können Kosten
auferlegt werden (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Emile Debbas, courtier et agent de change à Beyrouth, a eu
connaissance, au printemps 1953, par les journaux financiers de son pays,
de l'arrêt du Tribunal fédéral suisse du 16 juillet 1952 dans la cause
Beraha et Bernardi (RO 78 I 225). Selon cet arrêt, les pièces qui n'ont
plus cours légal, comme les souverains-or anglais et les pièces d'or
suisses, ne sont plus du point de vue juridique une monnaie mais une
marchandise, et leur contrefaçon ne tombe pas sous le coup des traités
d'extradition sur la fausse monnaie.

    En juin 1953, Debbas a demandé à Gérard Zbinden, avec lequel il était
en relations d'affaires, s'il était possible de faire fabriquer en Suisse
des pièces d'or de l'Arabie saoudite destinées aux pèlerins de La Mecque;
il lui a déclaré qu'elles n'avaient pas cours légal.

    Zbinden et son ami Jean-Pierre Chappuis se sont renseignés auprès
de banques et de financiers qui leur ont confirmé que les pièces d'or
de l'Arabie saoudite n'avaient pas cours légal et que la seule monnaie
officielle de ce pays était le rial. Par la suite, Zbinden a proposé à
la maison Paul Kramer, fabrique d'orfèvrerie, de médailles et insignes,
à Neuchâtel, de frapper une certaine quantité de ces pièces pour le compte
de Debbas.

    Kramer s'est mis en rapport avec la Monnaie fédérale à Berne. Cette
institution lui a fait savoir qu'elle ne pouvait frapper aucune monnaie
étrangère sans une commande émanant de l'Etat intéressé, mais lui
a fourni l'outillage nécessaire à la fabrication des pièces d'or de
l'Arabie saoudite.

    Par la suite, Kramer, Zbinden et Chappuis ont encore recueilli des
renseignements auprès de divers établissements bancaires et de financiers,
qui leur ont tous déclaré que la pièce dont la frappe était envisagée
n'avait pas cours légal.

    Après de nouveaux pourparlers avec Debbas, Zbinden et Chappuis,
Kramer a accepté de fabriquer les pièces demandées. Il les a
livrées à Debbas à raison de 5000 le 30 juillet 1953 et 6000 en
septembre 1953. Les expéditions ont été effectuées par avion par
l'intermédiaire de l'entreprise de transports internationaux Tisa, les
déclarations d'exportation destinées aux autorités douanières suisses,
à l'administration de l'impôt sur le chiffre d'affaires et aux banques
chargées d'établir les accréditifs mentionnant expressément qu'il
s'agissait d'or monnayé.

    B.- Le 7 janvier 1954, le Royaume d'Arabie saoudite a porté plainte
auprès du Ministère public de la Confédération. Fondé sur l'art. 18 PPF,
le Département fédéral de justice et police a délégué aux autorités du
canton de Neuchâtel l'instruction et le jugement de la cause.

    Par arrêt du 3 janvier 1956, la Chambre d'accusation de ce canton
a renvoyé devant la Cour d'assises Kramer, pour fabrication de fausse
monnaie et mise en circulation de fausse monnaie (art. 240, 242 et 250
CP), Zbinden et Debbas, pour instigation à ces infractions, et Chappuis,
pour complicité.

    La Cour d'assises a acquitté les prévenus par jugement du 21
avril 1956. Elle a considéré en résumé ce qui suit: Seule la monnaie
qui a cours légal, c'est-à-dire qui a force libératoire pour une valeur
imposée par la loi, est protégée par les art. 240 ss. CP; il existe des
doutes sérieux que cette condition soit remplie pour les souverains-or
d'Arabie saoudite; cette question peut cependant rester indécise; sur
la base des renseignements recueillis, les prévenus ont pu admettre de
bonne foi que les pièces saoudiennes n'avaient pas cours légal, de sorte
qu'ils ont agi sous l'influence d'une appréciation erronée des faits au
sens de l'art. 19 CP.

    C.- Par arrêt du 11 juillet 1956, la Cour de cassation neuchâteloise
a rejeté le recours formé contre ce jugement par le Ministère public de
la Confédération.

    D.- Contre cet arrêt, le Ministère public de la Confédération s'est
pourvu en nullité au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de la
décision entreprise et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
nouveau jugement dans le sens des considérants, et demande qu'en tout
état de cause les frais soient mis à la charge des prévenus.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le titre dixième du code pénal réprime la falsification de la
monnaie, des timbres officiels de valeur, des marques officielles, des
poids et mesures. Sont considérés comme monnaie, la monnaie métallique,
le papiermonnaie et les billets de banque (art. 250 CP). L'art. 240 CP
punit la fabrication de fausse monnaie, l'art. 241, la falsification de
la monnaie et l'art. 242, la mise en circulation de fausse monnaie.

    Selon l'arrêt RO 78 I 225, par monnaie, au sens des traités
d'extradition et de la convention internationale du 20 avril 1929 sur
la répression du faux monnayage, il faut entendre la monnaie qui a cours
légal, à savoir la monnaie qu'a frappée ou fait frapper pour son propre
compte un Etat qui l'a adoptée comme moyen de paiement, en imposant
l'obligation de l'accepter pour la valeur qui lui est attribuée par la
loi. Cette notion vaut également pour les art. 240 ss. CP: l'arrêt précité
se réfère expressément à ces dispositions et déclare, en renvoyant à
THORMANN/OVERBECK, note 5 à l'art. 240, et STÄMPFLI, RPS 1951, p. 26,
que le cours légal est un élément essentiel de la monnaie au sens des
art. 240 ss. CP, bien que cette exigence n'y soit pas mentionnée de façon
explicite. Les pièces qui n'ont plus cours légal ou qui ne l'ont jamais eu
ne sont pas, du point de vue juridique, une monnaie, alors même qu'elles
servent en fait de moyens de paiement; elles sont une simple marchandise
dont la valeur est déterminée par le marché et sont protégées à ce titre
contre la falsification par les art. 153 ss. CP. Il a été jugé dans le
même sens (RO 77 IV 175) que les timbres-poste perdent leur caractère
de timbres officiels de valeur lorsqu'ils ont cessé d'avoir cours légal,
qu'ils sont dès lors une simple marchandise et que leur falsification ne
tombe plus sous le coup de l'art. 245 CP.

Erwägung 2

    2.- Le cours légal faisant partie de la notion de monnaie au sens des
art. 240 ss. CP, l'intention doit s'étendre à cet élément constitutif de
l'infraction: l'auteur doit avoir falsifié une monnaie en sachant qu'elle
avait cours légal. Si cette conscience qui est exigée par l'art. 18 al. 1
CP fait défaut, l'auteur agit sous l'influence d'une appréciation erronée
des faits et l'art. 19 CP lui est applicable.

    En l'espèce, la Cour d'assises du canton de Neuchâtel, appréciant
les preuves administrées en procédure, a constaté en fait que les
prévenus croyaient de bonne foi, sur la base des renseignements qu'ils
avaient recueillis, que les pièces d'or saoudiennes étaient destinées
aux pèlerins de La Mecque et qu'elles n'avaient cours légal ni en Arabie
saoudite ni dans aucun pays du Proche-Orient où elles servent de moyens de
paiement. Cette constatation, qui a été reprise par la Cour de cassation
neuchâteloise, lie le Tribunal fédéral (art. 277 bis al. 1 PPF).

    Le recourant fait valoir que, même si l'on admet que les prévenus
se trouvaient dans l'erreur au sujet du cours légal des souverains-or
saoudiens, ce n'est pas l'art. 19 mais l'art. 20 CP qui leur est
applicable, car il s'agit non d'une erreur sur les faits, mais d'une erreur
de droit. Cette opinion n'est pas fondée. En parlant d'une appréciation
erronée des faits, l'art. 19 CP vise en particulier l'erreur concernant
un élément constitutif de l'infraction; cette erreur peut porter soit sur
un élément purement matériel de l'infraction, soit sur un élément dont
l'existence peut dépendre de règles ou de rapports de droit (LOGOZ, note
2 à l'art. 19). En matière de falsification de monnaie, le cours légal
de la monnaie rentre dans les éléments constitutifs des actes réprimés
par la loi pénale. Contrairement à l'avis du recourant, bien que le cours
légal soit une qualité conférée par la loi de l'Etat qui attribue force
libératoire à une monnaie pour une valeur imposée, l'erreur qui concerne
l'existence du cours légal est une erreur sur les faits, car elle porte
sur un élément constitutif du crime de falsification de la monnaie:
l'existence du cours légal est un fait et celui qui croit qu'une monnaie
n'a pas cours légal agit sous l'influence d'une appréciation erronée des
faits. A la différence de l'art. 19 CP, qui est applicable lorsque l'erreur
se rapporte à la situation de fait, l'art. 20 CP suppose que l'auteur
s'est représenté la situation de fait telle qu'elle était en réalité,
mais s'est cru néanmoins en droit d'agir comme il l'a fait (LOGOZ, note
2 à l'art. 20; THORMANN/OVERBECK, note 3 à l'art. 20). En l'espèce, les
prévenus n'avaient pas une exacte représentation de la situation de fait
et ne se sont pas crus en droit de fabriquer des monnaies saoudiennes
ayant cours légal; ils ont, au contraire, admis de bonne foi que les
souverainsor d'Arabie saoudite n'avaient pas cours légal et ont agi sous
l'influence d'une appréciation erronée des faits. C'est dès lors à juste
titre que la Cour cantonale leur a appliqué l'art. 19 et non l'art. 20 CP.

Erwägung 3

    3.- Le recourant fait grief aux prévenus de s'être contentés de
renseignements recueillis dans les milieux financiers et prétend qu'ils
auraient dû consulter la législation de l'Arabie saoudite pour obtenir
une certitude sur la question du cours légal des pièces d'or qu'ils se
proposaient de frapper. On peut certes reprocher à Kramer et consorts de
ne pas s'être informés auprès du gouvernement de l'Arabie saoudite ou d'un
représentant diplomatique de cet Etat. Toutefois, ce qui est déterminant
au regard de l'art. 19 al. 1 CP, c'est ce que les prévenus se sont en
fait représenté sur la base des renseignements reçus et non pas ce qu'ils
auraient dû faire. Or, selon les constatations de la Cour cantonale,
ils étaient subjectivement convaincus que les souverains-or saoudiens
n'avaient pas cours légal. C'est dès lors à juste titre qu'ils ont été
jugés d'après cette appréciation qui exclut l'application des art. 240
ss. CP, faute d'intention. Il s'ensuit que le pourvoi doit être rejeté.

Erwägung 4

    4.- Contrairement aux conclusions du recourant, les frais ne sauraient
être mis à la charge des prévenus quel que soit le sort du pourvoi,
car seule la partie qui succombe peut être condamnée à les supporter
(art. 278 PPF).

Entscheid:

      Par ces motifs, la Cour de cassation pénale prononce:

    Le pourvoi est rejeté.