Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 82 IV 138



82 IV 138

30. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 juillet 1956 dans la cause
Ministère public de canton de Vaud contre Treyvaud. Regeste

    Art. 66 KUVG, 148 und 251 StGB. Wenn durch ein und dieselbe Handlung
sowohl Art. 66 KUVG übertreten als auch ein Betrug (Art. 148 StGB)
und eine Urkundenfälschung (Art. 251 StGB) begangen wird, sind alle drei
Bestimmungen anzuwenden.

Sachverhalt

    A.- Gaston Treyvaud exploite à Courtion une gravière dont les ouvriers
sont soumis à l'assurance obligatoire auprès de la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (en abrégé: la Caisse nationale). De 1948
à 1952, pour payer des primes moins élevées, il n'a pas inscrit dans les
listes de paie tous les salaires versés aux ouvriers et n'a fait figurer
qu'une partie des salaires payés dans les déclarations qui sont remises à
la Caisse nationale à la fin de chaque année. Il n'a indiqué que le 30% des
salaires, en a dissimulé pour environ 150 000 fr. et a éludé le paiement
de primes pour un montant supérieur à 14 000 fr. Il n'a tenu aucun compte
des instructions et observations des vérificateurs de la Caisse nationale
qui, ne pouvant obtenir les renseignements dont ils avaient besoin, ont
dû se livrer à une enquête approfondie. Au cours de ces investigations,
Treyvaud a persisté dans ses explications fallacieuses et mensongères: il
a allégué, contrairement à la vérité, que les salaires payés à certains
ouvriers n'avaient pas été déclarés parce que ceux-ci étaient occupés à
des travaux agricoles; il a prétendu qu'il n'avait pas indiqué d'autres
ouvriers pour le motif qu'il les croyait trop âgés pour pouvoir être
assurés auprès de la Caisse nationale et qu'il pensait devoir les assurer
auprès d'une compagnie privée; il n'en a pas moins annoncé à la Caisse
nationale les accidents dont ils avaient été victimes et n'a conclu pour
eux aucune assurance auprès d'une institution privée. En raison de ces
faits, la Caisse nationale a déposé une plainte pénale contre Treyvaud,
le 10 septembre 1953. Par la suite, le prévenu a payé le montant des
primes et intérêts de retard qui lui ont été réclamés.

    B.- Par jugement du 15 octobre 1955, le Tribunal de police
correctionnelle du district d'Avenches a reconnu Treyvaud coupable
d'escroquerie et de faux dans les titres, et lui a infligé, pour ces
infractions ainsi que pour récidive d'ivresse au volant, une peine de
quatre mois d'emprisonnement.

    C.- Saisie d'un recours formé par Treyvaud, la Cour de cassation pénale
du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a libéré, par arrêt du 21 novembre
1955, des chefs de prévention d'escroquerie, de faux et de contravention à
la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents; en ce qui concerne
le délit puni par l'art. 59 LA, elle a renvoyé la cause au Tribunal de
police correctionnelle d'Yverdon pour complément d'instruction et nouveau
jugement. Elle a considéré que les éléments de l'escroquerie, du faux dans
les titres et de l'infraction prévue par l'art. 66 LAMA étaient réunis,
mais que cette disposition établissait un délit spécial englobant les
cas qui pourraient tomber également sous le coup des art. 148 et 251 CP;
elle a jugé, dès lors, que l'art. 66 LAMA était seul applicable et que la
prescription de l'action pénale était acquise dès la fin de l'année 1954,
cet article statuant, hormis les cas de récidive, une simple contravention.

    D.- Le Ministère public du canton de Vaud s'est pourvu en nullité
contre cet arrêt en tant qu'il libère Treyvaud des chefs de prévention
d'escroquerie et de faux dans les titres au sens des art. 148 et 251 CP;
il conclut à l'annulation de la décision entreprise et au renvoi de la
cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement.

    E.- Treyvaud conclut au rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Il est constant que Treyvaud a trompé la Caisse nationale par
des indications inexactes concernant le nombre des ouvriers occupés dans
son entreprise et leurs salaires, et qu'il a établi des listes de paie
fausses qui ne correspondaient pas aux montants réellement versés. Ses
actes réunissent ainsi les éléments constitutifs des crimes d'escroquerie
(art. 148 CP) et de faux dans les titres (art. 251 CP): dans le dessein
de se procurer un enrichissement illégitime, il a astucieusement induit
en erreur la Caisse nationale par des affirmations fallacieuses et la
dissimulation de faits vrais et l'a déterminée à des actes préjudiciables à
ses intérêts pécuniaires, savoir à la perception de primes insuffisantes;
dans le même dessein, il a constaté faussement dans des titres des faits
ayant une portée juridique.

    La comptabilité commerciale et ses éléments, qui comprennent les livres
de salaires, sont des titres (RO 79 IV 163). Les listes de paie qui sont
établies en conformité de l'art. 64 LAMA sont également des titres, car
elles sont destinées à prouver des faits ayant une portée juridique: elles
doivent en effet donner, pour chaque employé ou ouvrier de l'entreprise,
des renseignements exacts sur le mode d'occupation, le salaire et le nombre
des jours de travail, et servent, selon l'art. 112 LAMA, à la fixation des
primes. Les extraits des listes de paie que le chef d'entreprise doit faire
parvenir à la Caisse nationale à l'expiration de l'année d'assurance,
en vertu de l'art. 28 de l'ordonnance II sur l'assurance-accidents,
du 3 décembre 1917, ne sont en revanche pas des titres au sens des
art. 110 ch. 5 et 251 CP; ils ne constituent pas en effet un élément de
la comptabilité, mais ne sont qu'un résumé des données qui ressortent
prétendument des listes de paie et ne contiennent que des allégations du
chef d'entreprise. Dans le même sens, le Tribunal fédéral a jugé que le
bilan inexact dressé pour tromper un tiers sur la situation réelle d'une
entreprise n'est pas un titre mais un simple mensonge consigné par écrit,
car il n'est pas une partie intégrante de la comptabilité; il ne représente
qu'un tableau résumé de la situation qui résulte soi-disant de celle-ci
(arrêt du 30 octobre 1953 dans la cause Klaus, consid. 5).

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 66 LAMA, celui qui, intentionnellement,
contrevient aux art. 64 et 65 ou aux règlements édictés en application de
ces articles est puni d'une amende de cinq cents francs au maximum ou d'un
emprisonnement n'excédant pas trois mois; ces peines peuvent être cumulées;
en cas de récidive dans les trois ans qui suivent la dernière condamnation,
l'amende peut être portée à mille francs et l'emprisonnement à six mois.
L'art. 64 LAMA impose au chef d'entreprise l'obligation de tenir à jour
et en bon ordre des listes de paie concernant son personnel et de se
soumettre au contrôle de la Caisse nationale, cependant que l'art. 65 a
trait à la prévention des accidents.

    La question qui se pose est celle de savoir si l'art. 66 LAMA doit être
considéré comme une règle spéciale qui exclut l'application des art. 148
et 251 CP et si l'on se trouve en présence d'un concours improprement
dit. Pour la trancher, il faut examiner si, d'après son sens et son texte,
l'art. 66 LAMA vise sous tous leurs aspects les actes dont Treyvaud s'est
rendu coupable.

    Selon la jurisprudence, il y a par exemple concours improprement dit
entre les dispositions spéciales sur la confection des affidavits ou de
pièces bancaires analogues et l'art. 251 CP (RO 76 IV 90); de même, ce sont
les règles du droit pénal fiscal, à l'exclusion de l'art. 251 CP, qui sont
applicables à l'employeur qui indique, dans une attestation de salaire
destinée à l'autorité fiscale, un montant inférieur à celui qu'il a en
réalité versé à son employé (RO 81 IV 168); en revanche, les dispositions
pénales de la loi sur les douanes n'excluent pas l'application du droit
pénal ordinaire en cas de contravention douanière avec falsification
(RO 77 IV 45, 80 IV 39).

    Contrairement à l'opinion de la Cour de cassation vaudoise, qui est
partagée par certains auteurs (HAFTER, Partie spéciale p. 277, GRAVEN, Sur
l'unification de la répression pénale, Revue pénale suisse, 1933, p. 3-4,
D ÜRR, Commentaire de la LAMA à l'art. 66 al. 1) et par la jurisprudence de
différentes juridictions cantonales (Zurich, Revue suisse de jurisprudence
1921/22, p. 242-245, 260, arrêt Pratissoli du 4 septembre 1948; Thurgovie,
Revue suisse de jurisprudence 1923/24, p. 153-154; Soleure, Bulletin de
jurisprudence pénale 1948, no 88, p. 45; Berne, cité par WAIBLINGER, Revue
pénale suisse 1932, p. 368-369; Valais, arrêt Gabioud du 11 novembre 1953),
on ne peut considérer l'art. 66 LAMA comme une disposition spéciale qui
exclut l'application du droit commun, en particulier des art. 148 et
251 CP. Il n'y a pas concours improprement dit mais concours idéal au
sens de l'art. 68 CP lorsque, par le même acte, une personne enfreint à
la fois l'art. 66 LAMA et les art. 148 et 251 CP (dans ce sens, MAURER,
Recht und Praxis der Schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung,
p. 351; BÜHLER, Über die Strafbestimmungen des Bundesgesetzes über die
Kranken- und Unfallversicherung, Revue suisse de jurisprudence 1921/22,
p. 138-139; RÜTTI, Strafbare Handlungen aus dem Gebiete der Kranken-
und Unfallversicherung, p. 21, 23, 69; Lucerne, arrêt Grossmann du 9
mars 1951, Bulletin de jurisprudence pénale 1951, no 225 p. 79-80).

    L'art. 66 LAMA réprime la contravention intentionnelle aux
prescriptions des art. 64 et 65 ainsi qu'aux règlements édictés pour en
assurer l'application; il punit les actes ou les omissions qui violent
l'obligation de tenir à jour et en bon ordre les listes de paie, de fournir
à la Caisse nationale les renseignements qu'elle demande, de se soumettre à
son contrôle (art. 64) et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir
les accidents; il a pour but de garantir le fonctionnement de l'assurance
obligatoire contre les accidents et de protéger à cette fin ses intérêts
(RO 81 IV 118, consid. 2). Les art. 148 et 251 CP visent en revanche à
défendre le patrimoine en soi, indépendamment des rapports juridiques
particuliers existant entre l'auteur et la Caisse nationale et du
fonctionnement de l'assurance obligatoire. Le but de l'art. 66 LAMA d'une
part et celui des art. 148 et 251 CP d'autre part, de même que les biens
juridiques qu'ils protègent, sont ainsi essentiellement différents. Les
éléments constitutifs de l'escroquerie et du faux dans les titres ne
sont en outre pas les mêmes que ceux de l'infraction prévue par l'art. 66
LAMA. Les deux premiers crimes exigent la réunion de conditions que l'on
ne retrouve pas à l'art. 66 LAMA: l'auteur doit avoir, dans le dessein de
se procurer un enrichissement illégitime, astucieusement induit en erreur
la victime et l'avoir déterminée de la sorte à des actes préjudiciables
à ses intérêts pécuniaires (art. 148 CP), ou avoir commis un faux dans le
même dessein ou dans celui de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou
aux droits d'autrui (art. 251 CP); l'art. 66 LAMA réprime au contraire
la violation des obligations prévues par les art. 64 et 65 sans exiger
ni l'astuce ni un dessein particulier, l'auteur étant punissable du seul
fait d'avoir contrevenu intentionnellement à ses devoirs. La Cour cantonale
admet d'ailleurs que l'on peut tomber sous le coup de l'art. 66 LAMA sans
avoir agi dans un dessein d'enrichissement illégitime, et que "la paresse,
l'indifférence ou une hostilité de principe au système de l'assurance
obligatoire pourraient déterminer l'employeur à ne pas satisfaire aux
obligations que lui impose l'art. 64 LAMA". Même s'il était exact, comme
le prétend la Cour de cassation vaudoise, que la contravention à l'art. 64
LAMA tend le plus souvent à procurer à l'employeur un avantage indu en
lui permettant d'éluder le paiement des primes à la Caisse nationale,
il n'en resterait pas moins que l'infraction prévue par l'art. 66 LAMA
peut être commise sans que l'auteur se rende coupable en même temps d'une
escroquerie ou d'un faux. Il résulte par ailleurs des peines statuées
par l'art. 66 LAMA que cette disposition ne saurait exclure l'application
des règles du droit commun lorsque celui qui enfreint son obligation de
tenir les listes de paie à jour et en bon ordre et de renseigner la Caisse
nationale trompe cette institution, pour se procurer un enrichissement
illégitime, en l'induisant sciemment en erreur et en faisant des faux;
les peines de trois mois d'arrêts (art. 333 al. 2 CP) et cinq cents francs
d'amende au maximum ou, en cas de récidive, de six mois d'emprisonnement
et mille francs d'amende, ne répriment que la seule contravention établie
par l'art. 66 LAMA et non pas les infractions de droit commun qui peuvent
avoir été commises en concours avec elle. Il serait au surplus contraire
au système de la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents
d'admettre que l'employeur qui se rend coupable d'escroquerie et de faux
en établissant des listes de paie inexactes pour se procurer un avantage
indu au préjudice de la Caisse nationale ne serait passible que des
peines contraventionnelles prévues par l'art. 66 LAMA, alors que, selon
l'art. 99 al. 2 de cette loi, celui qui, par des manoeuvres frauduleuses,
se fait verser ou cherche à se faire verser des prestations non dues
ou qui se rend complice de pareilles manoeuvres tombe sous le coup des
dispositions du droit pénal ordinaire. Il suit de là qu'il n'y a pas en
l'espèce concours improprement dit mais concours idéal: l'art. 66 LAMA
ne vise pas sous tous leurs aspects les actes de Treyvaud mais ceux-ci,
en tant qu'ils réunissent les éléments constitutifs de l'escroquerie et
du faux dans les titres, doivent être punis en conformité des art. 148
et 251 CP.

Entscheid:

      Par ces motifs, la Cour de cassation pénale prononce:

    Le pourvoi est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.