Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 82 IV 131



82 IV 131

28. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 28 septembre 1956 dans la
cause Ministère public du canton de Genève contre Keim. Regeste

    Art. 14, 15 und 44 StGB. Welche Massnahme ist gegen einen vermindert
zurechnungsfähigen Gewohnheitstrinker anzuordnen; wann ist er nach Art. 44
StGB in eine Trinkerheilanstalt einzuweisen, wann nach Art. 14 StGB zu
verwahren oder nach Art. 15 StGB zu versorgen?

Sachverhalt

    A.- Robert Keim, né en 1916, électricien de son métier, a subi
plusieurs condamnations. Après avoir, en mai 1945, purgé une peine
d'emprisonnement sous le régime militaire, il a été, en 1947 et en
1949, condamné par les tribunaux genevois tout d'abord à quatre mois
d'emprisonnement pour des vols, des escroqueries et des abus de confiance,
puis à une amende de 300 fr. pour ivresse au volant, enfin à huit jours
d'emprisonnement pour violation d'une obligation d'entretien.

    Les abus alcooliques détournèrent Keim de tout travail régulier. En
été 1949, il dut être admis dans le service de neurologie de l'Hôpital
cantonal, à Genève, et soumis à une cure d'apomorphine. Il recommença
néanmoins à boire, commit de nouveaux vols et fut envoyé à la clinique
Bel-Air, où il séjourna de janvier 1951 jusqu'en août 1953. Il s'y
montra habile ouvrier. Peu après l'avoir quittée, il retomba dans son
intempérance, commit trois vols avec effraction au printemps 1954 et fut
condamné, au mois de juin de la même année, à dix mois d'emprisonnement,
peine qu'il purgea dans les établissements pénitenciaires de la plaine de
l'Orbe. Libéré, il commit deux nouveaux vols avec effraction au printemps
1955 et un délit manqué de vol, ce pourquoi il fut à nouveau condamné
à six mois d'emprisonnement en avril 1955. Ayant purgé cette peine, il
recommença à commettre des délits contre la propriété pour se procurer
les moyens de boire.

    B.- Le 12 janvier 1956, la Cour correctionnelle de Genève, siégeant
avec l'assistance du jury, condamna Keim pour vols (art. 137 ch. 1 CP) et
abus de confiance (art. 140 ch. 1 CP) à huit mois d'emprisonnement. Elle
ordonna en outre l'internement du condamné dans un asile pour
buveurs "après l'exécution de la peine jusqu'à décision de l'autorité
compétente". Cette décision a été prise par application de l'art. 44 CP
et vu les conclusions de l'expert d'où il résulte que Keim constitue un
danger pour la sécurité publique, que son internement dans un asile pour
buveurs est nécessaire et que les infractions commises sont en rapport
avec son intempérance habituelle.

    Saisie d'un recours par Keim, la Cour de cassation pénale du canton de
Genève, statuant le 23 mars 1956, cassa l'arrêt attaqué "en tant seulement
qu'il ordonne que l'internement de Keim dans un asile pour buveurs n'ait
lieu qu'après l'exécution de la peine d'emprisonnement" et renvoya la
cause à la Cour correctionnelle siégeant avec le jury pour qu'elle statue
à nouveau. La Cour de cassation argumente en résumé comme il suit:

    L'expert a déclaré que la responsabilité du recourant était restreinte
et qu'il présentait un danger pour la sécurité publique. C'est dès
lors l'art. 14 CP qui s'applique ou, si l'on estime que l'expert a
invoqué à tort la sécurité publique, l'art. 15 CP. C'est sans droit que
le premier juge a dit que l'internement aurait lieu après l'exécution de
la peine. Il n'aurait eu cette latitude que si l'internement avait été
prononcé en vertu de l'art. 44 CP.

    C.- Le Ministère public du canton de Genève s'est pourvu en nullité
contre cet arrêt dont il demande l'annulation.

    D.- Keim conclut au rejet du pourvoi et demande à être mis au bénéfice
de l'assistance judiciaire.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 44 CP autorise le juge à renvoyer les buveurs d'habitude
dans un asile. Keim rentre dans cette catégorie. Néanmoins et contrairement
à la Cour correctionnelle, la Cour de cassation genevoise a refusé
de prendre cette mesure contre lui et a jugé qu'il relève soit de
l'internement, soit de l'hospitalisation prévus par les art. 14 et 15
CP, suivant qu'il compromet ou non la sécurité et l'ordre publics. Elle
a posé en principe que seuls les art. 14 et 15 CP sont applicables,
à l'exclusion de l'art. 44, lorsque le buveur d'habitude est en état de
responsabilité restreinte.

    Cette interprétation de la loi est erronée. La Cour de céans a dit que
l'état de responsabilité restreinte d'un délinquant n'empêche pas le juge
de le renvoyer dans une maison d'internement ou d'éducation au travail,
pourvu que les conditions de l'art. 42 ou 43 CP soient réalisées (RO 70 IV
110; 71 IV 70). Il en va de même du renvoi dans un asile, que l'art. 44 CP
prévoit spécialement pour les buveurs d'habitude. Même si un délinquant
de cette catégorie est en état de responsabilité restreinte, même si,
en outre, il compromet la sécurité ou l'ordre publics, le juge pourra
le renvoyer dans un asile pour buveurs, pourvu que l'infraction soit en
rapport avec le penchant à la boisson (art. 44 ch. 1 CP) et que l'on puisse
escompter la guérison dans un délai de deux ans au maximum (art. 44 ch. 3
CP). La Cour de cassation genevoise invoque à tort l'avis exprimé par LOGOZ
et HAFTER. Le premier de ces auteurs affirme: "L'article 44 ne vise pas les
délinquants qui sont des alcooliques incurables" (et non "irresponsables"
d'après la citation erronée faite dans l'arrêt attaqué: Comm. ad art. 44,
no 2 a). Quant au second (Lehrbuch des schweiz. Strafrechts, partie
générale, p. 405), l'exposé qu'il fait des rapports entre les art. 44
ch. 1 CP d'une part, 14 et 15 d'autre part, n'exclut nullement que la
première de ces dispositions légales puisse également s'appliquer lorsque
le buveur d'habitude est en état de responsabilité restreinte.

    Au contraire, l'art. 14 CP s'appliquera à l'exclusion de l'art. 44
lorsque le délinquant, buveur d'habitude à responsabilité restreinte,
non seulement compromet la sécurité ou l'ordre publics (RO 73 IV
150 consid. 2), mais encore est dans un état qui rend nécessaire
son internement dans un hôpital ou dans un hospice (RO 81 IV 8,
consid. 2). Cette nécessité de l'internement est le facteur décisif qui
distingue le cas de l'art. 14. Quant à l'art. 15, il a principalement pour
but d'assurer au condamné irresponsable ou à responsabilité restreinte les
soins ou le traitement que son état peut rendre indispensables; il doit
être appliqué de telle façon qu'il n'en résulte pas, pour le délinquant,
un avantage dont serait privée toute personne qui ne serait pas sous le
coup d'une condamnation (RO 74 IV 2; 81 IV 8).

Erwägung 2

    2.- Il ne suffisait donc pas à la Cour genevoise, pour décider,
comme elle l'a fait, que l'art. 44 CP n'est pas applicable, de constater
que Keim est en état de responsabilité restreinte. Son arrêt viole le
droit fédéral sur ce point et doit être annulé. Il lui appartiendra,
tout d'abord, de rechercher si l'art. 44 CP est applicable, selon les
principes de jurisprudence rappelés plus haut, bien que la responsabilité
du condamné soit restreinte. Dans l'affirmative, elle appréciera s'il y a
lieu de surseoir à l'exécution de la peine selon l'art. 44 ch. 1 dernière
phrase. Dans la négative, au contraire, elle examinera s'il faut ordonner
soit l'internement en vertu de l'art. 14, soit l'hospitalisation en
vertu de l'art. 15 CP. Ce sont là deux mesures distinctes, qui doivent
être prononcées dans des cas différents, comme on l'a montré plus
haut. L'autorité cantonale ne peut se contenter, ainsi qu'elle l'a fait
dans l'arrêt entrepris, de dire que l'une ou l'autre est en tout cas
applicable dès lors qu'il s'agit d'un cas de responsabilité restreinte
et qu'il n'y a pas lieu, par conséquent, de rechercher si l'expert a
bien interprété la loi en affirmant que Keim compromet la sécurité ou
l'ordre publics.

Entscheid:

           Par ces motifs, la Cour de cassation pénale

    Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à
l'autorité cantonale pour que celle-ci se prononce à nouveau.