Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 82 II 159



82 II 159

23. Arrêt de la Ire Cour civile du 24 avril 1956 dans la cause Joseph
Bradbury and Sons Ltd. contre Villars. Regeste

    Art. 42 aPatG, Art. 5 UWG.

    1.  Für die Frage der Zuständigkeit ist der Zeitpunkt der Klageerhebung
massgebend (Erw. 2 a).

    2.  Art. 42 aPatG gilt auch für Klagen auf Feststellung, auf
Unterlassung und auf Zerstörung beschlagnahmter Gegenstände (Erw. 2 b).

    3.  Begehungsort i.S. von Art. 42 aPatG und 5 UWG ist nicht
nur der Ort, wo der Täter gehandelt hat, sondern auch der Ort des
Erfolgseintritts. Wie verhält es sich bei mehreren Tätern? (Erw. 2 c, 3).

    4.  Bei Wohnsitz des Beklagten im Ausland ist der schweizerische
Richter nur zuständig zur Beurteilung von Handlungen, die in der Schweiz
begangen worden sind oder hier einen Erfolg gezeitigt haben (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Julio Villars est titulaire du brevet suisse no 266 726, qui
concerne un appareil de levage pour véhicules, appelé "lift Vilver".

    La maison Bradbury and Sons Ltd. (ci-après Bradbury), à Braintree
(Grande-Bretagne), fabrique également de tels appareils. En 1955, elle en
livra deux à la maison Grossenbacher & Co. A.-G., à Berne, qui en exposa
un à Genève, au Salon de l'automobile de 1955. A la demande de Villars,
qui prétendait que l'appareil fabriqué par Bradbury était une imitation
servile de sa propre machine, l'engin exposé à Genève fut saisi, le 9
mars 1955, par mesure provisionnelle.

    B.- Le 21 avril 1955, Villars a fait assigner Grossenbacher &
Co. A.-G. et Bradbury devant la Cour de justice de Genève. Il concluait à
la validation de la saisie provisionnelle et, en outre, demandait notamment
à la juridiction cantonale de constater que Bradbury avait, avec l'aide de
Grossenbacher & Co. A.-G., indûment fabriqué et vendu le lift Bradbury,
imitation du lift Vilver; d'interdire à Bradbury et Grossenbacher de
continuer à fabriquer, utiliser ou mettre en circulation le lift Bradbury
en Angleterre et en Suisse; de les condamner solidairement à lui payer
100 000 fr. de dommages-intérêts; de constater que la maison Bradbury
avait commis des actes de concurrence déloyale en donnant des indications
inexactes ou fallacieuses sur sa marchandise, en prenant des mesures
destinées ou propres à faire naître une confusion avec les marchandises
ou l'entreprise de Villars, en exploitant les secrets ou procédés qu'elle
avait appris contrairement à la bonne foi et en exposant au Salon de Genève
l'appareil de levage Bradbury; d'ordonner la cessation de ces actes et la
suppression de l'état de fait qui en résultait; de condamner Bradbury à
lui payer 20 000 fr. pour ces actes de concurrence déloyale et d'ordonner
la destruction de l'appareil saisi ainsi que la publication de l'arrêt.

    La maison Bradbury a excipé de l'incompétence des tribunaux
suisses pour connaître de l'action dirigée contre elle et a conclu à
ce que le demandeur fût débouté, dans cette mesure, des fins de son
action. Subsidiairement, elle a offert de prouver qu'elle fabriquait
les appareils litigieux à Braintree (Angleterre), que c'est dans cette
localité qu'elle avait vendu deux appareils à Grossenbacher & Co. A.-G.,
que celle-ci s'était chargée du transport à partir du port anglais et
avait monté le lift à Genève, qu'ainsi, elle n'avait elle-même commis en
Suisse aucun acte qui pût créer un for dans ce pays.

    Par jugement incident du 10 janvier 1956, la Cour de justice de Genève
a rejeté l'exception d'incompétence.

    C.- Contre cette décision, la maison Bradbury recourt en réforme au
Tribunal fédéral en reprenant les conclusions qu'elle a formulées dans
l'instance cantonale. Elle prétend que la juridiction genevoise a violé
les art. 5 LCD et 42 LBI.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- En vertu de l'art. 49 OJ, on peut former un recours en réforme
contre les décisions incidentes prises séparément du fond par les
juridictions visées à l'art. 48 al. 1 et 2 OJ, pour violation des
prescriptions de droit fédéral au sujet de la compétence à raison de la
matière ou du lieu. En l'espèce, la décision attaquée a été rendue par
le tribunal suprême du canton de Genève et le recourant prétend que cette
juridiction a violé les prescriptions sur la compétence contenues dans les
lois fédérales sur les brevets d'invention et la concurrence déloyale. Dès
lors, les conditions exigées par l'art. 49 OJ sont remplies et le recours
de Bradbury est recevable.

Erwägung 2

    2.- a) Villars reproche en premier lieu à Bradbury d'avoir violé les
droits qui lui compètent en vertu de son brevet et il fonde, dans cette
mesure, son action sur l'art.42 al. 2 et 3 de la loi fédérale sur les
brevets d'invention du 21 juin 1907. C'est avec raison qu'il invoque cette
loi. En effet, pour juger la question de la compétence, il faut se reporter
au moment de l'introduction de l'action. Or, en avril 1955, la loi de 1907
était encore applicable, la nouvelle loi sur les brevets d'invention du
25 juin 1954 n'étant entrée en vigueur que le 1er janvier 1956.

    b) Le texte de l'art. 42 LBI de 1907 ne par le que des "demandes
en indemnité". Mais cette disposition s'applique aussi aux actions en
constatation, en cessation d'un acte et en destruction d'objets saisis en
Suisse. Le législateur n'a pu vouloir que, pour le même état de fait,
on doive intenter deux procès devant des juges différents pour peu
que l'on ne conclue pas uniquement à l'allocation de dommages-intérêts
(cf. WEIDLICH et BLUM, Das schweizerische Patentrecht, II, ad art. 42
rem. 3 b al. 1, et, pour le droit allemand, REIMER, Patentgesetz, II, ad
§ 47 rem. 98). Aussi bien les règles de for que contient la nouvelle loi
du 25 juin 1954 s'appliquent-elles expressément à toutes les actions que
peut intenter le titulaire du brevet (cf. art. 72 et suiv., en particulier
art. 75). De même, le Tribunal fédéral a jugé, sous l'empire de l'ancienne
loi des 29 juin 1888/23 septembre 1893, que le titulaire du brevet pouvait
intenter des actions en constatation de droit ou en cessation du trouble
bien que l'art. 25 de cette loi ne parlât que d'"indemnités civiles"
(RO 29 II 355). Du reste, Bradbury paraît admettre cette interprétation
extensive de l'art. 42 LBI de 1907.

    c) La recourante prétend cependant qu'elle n'a eu aucune activité en
Suisse, de sorte que, si elle a violé les droits de Villars, elle n'a pu
le faire qu'en Angleterre; dès lors, Genève ne serait pas le lieu de la
commission selon l'art. 42 LBI de 1907.

    L'art. 42 LBI institue des fors identiques pour l'action pénale et
l'action civile (cf. SCHURTER et FRITZSCHE, Das Zivilprozessrecht der
Schweiz, I, p. 460/1). Or, selon un principe fondamental du droit pénal,
une infraction est réputée commise tant au lieu où l'auteur a agi qu'au
lieu où le résultat s'est produit (cf. art. 7 CP). Ce même principe
doit donc s'appliquer également au for de l'action civile institué
par l'art. 42 LBI de 1907. Du reste, on admet de façon générale que,
lorsque la loi de procédure civile crée un for au lieu de commission de
l'acte illicite, l'action peut être intentée non seulement à l'endroit où
l'auteur a agi, mais aussi au lieu où l'acte a sorti effet (cf. LEUCH,
Die Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 3e éd., ad art. 26 rem. 5;
SCHÖNKE, Zivilprozessrecht, 5e éd., p. 133).

    Il suffit donc, pour que la recourante puisse être actionnée à
Genève, qu'elle ait contribué par ses actes à ce qu'un de ses appareils
fût exposé au Salon de Genève, c'est-à-dire à ce qu'il y fût mis en vente
selon l'art. 38 LBI. Peu importe que les actes eux-mêmes aient été commis
à l'étranger; de même, il est indifférent que la recourante ne se soit
pas occupée du transport en Suisse.

    Or il est certain que l'exposition de l'appareil à Genève n'a pu
avoir lieu sans la collaboration de Bradbury. A cet égard, il importe
peu de savoir si la recourante est intervenue comme coauteur ou comme
complice. Car le complice commet aussi un acte illicite selon le
droit civil et le for de la commission lui est également applicable
(cf. STEIN/JONAS/SCHÖNKE, Kommentar zur Zivilprozessordnung, 17e éd.,
ad § 32 rem. III/3). En outre, on pourrait retenir un acte de complicité
même si Bradbury n'avait agi que par négligence. Mais il n'est pas douteux
qu'elle savait que les appareils vendus à Grossenbacher & Co. A.-G. étaient
destinés à la Suisse.

    La recourante relève enfin qu'aux termes de l'art. 42 LBI de 1907,
sont compétents pour juger les plaintes les tribunaux du lieu où le délit
a été commis ou du domicile du délinquant et, si plusieurs personnes sont
impliquées dans l'affaire, du domicile de l'un des délinquants; elle
en conclut que, si l'acte illicite est le fait de plusieurs personnes,
l'action ne peut être intentée qu'au domicile de l'une d'elles. Mais cette
interprétation est erronée. Il est manifeste, en effet, que l'art. 42
permet toujours d'introduire l'action au lieu de la commission. C'est
seulement le second des fors alternatifs prévus par l'art. 42 qui, en
cas de pluralité d'auteurs, est remplacé par le for du domicile de l'un
d'eux. Du reste, le texte allemand de cette disposition ne laisse aucun
doute sur ce point.

Erwägung 3

    3.- La maison Bradbury est aussi actionnée en vertu de la loi sur la
concurrence déloyale. L'art. 5 de cette loi permet de porter l'action
devant le juge du lieu où l'acte a été commis, si le défendeur n'a pas
de domicile en Suisse. Or cette disposition entend également, par lieu
de la commission, tant l'endroit où l'auteur de l'atteinte a agi que le
lieu où le résultat s'est produit. La recourante soutient, il est vrai,
que le résultat qui s'est produit à Genève ne procède pas de ses propres
actes, mais de ceux de Grossenbacher & Co. A.-G. Cependant il importe peu,
au regard de l'art. 5 LCD, qu'elle ait dû agir par un intermédiaire; elle
n'ignorait pas que la livraison à Grossenbacher & Co. A.-G. aurait pour
effet que ses appareils de levage seraient mis en vente en Suisse. Dès
lors, l'action fondée sur la loi sur la concurrence déloyale pouvait
également être intentée à Genève.

Erwägung 4

    4.- La Cour de justice paraît cependant avoir considéré qu'elle était
compétente pour statuer sur toutes les conclusions du demandeur. Cette
opinion est erronée. (Lorsque le défendeur est domicilié à l'étranger,
réd.) les tribunaux suisses ne peuvent connaître de violations de brevets
ou d'actes de concurrence déloyale, en vertu des art. 42 LBI et 5 LCD,
que dans la mesure où ces actes ont été commis ou ont sorti effet en
Suisse. Il en résulte que la Cour de justice de Genève ne saurait prendre
des mesures visant la fabrication des appareils de levage en Angleterre;
elle ne pourrait donc l'interdire. De même, elle n'est pas compétente
pour se prononcer sur les ventes effectuées hors de Suisse et ne saurait,
par exemple, allouer des dommagesintérêts au demandeur pour de tels actes.

    En revanche, si un juge suisse est saisi en vertu des art. 42 LBI et
5 LCD, il est compétent pour connaître de tous les actes du défendeur qui
ont été commis ou ont produit un résultat en Suisse. Les fors institués
par ces dispositions sont en effet des fors de droit fédéral et on ne
saurait exiger du demandeur qu'il intentât un procès dans chaque canton
où les actes incriminés ont été commis ou ont sorti effet.

Entscheid:

          Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

    Le recours est rejeté dans le sens des motifs.