Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 82 II 132



82 II 132

18. Arrêt de la Ire Cour civile du 31 janvier 1956 dans la cause Regamey
contre Pasquier. Regeste

    Art. 55 Abs. 1 lit. c OG. Unzulässigkeit neuer tatsächlicher Vorbringen
vor dem Bundesgericht (Erw. 1).

    Versorgerschaden, Art. 45 Abs. 3 OR. Anspruch des Ehemannes aus
Versorgerschaden beim Tod der Ehefrau, die eine Erwerbstätigkeit ausgeübt
hat? Schadensberechnung (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Georges Regamey, né en 1913, vendit en 1951 son entreprise de
peinture pour reprendre, avec son épouse, l'exploitation du café du Chalet,
à Renens. Dame Regamey, qui était sommelière de son métier, passa avec
succès l'examen de cafetier et obtint la patente à son nom. C'est elle
qui dirigeait l'établissement, avec l'aide de son mari.

    Le 18 mars 1952, elle se rendit à Lausanne dans la voiture de Louis
Pasquier. Au retour, celle-ci se jeta contre un camion. Grièvement blessée,
dame Regamey décéda quelques jours plus tard.

    Par la suite, Regamey obtint le certificat de capacité pour
l'exploitation d'un café-restaurant, ainsi que la patente. Il assuma
lui-même la direction du café du Chalet.

    B.- Le 15 août 1953, Regamey a actionné Pasquier, devant le Tribunal
cantonal vaudois, en paiement de 46 946 fr. 55, avec intérêt à 5% dès le
19 février 1953.

    Par jugement du 2 septembre 1955, cette juridiction a constaté que
le défendeur était responsable, en vertu de l'art. 37 LA, des suites de
l'accident et elle l'a condamné à payer à Regamey 3556 fr. 55 pour les
frais d'inhumation, la perte provoquée par la fermeture du café du 22 au 24
mars 1952 et les frais du cours pour cafetiers qu'il avait dû suivre. En
outre, elle a alloué au demandeur 8000 fr. pour sa perte de soutien et
3000 fr. à titre de réparation morale, ainsi que l'intérêt de toutes ces
sommes à partir du 19 février 1953. Elle a rejeté l'action pour le surplus.

    C.- Contre ce jugement, Regamey a recouru en réforme au Tribunal
fédéral. Il se plaint uniquement de la somme qui lui a été allouée pour sa
perte de soutien et il conclut à ce qu'elle soit portée à 39 868 fr. 55.

    L'intimé a proposé le rejet du recours. Par la suite, il a informé
le Tribunal fédéral que Regamey s'était remarié le 29 mars 1955.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La juridiction fédérale de réforme fonde son arrêt sur les faits
constatés par la dernière autorité cantonale (art. 63 al. 2 OJ) et l'acte
de recours ne peut contenir de faits nouveaux (art. 55 al. 1 litt. c
OJ). Or le remariage de Regamey est un tel fait, puisqu'il n'a pas été
allégué dans la procédure cantonale et que la juridiction vaudoise ne le
mentionne point dans son jugement. Le Tribunal fédéral ne saurait donc
en tenir compte dans la présente procédure.

Erwägung 2

    2.- Selon la juridiction cantonale, le rendement brut du café du
Chalet a diminué de 7900 fr. pendant l'exercice 1952-1953, qui suivit le
décès de dame Regamey; toutefois, cette baisse est due pour une part au
temps défavorable et au fait que la commune de Renens n'a pas autorisé de
kermesse durant cette période; actuellement, le café marche bien et Regamey
est parvenu à remplacer son épouse dans la direction de l'établissement;
il ne paraît pas qu'il ait dû engager du personnel supplémentaire et
les frais généraux du commerce sont restés sensiblement les mêmes;
par conséquent, le décès de dame Regamey n'a causé au demandeur aucune
atteinte permanente dans son genre de vie.

    Regamey critique ces constatations, qui reposeraient soit sur des
hypothèses gratuites, soit sur des témoignages sujets à caution. Mais ce
point du jugement cantonal relève uniquement du fait et échappe donc à la
censure du Tribunal fédéral, à moins que les constatations attaquées ne
procèdent d'une répartition erronée du fardeau de la preuve ou n'aient
été viciées par une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ). Or le
recourant ne prétend pas que l'une ou l'autre de ces dernières conditions
soit remplie.

Erwägung 3

    3.- Ainsi que le Tribunal fédéral l'a jugé dans l'arrêt qu'il a
rendu aujourd'hui dans la cause Rossier et consorts c. Assurance Mutuelle
Vaudoise (RO 82 II 38), une femme peut être considérée comme le soutien
de son mari même si elle ne fait que tenir son ménage. C'est le cas
à plus forte raison si, comme dame Regamey, elle exerce une activité
professionnelle lucrative dont le mari bénéficie (cf. en outre RO 57
II 182). Celui-ci ne peut cependant prétendre à des dommages-intérêts
pour perte de soutien que si, par suite du décès de son épouse, il
subit une atteinte pécuniaire dans son genre de vie conforme à son état
(cf. également RO 57 II 182, 59 II 463). Pour juger si cette condition est
remplie, il faut comparer la situation qu'il a avec celle dans laquelle
il se serait trouvé si sa femme n'était pas décédée prématurément.

    Or Regamey a pu, après une période d'adaptation, remplacer son épouse
dans la direction du café du Chalet. Actuellement, celui-ci marche bien
et son exploitation ne produit pas un bénéfice inférieur à celui qu'elle
procurait du vivant de dame Regamey. Dès lors, le recourant ne subit pas
une atteinte permanente dans son genre de vie et ne saurait prétendre à
réparation que pour la période transitoire pendant laquelle le rendement
a effectivement baissé. Au surplus, même si la réduction du bénéfice était
durable, elle ne donnerait droit à des dommages-intérêts que dans la mesure
où le montant de cette diminution serait supérieur aux frais d'entretien
de dame Regamey, frais que le recourant ne supporte plus aujourd'hui
(cf. arrêt Rossier et consorts c. Assurance Mutuelle Vaudoise). Enfin,
une indemnité pour atteinte permanente est d'autant moins justifiée que,
dans le cas d'un cafetier qui, tel Regamey, est encore jeune, un remariage
est très probable.

    Pour la période d'adaptation, la juridiction cantonale a alloué
8000 fr. au recourant, montant qu'elle a déterminé équitablement en
considération du cours ordinaire des choses (art. 42 al. 2 CO). Si
l'on tient compte que le rendement de l'établissement a baissé de 7900
fr. pendant l'exercice 1952-1953, que cette diminution n'est cependant due
qu'en partie à l'absence de dame Regamey, qu'il est probable, en outre,
que cette baisse s'est encore maintenue, quoique dans une moindre mesure,
durant un ou deux exercices, qu'il faut cependant imputer sur ces pertes
les frais d'entretien épargnés par le recourant, le montant de 8000
fr. arrêté par la juridiction cantonale paraît suffisant et le Tribunal
fédéral n'a aucune raison de l'augmenter.

Erwägung 4

    4.- Le recourant prétend enfin que, si son épouse n'était pas décédée,
il aurait pu exécuter des travaux de peinture que la SA Sagepco et la
gérance Guillerey avaient l'intention de lui confier. Mais, selon la
juridiction cantonale, il n'est nullement établi que ces maisons eussent
recouru aux services de Regamey. Cette constatation lie le Tribunal
fédéral et enlève toute base à la prétention que le recourant fait valoir
sur ce point.

    Ainsi, le recours en réforme n'est pas fondé et le jugement cantonal
doit être confirmé.