Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 81 I 378



81 I 378

60. Arrêt du 16 décembre 1955 dans la cause Jaman SA contre Département
fédéral de l'économie publique. Regeste

    Art. 102 OG.  Mit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde können dem
Bundesgericht nur Angelegenheiten unterbreitet werden, mit denen sich
schon die Vorinstanz zu befassen hatte (Erw. 1).

    Art. 109 Abs. 1 OG.

    Wirkliche Tragweite der Rechtsbegehren (Erw. 1).

    Art. 4 Abs. 1 lit. d UB.

    Unter welchen Voraussetzungen kann eine Unternehmung, die bisher
einen Teil der für ihre Fabrikation erforderlichen Verrichtungen durch
Unterakkordanten hat besorgen lassen, diese Arbeiten selbst ausführen?

    -  Wann steht dem der Ingress von Art. 4 Abs. 1 entgegen? (Erw. 2
und 3).

    -

    -  Anwendung auf eine Uhrensteinfabrik (Erw. 4 und 5).

Sachverhalt

    A.- Jaman SA, fabrique de pierres pour l'horlogerie, à Lausanne, a
succédé, en 1952, à une entreprise qui avait été mise en faillite. Elle
avait alors le droit d'occuper 21 ouvriers, y compris les trois unités
supplémentaires prévues par l'art. 10 al. 1 OIH. En 1953, le Département
fédéral de l'économie publique (en abrégé: le Département), considérant
que la recourante cherchait à améliorer la qualité de ses produits et
devait pouvoir, vu l'extension prise par ses affaires, vérifier mieux le
travail que lui fournissaient les sous-traitants, l'a autorisée à engager
six ouvriers de plus pour développer le polissage et le visitage.

    En 1954, Jaman SA, faisant état d'un nouvel accroissement de
son activité, demanda une seconde augmentation de son personnel pour
entreprendre le grandissage, qu'elle avait précédemment confié à des
sous-traitants. Le 18 janvier 1955, le Département admit une augmentation
de trois unités, mais pour le visitage seulement.

    Enfin, le 24 mars 1955, Jaman SA demanda l'autorisation d'engager
six nouveaux ouvriers, dont quatre seraient affectés au visitage et deux
au polissage. Le 18 juillet 1955, le Département accorda l'autorisation
de porter l'effectif de 30 à 32 unités pour le visitage, en bref par les
motifs suivants:

    La requérante est en mesure de procurer une occupation de longue
durée au personnel supplémentaire qu'elle demande. Cependant, l'industrie
de la pierre pour l'horlogerie est dans une situation défavorable, à
l'heure actuelle. Il ne serait pas indiqué de priver certains ateliers
de façonnage des commandes de la requérante et d'accroître ainsi leurs
difficultés. Jaman SA a du reste été, il y a peu de temps, autorisée à
augmenter le nombre de ses ouvriers. Une nouvelle augmentation ne peut
être accordée que pour le visitage, qui permet d'améliorer la qualité
des produits.

    B.- Jaman SA a formé un recours de droit administratif. Elle conclut
principalement à l'annulation de la décision entreprise et subsidiairement,
à ce qu'une autorisation lui soit accordée d'augmenter son personnel de
quinze unités, le nouveau personnel ainsi engagé devant être affecté
essentiellement au visitage. Dans son recours et sa réplique, elle
argumente en résumé comme il suit:

    L'augmentation sollicitée était destinée à renforcer le visitage et
subsidiairement le polissage. La première de ces opérations est essentielle
pour la qualité; actuellement et faute de personnel, elle ne peut plus
être exécutée avec un soin suffisant, ce qui a entraîné des plaintes de
la clientèle. L'entreprise, qui a des bases extrêmement solides, est en
plein développement. La législation horlogère ne peut avoir pour but de
freiner cette expansion. Le Département n'a pas non plus pour rôle de
défendre les intérêts des sous-traitants. D'ailleurs, l'augmentation du
personnel préposé au visitage ne saurait leur nuire. Les commandes qui
leur sont faites ne diminueront pas. La recourante affirme, en produisant
des statistiques, que jusqu'à la fin de 1954, ces commandes ont augmenté.

    C.- Dans sa réponse et sa duplique, le Département conclut au rejet
du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Dans la procédure administrative, la recourante avait demandé
l'autorisation d'augmenter le nombre de ses ouvriers, mais elle avait
limité sa requête à six unités. Elle n'est pas recevable aujourd'hui à en
réclamer quinze; le recours de droit administratif ne permet de porter
devant le Tribunal fédéral que les causes qui ont été préalablement
soumises à l'autorité compétente (RO 65 I 145, consid. 2; 69 I 100).

    La recourante critique la décision du Département dans la mesure où
elle n'a obtenu qu'une augmentation de deux ouvriers - et non pas de six.
Formellement, elle demande, il est vrai, l'annulation pure et simple de
cette décision, mais celle-ci n'est pas, néanmoins, mise en cause dans
la mesure où elle accorde deux ouvriers, vu les fins réelles du présent
recours (RO 69 I 260) et attendu que la Chambre suisse de l'horlogerie
n'a pas recouru de son côté (RO 80 I 285, consid. 3; 287, consid. 4 c). Il
s'agit donc uniquement de savoir s'il y a lieu d'accorder une augmentation
supplémentaire de quatre unités.

Erwägung 2

    2.- La recourante est une fabrique de pierres pour l'horlogerie. A
ce titre, elle a le droit de faire toutes les opérations que nécessite
la fabrication, sauf le perçage. Elle ne les a effectivement pas toutes
pratiquées, mais elle a le droit de les entreprendre pourvu que, ce
faisant, elle n'augmente pas le nombre de ses ouvriers, car une telle
augmentation ne peut avoir lieu sans une autorisation préalable (art. 3
al. 1 AIH), dont les conditions sont fixées par l'art. 4 al. 1 lit. d
et 4 al. 2 lit. b AIH, sous les réserves formulées par les préambules de
ces dispositions légales.

Erwägung 3

    3.- L'art. 4 al. 1 lit. d AIH autorise l'augmentation du nombre des
ouvriers si le requérant "prouve qu'il est en mesure de procurer à ce
personnel supplémentaire une occupation de longue durée". Lorsque les
besoins de la clientèle augmentent et que la production, dans une branche
donnée, s'accroît progressivement, il suffit aux entrepreneurs de cette
branche de rapporter la preuve qu'exige l'art. 4 al. 1 lit. d pour obtenir
l'autorisation d'augmenter le nombre de leurs ouvriers. Lorsqu'en revanche,
le volume total des besoins reste stationnaire ou diminue, l'augmentation
de la production dans une entreprise devrait nécessairement correspondre
à une diminution dans d'autres. Celles-ci, cependant, s'efforceraient
de rétablir leur ancien niveau de production. Il y aurait donc un
accroissement excessif de l'appareil de production qui risquerait,
en définitive, de porter préjudice à la plupart des entreprises de la
branche. Or, l'un des buts de l'arrêté du 22 juin 1951 est précisément de
prévenir un tel accroissement excessif. Dans de telles circonstances, on
examinera donc toute demande d'augmentation du nombre des ouvriers sous
l'angle du préambule à l'art. 4 al. 1 AIH qui réserve les "importants
intérêts de l'industrie horlogère dans son ensemble ou d'une de ses
branches dans son ensemble".

    Cependant, le statut de l'horlogerie n'a pas pour but de garantir sa
clientèle à chaque entreprise, ni d'empêcher une certaine concurrence.
L'intérêt de l'industrie dans son ensemble exige que les entreprises qui
se distinguent par leurs qualités industrielles ou commerciales progressent
aux dépens de celles dont l'exploitation est défectueuse. Il s'ensuit que,
même dans une période où les affaires sont stationnaires, l'entreprise
bien gérée et en plein développement doit être autorisée à accroître
périodiquement son appareil de production dans la mesure où l'accroissement
de sa clientèle est due à ses qualités particulières. Les augmentations
seront échelonnées et progressives, afin d'éviter des bouleversements qui
risqueraient de léser la branche dans son ensemble. Cette mesure permettra
en outre de mieux contrôler l'ampleur et la stabilité du besoin, ce à
quoi incite le texte de l'art. 4 al. 1 lit. d, selon lequel le requérant
doit prouver qu'il pourra employer son nouveau personnel pendant une
longue durée.

Erwägung 4

    4.- a) Le Tribunal fédéral retient que, dans l'industrie de la pierre,
la situation actuelle est défavorable et précaire, notamment en raison de
la concurrence étrangère. Le Département l'a affirmé dans les considérants
de sa décision et l'a rappelé dans la réponse au recours. La recourante
n'a pas contredit cette affirmation. C'est dès lors en tenant compte de
cette situation générale que la demande d'augmentation du nombre de ses
ouvriers présentée par la recourante doit être examinée.

    b) Le Département a considéré en premier lieu qu'une augmentation du
nombre des ouvriers ne doit pas être accordée lorsque le requérant se
propose, par ce moyen, d'entreprendre dans ses ateliers des opérations
qui rentrent dans la fabrication, mais que, jusqu'ici, il confiait à
des sous-traitants. Dans sa décision du 18 janvier 1955, le Département
avait en outre réservé le cas où les soustraitants ne sont pas en mesure
de fournir un travail satisfaisant dans des délais normaux.

    Ces principes se justifient du point de vue de l'art. 4 al. 1 AIH
(préambule). En effet, s'il était admis d'une manière générale que les
fabricants ont le droit d'augmenter le nombre de leurs ouvriers, afin
d'effectuer dorénavant dans leurs propres ateliers les travaux précédemment
confiés à des sous-traitants, les catégories professionnelles auxquelles
ceux-ci appartiennent se trouveraient lésées dans leur ensemble. Or
ces catégories constituent presque toujours des branches distinctes de
l'industrie horlogère, branches dont les intérêts généraux doivent être
protégés de par le préambule à l'art. 4 al. 1 AIH. Dans le cas visé,
l'application de la lit. d se heurte à ce principe.

    Au surplus, l'augmentation du nombre des ouvriers, dans ces
circonstances, ne serait pas la conséquence d'une augmentation des
commandes; elle résulterait simplement de l'intention de modifier
l'organisation interne de l'exploitation en diminuant, au profit du travail
exécuté dans les propres ateliers de l'entreprise, la part confiée aux
sous-traitants.

    Même si les commandes externes sont en hausse, il convient, en
accordant une demande d'augmentation du nombre d'ouvriers, de veiller
à ce que l'entreprise maintienne, pour les nouvelles commandes, la même
répartition entre ses ateliers propres et les sous-traitants, tant que
la capacité de production de la branche à laquelle ceux-ci sont rattachés
n'est pas utilisée entièrement. En effet, une augmentation de l'appareil
de production, affectant une branche dont la situation est précaire,
lèse les intérêts de la branche dans son ensemble.

    c) En revanche, dans la mesure où la nouvelle maind'oeuvre est affectée
à des travaux qui étaient précédemment déjà effectués dans les propres
ateliers de l'entreprise, l'augmentation du nombre des ouvriers ne lèse
pas les sous-traitants, mais les concurrents directs, c'est-à-dire ceux
de la même branche. A leur égard, on appliquera les principes posés plus
haut (consid. 3).

Erwägung 5

    5.- Le Département ne s'est pas écarté de ces principes dans
ses décisions sur les diverses demandes d'augmentation du nombre des
ouvriers que lui a soumises la recourante et notamment dans la décision
attaquée. Jaman SA a commencé son exploitation propre en 1952. Après un
peu plus d'un an, à la fin de 1953, et vu l'accroissement très sensible
des commandes, le nombre des ouvriers a été porté de 21 à 27, cette
augmentation devant affecter essentiellement le terminage. L'effectif a
été ensuite et successivement porté à 30 unités, en janvier 1955, puis
à 32, le 18 juillet 1955, compte tenu des besoins du terminage. Cette
dernière décision fait l'objet du présent recours.

    Il y a donc eu des augmentations échelonnées et progressives. Elles
devaient être mesurées à la nécessité, d'une part, de ne pas empêcher le
développement d'une entreprise qui manifestait des qualités particulières
et, d'autre part, de ne pas porter atteinte aux intérêts importants
de la branche en autorisant un accroissement excessif de l'appareil
de production. Comme l'a relevé le Département, la mesure exacte dans
laquelle une telle augmentation doit être accordée est essentiellement
une question d'appréciation, qui, le litige ne concernant pas le domaine
des impôts (art. 104 al. 2 OJ), échappe à la censure du Tribunal fédéral
saisi par la voie du recours de droit administratif. La Cour de céans
ne pourrait intervenir que si l'autorité avait excédé les limites de son
pouvoir discrétionnaire. Tel n'est pas le cas dans la présente espèce.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.