Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 81 I 369



81 I 369

58. Arrêt du 2 décembre 1955 dans la cause Laurent contre Office fédéral
des assurances sociales. Regeste

    Art. 113 Abs. 3 BV.

    Frage der Gesetzmässigkeit einer Verordnung des Bundesrates, die
sich auf.. eine in einem Bundesgesetz enthaltene Delegation stützt.
Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts (Erw. 2).

    Art:. 17 Ziff. 7 Verordnung I über die Unfallversicherung.

    -  Übereinstimmung mit Art. 60bis Ziff. 1 lit. c KUVG (Erw.  3).

    - Unterstellung einer Unternehmung, die Uhrengläser aus festem
Kunststoff herstellt, unter die obligatorische Unfallversicherung
(Erw. 3 f.).

Sachverhalt

    A.- Laurent exploite, à Genève, un atelier où il fabrique des verres
de montres en plexiglas. Le 14 juillet 1954, la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents a décidé d'assujettir cette entreprise
à l'assurance obligatoire. Sur recours de Laurent, l'Office fédéral des
assurances sociales a confirmé cette décision, le 17 mars 1955, en bref
par les motifs suivants:

    Le recourant reconnaît lui-même qu'il travaille mécaniquement une
matière plastique synthétique. Son entreprise rentre donc dans la catégorie
que vise l'art. 17 ch. 7 de l'ordonnance I sur l'assurance-accidents. Pour
être assujetties à l'assurance obligatoire, les exploitations de cette
catégorie doivent être dangereuses au sens de l'art. 60bis ch. 1 lit.
c LAMA, mais elles remplissent généralement cette condition, du fait
surtout qu'elles utilisent des machines. Effectivement, les machines
utilisées dans l'atelier du recourant présentent des dangers comparables
à ceux que l'on trouve dans beaucoup d'autres entreprises assujetties,
notamment dans l'horlogerie.

    B.- Contre cette décision, Laurent a formé un recours de droit
administratif. Il conclut à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral dire que
son entreprise n'est pas soumise à l'assurance obligatoire contre les
accidents. Son argumentation se résume comme il suit:

    La décision attaquée se fonde sur des constatations de fait incomplètes
et, en conséquence, partiellement inexactes: elle ne mentionne pas
la puissance des appareils employés, puissance qui ne dépasse pas 1/4
HP. Cela suffit pour exclure qu'ils puissent être dangereux. Il résulte à
contrario du texte de l'art. 60bis ch. 1 LAMA qu'il existe des machines
non dangereuses et que les entreprises qui n'en emploient pas d'autres
ne sont pas soumises à l'assurance obligatoire. Tel est le cas de celle
du recourant; il était faux de l'assujettir, argument pris des machines
qu'elle emploie.

    C.- L'Office fédéral des assurances sociales conclut au rejet du
recours.

    D.- Une délégation du Tribunal fédéral a visité, outre celle du
recourant, quatre autres entreprises qui travaillent des matières
plastiques synthétiques à l'aide de machines.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 99 ch. X OJ ouvre la voie du recours de droit administratif
contre les décisions de l'Office fédéral des assurances sociales concernant
l'assujettissement à l'assurance contre les accidents. Le Tribunal fédéral
est donc compétent pour connaître du présent recours.

Erwägung 2

    2.- L'art. 60 LAMA assujettit obligatoirement certaines catégories
d'entreprises à l'assurance contre les accidents; l'art. 60bis autorise
en outre le Conseil fédéral à assujettir d'autres catégories encore et
notamment (ch. 1 lit. c) les "entreprises industrielles et commerciales
faisant usage d'installations ou de machines dangereuses". Se fondant
sur cette disposition légale, le Conseil fédéral, par l'art. 17 ch. 7 de
l'ordonnance I sur l'assurance-accidents, du 25 mars 1916 (texte nouveau
introduit par l'ordonnance du 21 décembre 1953), a déclaré l'assurance
applicable "aux entreprises travaillant mécaniquement le métal, le bois,
le liège, la pierre ou les matières plastiques synthétiques dans leurs
propres ateliers ou dans les ateliers d'autres entreprises".

    Implicitement tout au moins, le recourant allègue que, par l'art. 17
ch. 7 de l'Ordonnance I, le Conseil fédéral a excédé les pouvoirs que lui
conférait l'art. 60bis ch. 1 lit. c LAMA. Le Tribunal fédéral peut examiner
cette question. Il est tenu d'appliquer les lois votées par l'Assemblée
fédérale et les arrêtés de cette assemblée qui ont une portée générale
(art. 113 al. 3 Cst.); s'agissant, en revanche, d'ordonnances que le
Conseil fédéral prend, comme en l'espèce, de par une délégation des
Chambres fédérales contenue dans une loi, il peut en principe contrôler
non pas la constitutionnalité de la délégation, mais bien si l'arrêté
outrepasse les limites du pouvoir concédé; dans la négative, cet arrêté
ne le lie pas (RO 68 II 317, consid. 2 lit. a).

    De ce point de vue, on relève une certaine divergence entre la
délégation et l'ordonnance qui en fait usage. Tandis que l'art. 60bis
LAMA vise l'emploi de "machines" dangereuses, l'oronnandce I adopte comme
facteur distinctif le travail exécuté "mécaniquement". Il n'est cependant
pas nécessaire de rechercher si cette divergence dans les termes emporte,
au fond, un dépassement du pouvoir délégué. Car, en l'espèce, l'entreprise
du recourant emploie bien des machines.

    Reste à savoir si le Conseil fédéral était fondé à considérer en
principe comme "machines dangereuses" au sens de l'art. 60bis ch. 1
lit. c LAMA les machines qui servent à travailler les matières plastiques
synthétiques.

    Dans les diverses entreprises qu'il a visitées, le Tribunal fédéral a
vu que, pour la fabrication d'objets divers, la matière synthétique est
soit concassée, fondue et pressée, soit façonnée par découpage, sciage,
perçage, etc. Pour ces travaux, on emploie des machines dont certaines
sont dangereuses par leur puissance même, ainsi les presses; d'autres le
sont par les pièces aiguës, coupantes ou simplement rugueuses qui sont
mues par la force mécanique, souvent à une très grande vitesse, ainsi les
concasseuses, les scies à ruban ou circulaires, les burins à découper,
les meules. De plus, la plupart des machines comportent des courroies de
transmission généralement à portée de l'ouvrier et qui, lorsqu'elles ne
sont pas couvertes par un dispositif de protection, peuvent saisir soit
une main ou un doigt, soit des cheveux ou une pièce de vêtement flottante,
etc. et provoquer ainsi de graves accidents.

    Le Conseil fédéral a donc pu, sans s'écarter de la délégation
légale, décider, en principe et abstraitement que les entreprises qui
travaillent les matières plastiques synthétiques avec des machines -
sinon mécaniquement - font usage de "machines dangereuses" au sens de
l'art. 60bis ch. 1 lit. c LAMA.

Erwägung 3

    3.- L'atelier du recourant présente les caractères qui justifient son
assujettissement de par les art. 60bis ch. 1 lit. c précité et 17 ch. 7
de l'ordonnance I. Il sert à la production en grand nombre de verres
de montres de types uniformes, de sorte qu'il s'agit incontestablement
d'une entreprise industrielle. On y met en oeuvre une matière plastique
synthétique, laquelle se présente sous forme de feuilles, c'est-à-dire
sous une forme solide, comme l'exige tout au moins le texte allemand de
l'art. 17 ch. 7 de l'ordonnance I ("feste Kunststoffe"; texte français:
"matières plastiques synthétiques"; texte italien: "materie plastiche
sintetiche"). Enfin, on utilise des machines pour la fabrication.

Erwägung 4

    4.- Le recourant objecte que les machines qu'il emploie ne présentent
aucun danger. Il n'est pas nécessaire de rechercher, en l'espèce, si,
dans le cas où il en irait bien ainsi, il y aurait lieu de faire une
exception au principe selon lequel on admet que les machines appliquées
au travail de matières plastiques synthétiques sont dangereuses au
sens de l'art. 60bis ch. 1 lit. c LAMA (cf. RO 77 I 86, consid. 1,
al. 2). Car les machines qu'utilise Laurent sont dangereuses, tout au
moins l'une d'entre elles, qui sert au découpage, dans les feuilles de
matière première, des rondelles à partir desquelles on façonne les verres
de montres. Cette machine se compose essentiellement d'un axe mobile et
vertical qui, mû par un levier que l'ouvrier actionne à la main, appuie
sur la face supérieure de la feuille mise en oeuvre et, poussant cette
feuille vers le bas, en présente la face inférieure à un burin tournant
en cercle autour d'un axe vertical. Ce burin découpe la rondelle. Son
axe est entraîné par une courroie de transmission, elle-même reliée à
un moteur électrique. Même si le moteur n'a qu'une faible puissance, la
vitesse qu'il imprime au burin rend cet outil manifestement dangereux. La
machine est donc dangereuse; peu importe qu'elle soit ou non munie de
dispositifs protecteurs plus ou moins efficaces. Le recourant ne saurait,
en faveur de sa thèse, tirer argument de ces dispositifs.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.