Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 81 I 35



81 I 35

7. Arrêt du 9 mars 1955 dans la cause Canton de Genève contre Confédération
suisse. Regeste

    1.  Begriff des Kompetenzkonflikts im Sinne von Art. 83 lit. a OG
(Erw. 1).

    2.  Gehören zu den "Flugplatzgebühren", die nach Art. 39 des eidg.
Luftfahrtgesetzes der Genehmigung des eidg. Luftamtes unterliegen, auch
die Gebühren, die der Flugplatzhalter auf der Abgabe von Flugtreibstoff und
Flugmotorenöl (Ausschankgebühren) und für das Wägen der Luftfrachtsendungen
(Waaggebühren) erhebt? (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- En vertu de l'art. 37 de la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur
la navigation aérienne (LNA), "des aérodromes ouverts à la navigation
publique ne peuvent être créés et exploités qu'en vertu d'une concession,
qui est octroyée par le Département des postes et des chemins de fer".

    Le 20 novembre 1951, le canton de Genève a obtenu "la concession
pour l'exploitation commerciale de l'aéroport de Genève-Cointrin", dont
il est propriétaire. Il a ainsi diverses obligations. Il doit notamment
"prendre les mesures nécessaires pour assurer l'exploitation de l'aérodrome
dans les meilleures conditions" et veiller à ce que les carburants et
lubrifiants dont les aéronefs ont besoin leur soient livrés. Il a d'autre
part le droit de "percevoir des taxes pour l'utilisation de l'aéroport et
de ses installations". En vertu de l'art. 39 LNA, ces taxes, dites "taxes
d'aérodrome", "sont soumises à l'approbation de l'Office fédéral de l'air"
(OFA). Elles sont perçues actuellement sur la base d'un règlement adopté le
18 mai 1949 par la conférence des directeurs d'aérodromes. Ce règlement,
approuvé par l'OFA, est entré en vigueur le 1er octobre 1949; il prévoit
des taxes d'atterrissage, d'éclairage, de garage, de stationnement et
d'expédition.

    B.- Le 31 mai 1946, le canton de Genève a conclu avec chacune des trois
sociétés de distribution de carburants Lumina, Esso-Standard et B.P. une
convention les autorisant à emmagasiner et à distribuer à l'aéroport
de Genève-Cointrin leurs carburants et lubrifiants pour aéronefs. Ces
contrats contiennent les dispositions suivantes:

    "art. 5. - L'exploitant (c'est-à-dire la société de distribution)
paiera à l'Etat de Genève...

    b) sur les livraisons de carburants, une redevance de fr.  0.02 par
litre, lorsque la livraison est faite à un aéronef d'une entreprise de
navigation aérienne ou à un aéronef d'Etat; de fr. 0.04, lorsqu'elle est
faite à un autre aéronef;

    c) sur les livraisons de lubrifiants, une redevance de fr. 0.15 par
litre, lorsque la livraison est faite à un aéronef d'une entreprise de
navigation ou à un aéronef d'Etat, de fr. 0.50 lorsqu'elle est faite à
un autre aéronef."

    "art. 7- - L'exploitant fixe librement le prix de vente de ses
carburants et lubrifiants."

    "Ces prix ne dépasseront, cependant, en aucun cas ceux qui sont
pratiqués sur d'autres aéroports suisses et qui sont autorisés par
l'autorité fédérale."

    Les sociétés de distribution calculent leur prix de vente en tenant
compte de la redevance (ci-après taxe de distribution) due à l'Etat
de Genève.

    D'autre part, en vertu de l'art. 14 al. 1 de l'ordonnance douanière
du 7 juillet 1950 sur la navigation aérienne, l'exploitant d'un aérodrome
douanier, comme celui de Cointrin, "est tenu de mettre à la disposition
de l'administration des douanes les locaux nécessaires à son service,
y compris les laboratoires, les appareils de pesage, etc., et de veiller
à leur mise en état". Pour compenser les frais qui en résultent pour lui,
le canton de Genève perçoit depuis le 1er juin 1950 une redevance "sur
toutes les marchandises commerciales importées soumises au pesage". Cette
redevance (ci-après taxe de pesage) est de 0.10 fr. par envoi jusqu'à
100 kg. et de 0.10 fr. par 100 kg. pour envois supérieurs à 100 kg. Le
montant en est facturé mensuellement aux transporteurs aériens.

    En 1951, le produit de la taxe de distribution a été de 171 121
fr. 82, celui de la taxe de pesage de 2293 fr. 90. Ni l'une ni l'autre
de ces taxes n'ont été soumises à l'approbation de l'OFA.

    C.- Diverses compagnies aériennes ont saisi l'OFA de réclamations
contre le prélèvement de ces deux sortes de taxe. Des avis de droit ont
été produits au sujet de la taxe de distribution. Comme ils divergeaient
dans leurs conclusions, l'OFA a demandé une consultation au Département
fédéral de justice et police. Celui-ci a admis l'opinion qu'il ne pouvait
guère être question d'interdire le prélèvement d'une taxe de distribution
mais qu'en revanche il appartenait à l'OFA d'en contrôler le montant et
de procéder à ce contrôle quelle que soit la manière dont la redevance
était portée en compte ou juridiquement fondée.

    Se fondant sur cet avis, l'OFA a fait savoir au canton de Genève, le
14 novembre 1952, que les taxes litigieuses étaient des taxes d'aérodrome
au sens de l'art. 39 LNA et qu'elles devaient donc être soumises à son
approbation, ce qui n'avait pas été fait. Il lui a signifié la décision
suivante:

    "Il n'est pas permis de prélever sur les aéroports suisses, pour la
distribution de lubrifiants et de combustibles liquides, des taxes de
distribution qui n'auraient pas été approuvées par l'Office fédéral de
l'Air. La même interdiction s'applique aux taxes de pesage qui grèveraient
l'expédition du fret."

    Le canton de Genève a recouru au Département fédéral des postes et
des chemins de fer, qui, le 17 septembre 1953, a confirmé la décision
de l'OFA. Il a saisi ensuite le Conseil fédéral, qui a déclaré le
recours irrecevable.

    D.- Alléguant que les décisions de l'OFA et du Département fédéral
des postes et des chemins de fer font surgir un conflit de compétence,
le canton de Genève a introduit contre la Confédération une réclamation
de droit public (art. 83 litt. a OJ). Il requiert le Tribunal fédéral
1) de prononcer que l'art. 39 LNA n'est pas applicable aux conventions
intervenues entre l'Etat de Genève et les sociétés de distribution ni aux
prestations qui y sont prévues, 2) d'annuler en conséquence les décisions
de l'OFA et du Département fédéral des postes et des chemins de fer. Il
soutient en bref ce qui suit:

    La question litigieuse est celle de savoir si les taxes de distribution
et de pesage sont des taxes d'aérodrome au sens de l'art. 39 LNA. Cette
disposition a son origine dans un problème d'exploitation des aérodromes
comme tels. Elle vise les taxes que l'exploitant de l'aérodrome peut
percevoir en raison du but d'utilité publique qu'il poursuit. Elle ne
saurait dès lors s'appliquer aux taxes de distribution et de pesage. En
effet, les taxes de distribution reposent sur un bail à ferme et échappent
ainsi au droit public. Elles ne sont que la contrepartie de l'avantage que
le canton de Genève a accordé aux sociétés pétrolières en leur affermant
le droit d'utiliser l'aéroport pour leurs opérations commerciales. Elles ne
constituent donc ni une taxe ni un impôt mais une prestation contractuelle
librement consentie. Quant aux taxes de pesage, elles ont, elles aussi,
un caractère commercial évident. L'exploitation de l'aérodrome à titre
commercial suppose la possibilité de récupérer les frais résultant
du pesage. Ainsi, ces diverses taxes ne tombent pas sous le coup de
l'art. 39 LNA. L'OFA et le Département fédéral des postes et des chemins
de fer ne sauraient donc exiger qu'elles soient soumises à son approbation.

    La Confédération conclut au rejet de la réclamation. Elle affirme que
l'OFA est compétent pour se prononcer sur les taxes litigieuses. En effet,
dit-elle, l'art. 39 LNA vise "toute redevance quelconque mise à la charge
du trafic des passagers ou du fret par l'exploitant de l'aéroport du fait
de l'utilisation de l'aéroport". Il donne à l'OFA le droit de contrôler
ces charges et de juger si elles sont équitables, quelle que soit la
manière dont elles sont portées en compte ou juridiquement fondées. Or,
en l'espèce, les taxes de distribution et de pesage, qui sont en relation
avec l'utilisation de l'aéroport, sont en fin de compte supportées par
les usagers. L'art. 39 LNA est donc applicable.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le conflit de compétence visé par l'art. 83 litt. a OJ est un
désaccord entre la Confédération et un ou plusieurs cantons au sujet
de l'étendue de leurs attributions. Il a pour objet la délimitation des
souverainetés fédérale d'une part, cantonale d'autre part. Pareil conflit
existe notamment lorsque la Confédération prétend détenir un pouvoir qui
empiéterait sur la souveraineté d'un canton et que, pour cette raison
précisément, le canton lui dénie (RO 78 I 24, 74 I 163, 49 I 283, 40
I 538). Tel est le cas en l'espèce. La Confédération affirme en effet
que l'OFA est compétent pour approuver les taxes de distribution et de
pesage que perçoit le canton de Genève. Celui-ci déclare au contraire
qu'en sa qualité d'Etat souverain, il a le droit de régler comme il
l'entend ses rapports avec des tiers et que les autorités fédérales ne
peuvent d'aucune manière intervenir dans ce domaine. La réclamation de
droit public est donc recevable.

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 39 LNA, "les taxes d'aérodrome sont soumises
à l'approbation de l'Office fédéral de l'air". C'est sur cette disposition
que la Confédération prétend fonder le pouvoir de contrôler les taxes de
distribution et de pesage. La solution du présent conflit de compétence
dépend donc de la définition qu'il faut donner de la taxe d'aérodrome,
et de la question de savoir si les redevances que perçoit le canton de
Genève rentrent dans le cadre de cette définition.

    La LNA ne définit pas la taxe d'aérodrome. Les travaux
préparatoires ne fournissent pas non plus d'indications précises à
ce sujet. L'interprétation du texte légal lui-même permet simplement
d'affirmer qu'en se servant du mot taxe (en allemand, Flugplatzgebühr),
la loi vise une charge financière. En revanche, elle ne fait pas apparaître
à qui et pour quelle raison cette charge financière est imposée.

    Selon la doctrine générale du droit aérien, la taxe d'aérodrome est
une prestation financière imposée par l'exploitant de l'aérodrome aux
navigateurs aériens et qui a sa source dans l'utilisation de la place
d'aviation et de ses installations (RIESE, Luftrecht, 1949, p. 223/4, 232;
LEMOINE, Traité de droit aérien, 1949, p. 138/9; KÖPFLI, Schweizerisches
Flugplatzrecht, p. 188 ss). Cette définition s'applique sans conteste
aux "taxes d'aérodrome" visées par l'art. 39 LNA. C'est ce que confirme
d'ailleurs la concession octroyée par la Confédération au canton de
Genève pour l'exploitation de l'aéroport de Cointrin. L'art. 11 de cette
concession autorise en effet le prélèvement de taxes "pour l'utilisation
de l'aéroport et de ses installations". Sans doute, la définition donnée
ci-dessus est-elle très large et comprend-elle des prestations qui peuvent
être de nature différente. Mais peu importe. En donnant à l'OFA le droit
de contrôler les taxes d'aérodrome, c'est-à-dire les charges grevant la
navigation aérienne, l'art. 39 LNA tend à empêcher que les exploitants
d'aérodrome n'abusent de la situation de monopole, qui est créée en leur
faveur par la concession, en exigeant des usagers des prestations de nature
à paralyser la navigation aérienne ou du moins à entraver son essor.
Or, de ce point de vue, il est indifférent que les prélèvements opérés
par les exploitants d'aérodrome le soient en vertu du droit public ou
du droit privé. L'OFA peut exercer le droit de surveillance que lui
confère l'art. 39 LNA aussi bien quand l'aérodrome est exploité par une
corporation de droit public que lorsqu'il l'est par un particulier. Il est
donc inutile de rechercher si, comme le prétend le canton de Genève, les
taxes litigieuses sont des prestations contractuelles librement consenties
et soumises exclusivement au droit privé. Il suffit d'examiner d'une part
si elles frappent les navigateurs aériens, d'autre part si elles sont en
rapport avec l'utilisation de l'aérodrome et de ses installations.

    Les taxes de pesage sont supportées par les transporteurs aériens
auxquels elles sont facturées mensuellement. Les taxes de distribution
sont prélevées auprès des compagnies pétrolières. Elles ne sont donc
pas supportées directement par les usagers. Toutefois, les compagnies
pétrolières en tiennent compte dans la fixation du prix des carburants
et des lubrifiants qu'elles vendent aux navigateurs aériens- Il est
vrai que, dans son mémoire de réplique, le canton de Genève a soutenu
que l'incidence des taxes de distribution sur le prix de vente des
carburants et lubrifiants n'était pas démontrée. Mais, ce faisant,
il s'est mis en contradiction avec les déclarations qu'il a faites
luimême dans sa réclamation où il a clairement admis que les prix des
carburants et lubrifiants "comprennent le montant de la rémunération
due à l'Etat". D'ailleurs le Conseil fédéral a produit une déclaration
de la Swissair, société anonyme suisse pour la navigation aérienne, qui
atteste que, jusqu'au 13 septembre 1954, les compagnies pétrolières lui ont
toujours porté en compte la redevance de 2 fr. par 100 1. de carburants
vendus. En conséquence, il y a lieu d'admettre que tant les taxes de
pesage que les taxes de distribution sont en définitive supportées par
la navigation aérienne et constituent pour elle une charge financière.

    D'autre part, on ne saurait sérieusement contester que la taxe de
distribution est en rapport avec l'utilisation de l'aérodrome. L'aérodrome
de Genève-Cointrin est en effet un "aéroport" au sens de l'art. 45
du règlement d'exécution de la LNA, du 5 juin 1950 (RNA). Comme
tel, il est destiné "au trafic aérien public" et doit être muni, à
l'intention des usagers, "des installations ... pour le service et
l'entretien des aéronefs". Lorsqu'il s'agit comme en l'espèce d'un
aéroport intercontinental, sur lequel des aéronefs atterrissent après
avoir effectué des parcours pouvant atteindre plusieurs milliers de
kilomètres, ces "installations" comprennent celles qui sont nécessaires à
l'approvisionnement en carburants et lubrifiants. Après des parcours aussi
importants, les navigateurs aériens qui utilisent un aéroport doivent avoir
la faculté de s'y ravitailler en essence et en huile. D'ailleurs le canton
de Genève a l'obligation d'y veiller, ainsi que cela ressort de l'acte
de concession (art. 2). Il est de plus tenu d'assurer l'utilisation
de l'aéroport dans les meilleures conditions (art. 54 RNA, art. 4
de la concession), ce qui comprend la livraison des carburants et
lubrifiants. Il faut donc admettre que les taxes de distribution sont
en rapport avec l'utilisation de l'aéroport. Il en va de même des taxes
de pesage. Sans doute, ces taxes sont-elles avant tout destinées à des
fins douanières. Mais on ne saurait perdre de vue que l'aéroport de
Genève-Cointrin est un "aérodrome douanier" au sens de l'art. 46 RNA,
c'est-à-dire un "aérodrome que, d'entente avec l'Office fédéral de l'air,
la Direction générale des douanes a désigné pour servir au trafic aérien
franchissant la frontière du pays". L'utilisation d'un tel aérodrome
comprend notamment l'accomplissement des formalités douanières au sujet
des marchandises que transportent les navigateurs aériens, en particulier
leur pesage.

    Ainsi, les taxes litigieuses sont des charges financières imposées
par l'exploitant de l'aérodrome de Genève-Cointrin aux navigateurs
aériens. Elles sont en rapport avec l'utilisation de l'aérodrome. Elles
constituent donc des "taxes d'aérodrome" au sens de l'art. 39 LNA. Il
s'ensuit qu'elles doivent être soumises à l'approbation de l'Office
fédéral de l'air et que le pouvoir que la Confédération prétend détenir
à cet égard doit lui être reconnu.

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    rejette la réclamation.