Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 81 I 16



81 I 16

4. Extrait de l'arrêt du 9 février 1955 dans la cause Bourguignon et
consorts contre Genève, Cour de justice. Regeste

    Handels- und Gewerbefreiheit. Gesteigerter Gemeingebrauch des
öffentlichen Grund und Bodens.

    Voraussetzungen, unter denen das Stationieren eines Fahrzeugs
(Kleintaxis) auf der Strasse als gesteigerter Gemeingebrauch zu betrachten
ist und von der für diesen besonders vorgesehenen Bewilligung abhängig
gemacht werden kann (Abgrenzung zwischen Stationieren zu gewerblichen
und Stationieren zu privaten Zwecken).

Sachverhalt

    A.- Le règlement du canton de Genève des 17 mars/15 avril 1953
concernant le service des taxis contient notamment la disposition suivante:

    "Art. 1er. - Est soumis au présent règlement et doit être au bénéfice
d'une concession du Département de justice et police, celui qui utilise
la voie publique pour y faire stationner des voitures automobiles légères
affectées au transport professionnel de personnes (taxis)."

    Pierre Bourguignon, Jean Hauser, Freddy Alleman et Roland Seiler sont
chauffeurs de taxis. Ils sont au service de Robert Jolliet, garagiste
à Genève, qui exploite l'entreprise des taxis "Bleu-blanc-rouge". Ils
n'ont pas le permis de stationnement prévu par l'art. 1er du règlement
concernant le service des taxis. Ils ont donc des taxis de garage (par
opposition aux taxis de place).

    B.- Le 28 juin 1954, à 23 heures, Bourguignon, Hauser, Alleman et
Seiler ont laissé leurs taxis en stationnement sur la voie publique,
devant le garage Jolliet, à la rue du Simplon. Ils ont été condamnés de
ce fait, le 14 juillet 1954, par le Département de justice et police, à
une amende de 10 fr. chacun, "pour stationnement sans droit d'une voiture
de location sur la voie publique". Ils ont fait opposition à ce prononcé
et ont été cités devant le Tribunal de police, qui les a libérés par un
jugement du 14 octobre 1954 relevant notamment qu'un chauffeur ne viole pas
l'art. 1er du règlement concernant le service des taxis lorsqu'il laisse
stationner son véhicule devant son garage pendant le temps nécessaire
pour se renseigner au sujet de la course qu'il aura à effectuer ou,
éventuellement, en attendant le téléphone d'un prochain client.

    Le 6 novembre 1954, la Cour de justice du canton de Genève, statuant
sur appel du Procureur général, a réformé le jugement du Tribunal de
police et condamné Bourguignon, Hauser, Alleman et Seiler à 10 fr. d'amende
chacun. A son avis, le chauffeur qui n'a pas de concession ne peut "user
de la voie publique que pour faire des courses et ne pourra stationner
que pendant celles-ci, selon la nécessité. la voiture devant être, après
comme avant, remisée hors de ladite voie".

    C.- Les condamnés forment un recours de droit public contre les arrêts
rendus par la Cour de justice, dont ils demandent l'annulation. Leur
argumentation sera reprise pour autant que de besoin dans les considérants
de droit ci-après.

    La Cour de justice et le Procureur général concluent au rejet du
recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- Les recourants ont été condamnés pour avoir fait stationner
une voiture de location sur la voie publique alors qu'ils n'y étaient
pas autorisés par le permis spécialement prévu à cet effet par l'art.
1er du règlement concernant le service des taxis. Ils critiquent cette
condamnation en se plaçant sur le terrain de l'art. 31 Cst. et soutiennent
notamment que cette disposition leur permettait de faire stationner leurs
taxis devant le garage de leur employeur après être rentrés d'une course
et en attendant le téléphone d'un prochain client.

    Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l'art. 31 Cst. ne
confère pas aux particuliers le droit de faire du domaine public un usage
accru. Celui qui utilise la voie publique avec une intensité inhabituelle
doit y être autorisé par le détenteur du domaine public (RO 79 I 336/7; 77
I 285 ss; 76 I 296, 297/8; 73 I 214/5). S'il agit sans cette permission,
les sanctions prévues par la loi peuvent être prises à son égard, autant
qu'elles n'excèdent pas les limites fixées par l'art. 4 Cst.

    L'usage du domaine public est accru lorsqu'il cesse d'être conforme à
la destination de la chose ou qu'il exclut un usage égal de la part des
autres ayants droit. Revendique notamment un usage accru sur les voies
publiques celui qui, soit à titre permanent, soit pour un temps déterminé,
entend utiliser une partie de la route d'une façon qui empêche, dans une
mesure correspondante, son usage par des tiers (RO 77 I 288). Partant de
ces principes, le Tribunal fédéral a considéré qu'un particulier utilise
la voie publique de manière accrue lorsqu'il y établit un banc de foire,
y met les tables et les chaises d'un restaurant ou s'y arrête pour vendre
les marchandises qu'il transporte dans un camion (RO 73 I 214; 76 I 296;
77 I 288/9). De ces divers cas pratiques se dégage le principe que celui
qui stationne sur la voie publique à des fins commerciales, c'est-à-dire
pour servir ses clients, ou pour les attendre ou en rechercher d'autres,
fait du domaine de l'Etat un usage accru. En revanche, lorsque le
particulier utilise la chaussée pour y faire stationner son véhicule
à des fins privées, parce qu'il se trouve par exemple à son domicile
pour y prendre un repas ou y passer la nuit, dans un magasin pour y
faire des achats personnels ou dans un établissement pour y prendre une
consommation, il ne dépasse pas l'usage commun, tout au moins lorsqu'il
n'excède pas certaines limites. Avec le Procureur général, il convient
d'admettre que le stationnement à des fins commerciales peut être présumé,
lorsqu'il s'agit de voitures qui portent, bien visible, l'inscription de
"taxi". Il en serait autrement si, pendant le stationnement privé, cette
inscription était cachée ou remplacée par exemple par l'indication que
le taxi est hors service.

    Le critère qui vient d'être posé pour déterminer l'existence d'un
usage accru en cas de stationnement doit souffrir une exception lorsqu'il
s'agit d'un stationnement qui, s'il a bien un but commercial, découle
cependant normalement et même nécessairement de l'utilisation de la
chaussée conformément à sa destination. En effet, pareille utilisation
comprend notamment le transport des personnes et des choses (RO 77 I 288;
73 I 214). Or le particulier, qui utilise ainsi la voie publique, doit
pouvoir y stationner pour charger et décharger ce qu'il transporte. Tant
que ce stationnement ne dépasse pas de manière par trop manifeste le
temps nécessaire à ces opérations, il ne constitue pas un usage accru.

Erwägung 4

    4.- En l'espèce, les recourants exposent qu'ils avaient laissé leur
voiture devant le garage de leur employeur à la rue du Simplon "après
être rentrés de course et en attendant les téléphones des clients". Ainsi
ces taxis ne se trouvaient pas là pour des motifs tenant à la vie privée
des chauffeurs, mais uniquement pour être à la disposition des clients
qui en auraient besoin. Le stationnement avait donc manifestement
des fins commerciales, sans qu'on puisse dire pour autant qu'il était
nécessaire pour déposer un client arrivé à destination ou en prendre un
nouveau. Dans ces conditions, il constituait bien un usage accru. Dès
lors, les recourants n'ayant pas été autorisés à user ainsi de la voie
publique, une sanction pouvait leur être infligée, à laquelle l'art. 31
Cst. ne saurait faire obstacle.

    Les recourants allèguent, il est vrai, qu'il y a fort peu de
circulation dans la rue où stationnaient leurs véhicules. Mais ce fait
est sans importance pour apprécier le caractère accru de l'utilisation
que le particulier fait du domaine public. En effet, ce qui est décisif,
c'est l'usage envisagé pour lui-même, quel que soit l'endroit où il
s'exerce. On ne saurait dire que cet usage est normal dans une rue et
accru dans une autre. L'intensité de la circulation sur une voie publique
ne pourrait jouer de rôle que pour décider de l'octroi ou du refus d'un
permis qu'un particulier solliciterait pour stationner avec un taxi en
dehors des stations officielles que l'autorité genevoise a réservées aux
"taxis concessionnés". Il s'agirait alors de savoir notamment si, bien
qu'il puisse, en l'occurence, gêner la circulation, l'arrêt d'une ou de
plusieurs voitures de location sur la voie publique en un endroit donné
peut néanmoins se justifier eu égard au rôle que jouent ces véhicules
dans l'intérêt général. Mais cette question ne se pose pas ici, puisque
les recourants n'ont précisément pas requis de permis de stationnement
pour la rue du Simplon.

Erwägung 5

    5.- Les recourants font valoir que les arrêts attaqués violent
également l'art. 31 Cst. parce qu'ils reviennent à accorder un monopole
de fait aux chauffeurs de taxis qui sont au bénéfice d'un permis de
stationnement. Ils s'appuient à cet égard sur le considérant 4 de l'arrêt
Aspasa contre Genève (RO 79 I 337). Toutefois, c'est manifestement
à tort. Dans ce passage de l'arrêt Aspasa, le Tribunal fédéral s'est
occupé non du stationnement des voitures de location (qu'il a traité
dans les considérants 2 et 3 sans se fonder sur l'art. 31 Cst.), mais
uniquement de l'emploi du mot taxi et de l'utilisation d'un compteur
horokilométrique. Or le droit de stationner, qui n'a rien à faire avec
ces questions, est seul litigieux en l'espèce.

Erwägung 6

    6.- Enfin les recourants invoquent l'art. 4 Cst. Ils soutiennent
tout d'abord que l'autorité cantonale a arbitrairement interprété l'art.
1er du règlement concernant le service des taxis en étendant l'interdiction
de stationnement sans permis à des cas où le stationnement des taxis n'a
pas de but commercial. Ils affirment ensuite que les arrêts attaqués
créent une inégalité de traitement entre les chauffeurs qui n'ont pas
de permis de stationnement et ceux qui bénéficient d'une "concession".
Mais, sur ces deux points, toute leur argumentation revient à prétendre
que, le jour où une contravention leur a été infligée, leurs véhicules ne
stationnaient pas à des fins commerciales. Or cette opinion est contraire
à une saine interprétation des faits. Elle ne saurait donc être retenue.

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    rejette le recours.