Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 81 IV 209



81 IV 209

46. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 18 novembre 1955 dans la
cause Castella contre Ministère publlc du canton de Fribourg. Regeste

    Art. 41 StGB. Auch der Vollzug einer durch Untersuchungshaft getilgten
Strafe kann bedingt aufgeschoben werden (Änderung der Rechtsprechung).

Sachverhalt

    A.- Par jugement du 19 janvier 1955, le Tribunal correctionnel de
la Veveyse a reconnu Roger Castella coupable de vol et l'a condamné
à six jours d'emprisonnement sous déduction de six jours de détention
préventive. Il a refusé le sursis au prévenu pour le motif que celui-ci
avait été renvoyé dans une maison d'éducation pour adolescents, en
vertu d'un jugement rendu le 1er décembre 1945, et avait subi en 1953
une peine de trois jours d'arrêts infligée par le préfet de la Gruyère
pour ivresse publique.

    B.- Saisie d'un recours formé par Castella, la Cour de cassation pénale
de l'Etat de Fribourg, par arrêt du 2 mars 1955, a annulé ce jugement et,
retenant la cause, a condamné à nouveau le recourant sans sursis. Elle a
considéré, d'une part, que le jugement attaqué violait l'art. 41 ch. 1
al. 3 CP, parce que la mesure de renvoi dans une maison d'éducation et
la peine d'arrêts prononcée pour une contravention de droit cantonal
ne faisaient pas obstacle à l'octroi du sursis. D'autre part, elle a
admis que, la peine de six jours d'emprisonnement étant compensée par
la détention préventive subie, la question du sursis ne se posait plus,
puisqu'il n'y avait plus de peine à exécuter.

    C.- Castella s'est pourvu en nullité au Tribunal fédéral contre cet
arrêt, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour qu'elle lui accorde le sursis. Il fait valoir que l'arrêt
attaqué viole l'art. 41 ch. 1 CP.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    Selon l'arrêt RO 69 IV 151, lorsque la peine est éteinte par
l'imputation de la détention préventive subie, la question du sursis ne
se pose plus, car il n'y a plus place pour le sursis quand, par suite de
cette imputation, il ne reste plus de peine à exécuter; s'il est vrai que
le sursis permet la réhabilitation prématurée par radiation du jugement au
casier judiciaire lorsque le condamné a subi l'épreuve jusqu'au bout, cet
effet ne modifie pas la nature du sursis, dont il n'est qu'une conséquence,
et n'a rien à voir avec l'exécution; le sursis ne peut pas être accordé
uniquement pour produire cette conséquence, lorsque les conditions n'en
sont pas remplies, soit quand la peine infligée est déjà subie.

    Cette opinion ne peut toutefois être maintenue. En effet, à l'encontre
de ce qu'admet implicitement l'arrêt précité, lorsque le juge de répression
prononce une condamnation, la question de l'imputation de la détention
préventive subie ne se pose pas nécessairement avantcelle du sursis. Au
contraire, le juge peut logiquement assigner un autre ordre aux questions
qu'il doit trancher: il peut commencer par fixer la peine, examiner ensuite
si les conditions mises par la loi à l'octroi du sursis sont réalisées et,
si c'est le cas, accorder le sursis au condamné et décider enfin d'imputer
la détention préventive sur la peine infligée, cette imputation ne devant
pratiquement sortir ses effets qu'au cas où l'intéressé ne subirait pas
l'épreuve avec succès. C'est cette forme de raisonnement qui est suivie
lorsque la durée de la détention préventive est inférieure à la peine
infligée. En effet, dans ce cas, le juge ne prononce pas une peine ferme
pour la part qui est compensée par la détention préventive, pour le motif
que la question du sursis ne se poserait plus pour cette partie de la
peine qui est déjà subie, et une peine avec sursis pour l'autre part
qui n'est pas éteinte par l'imputation de la détention préventive; il
octroie, au contraire, le sursis pour la totalité de la peine et ce n'est
que si celle-ci doit être exécutée, à la suite de l'échec de l'épreuve,
que l'effet de la déduction de la détention préventive se produit en
faveur du condamné. Il n'y a aucun motif de procéder d'une autre façon
lorsque la peine prononcée est d'une durée égale à la détention préventive
subie. Il n'est pas plus contraire à la nature du sursis à l'exécution de
la peine d'accorder le sursis pour une peine qui est totalement compensée
par l'imputation de la détention préventive que pour la partie d'une peine
supérieure à la durée de cette détention qui est éteinte par la déduction
de celle-ci. Dans un cas comme dans l'autre, l'imputation de la détention
préventive n'est destinée à sortir ses effets que si l'exécution de la
peine doit être ordonnée.

    On ne doit pas minimiser, d'autre part, le rôle que joue dans
l'institution du sursis la réhabilitation prématurée à l'expiration
du délai d'épreuve subi avec succès par le condamné. Il s'agit là non
pas seulement d'une conséquence accessoire du sursis, mais d'un effet de
celui-ci auquel le législateur a assigné une fonction dans le reclassement
du condamné (Message du Conseil fédéral à l'appui du projet de loi
revisant partiellement le Code pénal suisse, du 23 juin 1949, FF 1949,
p. 1265). La perspective d'obtenir la réhabilitation par la radiation du
jugement au casier judiciaire dans un laps de temps relativement court,
soit deux à cinq ans (art. 41 ch. 1 al 2 et ch. 4 CP) au lieu de dix
ans (art. 80 CP), constitue avec celle de n'avoir pas à subir la peine
un motif important pour l'intéressé de se bien conduire pendant le
délai d'épreuve. Lorsque la peine prononcée est totalement ou presque
intégralement compensée par la détention préventive, la possibilité de
bénéficier d'une réhabilitation prématurée sera précisément une raison
déterminante pour le condamné de ne pas tromper la confiance mise en lui.

    Il n'est pas admissible, au surplus, que la faculté d'obtenir le
sursis dépende de la durée d'une détention préventive qui est ordonnée
ou maintenue pour des motifs étrangers à l'institution du sursis. Le juge
de répression doit être en mesure d'accorder le sursis à un condamné qui
le mérite au regard des dispositions de l'art. 41 ch. 1 CP, lors même que
l'organe d'instruction a mis l'intéressé en prison préventive. Il serait
ainsi particulièrement choquant que le juge ne puisse pas octroyer le
sursis pour une peine d'une durée égale à la détention préventive subie
lorsque celle-ci a été ordonnée ou maintenue à tort. Au préjudice causé
au condamné par la détention préventive injustifiée s'ajouterait dans ce
cas celui qui résulterait pour l'intéressé de l'impossibilité d'obtenir
la réhabilitation prématurée attachée à l'octroi du sursis.

    Il faut de plus tenir compte de l'intérêt qu'a une personne,
indépendamment de la réhabilitation prématurée, d'être condamnée avec
sursis. D'une part, une condamnation avec sursis marque beaucoup moins,
aux yeux de la société, celui auquel elle est infligée qu'une peine
ferme. D'autre part, une peine prononcée sans sursis parce qu'elle serait
considérée comme intégralement éteinte par l'imputation de la détention
préventive constituerait une peine subie et ferait obstacle à l'octroi
du sursis en cas de nouvelle infraction commise dans les cinq ans.

    Pour éviter les impasses et les conséquences inéquitables
auxquelles conduit l'opinion adoptée par l'arrêt RO 69 IV 151, le juge
qui considérerait comme digne du sursis un délinquant qui a fait de la
prison préventive n'aurait pas d'autre solution à sa disposition que de
prononcer une peine d'une durée supérieure à celle de cette détention,
de façon à pouvoir mettre le condamné au bénéfice du sursis pour la
totalité de la peine. Ce résultat démontre qu'il y a lieu d'admettre
l'octroi du sursis lors même que la détention préventive imputée sur la
peine prononcée est d'une durée égale à celle-ci, l'imputation ne devant
produire ses effets qu'au cas où la peine devrait être exécutée.

Entscheid:

      Par ces motifs, la Cour de cassation pénale prononce:

    Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé dans la mesure où
il refuse le sursis et la cause est renvoyée à la juridiction cantonale
pour qu'elle accorde le sursis au recourant.