Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 80 I 312



80 I 312

50. Arrêt du 20 octobre 1954 dans la cause Keller contre Reber. Regeste

    Massnahmen gegen die Wohnungsnot. Willkür und rechtsungleiche
Behandlung.

    Ein Entscheid, der die Anwendbarkeit der Mieterschutzbestimmungen im
Falle der vom Vermieter wegen Todes des Mieters ausgesprochenen Kündigung
(Art. 270 OR) ablehnt, verstösst gegen Art. 4 BV.

Sachverhalt

    A.- Le 4 juin 1935, Samuel Reber a remis à bail à Adolphe Keller un
logement de trois pièces, sis à Neuchâtel, Escaliers de l'Immobilière no
5. Adolphe Keller est décédé à la fin de 1953 en laissant son épouse et
un fils mineur.

    Par lettre du 22 février 1954, Samuel Reber a fait savoir à dame
Keller qu'il résiliait le bail pour le 24 juin 1954. Il a donné comme
motif la mort du preneur. Le 3 mars 1954, dame Keller s'est adressée
au bureau du logement de Neuchâtel, en déclarant faire opposition à ce
congé. Invité à se déterminer, Samuel Reber a écrit au bureau du logement
le 12 mars 1954, en lui disant que la résiliation était justifiée par "la
conduite du preneur et de sa famille", qui donnait "lieu à des plaintes
fondées". Toutefois, lors d'une audience d'instruction du 8 avril 1954,
il s'est derechef fondé sur la mort du preneur.

    Le 27 avril 1954, le Conseil communal de la ville de Neuchâtel
s'est déclaré compétent pour autant qu'il s'agisse d'un congé ordinaire
(art. 267 CO), a renvoyé les parties devant les tribunaux civils pour
faire trancher la question de la nature du congé signifié par Samuel
Reber et a suspendu la procédure jusqu'à droit connu sur ce point.
Le Conseil communal a estimé devoir être fixé avant toutes choses sur
la nature du congé. En effet, dit-il, les dispositions exceptionnelles
de l'ordonnance du Conseil fédéral du 30 décembre 1953 concernant le
contrôle des loyers et la limitation du droit de résiliation (ci-après
OCL) ne sont applicables qu'au congé ordinaire des art. 259 al. 2 et
267 CO et non à la résiliation intervenue en raison de la mort du preneur.

    Samuel Reber a déféré la cause à la Commission cantonale de recours
pour les mesures contre la pénurie de logements. Par prononcé du 2 juin
1954, la commission a annulé la décision du Conseil communal. Elle a
déclaré l'opposition de dame Keller irrecevable dans la mesure où le congé
était fondé sur la mort du preneur, l'OCL étant inapplicable en pareil
cas. Elle l'a déclarée sans objet en tant que le congé avait été motivé à
un moment donné par le comportement du preneur et de sa famille. En effet,
comme il en avait le droit, le bailleur avait renoncé en définitive à
ce grief pour ne plus se prévaloir que du décès du locataire. Du moment
que seul ce dernier moyen demeurait, il était inutile de suspendre la
procédure pour faire trancher par les tribunaux ordinaires la question
de la nature du congé.

    B.- Dame Keller interjette un recours de droit public pour violation
de l'art. 4 Cst. contre la décision de la commission cantonale. A son avis,
il est arbitraire de dire que la législation spéciale en matière de pénurie
de logements n'est pas applicable lorsque le bail a été résilié en raison
de la mort du preneur. La décision attaquée doit donc être annulée et la
cause renvoyée à la commission pour qu'elle statue sur le fond.

    L'autorité cantonale déclare n'avoir aucune observation à présenter.
Samuel Reber conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- En sa qualité de juridiction constitutionnelle, le Tribunal
fédéral n'a en principe d'autre pouvoir que celui d'annuler les décisions
cantonales contraires à la constitution. Dans la mesure où les conclusions
de la recourante excèdent ce pouvoir, elles sont irrecevables (RO 77 I
2, 217/218).

Erwägung 2

    2.- Selon la décision attaquée, qui n'est pas critiquée sur ce point,
l'intimé ne fait plus valoir aujourd'hui qu'un seul motif de résiliation,
la mort du preneur (art. 270 CO). Il n'est pas contesté d'autre part que
le congé signifié le 22 février 1954 est régulier du point de vue du droit
civil. Dès lors, il s'agit uniquement de rechercher s'il est compatible
avec l'art. 4 Cst. de déclarer irrecevable une requête en annulation
d'une résiliation fondée sur l'art. 270 CO en affirmant, comme l'a fait
la juridiction cantonale, que la résiliation du bail en cas de décès du
locataire n'est pas soumise aux règles spéciales des art. 30 ss. OCL.

    L'intimé soutient que cette question doit être résolue
affirmativement. A l'appui de sa thèse, il cite l'opinion émise par COMMENT
sous le régime de l'APL (Le bail et la législation exceptionnelle en
matière de protection des locataires vus sous l'angle de la jurisprudence
fédérale, ZBJV, 84, p. 156/157), opinion valable aujourd'hui encore
puisque, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles,
les art. 30 ss. OCL ont simplement repris les art. 4 ss. APL. COMMENT
doute que l'APL, qui est applicable au congé ordinaire, le soit aussi
à l'hypothèse spéciale envisagée par l'art. 270 CO. En effet, dit-il,
"la base légale ... paraît faire défaut. Ce cas aurait dû être expressément
prévu comme celui de l'art. 259 2e al. CO".

    Toutefois cette opinion ne pourrait être retenue que si le terme de
congé figurant aux art. 4 APL et 30 OCL avait un sens limité et visait
uniquement le congé ordinaire valable moyennant la simple observation
d'un délai légal ou contractuel (art. 267 et 290 CO) par opposition
à la résiliation extraordinaire dépendant de circonstances de fait
particulières. Or le Tribunal fédéral a jugé que les règles sur la
protection des locataires ne font pas cette distinction (arrêt non
publié du 3 juin 1946 dans la cause Genossenschaft Cinéma). Celle-ci
ne reposerait d'ailleurs sur aucune différence de nature entre le congé
ordinaire et la résiliation de l'art. 270 CO. En effet, les héritiers du
locataire décédé lui succèdent dans tous ses droits et obligations. En
conséquence, l'épouse, en sa qualité d'héritière, devient locataire,
exactement au même titre que le défunt et sous la seule réserve des
droits conférés au bailleur par l'art. 270 CO. Ainsi donc, quand celui-ci
dénonce la convention, il lui signifie un véritable congé. De plus, une
distinction de ce genre ne se concilierait pas avec le but que poursuit la
législation spéciale en matière de protection des locataires. Lorsque le
preneur décède, sa veuve et ses enfants ont souvent un plus grand besoin
encore de la protection de la loi et l'on ne voit pas de motif sérieux
de les en priver.

    Du moment que ni l'APL ni l'OCL ne distinguent le congé ordinaire de
la résiliation extraordinaire, il n'était nullement nécessaire de déclarer
expressément les règles sur la protection des locataires applicables au
cas de l'art. 270 CO. Cette conséquence découle sans autre difficulté
des art. 4 APL et 30 OCL, de leur sens et de leur but. Pour qu'il en soit
autrement, il faudrait une disposition spéciale privant les héritiers du
preneur du droit de se prévaloir des mesures en faveur des locataires.

    Il est vrai que l'OCL, comme l'APL, contient une disposition prévoyant
expressément son application au cas de l'art. 259 al. 2 CO. Mais
peu importe, car, dans l'hypothèse envisagée par cette disposition,
la situation juridique est toute différente de celle de l'art. 270
CO. En effet, le tiers acquéreur de l'immeuble loué ne devient pas
partie au contrat du simple fait de son acquisition. Il est uniquement
tenu - en vertu de la loi et non en vertu du contrat - de souffrir la
présence du preneur dans les locaux jusqu'au plus prochain terme légal ou
contractuel. Aussi bien le CO, l'APL et l'OCL ne le désignent-ils pas comme
bailleur mais comme "tiers acquéreur" ou comme "acquéreur". Il ne devient
partie au contrat de bail que dans la mesure où il ne fait pas usage de
son droit de le dénoncer. Il possède donc un statut très particulier et
le congé qu'il donne ne pourrait pas être assimilé sans autre indication
à la résiliation notifiée par l'une des parties contractantes à l'autre,
ni donc être soumis aux restrictions de l'art. 30 al. 1 OCL.

    Ainsi l'argument tiré de l'indication expresse de l'art. 259 al. 2 CO
apparaît comme un argument de pure forme, qui ne résiste pas à un examen
du point de vue du droit matériel. D'autre part, aucune raison sérieuse
ne permet de dire que l'OCL distingue entre le congé ordinaire et la
résiliation extraordinaire. Dans ces conditions, il est arbitraire de
soutenir que les règles sur la protection des locataires sont inapplicables
au congé signifié par le bailleur en cas de décès du preneur et que
l'opposition à la résiliation fondée sur ce motif est irrecevable. De plus,
cela constitue une inégalité de traitement, car il n'y a pas, entre le
congé de l'art. 267 CO et celui de l'art. 270 CO, une différence de fait
telle qu'un régime juridique particulier s'impose dans chacun de ces cas
du point de vue des mesures relatives à la protection des locataires. La
décision attaquée viole donc l'art. 4 Cst. et doit dès lors être annulée.

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    admet le recours en tant qu'il est recevable et annule la décision
attaquée.