Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 80 I 288



80 I 288

47. Arrêt du 28 mai 1954 dans la cause Manini contre Sommer et le
Département fédéral de l'économie publique. Regeste

    1.  Milchverkaufsbewilligung (Art. 21 Milchstatut): Zuständigkeit des
Bundesgerichts. Umfang der Prüfungsbefugnis. Anwendbares Recht (Erw. 1-3).

    2.  Art. 21, Abs. 2 Milchst.: Voraussetzungen für die Bewilligung
der Verlegung einer Milchverkaufsstelle. Hat sich die Behörde auf die
Überprüfung der in Frage stehenden öffentlichen Interessen zu beschränken
oder kann sie auch die privaten Interessen des Eigentümers des Hauses,
in welchem sich die Milchverkaufsstelle befindet, und des Mieters,
der die Milchverkaufsstelle betreibt, berücksichtigen und gegen einander
abwägen und, wenn die Interessen des Hauseigentümers als wichtiger befunden
werden als diejenigen des Mieters, prüfen, ob die Hauseigentümerinteressen
durch eine Verlegung desMilchverkaufs stark in Mitleidenschaft gezogen
werden? (Die Frage bleibt offen.) (Erw. 4 und 5.)

    3.  Prüfung und Abwägung der sich im konkreten Falle gegenüberstehenden
Interessen (Erw. 6).

Sachverhalt

    A.- André Sommer est directeur-gérant de la société coopérative des
Laiteries réunies de Sion-Bramois. Cette société s'occupe de recueillir le
lait des producteurs et de le distribuer pour la vente aussi bien à ses
propres succursales qu'aux autres laitiers, dits "laitiers privés", qui,
à Sion, sont au nombre de cinq, parmi lesquels notamment Joséphine Manini.

    Depuis 1933 et jusqu'en novembre 1950, Joséphine Manini a exploité,
à Sion, la "Laiterie Modèle", dans des locaux qu'elle louait à la rue
St-Théodule. En novembre 1950, André Sommer a acheté le bâtiment où se
trouvaient ces locaux, pour un prix de 50 000 fr. en chiffre rond. Il
a bénéficié d'un prêt de 51 000 fr. accordé par les Laiteries réunies,
auxquelles il a reconnu un droit d'emption sur l'immeuble pour le prix
de 50 000 fr. également.

    Le 30 novembre 1950, Sommer a résilié le bail dont jouissait Joséphine
Manini. Le 5 janvier 1951, celle-ci a loué de nouveaux locaux à Emma Gaspoz
à la rue de Conthey, à trente-cinq mètres de son ancienne laiterie. Le
8 janvier 1951, se conformant aux règles applicables en la matière,
elle a demandé à la Division de l'agriculture du Département fédéral de
l'économie publique (ci-après Division de l'agriculture) l'autorisation de
transférer son débit de lait de la rue St-Théodule à la rue de Conthey. Sur
ces entrefaites, le 26 janvier 1951, Sommer a sollicité un rendez-vous de
Joséphine Manini afin de pouvoir "élaborer un contrat de bail en commun".

    B.- Par décision du 3 février 1951, la Division de l'agriculture
a refusé à Joséphine Manini l'autorisation de transfert qu'elle avait
sollicitée. Elle a relevé tout d'abord que Sommer était "disposé à
proroger, jusqu'à nouvel avis, le bail prévoyant un loyer de 190 fr.,
et à passer un nouveau contrat en bonne et due forme avec la locataire";
elle a fait valoir ensuite que le transfert était "contraire au plan
d'assainissement du commerce du lait".

    Le 19 février 1951, Joséphine Manini a demandé à la Division de
l'agriculture de revenir sur cette décision en lui accordant l'autorisation
de transfert. Le 27 février 1951, elle a transformé cette requête en un
recours au Département fédéral de l'économie publique contre le prononcé
du 3 février 1951. L'instruction de ce recours est demeurée en suspens
jusqu'en janvier 1953. Dans l'intervalle, Sommer a déclaré son intention de
procéder à un nouvel aménagement des locaux pour satisfaire aux exigences
du Service d'hygiène. Le 26 mai 1951, la Division de l'agriculture
a autorisé un transfert provisoire de la laiterie afin de permettre
l'exécution des travaux et "dans l'idée qu'une fois les rénovations
terminées, les ventes ne pourraient en aucun cas être permises ailleurs"
que dans le local de la rue St-Théodule. Joséphine Manini s'est installée
dans les locaux de la rue de Conthey pendant le courant de l'année
1951. En 1951 et 1952, Sommer, qui n'avait pas encore signé de bail avec
Joséphine Manini, a fait procéder, dans son immeuble de la rue St-Théodule,
à des travaux de transformation que le Service cantonal du contrôle des
denrées alimentaires a reconnus suffisants en novembre 1952. Puis il a
offert à nouveau de conclure un bail avec Joséphine Manini, moyennant un
loyer mensuel de 250 fr., au lieu de 190 fr. Joséphine Manini a refusé
cette offre, qui lui était faite par l'intermédiaire de la Division de
l'agriculture. Au demeurant, dès le 2 janvier 1953, Sommer a demandé
pour lui-même, et à titre subsidiaire, l'autorisation de débiter du lait
à la rue St-Théodule. Le 24 janvier 1953, Joséphine Manini a requis la
Division de l'agriculture "d'homologuer le transfert de la laiterie dans
les nouveaux locaux". Le 31 janvier 1953, la Division de l'agriculture a
répondu en révoquant, avec effet dès le 15 février 1953, l'autorisation
provisoire de transfert qu'elle avait accordée le 26 mai 1951.

    C.- Le 7 février 1953, Joséphine Manini a confirmé au Département
de l'économie publique le recours qu'elle avait déposé en février 1951
et qui tendait à ce que l'autorité fédérale l'autorise à transférer sa
laiterie de la rue St-Théodule à la rue de Conthey.

    Par décision du 29 janvier 1954, le Département fédéral de l'économie
publique a rejeté le recours et confirmé le refus d'autoriser le transfert
prononcé par la Division de l'agriculture. Ses motifs sont en bref les
suivants:

    La Division de l'agriculture a statué sous l'empire de l'ordonnance du
30 avril 1937 sur la production, le commerce et l'utilisation du lait. Le
Département doit se prononcer après l'entrée en vigueur du nouvel arrêté
du 29 septembre 1953 sur le statut du lait. Il n'y a toutefois pas à
rechercher quel est le droit applicable, car les principes du nouveau
droit sont les mêmes que ceux de l'ancien. Il faut examiner la demande
de transfert tout d'abord sous l'angle de l'intérêt public en vue duquel
le commerce du lait est réglementé, puis tenir compte en second lieu
des intérêts privés du propriétaire et du locataire. En ce qui concerne
l'intérêt public, il n'y a pas de raison majeure de refuser l'autorisation
de transfert, mais il n'y en a pas non plus de l'accorder. Dès lors tout
dépend des intérêts privés en présence. Sur ce plan, Joséphine Manini
ne peut se prévaloir aujourd'hui de la résiliation du bail par Sommer,
ni des conditions du nouveau bail qu'il propose, ni du mauvais état de
locaux, ni enfin d'une prétendue mainmise des Laiteries réunies sur son
commerce. Le refus de l'autorisation de transfert ne compromet en rien
les intérêts qu'elle peut avoir à cet égard. En effet, Sommer a rénové
les locaux, qui correspondent maintenant aux exigences de l'hygiène. Il
a retiré la résiliation et offre un bail dont les conditions n'ont rien
d'excessif et présentent toute garantie pour Joséphine Manini à l'égard
des Laiteries réunies. En revanche Sommer a, dans cette affaire, des
intérêts importants qui ne peuvent être sauvegardés que par le refus
de l'autorisation de transfert. Si Joséphine Manini quittait la rue
St-Théodule pour la rue de Conthey, Sommer ne pourrait installer dans
ses locaux une nouvelle laiterie mais devrait les affecter à une autre
destination. Cela n'irait pas sans des frais importants et d'autant moins
justifiés que les locaux viennent d'être rénovés pour une laiterie. C'est
pourquoi les intérêts du propriétaire doivent en l'espèce l'emporter sur
ceux de la locataire et l'autorisation de transfert être refusée.

    D.- Contre cette décision, Joséphine Manini interjette un recours de
droit administratif au Tribunal fédéral auquel elle demande l'annulation
du prononcé attaqué et l'autorisation définitive de transférer son débit
de lait de la rue St-Théodule à la rue de Conthey.

    Avec le Département fédéral de l'économie publique, la recourante
considère qu'il faut tenir compte en première ligne de l'intérêt public
et en second lieu seulement des intérêts privés. Avec lui, elle admet
également que l'intérêt public n'est pas en cause. Il convient dès lors
d'examiner les intérêts privés, encore que ceux-ci ne puissent pas,
ditelle, constituer la seule base de la décision administrative. Les
intérêts en présence sont d'une part ceux d'un propriétaire d'immeuble,
d'autre part ceux d'un locataire, concessionnaire d'un débit de lait. Si le
propriétaire d'un immeuble où se trouve un commerce court certains risques,
il les connaît d'avance. Quand il achète le bâtiment il peut y parer en en
tenant compte dans le prix qu'il offre. Quand il procède à l'aménagement
nécessaire au commerce, il peut prendre ses précautions en prévoyant un
amortissement convenable. En revanche le locataire, qui est à la merci
d'un changement de propriétaire, ignore si son bail sera renouvelé et
s'il pourra trouver de nouveaux locaux en cas de résiliation. Il ne peut
jouir d'aucune protection de la part de l'autorité administrative. En
l'espèce, Sommer a acheté l'immeuble de la rue St-Théodule puis il a
résilié le bail. D'autre part, le Service cantonal du contrôle des denrées
alimentaires a estimé insuffisants les anciens locaux. Placée devant ces
deux faits, la recourante a loué le magasin de la rue de Conthey. Si par
la suite et sans avoir encore passé de nouveau contrat avec elle, Sommer
a fait des frais importants pour transformer ses locaux en une laiterie
conforme aux exigences de l'hygiène, il l'a fait à ses risques et périls,
puisqu'il savait qu'elle avait conclu un bail avec un tiers. Outre cela,
il est manifeste que la recourante est la victime des Laiteries réunies
qui, agissant par l'intermédiaire de leur directeur-gérant, cherchent
à s'emparer de son commerce. Ce sont dès lors ses intérêts qui doivent
l'emporter. Le Département ne peut l'obliger à conclure un nouveau bail
avec Sommer et encore moins lui en imposer les conditions.

    Le Département et Sommer concluent, avec suite de frais et dépens,
au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La loi fédérale du 3 octobre 1951 sur l'agriculture (LAg) ouvre
la voie du recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre le
refus ou le retrait des autorisations qu'elle institue (art. 107). De même,
l'art. 38 de l'arrêté fédéral du 29 septembre 1953 sur le statut du lait
(ASL) prévoit un recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre
toute décision de la dernière autorité cantonale et du Département fédéral
de l'économie publique concernant le refus ou le retrait d'autorisation.

    En l'espèce, l'opération à laquelle la recourante a procédé est le
transfert de son débit de lait. En vertu de l'art. 21, le transfert
d'un débit de lait est soumis à autorisation. La décision attaquée,
rendue par le Département fédéral de l'économie publique, refuse cette
autorisation. Elle est dès lors susceptible d'un recours de droit
administratif au sens des art. 102 ss OJ. La compétence du Tribunal
fédéral n'est donc pas contestable. Elle n'est du reste pas contestée.

Erwägung 2

    2.- S'agissant d'un recours de droit administratif, le pouvoir
d'examen du Tribunal fédéral est réglé par les art. 104, 105 et 109
OJ. Le Tribunal fédéral peut rechercher si la décision attaquée repose sur
des constatations de fait inexactes ou incomplètes. Il revoit librement
l'application du droit et, s'il ne peut aller au delà des conclusions des
parties (sauf en matière d'impôts), il n'est pas lié en revanche par les
motifs qu'elles invoquent.

Erwägung 3

    3.- Jusqu'au 31 décembre 1953, le régime des autorisations concernant
les débits de lait était réglé par l'ordonnance du 30 avril 1937 sur la
production, le commerce et l'utilisation du lait, plus spécialement par
l'art. 12 de cette ordonnance. Depuis le 1er janvier 1954, il est soumis
exclusivement aux prescriptions de l'ASL, en particulier de l'art. 21
ASL. C'est ce qui résulte de l'art. 49 ASL et de la déclaration du
Conseil fédéral du 30 décembre 1953 (ROLF 1953, p. 1152). Ce changement
de législation n'atteignant pas la recourante dans des droits acquis,
le présent litige doit dès lors être examiné à la seule lumière des
règles posées par la LAG et l'ASL. Il porte d'ailleurs uniquement sur
le refus de l'autorisation définitive de transfert prononcé en premier
ressort le 3 février 1951 et par la juridiction de recours le 29 janvier
1954. L'autorisation provisoire accordée le 26 mai 1951 pour la durée des
travaux et révoquée le 31 janvier 1953 une fois les réparations terminées,
n'est pas en cause.

Erwägung 4

    4.- En vertu de l'art. 26 LAg, l'Assemblée fédérale a le droit,
en tenant compte des intérêts de l'économie nationale, de prendre
des mesures destinées tant à assurer un bon ravitaillement du pays en
lait et en produits laitiers qu'à faciliter la vente du lait à des prix
équitables. Elle peut en particulier édicter des prescriptions "qui, eu
égard aux conditions locales, permettent de recueillir et de distribuer le
lait de consommation de manière rationnelle et à peu de frais, notamment
en empêchant d'ouvrir des débits en nombre excessif et en organisant la
distribution du lait par quartier".

    En application de ces dispositions et conformément à leur lettre et
à leur esprit, l'art. 21 ASL prévoit que certaines opérations relatives
à un débit de lait sont subordonnées à une autorisation. Il fixe en
outre les conditions auxquelles l'autorisation est délivrée. C'est ainsi
que l'ouverture ou le transfert d'un débit de lait, c'est-à-dire son
déplacement d'un lieu dans un autre, sont soumis à une autorisation, qui
"doit être délivrée lorsqu'elle répond à un besoin des consommateurs et
que son usage ne risque pas d'empêcher la distribution rationnelle et
économique du lait".

    Il n'est pas contesté qu'en l'espèce ces diverses conditions
sont réunies. Elles l'étaient déjà en ce qui concerne le débit de
la rue St-Théodule. Or le débit de la rue de Conthey, qui se trouve à
trente-cinq mètres seulement du premier, est situé dans le même quartier
exactement. C'est pourquoi, à s'en tenir aux termes de l'art. 21 ASL,
l'autorisation de transfert aurait dû être délivrée à la recourante.

Erwägung 5

    5.- Néanmoins, le Département fédéral de l'économie publique a refusé
cette autorisation. Il estime en effet qu'en cas de transfert, l'autorité
ne doit pas se borner à examiner les nécessités de l'intérêt public;
elle doit mettre aussi en balance les intérêts privés du propriétaire
de l'immeuble où se trouve le débit et ceux du laitier locataire; si
les intérêts du propriétaire apparaissent plus dignes de protection que
ceux du locataire, il faut qu'elle recherche s'ils seraient gravement
compromis par le transfert. Le Département fonde son opinion sur un
passage du message du Conseil fédéral ainsi conçu:

    "Le permis ne confère pas à son titulaire la possibilité de se
prévaloir d'un droit personnel, et il ne peut par conséquent être transmis
librement. Lors du transfert ou de la remise d'un débit, par exemple, il
peut être nécessaire parfois de tenir compte de façon équitable aussi bien
des intérêts du détaillant que de ceux du propriétaire de l'immeuble. Si
un commerçant transfère son débit de lait d'une maison dans une autre,
le propriétaire de l'immeuble qu'il a quitté ne peut pas reprendre
simplement le magasin à son compte ou en confier la gérance à un tiers"
(FF 1953 I 500).

    On peut se demander toutefois si l'opinion du Département est
compatible avec le texte de l'art. 21 ASL et si elle ne revient pas à
donner au message du Conseil fédéral une portée qu'il n'a pas. Il est vrai
qu'elle trouverait un appui dans les textes si elle devait être examinée à
la lumière des règles de l'ancien droit. En effet, ainsi que cela résulte
de l'art. 12 de l'ordonnance de 1937, l'autorité jouissait alors d'un
large pouvoir d'appréciation, pourvu qu'elle n'accordât pas d'autorisation
quand il n'y avait pas de besoin ou quand le ravitaillement normal en lait
frais en aurait été compromis. Dans la mesure où elle pouvait accorder
l'autorisation, elle avait aussi la faculté de la refuser si des motifs
d'opportunité s'imposaient à elle.

    Il semble cependant qu'il n'en va plus de même aujourd'hui et que l'ASL
a renversé la situation en ce sens que l'autorité administrative n'a plus
le pouvoir de statuer en opportunité dans un certain champ préalablement
limité par le législateur. Le texte apparemment impératif de l'art. 21
al. 2 ASL permet en effet de dire que l'ASL fixe non les conditions minima
qui doivent être réunies pour que l'autorisation puisse être accordée,
mais bien, exhaustivement et limitativement, toutes les conditions qui,
une fois réalisées, doivent entraîner l'octroi de l'autorisation. Dans
ce système, les conditions de l'art. 21 al. 2 ASL étant remplies,
l'autorité ne pourrait prendre en considération d'autres facteurs pour
refuser l'autorisation si ce n'est dans les limites de la notion de
besoin. C'est seulement si ces exigences n'étaient pas satisfaites
que l'autorité pourrait tenir compte d'autres éléments pour accorder
néanmoins l'autorisation, et c'est dans ce sens uniquement que devrait
être interprété le passage du message du Conseil fédéral sur lequel le
Département appuie sa manière de voir.

    Toutefois, quoi qu'il en soit, cette question peut demeurer aujourd'hui
indécise. En effet, si l'on met en balance les intérêts privés des parties
en présence, ceux de la recourante doivent l'emporter, ce qui entraîne
l'octroi de l'autorisation.

Erwägung 6

    6.- A ce propos, il convient de rappeler qu'André Sommer, qui a acheté
la maison de la rue St-Théodule en novembre 1950, était directeur-gérant
des Laiteries réunies de Sion-Bramois, qui lui ont accordé leur aide
financière pour cette opération et possèdent un droit d'emption sur
l'immeuble. Ainsi, il n'est nullement exclu que la société des Laiteries
réunies ne devienne, un jour ou l'autre, propriétaire du bâtiment. Or,
elle poursuit à l'égard des "laitiers privés" une politique commerciale
dont elle a précisé le but en déclarant que "la défense des intérêts de
la production et du consommateur l'oblige à être un élément toujours plus
complet pour un service public général afin de supprimer les intermédiaires
inutiles entre la production et la consommation". Cela signifie qu'elle
tend à se substituer peu à peu aux "laitiers privés". Si la recourante
n'obtenait pas l'autorisation de transférer son débit de lait, elle
risquerait de devenir locataire de la grande entreprise; elle serait en
tout cas locataire de celui qui dirige cette société et qui poursuit les
mêmes buts. Elle se trouverait à son égard dans un rapport de dépendance
et perdrait ainsi une partie notable de sa liberté. Elle serait à la merci
d'une résiliation du bail, d'un loyer excessif et, en général, de tous les
conflits qui peuvent surgir entre locataires et propriétaires, surtout
lorsqu'ils ont des intérêts commerciaux opposés et que la disparition
de l'un est à l'avantage de l'autre. Cette situation fausserait le jeu
de la libre concurrence. Elle serait contraire à l'esprit de l'ASL qui,
ainsi que le Conseil fédéral le précise dans son message, n'a pas voulu
donner le monopole du commerce du lait aux grandes entreprises, parce
que l'expérience montre "que c'est l'exploitation familiale de moyenne
importance qui, du point de vue des frais, travaille dans les conditions
les plus favorables". Ces seules considérations suffisent à faire admettre
que les intérêts de la recourante doivent primer ceux d'André Sommer
et qu'ils seraient gravement compromis si l'autorisation de transfert
était refusée.

    Sans doute, André Sommer a-t-il engagé des frais importants pour
remettre les locaux de la laiterie en état et pour satisfaire aux
exigences du service de l'hygiène. Mais il a entrepris ces travaux
alors qu'il n'avait pas conclu de nouveau bail avec la recourante et que
l'autorité administrative n'avait pas encore statué sur l'autorisation
de transfert. Il a donc agi à ses risques et périls. On ne saurait
non plus reprocher à la recourante l'attitude qu'elle a eue pendant la
procédure. Elle ne s'est pas opposée en particulier aux réparations que
Sommer se proposait de faire, mais entendait surtout avoir l'assurance
que les installations dont elle était propriétaire ne seraient pas sans
autre éliminées. Enfin elle pouvait, sans que cela fût critiquable,
louer les locaux de la rue de Conthey puis, ensuite seulement, présenter
une demande de transfert; si elle avait sollicité l'autorisation avant
d'avoir les locaux, elle aurait pu craindre que l'administration ne
considère sa requête comme sans objet; au surplus ce nouveau bail ne
liait pas l'autorité.

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    admet le recours, annule la décision attaquée et accorde à Joséphine
Manini l'autorisation de transfert de la "Laiterie Modèle".