Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 80 II 82



80 II 82

11. Arrêt de la Ire Cour civile du 1 er février 1954 dans la cause Brodard
   contre Bigio.
Regeste

    Check, Anweisung.

    Eine vom Unterzeichner als Check bezeichnete Urkunde, die den Ort
der Ausstellung nicht angibt und neben dem Namen des Ausstellers keine
Ortsangabe enthält, ist als Check ungültig (Art. 1100 Ziff. 5, 1101 Abs. 4
OR; Erw. 2).

    Konversion von Rechtsgeschäften. Ein formungültiger Check ist in der
Regel als Anweisung gültig (Erw. 3).

    Die Anweisung verschafft an sich dem Anweisungsempfänger kein
Rückgriffsrecht gegenüber dem Anweisenden, wenn der Angewiesene die
Zahlung verweigert (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Samy Bigio, domicilié à Paris, a établi, le 13 novembre 1947,
sur une formule de l'Union de Banques Suisses, un document dont le recto
a la teneur suivante:

    "Le treize Novembre 47: Frs 10.000.--

    UNION DE BANQUES SUISSES GENEVE

    Payez contre ce chèque à l'ordre de ... ... au porteur .........la
somme de francs...........dix mille francs suisses-----

    (timbre) Samy Bigio (sig.)

    Samy Bigio

    Chèque Série D no 150 898."

    (suit une note concernant le droit de timbre).

    Il remit ce papier à Karl Bitter-Sonnenreich. Le 22 décembre 1947, il
signala à l'Union de Banques Suisses, à Genève, que le "chèque" avait été
perdu et il la pria de le considérer comme nul et d'en refuser le paiement.

    Ce document fut présenté à la banque le 29 janvier 1948 par un tiers,
Victor-Emmanuel Guillaume, de Paris. Elle refusa de le payer. Le 30 juin
1949, le même papier fut présenté par André Brodard, qui le tenait de
Guillaume. La banque agit de même.

    B.- Brodard fit séquestrer, à Genève, des biens appartenant à Bigio et
intenta à ce dernier une poursuite pour 10 000 francs avec intérêt à 5%
dès le 13 novembre 1947 et 19 fr. 30 de frais de séquestre. Bigio fit
opposition, mais Brodard obtint la mainlevée provisoire.

    Bigio intenta une action en libération de dette devant les tribunaux
genevois, pour faire constater l'inexistence de l'obligation dont
l'exécution lui était réclamée.

    Par jugement du 5 novembre 1952, le Tribunal de première instance
débouta le demandeur de ses conclusions.

    En appel, la Cour de justice de Genève a admis la demande et prononcé
que Bigio ne devait pas la somme pour laquelle il était poursuivi. Elle
considère que le document litigieux n'est pas un chèque, attendu qu'il
n'indique pas le lieu où il a été créé et qu'aucun nom de lieu ne figure à
côté de celui du tireur; qu'il ne constitue pas non plus un papier-valeur
innomé, car il n'accorde au porteur aucun droit contre le tiré ou le
tireur; qu'il doit donc être considéré comme une simple assignation; que,
dans ces conditions, il incombe à Brodard d'établir que Bitter ou Guillaume
lui ont cédé leurs droits et qu'ils étaient bien créanciers de Bigio;
que cette preuve n'a pas été apportée; que Brodard, en effet, n'est pas
au bénéfice d'une cession de créance, de sorte qu'il n'a pas qualité pour
agir; qu'au surplus, il n'a été prouvé ni par les dépositions des témoins
ni par d'autres indices que Bigio eût une dette envers Bitter ou Guillaume.

    C.- Contre cet arrêt, Brodard recourt en réforme au Tribunal fédéral
en concluant à ce que Bigio soit débouté de sa demande. Il admet que le
document litigieux n'est pas un chèque, mais allègue qu'il s'agit d'un
papier-valeur au porteur, selon les art. 978 et suiv. CO. Dès lors, dit-il,
l'intimé ne peut lui opposer que les exceptions prévues à l'art. 979 CO,
dont les conditions ne sont pas remplies en l'espèce. Enfin, il déclare
que, si l'on considère, d'accord avec la Cour de justice, le "chèque"
comme une simple assignation, il n'entend pas discuter l'arrêt attaqué,
qui, sur ce point, repose sur des constatations de fait.

    L'intimé conclut au rejet du recours en réforme.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La qualification juridique du document litigieux doit être
déterminée selon la lex fori, c'est-à-dire d'après le droit suisse (RO
59 II 399 consid. 2; cf. également 65 II 71, consid. 3).

    A son art. 1139 al. 1, le CO reprend l'art. 4 al. 1 de la Convention
de Genève du 19 mars 1931 destinée à régler certains conflits de lois
en matière de chèques. Aux termes de cette disposition, la forme des
engagements pris au moyen de chèques est réglée par la loi du pays sur
le territoire duquel ces engagements ont été souscrits; toutefois,
l'observation des formes prescrites par la loi du lieu de paiement
suffit. En l'espèce, cette dernière est la loi suisse, tandis que le pays
où l'engagement a été souscrit est la France. Pour être valable comme
chèque, il suffirait donc que le document litigieux satisfasse aux formes
exigées dans l'un de ces deux pays. Or la France comme la Suisse ont adopté
dans leur législation nationale les art. 1er et 2 de l'Annexe I de la
Convention de Genève du 19 mars 1931 portant loi uniforme sur les chèques
(pour la Suisse, art. 1100 et 1101 CO; pour la France, art. 1er et 2 du
décret-loi du 30 octobre 1935 unifiant le droit en matière de chèques).
Le titre signé par Bigio ne constitue donc un chèque que s'il est conforme
à ces dispositions.

Erwägung 2

    2.- A l'encontre de l'art. 1100 ch. 4 et 5 CO (qui correspond à l'art.
1er ch. 4 et 5 du décret-loi français du 30 octobre 1935), le "chèque"
produit n'indique ni le lieu où le paiement doit s'effectuer, ni le
lieu où il a été créé. En règle générale, le défaut d'une des mentions
exigées par la loi entraîne la nullité du chèque comme tel (art. 1101
al. 1 CO). Mais ce n'est pas le cas de celles qui manquent sur le titre
signé par Bigio. L'indication du lieu d'émission et celle du lieu de
paiement ne sont pas absolument indispensables, en ce sens qu'en cas de
silence du titre la loi y supplée au moyen de présomptions et n'annule
pas le chèque ipso facto.

    Pour l'endroit où le chèque doit être présenté, l'art. 1101 al. 2
CO prescrit en effet qu'à défaut d'indication spéciale, le lieu désigné
à côté du nom du tiré est réputé être le lieu de paiement. En l'espèce,
le nom du tiré, l'Union de Banques Suisses, est accompagné d'un nom de
ville: Genève. C'est donc ce lieu qui est considéré comme l'endroit où
le paiement doit être effectué. Dès lors, le "chèque" satisfait sur ce
point aux conditions exigées par la loi.

    Quant au lieu d'émission, l'art. 1101 al. 4 CO dispose que le chèque
qui ne porte aucune indication à ce sujet est considéré comme souscrit
dans le lieu désigné à côté du nom du tireur. En l'occurrence, toutefois,
aucun lieu n'est mentionné à côté du nom de Bigio. La présomption de
l'art. 1101 al. 4 CO ne peut donc s'appliquer, ce qui emporte la nullité du
titre comme chèque. En effet, si le défaut d'indication au sujet du lieu
d'émission n'entraîne pas d'emblée la conséquence prévue par l'art. 1101
al. 1 CO, il n'en constitue pas moins un vice qui ne peut être réparé
que par la désignation d'un nom de lieu à côté du nom du tireur. Car le
lieu d'émission joue un rôle important dans le règlement des conflits
de lois. En particulier, c'est la loi du pays sur le territoire duquel
les obligations résultant du chèque ont été souscrites qui règle les
effets de ces engagements (art. 1140 CO; Convention de Genève du 19 mars
1931 destinée à régler certains conflits de lois en matière de chèques,
art. 5). La sécurité juridique exige donc que le lieu de création soit
à tout le moins clairement déterminable par le titre. Si cette condition
n'est pas remplie, le document ne saurait constituer un chèque.

Erwägung 3

    3.- Brodard prétend cependant que le titre qu'il produit est en
tout cas un papier-valeur innomé. Cette question doit être tranchée à la
lumière du droit suisse, qui est la lex fori.

    A l'encontre du code civil allemand (§ 140), le droit suisse
ne contient aucune disposition générale sur la conversion des actes
juridiques. La doctrine et la jurisprudence considèrent cependant que,
lorsqu'un acte nul remplit les conditions d'un autre acte juridique,
ce dernier est valable s'il a un but et produit un résultat semblable à
ceux du premier et s'il faut admettre que telle aurait été la volonté des
parties dans le cas où elles auraient eu connaissance de cette nullité
(RO 75 II 91 consid. 4, 76 II 13 consid. 5 et les références indiquées,
76 II 278, consid. 3). Toutefois, l'acte substitué ne saurait évidemment
aller au delà de celui qui était voulu par les parties et imposer à l'une
ou l'autre de ces dernières des obligations plus strictes.

    En l'espèce, on peut se dispenser de juger si, comme le soutient
le recourant, il existe en droit suisse des papiersvaleurs innomés,
c'est-à-dire des documents qui, sans que cette qualité leur soit
expressément reconnue par la loi, sont des papiers-valeurs par le seul
fait qu'ils remplissent les conditions générales des art. 965 et suiv. CO
et que les parties ont voulu leur donner ce caractère (cf. RO 65 II 77,
consid. 6). Car, même si l'on tranchait cette question par l'affirmative,
la conversion voulue par le recourant ne pourrait être opérée. Ce dernier
prétend en effet que le titre litigieux est un papier-valeur qui donne
au porteur le droit inconditionnel de se faire payer 10 000 fr. Or, si le
document en cause était un chèque, le porteur ne pourrait recourir contre
le tireur qu'à la condition que le titre, présenté en temps utile, n'ait
pas été payé par le tiré et que le refus de paiement ait été constaté
conformément à la loi (art. 1128 CO). Ainsi, la conversion proposée par
le recourant aggraverait les obligations du souscripteur, ce qui exclut
cette opération. Du reste, il ressort de la loi que le législateur n'a pas
voulu qu'un chèque nul en la forme soit considéré comme un papier-valeur
innomé. L'art. 1102 al. 2 CO dispose en effet que le chèque qui n'est
pas tiré sur un banquier vaut comme simple assignation; il n'y a aucune
raison que le chèque tiré sur un banquier mais entaché d'un vice de forme
ait un sort différent et reste un papier-valeur.

Erwägung 4

    4.- Mais le chèque n'est qu'une forme qualifiée de l'assignation. Comme
elle, il donne à une personne le pouvoir d'encaisser un certain montant
chez une autre et à cette dernière le pouvoir de se libérer en main de
la première. On doit donc admettre, en règle générale, qu'un chèque
nul en la forme constitue une assignation. Cependant, même si l'on
opère cette conversion en l'occurrence, le recours doit être rejeté,
ainsi que Brodard le reconnaît. En effet, l'assignation, en elle-même,
ne donne pas à l'assignataire le droit de se retourner contre l'assignant
si l'assigné refuse le paiement. Une garantie du paiement ne résulte pas
de la nature de l'assignation, qui peut sans doute comporter, mais qui
n'implique nullement une dette préexistante ou un engagement de la part de
l'assignant envers l'assignataire (RO 40 II 408). Il eût dès lors incombé
au recourant de prouver l'existence d'une dette de Bigio envers lui. Or,
sur ce point, le juge du fait a constaté, de manière à lier le Tribunal
fédéral, que Brodard n'était pas au bénéfice d'une cession de ceux qui
pourraient être créanciers de l'intimé et qu'au surplus l'existence d'une
dette de ce dernier n'était pas établie.

Entscheid:

          Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

    Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.