Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 80 II 355



80 II 355

56. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 16 novembre 1954
dans la cause Soeiété en nom collectif Juvenia, petits-fils de
Didisheim-Goldschmidt contre Fabrique Solvil des Montres Paul Ditisheim
SA Regeste

    Gewerbliche Muster und Modelle, internationale Hinterlegung.

    Formelle Erfordernisse für den Schutz hinterlegter Muster und Modelle,
insbesondere von Uhren (Art. 3 u. 4 des Haager Abkommens betr. die
internationale Hinterlegung der gewerblichen Muster und Modelle, Art. 9
MMG und Art. 4 der VVO vom 27. Juli 1900). Schutz in der Schweiz für
den Gegenstand einer von einem Schweizer vorgenommenen internationalen
Hinterlegung (Art. 1 u. 21 des Haager Abkommens, Art. 23bis MMG).

    Formelle Erfordernisse für die gültige Verlängerung einer
internationalen Hinterlegung (Art. 8, 9 u. 11 des Haager Abkommens).

    In der Schweiz besteht für den Gegenstand einer internationalen
Hinterlegung die Vermutung der Neuheit (Art. 21 des Haager Abkommens
u. Art. 6 MMG).

Sachverhalt

    A.- Le 8 décembre 1938, la Société en nom collectif Juvenia,
petits-fils de Didisheim-Goldschmidt (ci-après Juvenia), qui exploite
une fabrique d'horlogerie, a déposé dix modèles, sous pli cacheté, au
Bureau international pour la protection de la propriété industrielle
(dépôt no 7431). Un de ces modèles, dénommé "Mystère", concernait
une montre-bracelet du type dit "squelette", qui se distingue par les
caractéristiques suivantes: le mouvement est monté dans une boîte dont le
diamètre est sensiblement supérieur au sien et dont il n'occupe ainsi que
le centre; le fond de la boîte, comme la glace, est diaphane; la montre
étant dépourvue de cadran, elle présente une zone annulaire transparente;
les heures sont indiquées par des repères fixés sur la lunette. En outre,
dans la montre "Mystère", la naissance des aiguilles est masquée par
une plaque mince et opaque apposée sur la face interne de la glace,
tandis que leurs extrémités, teintées en blanc ou en rouge, débordent
dans la zone annulaire transparente; la plaque que porte la glace est
formée elle-même d'un disque et d'une couronne concentriques séparés par
un anneau non coloré.

    Le 18 juin 1943, le dépôt no 7431 a été prorogé pour la deuxième
période, c'est-à-dire jusqu'au 8 décembre 1953.

    B.- Au début de 1953, la Fabrique Solvil des Montres Paul Ditisheim
SA (ci-après Solvil) a lancé sur le marché une nouvelle montre-bracelet
qu'elle a appelée "Titus TV 60". Elle a utilisé, pour ce modèle, une boîte
"squelette" et a dissimulé le mouvement, du côté de la glace, par un
disque opaque d'une certaine épaisseur. Les aiguilles sont remplacées par
deux disques transparents, marqués chacun d'un index qui n'a de liaison
apparente ni avec le mouvement ni avec la boîte.

    C.- Juvenia a considéré que le modèle "Titus TV 60" constituait une
contrefaçon de sa montre "Mystère". Se fondant sur la LDMI et la LCD,
elle a actionné Solvil devant la Cour de justice du canton de Genève,
en concluant à ce que cette juridiction interdise à la défenderesse de
fabriquer et de vendre des montres "Titus TV 60", lui enjoigne de détruire
les pièces détachées servant à la contrefaçon, la condamne au paiement
d'une indemnité de 20 000 fr. et ordonne la publication du jugement dans
trois journaux ou revues.

    Solvil a conclu au rejet de l'action. Reconventionnellement, elle a
demandé à la Cour de justice de prononcer la nullité des modèles déposés
par Juvenia le 8 décembre 1938.

    Par jugement du 30 avril 1954, la Cour de justice a rejeté l'action
principale et la demande reconventionnelle.

    D.- Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme formé par
Juvenia.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

Erwägung 2

    2.- Les premiers juges ont considéré que le dépôt du 8 décembre 1938
était valable et assurait à Juvenia la même protection que si ses modèles
avaient été déposés au Bureau fédéral de la propriété intellectuelle
conformément à la LDMI et au règlement d'exécution du 27 juillet 1900.
L'intimée critique ce point du jugement cantonal. L'art. 4 al. 3 de
l'Arrangement de La Haye concernant le dépôt international des dessins
ou modèles industriels (AHDI), dit-elle, réserve les formalités à remplir
selon la loi intérieure; or, comme l'art. 9 al. 2 LDMI lui en donnait le
pouvoir, le Conseil fédéral a prescrit, à l'art. 4 al. 4 du règlement
d'exécution, que les modèles concernant des montres étaient exclus du
dépôt secret et qu'une reproduction graphique devait en être publiée;
ces règles n'ayant pas été observées, le dépôt du 8 décembre 193.8 est nul.

    Cette argumentation est erronée. L'intimée perd de vue que, selon
l'art. 4 al. 3 AHDI, les formalités prescrites par la loi intérieure ne
sont réservées que pour l'exercice du droit. Sa naissance, en revanche,
ne dépend que de la publicité mentionnée à l'art. 3 AHDI et aucune autre
ne peut être exigée du déposant.

    Il est vrai, cependant, qu'aux termes de l'art. 1er AHDI, les modèles
qui font l'objet d'un dépôt international ne sont protégés que dans
"les autres pays contractants". Pour bénéficier de la protection dans
l'Etat dont il est ressortissant, le déposant doit donc, en principe,
suivre les prescriptions de la loi interne. Mais l'art. 21 AHDI permet
aux Etats de statuer que les dépôts internationaux effectués par leurs
ressortissants produisent les mêmes effets sur leur territoire que dans
les autres pays contractants. La Suisse a fait usage de cette faculté par
l'art. 23 bis LDMI. Cette disposition prescrit en effet, sans distinguer
entre les nationaux et les ressortissants d'autres Etats contractants,
que celui qui effectue un dépôt international obtient la protection de la
loi comme s'il avait déposé le dessin ou le modèle en Suisse. Il suffit
donc que le dépôt soit opéré valablement au regard de l'Arrangement de
La Haye. Or celui-ci ne prévoit aucune formalité particulière aux modèles
relatifs à des montres; ils peuvent, comme les autres, être déposés sous
pli fermé. Le dépôt du 8 décembre 1938 a donc été effectué régulièrement
et a conféré à Juvenia, sur le territoire suisse, la même protection que
si les modèles avaient été déposés sous pli ouvert au Bureau fédéral et
qu'une reproduction graphique en eût été publiée.

Erwägung 3

    3.- La Cour de justice a estimé cependant que le dépôt du 8 décembre
1938 avait cessé de produire effet dès le 8 décembre 1943. A cette date,
dit-elle, le pli cacheté aurait dû être ouvert conformément aux art. 8
et 9 AHDI; or le Bureau international s'est borné à aviser Juvenia de la
prolongation du dépôt et à publier cette mesure; mais le pli est resté
fermé, de sorte que les modèles qu'il contenait sont tombés dans le
domaine public.

    ... En vertu des art. 8, 9 et 11 AHDI, les dépôts ne sont admis qu'à
découvert pendant la deuxième période; si, après cinq ans, le déposant fait
une demande de prolongation, le Bureau international procède à l'ouverture
du pli lorsqu'il est cacheté et publie dans son journal la prorogation
intervenue. Lors donc que le déposant d'un pli fermé forme une demande de
prolongation et paie les émoluments fixés, le Bureau international ouvre
le dépôt d'office, en vue du passage à la seconde période. Mais, pour se
conformer sur ce point à l'Arrangement de La Haye, il n'est pas nécessaire
que cet organisme décachète effectivement les plis fermés et en sorte les
modèles qu'ils contiennent. Ce serait certes indispensable si, durant la
deuxième période du dépôt, les dessins et modèles étaient exposés dans un
local accessible à chacun. Mais il n'en est pas ainsi. Aux termes de l'art.
19 AHDI, les intéressés ne peuvent prendre connaissance des dépôts ouverts
qu'en présence d'un fonctionnaire. Ils doivent donc indiquer à celui-ci les
modèles ou les dessins qu'ils désirent consulter et dont ils connaissent
les numéros par les publications effectuées. Pour que le but voulu par
l'Arrangement de La Haye soit atteint, il suffit donc que les plis fermés
déposés depuis plus de cinq ans soient considérés, jure conventionis, comme
des dépôts ouverts et soient décachetés au moment où un intéressé désire
prendre connaissance des modèles ou des dessins qu'ils contiennent. La
juridiction cantonale critique, il est vrai, une pareille interprétation
des art. 8, 9 et 11 AHDI. Ces dernières dispositions, dit-elle, permettent
aux déposants d'éluder l'art. 4 al. 4 du règlement d'exécution de la loi
suisse, de sorte qu'elles doivent être interprétées restrictivement. Mais
cet argument est erroné. Le sens d'une convention internationale, qui doit
être appliquée uniformément dans tous les pays contractants, ne saurait
dépendre du contenu d'une loi nationale à laquelle elle déroge. Du reste,
le raisonnement de la Cour de justice se heurte à l'art. 23 bis LDMI,
aux termes duquel les dispositions de l'Arrangement de La Haye priment
toujours la loi suisse lorsqu'elles sont plus favorables aux déposants.

    Selon le certificat délivré par le Bureau international le 18 juin
1943, le dépôt no 7431 a été prolongé "conformément aux art. 7 et 11 de
l'Arrangement de La Haye" et cette mesure a été publiée dans le numéro du
30 juin 1943 du périodique Les dessins et modèles internationaux. Aussi
peut-on admettre que, même si le pli n'a pas été décacheté en fait,
le dépôt a été, dès le 8 décembre 1943, considéré comme ouvert et a été
accessible à tout intéressé. On doit en tout cas le présumer, de sorte
qu'il appartiendrait à l'intimée d'établir le contraire. Or celle-ci
n'a offert aucune preuve sur ce point et n'a même pas allégué que, depuis
1943, le dépôt no 7431 n'eût pas été accessible à chacun conformément aux
art. 18 et 19 AHDI. Le dépôt a donc été prolongé valablement jusqu'au 7
décembre 1953.

Erwägung 4

    4.- Mais l'Arrangement de La Haye, sous réserve de quelques-unes de
ses dispositions, ne règle que les conditions de forme à remplir pour que
les modèles et dessins bénéficient d'une protection internationale. Ce sont
les lois internes, en revanche, qui fixent les conditions matérielles de la
naissance de ce droit et qui en déterminent le contenu. Aussi est-ce avec
raison que la Cour de justice a, à cet égard, statué selon le droit suisse.

    La juridiction cantonale a admis que toutes les conditions de fond
requises pour que la montre "Mystère" fût protégée comme modèle étaient
réalisées et que la montre "Titus TV 60" constituait une contrefaçon
du produit de Juvenia. L'intimée critique sur ce point le jugement
attaqué. Elle soutient d'abord que la montre "Mystère" n'était pas
nouvelle au moment du dépôt, Elle prétend en outre que l'apparence de cet
objet est imposée par des nécessités techniques et n'est pas le résultat
d'une recherche esthétique originale, de sorte qu'il ne pourrait être
protégé comme modèle. Enfin, elle allègue que la montre "Titus TV 60"
se distingue de celle de Juvenia par des éléments importants, ce qui
exclurait toute contrefaçon.

Erwägung 5

    5.- Aux termes de l'art. 12 ch. 1 LDMI, un modèle ou un dessin n'est
protégé que s'il est nouveau au moment de son dépôt, c'est-à-dire si,
à cette époque, il n'est connu ni du public ni des milieux industriels
et commerciaux intéressés. A cet égard, l'intimée se plaint de ce que les
juges cantonaux ont mis à sa charge la preuve de l'absence de nouveauté;
selon l'Arrangement de La Haye, allèguet-elle, le dépôt international
n'entraîne pas une présomption de nouveauté, de sorte qu'il appartient
au déposant d'établir l'existence de cet élément. Cette argumentation ne
peut être accueillie. Certes, l'Arrangement de La Haye ne dispose pas
expressément que le modèle déposé est considéré comme nouveau jusqu'à
preuve du contraire. Mais cela est indifférent en l'occurrence et on
peut laisser indécise la question de savoir si, comme l'admet FURLER
(Das internationale Musterrecht, 1951, p. 81 et 82), cette présomption
découle de l'art. 4 al. 1 AHDI. Car les dispositions de cette convention
internationale ne comportent qu'un minimum de protection et ne portent pas
atteinte aux prescriptions plus larges édictées par les pays contractants
(art. 21). Or, aux termes de l'art. 6 de la loi suisse, l'objet du dépôt
est présumé nouveau. Il appartient donc à celui qui conteste cette qualité
de prouver que, au moment du dépôt, l'objet était déjà connu en qualité
de modèle, c'est-à-dire comme création d'une forme qui attire le regard
et s'adresse au sens esthétique (cf. RO 55 II 223, 68 II 57, 75 II 358).