Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 80 II 288



80 II 288

48. Arrêt de la IIe Cour civile du 9 décembre 1954 dans la cause Madeira
contre Trolliet. Regeste

    Vaterschaftsklage. Verwirkung.

    Ist Art. 139 OR auf eine Vaterschaftsklage anwendbar, die in gültiger
Form angehoben, aber wegen eines einen spätern Verfahrensakt betreffenden
prozessualen Fehlers einer Partei abgewiesen wurde?

Sachverhalt

    A.- Le 10 août 1950, Antoinette Madeira et son fils Jean-Luc, né le
10 août 1949, ont introduit une action en recherche de paternité contre
Pierre Trolliet par le dépôt d'une citation en conciliation en main du juge
de paix du cercle de Granges. Aucune des parties n'a comparu à l'audience
de conciliation, qui avait été fixée au 2 décembre 1950. Le juge de paix
l'a constaté dans son procès-verbal en ajoutant qu'il le communiquerait
à l'avocat de la partie demanderesse. L'art. 62 CPC dispose que, si les
deux parties font défaut à l'audience de conciliation, "la citation tombe
et le juge ne prononce pas l'amende".

    Le 21 décembre 1950, Antoinette et Jean-Luc Madeira ont remis au juge
de paix de Granges une nouvelle citation en conciliation qui ne contenait
pas de conclusions et se référait à l'exploit du 10 août 1950. L'audience
de conciliation a été fixée au 7 avril 1951. Les demandeurs y ont
comparu et ont obtenu contre le défendeur, qui avait fait défaut, un
"acte de non-comparution" valant "acte de non-conciliation" en vertu de
l'art. 59 al. 2 CPC.

    Le 7 mai 1951, Antoinette et Jean-Luc Madeira ont déposé une demande
au greffe du Tribunal du district de Payerne. Sous nos 20 et 21, ils
ont allégué ce qui suit: "Les demandeurs ont ouvert action par exploit de
citation en conciliation adressé à M. le Juge de paix du cercle de Granges,
sous pli recommandé, mis à la poste le 10 août 1950. Ils ont obtenu acte de
non-comparution en date du 7 avril 1951". Trolliet a fait alors valoir que
les demandeurs paraissaient avoir voulu, par l'exploit du 21 décembre 1950,
poursuivre l'action introduite le 10 août précédent. Estimant que l'art. 62
CPC s'y opposait, il a requis l'invalidation de l'instance en soulevant
une exception de procédure. La partie demanderesse a conclu au rejet de
ce moyen en soutenant qu'elle n'avait pas pu comparaître à l'audience de
conciliation du 2 décembre 1950, et que le juge avait simplement renvoyé
cette séance en citant à nouveau les parties au moyen de l'exploit du 21
décembre 1950. Par jugement du 21 mars 1952, le président du Tribunal du
district de Payerne a invalidé l'instance. Dans un arrêt du 27 mai 1952,
notifié aux parties le 23 juin suivant, le Tribunal cantonal a confirmé
ce jugement, en bref, par les motifs suivants. Etant donné l'art. 62 CPC,
la citation du 10 août 1950 ne peut plus sortir d'effets ni, partant,
constituer l'introduction d'une instance éteinte de par la loi, du seul
fait du défaut des deux parties à l'audience de conciliation. Mais celle
du 21 décembre 1950 ne saurait non plus être considérée comme l'acte
introductif d'une nouvelle action, car elle ne contient pas de conclusions
et ne satisfait ainsi pas aux exigences formelles de la loi au sujet du
contenu de l'exploit. L'instance doit donc être invalidée.

    B.- Le 22 août 1952, Antoinette et Jean-Luc Madeira ont requis
du juge de paix du cercle de Granges la notification d'une troisième
citation en conciliation. Ils ont obtenu acte de non-comparution le 25
octobre 1952 et ont déposé leur demande devant le Tribunal du district
de Payerne le 4 novembre suivant. Dans sa réponse du 17 février 1953,
Trolliet a soulevé l'exception de péremption de l'action. Cette question a
fait l'objet d'une instruction séparée (art. 322 CPC). Par jugement du 20
avril 1954, le Tribunal civil du district de Payerne a rejeté l'exception,
en considérant que l'action intentée par les demandeurs le 10 août 1950
avait été écartée en raison d'un vice de forme réparable par l'arrêt du
27 mai 1952, et qu'une nouvelle action avait été introduite dans le délai
de 60 jours prévu par l'art. 139 CO. Trolliet ayant déféré la cause au
Tribunal cantonal, celui-ci, dans son arrêt du 7 juillet 1954, a réformé
le jugement du Tribunal de district et admis l'exception de péremption. Il
a estimé que l'action du 10 août 1950 n'était pas atteinte d'un vice de
forme et que, partant, l'art 139 CO n'était pas applicable.

    C.- Antoinette et Jean-Luc Madeira recourent en réforme en demandant
au Tribunal fédéral de rejeter l'exception de péremption. Trolliet conclut
au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'art. 139 CO est
applicable non seulement aux délais de prescription proprement dits, mais
aussi au délai de péremption institué par l'art. 308 CC. Par conséquent,
lorsque l'action en recherche de paternité "a été rejetée par suite de
l'incompétence du juge saisi, ou en raison d'un vice de forme réparable,
ou parce qu'elle était prématurée", la partie demanderesse jouit, si le
délai d'un an est expiré dans l'intervalle, d'un délai supplémentaire de
soixante jours pour faire valoir ses droits (RO 61 II 149 ss; 72 II 328).

Erwägung 2

    2.- L'art. 139 CO est applicable à condition qu'une action ait été
intentée dans le délai ordinaire, qu'elle ait été atteinte d'un vice de
forme réparable (il ne s'agit ici que de cette éventualité), qu'elle ait
été rejetée pour ce motif et que la décision sur ce point soit intervenue
après l'expiration du délai de prescription ou de péremption.

    La première de ces conditions est incontestablement réalisée puisque
l'enfant est né le 10 août 1949 et qu'une première action a été introduite
le 10 août 1950.

    En revanche, il est plus délicat de déterminer si la seconde condition,
relative à l'existence d'un vice de forme réparable, est remplie. Les
recourants l'affirment en se fondant essentiellement sur l'arrêt rendu par
le Tribunal fédéral le 7 novembre 1946 dans la cause P. contre M. (RO 72
II 326 ss). Cet arrêt, qui confirme une décision rendue par le Tribunal
cantonal vaudois le 3 mai 1946, considère comme un vice de forme réparable
le dépôt d'une demande après le délai de trente jours pendant lequel l'acte
de non-conciliation est valable (art. 57 et 254 al. 2 CPC). Les recourants
soutiennent qu'il n'y a pas de différence entre cette irrégularité et le
défaut de comparution à l'audience de conciliation, qui doit donc aussi
être considéré comme un vice de forme réparable.

    Toutefois, il convient de relever tout d'abord que la jurisprudence
de l'arrêt P. contre M. ne laisse pas d'être fort discutable. Elle fait
dépendre en effet l'application de l'art. 139 CO des règles particulières
de la procédure cantonale. De plus, elle ne paraît guère conforme à la
ratio legis de cette disposition. Celle-ci tend à atténuer la rigueur
de la prescription (ou de la péremption) en faveur du plaideur qui,
agissant dans la hâte des derniers jours du délai, commet une erreur de
procédure affectant l'acte introductif d'instance. Si ce but ne découle
pas à l'évidence du texte même de l'art. 139 CO, il résulte en revanche
clairement de la note marginale: "Délai supplémentaire, lorsque l'action
a été mal introduite". La partie qui commet une erreur de procédure
dans l'une des phases subséquentes du procès n'est plus pressée par
l'expiration du délai de prescription ou de péremption. Elle ne saurait
donc invoquer l'excuse qui profite au plaideur au moment d'intenter action.
D'ailleurs, le demandeur, qui intente régulièrement son action, interrompt
la prescription, un nouveau délai commençant à courir à compter de chaque
acte du procès (art. 138 al. 1 CO). Il n'a donc pas besoin d'un "délai
supplémentaire" lorsqu'il commet plus tard une informalité. On ne voit
pas pourquoi il devrait en aller autrement en matière de péremption. De
plus, la jurisprudence de l'arrêt P. contre M. aboutit à cette conséquence
surprenante qu'une citation en conciliation régulière mais demeurant sans
suite est impuissante à interrompre la prescription, tandis qu'un simple
commandement de payer pourrait avoir cet effet même si le créancier
renonçait à continuer la poursuite. Quoi qu'il en soit cependant, il
n'est pas nécessaire de trancher la question du bien-fondé de l'arrêt
P. contre M., car la situation de fait se présente ici de manière quelque
peu différente.

    Dans la cause P. contre M., le Tribunal cantonal a interprété le
droit cantonal en ce sens que l'inobservation du délai de trente jours
affecte simplement l'acte de non-conciliation, qui perd alors sa validité,
tandis que l'action comme telle subsiste. En revanche, dans la présente
espèce, il constate, de manière à lier le Tribunal fédéral, que le défaut
de comparution des deux parties à l'audience de conciliation entraîne
la caducité de la citation elle-même. Aux termes de l'art. 62 CPC, "la
citation tombe" et, comme le dit la juridiction cantonale, elle ne peut
plus sortir aucun effet. Du moment qu'en matière d'action en recherche
de paternité la citation en conciliation constitue l'acte introductif
d'instance, les demandeurs, en ne comparaissant pas, se sont mis dans
la même situation que s'ils n'avaient intenté aucune action ou l'avaient
retirée. Il s'ensuit que le délai de l'art. 308 CC est expiré sans qu'une
action ait été introduite. Lorsque, le 21 décembre 1950, les demandeurs
ont fait à nouveau citer le défendeur en conciliation, leur action était
déjà périmée. Le Tribunal cantonal aurait pu le constater dès ce moment. A
plus forte raison était-il fondé à le faire dans l'arrêt attaqué, relatif
à l'action introduite le 22 août 1952.

    D'ailleurs, même en appliquant l'arrêt P. contre M. et en considérant
le défaut des deux parties à l'audience de conciliation comme un vice
de forme réparable, il n'en faudrait pas moins rejeter le recours. En
effet, du moment que la conciliation est obligatoire en matière d'action
en recherche de paternité (art. 52 ch. 3 CPC) et que la première citation
était tombée en vertu de l'art. 62 CPC, les demandeurs devaient en déposer
une nouvelle. Se fondant sur l'arrêt P. contre M., ils pouvaient invoquer
l'art. 139 CO et bénéficier d'un délai de soixante jours dès l'audience
de conciliation, date à laquelle la citation était tombée. Mais pour que
ce délai supplémentaire fût sauvegardé, il aurait fallu qu'ils agissent
régulièrement. Or tel n'a pas été le cas puisque la citation qu'ils ont
fait notifier le 21 décembre 1950 ne contenait pas de conclusions et ne
satisfaisait donc pas aux exigences formelles du CPC. Comme la nature du
délai de grâce accordé par l'art. 139 CO interdit qu'il soit octroyé plus
d'une fois en raison des risques d'abus qui pourraient en résulter, il est
hors de doute que l'action introduite le 22 août 1952 est périmée. Cela
étant, il est inutile d'examiner si les autres conditions de l'art. 139
CO sont réunies.

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    rejette le recours et confirme la décision attaquée.