Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 80 II 239



80 II 239

39. Arrêt de la IIe Cour civile du 15 septembre 1954 dans la cause
C. contre T. Regeste

    Klage auf Herausgabe gestohlener und verlorener Sachen.  Art. 934 ZGB.

    Sind jemandem Aktien wider seinen Willen abhanden gekommen, die
inzwischen durch neue, die nämlichen Rechte verleihendeTitel ersetztwurden,
so kann er die neuen Titel gleichermassen zurückfordern.

    Fall eines bösgläubigen Erwerbes.

Sachverhalt

                      Résumé des faits:

    Le 12 février 1949, C., agent de change à Paris, a informé le Greffe
du Tribunal de Vevey de la disparition de ses caisses d'une coupure de
cinq actions Nestlé and Anglo Swiss Cy Ltd portant les nos 211 701 à
211 705 (désignées ci-dessous en abrégé: actions Nestlé) et l'a prié
d'entreprendre en son nom la procédure d'opposition.

    Le 14 mars, le Président du Tribunal de Vevey a fait au détenteur
inconnu de ces titres les sommations d'usage, en l'invitant à les produire
dans le délai de six mois dès la première publication de l'avis dans
la Feuille officielle suisse du commerce, faute de quoi l'annulation
serait prononcée.

    Le 15 septembre, Me G., avocat à Genève, a déposé au Greffe du
Tribunal de Vevey, au nom d'un sieur T., courtier à Genève, cinq actions
Nestlé-Alimentana portant les numéros 370 647 à 370 651 que ledit avait
reçues le 17 décembre 1948 en échange des actions Nestlé nos 211 701 à 211
705, sur quoi le Président du Tribunal de Vevey a fixé à C. un délai au
15 novembre 1949 pour introduire une action en revendication de ces titres.

    Le 12 novembre, C. a déposé un exploit à cet effet, fondant sa demande
sur l'art. 934 CC.

    T. a conclu au rejet de la demande en soutenant que le demandeur
ne justifiait pas avoir été propriétaire des actions Nestlé nos 211
701 à 211 705 et encore moins d'un droit de propriété sur les actions
Nestlé-Alimentana déposées au Greffe du Tribunal de Vevey. Il contestait
en outre que le demandeur, à supposer même qu'il pût fournir ces
justifications, eût été dessaisi de ces titres contre sa volonté.

    Par arrêt du 13 avril 1954, la Cour de justice civile de Genève,
en confirmation du jugement rendu par le Tribunal de première instance,
a déclaré fondée la revendication de C. et autorisé ce dernier à se faire
remettre par le Greffe du Tribunal du district de Vevey les cinq actions
qui y avaient été déposées.

    En ce qui concerne la manière dont le défendeur était entré en
possession des titres les juridictions cantonales ont constaté ce qui suit:

    Le demandeur a acheté, le 27 septembre 1948, à la Bourse de Paris,
cinq actions de la Société Nestlé and Anglo Swiss Holding Cy Ltd portant
les numéros 211 701 à 211 705. Il en a été dépossédé par suite d'un
vol ou d'un abus de confiance. En décembre 1948, Sieur S., courtier à
Genève, les a reçues d'un Français, inconnu de lui, qui était de passage
à Genève. Il les a remis à T. Ce dernier les a échangés, le 17 décembre,
contre cinq actions Nestlé-Alimentana portant les nos 370 647 à 370 651,
cet échange résultant de la modification de la raison sociale de la
débitrice. Tout comme l'ancienne action Nestlé and Anglo Swiss Holding
Cy Ltd, l'action Nestlé-Alimentana nouvelle comprenait en réalité trois
titres soit une action Nestlé-Alimentana, un bon d'amortissement et une
action Unilac. Cette substitution n'avait apporté aucun changement aux
droits des porteurs.

    T. a recouru en réforme en concluant à nouveau au rejet de la demande.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours et confirmé l'arrêt de la
Cour de justice civile.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

Erwägung 3

    3.- Le moyen tiré du fait que le recourant a été condamné à restituer à
l'intimé d'autres titres que ceux dont ce dernier avait été dépossédé n'est
pas fondé. En matière de revendication de papiers-valeurs, l'action tend
bien en principe à la restitution des documents mêmes dont le demandeur
s'est trouvé dépossédé. Mais encore faut-il que la restitution de ces
documents-là le replace dans la situation dans laquelle il se serait
trouvé s'il n'en avait pas été dépossédé par suite de perte ou de vol. Or,
lorsque les droits qu'incorporaient les documents perdus ou volés ont
été, depuis la perte ou le vol, rattachés à de nouveaux documents, tout
comme ils l'étaient aux documents primitifs, il est clair que l'action
en revendication ne change pas d'objet pour s'exercer contre la personne
qui s'est fait remettre de nouveaux titres en échange des titres volés
ou perdus et les détient encore au moment de la réclamation.

Erwägung 5

    5.- Le recourant reproche également à la Cour de justice de n'avoir
pas tranché nettement la question de savoir s'il y a eu vente des titres
entre le Français inconnu et Sieur S., ou si celui-ci a été le mandataire
du recourant, ou si, au contraire, ce dernier n'a pas été le mandataire de
Sieur S. La Cour de justice aurait en outre négligé le fait que ce n'est
pas de Sieur S. que le recourant a reçu les actions Nestlé-Alimentana. Ce
dernier argument a déjà été réfuté ci-dessus. Pour ce qui est des rapports
entre le recourant et Sieur S., il est exact que la Cour de justice ne
les a pas exactement définis. Mais cela est sans importance. En effet,
d'une part, le recourant soutient, actuellement encore, qu'il a acheté
les actions pour son compte, d'autre part, il est sans intérêt de savoir
s'il les a achetées à Sieur S. ou au Français inconnu par l'entremise
de Sieur S. Ce qui est décisif, c'est que, selon les contestations de
l'arrêt attaqué, il n'était en tout cas pas de bonne foi lors de cet
achat. Il conteste, il est vrai, la justesse de cette affirmation et
prétend avoir traité des milliers d'affaires avec Sieur S. et n'avoir
jamais eu l'occasion de se méfier de lui. Cela est possible, mais est
indifférent en l'espèce. Ce qu'il suffit de relever, c'est que, d'après
les constatations de l'arrêt attaqué, le recourant savait, lorsqu'il
a acquis les titres, à la suite de quelles circonstances ils avaient
passé en la possession du Sieur S., autrement dit que ce dernier les
avait achetés à un inconnu, et comme il s'agissait de titres cotés à la
Bourse, le fait que le vendeur s'était adressé à un courtier sans faire
connaître son identité suffisait à rendre l'opération suspecte. Sieur
S. et lui-même s'étaient du reste si bien rendu compte que les titres
pouvaient avoir été volés qu'ils ont pris soin de consulter la liste des
titres frappés d'opposition pour s'assurer qu'ils n'y figuraient pas. Or,
en leur qualité d'hommes d'affaires expérimentés, ils devaient évidemment
savoir qu'il se passe en général un certain temps entre le vol d'un titre
et sa découverte et, à plus forte raison, entre le vol et l'ouverture de la
procédure d'annulation, de sorte que si les titres litigieux ne figuraient
pas sur la liste en question, ce n'était pas une raison suffisante pour
dissiper leurs soupçons.

    Il est exact que l'acheteur d'un titre au porteur n'a pas en général
à se demander si l'aliénateur a qualité pour en disposer, mais cela n'est
vrai cependant que s'il n'a pas de raisons particulières de suspecter
la bonne foi de son cocontractant, et il est clair que les circonstances
dans lesquelles l'affaire se présentait en l'espèce exigeait de la part
du recourant la plus extrême prudence. La décision rendue par la Cour de
justice ne peut donc qu'être confirmée.