Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 80 II 165



80 II 165

25. Arrêt de la Ire Cour civile du 6 avril 1954 dans la cause Bertholet
contre Société suisse des commerçants et consorts. Regeste

    Unlauterer Wettbewerb. Tätigkeit zu Erwerbszwecken.

    1.  Die Vorschriften des UWG gelten für den gesamten Bereich der
wirtschaftlichen Tätigkeit, insbesondere auch für die zu Erwerbszwecken
ausgeübte Tätigkeit im Gebiete des Unterrichtswesens (Erw. 1).

    2.  Die blosse Ausübung einer wirtschaftlichen Tätigkeit bewirkt die
Anwendbarkeit des UWG; unerheblich ist, ob sie vorab auf die Erzielung
eines Gewinnes oder auf die Erreichung eines idealen Zweckes gerichtet sei
(Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Roger Bertholet est propriétaire et directeur d'une école de
cours par correspondance, dite Ecole Ber, à Genève.

    Par exploit du 28 novembre 1952, il a assigné la Société suisse des
commerçants, section de Genève (ci-après SSC), son président René Pidoux
et son secrétaire René Lachenal devant la Cour de justice du canton de
Genève; il a conclu au paiement par les défendeurs de 100 000 fr. à titre
de dommages-intérêts, à une indemnité pour ses frais d'avocat et à la
publication du jugement.

    A l'appui de ses conclusions, Bertholet exposait que la SSC, qui
offre au public des cours du soir, menait une campagne contre les cours
par correspondance en général et contre l'Ecole Ber en particulier. La
SSC avait dénoncé l'Ecole Ber au Conseil d'Etat; elle avait adressé au
Grand Conseil une pétition où elle attaquait violemment Bertholet; elle
avait enfin déposé contre lui une plainte pénale pour escroquerie qui
s'était terminée par un non-lieu. La SSC aurait déclaré que les cours de
l'Ecole Ber étaient établis par du personnel dépourvu de qualification;
que cette école acceptait des inscriptions et même des paiements pour des
cours qu'elle ne donnait pas. La SSC avait publié ces accusations dans la
presse, notamment dans son organe officiel, "L'Employé Genevois". Cette
campagne, continuait Bertholet, avait diminué sa clientèle, atteint la
réputation de son école et l'aurait lésé lui-même dans son honneur. Il
voyait dans ces critiques des actes de concurrence déloyale, dont il
entendait obtenir réparation, conformément aux dispositions de la loi
fédérale du 30 septembre 1943 (LCD) et à celles des art. 41 et suiv. CO. Il
portait son action directement devant la Cour de justice, que l'art. 37
de la loi genevoise d'organisation judiciaire désigne comme juridiction
cantonale unique pour les litiges en matière de concurrence déloyale.

    B.- Les défendeurs ont conclu à libération des conclusions prises
contre eux par Bertholet. Ils ont exposé que leurs cours sont organisés,
sous le nom de cours réunis par une commission de l'Union des employés
de Banque et de la Société suisse des commerçants. Les cours réunis
sont donnés dans des locaux appartenant à l'Etat et par des professeurs
agréés par lui. Ils sont subventionnés par les pouvoirs publics. Ils
ne procurent aucun bénéfice à la SSC, qui est, pour les défendeurs,
une institution d'utilité publique. Dans ces circonstances, concluent
les défendeurs, leurs cours ne sont pas une entreprise économique; ils
n'entrent donc pas en concurrence avec ceux du demandeur. Par conséquent,
les agissements des défendeurs ne tombent pas sous le coup de la loi sur
la concurrence déloyale.

    C.- Par arrêt du 20 novembre 1953, la Cour de justice a rejeté les
conclusions de Bertholet autant qu'elles étaient fondées sur la loi
fédérale sur la concurrence déloyale; elle s'est déclarée incompétente
pour statuer à leur sujet autant qu'elles étaient fondées sur les art. 41
et suiv. CO.

    Cet arrêt considère que la LCD n'est applicable qu'en cas de
concurrence d'intérêts lucratifs. Or il ressort de l'instruction de la
cause que la SSC est en définitive une société d'utilité publique qui, sans
organiser elle même les cours réunis, se borne à faire de la publicité pour
ces cours et à recueillir les finances d'inscription. S'il est vrai que
l'organisation des cours laisse un petit bénéfice, il reste acquis à la
Commission des cours réunis. La SSC n'en retire donc aucun profit. Dans
ces circonstances, elle n'entre pas en concurrence avec Bertholet. Le
demandeur doit par conséquent être débouté, dans la mesure où il invoque
la loi fédérale sur la concurrence déloyale. Pour le surplus soit autant
qu'il se fonde sur les art. 41 et suiv. CO, il doit être renvoyé à agir
devant le Tribunal de première instance, conformément aux règles ordinaires
de compétence.

    D.- Bertholet recourt en réforme contre cet arrêt. Il soutient que
l'action qu'il a intentée contre la SSC, Pidoux et Lachenal, doit être
jugée en application de la LCD. Il conclut par conséquent à ce que l'arrêt
attaqué soit réformé dans ce sens que la cause est renvoyée devant la
Cour cantonale pour qu'elle statue en application de la dite loi.

    Les intimés concluent au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 1er LCD "est réputé concurrence déloyale au
sens de la loi tout abus de la concurrence économique résultant d'une
tromperie ou d'un autre procédé contraire aux règles de la bonne foi".
En d'autres termes, il ne peut y avoir acte de concurrence déloyale,
au sens de la LCD, que sur le terrain de la concurrence économique.

    L'art. 2 précise que "celui qui est menacé dans sa clientèle son
crédit ou sa réputation professionnelle" peut invoquer le bénéfice de la
loi. Parmi les actes de concurrence déloyale énumérés à titre exemplaire
à l'art. 1er figure le dénigrement d'autrui, de ses oeuvres, de son
activité ou de ses affaires.

    Il en résulte que la LCD protège toute activité économique dans quelque
domaine que ce soit. Elle s'applique donc aussi bien à celui qui exerce une
profession libérale qu'à l'industriel et au commerçant. La LCD institue
des règles générales valables pour toutes les activités économiques et
non pas des dispositions spéciales, restreintes au commerce, à l'industrie
et aux arts et métiers (v. Message du Conseil Fédéral, FF 1942 p. 676-677).

    C'est dire que la LCD protège aussi les activités à but lucratif
qui s'exercent dans le domaine de l'enseignement. Le Tribunal fédéral
a d'ailleurs déjà prononcé que ce domaine est soumis aux mêmes règles
que les autres activités économiques et notamment aux dispositions
relatives à la concurrence déloyale (RO 50 I 165). Or il est constant
que le recourant exerce une activité à but lucratif. Il en résulte qu'il
a le droit d'invoquer les dispositions de la LCD.

Erwägung 2

    2.- La Société suisse des commerçants, Section de Genève est une
association régie par les art. 60 et suiv. CC. Aux termes de l'art. 3
de ses statuts, elle a pour but d'améliorer la situation économique,
sociale et juridique des employés et apprentis de commerce, de bureau
et d'administration des entreprises publiques et privées; elle organise
notamment l'enseignement commercial. La qualité de membre actif de la SSC,
Section de Genève, entraîne d'office celle de membre de la Société suisse
des commerçants, dite Société centrale. La Société centrale a des buts
identiques à ceux de la Section de Genève, en tout cas sur les points
qui touchent au présent litige. En fait, la SSC, Section de Genève,
organise des cours commerciaux du soir, sous le nom de cours réunis, en
collaboration avec l'Union des Employés de banque. Les deux associations
ont constitué une commission des cours réunis composée de délégués des deux
parties. L'organisation et le travail de cette commission sont précisés
dans un document intitulé "Statuts de la Commission des cours réunis".

    L'intimée prétend que les cours ne seraient pas organisés par
elle, mais par la Commission des cours réunis, qui constituerait une
association distincte. Cependant cette Commission n'exprime nulle part
dans des statuts la volonté d'être organisée corporativement, qui est
une des conditions essentielles posées par la loi pour qu'une association
acquière la personnalité juridique (art. 60 al. 1 CC). Au contraire, l'art.
1er de ces pseudo-statuts dispose simplement que "la Commission des Cours
réunis est préposée à l'organisation, la direction, l'administration et à
la surveillance des cours d'orientation professionnelle et d'instruction
générale organisés en commun par l'UEB et par la SSC à Genève". Il en
résulte que cette commission n'est pas une personne morale et que la
responsabilité des cours incombe à la SSC et à l'UEB personnellement.
Il s'agit là d'une simple convention entre ces deux associations.

    Les cours réunis ont pour objet l'étude des langues, la correspondance,
la comptabilité et, de façon générale, les branches commerciales. Le
programme des cours pour l'année 1952-1953 remplit une brochure de 48
pages. Les cours ne sont pas réservés aux membres des deux associations;
ils sont ouverts à tous. Les inscriptions sont recueillies par le
secrétariat des cours réunis et par la SSC. Il est notoire qu'ils sont
annoncés par de la publicité dans les journaux. Pour l'exercice 1951-1952,
il a été dépensé 3305 fr. 75 à titre de frais de propagande. Pendant
la même période, les élèves ont versé au total 65 208 fr. 70 à titre
d'écolages. Le compte de pertes et profits de cet exercice mentionne 82
491 fr. 45 aux recettes et 83 331 fr. 50 aux dépenses, laissant ainsi
une perte de 830 fr. 05. Cette perte est supportée par un fonds commun,
alimenté par parts égales entre la SSC et l'UEB.

    Il est dès lors évident qu'il existe une concurrence entre les cours
réunis et l'école exploitée par le recourant. La SSC et le recourant
exercent en effet leur activité dans le même domaine et ils s'adressent
au même public.

Erwägung 3

    3.- Mais la Cour cantonale conteste que la SSC soit soumise à la
LCD, parce qu'elle n'exerce pas une activité à but lucratif. L'intimée
souligne à ce propos qu'elle organise l'enseignement professionnel imposé
aux apprentis par l'art. 28 de la loi fédérale du 26 juin 1930 sur la
formation professionnelle (RS t. 4 p. 37 et suiv.). Il s'agit de cours
d'associations professionnelles, au sens de l'art. 30 al. 2 de la même
loi. Ils préparent aux examens de fin d'apprentissage prévus à l'art. 40
de cette loi.

    Ces faits ne sont pas contestés. Mais ils ne sont pas déterminants.

    Le fait d'avoir un but idéal n'interdit pas à une association d'exercer
une industrie en la forme commerciale. La loi prévoit expressément cette
possibilité à l'art. 61 al. 2 CC. Dans ce cas, l'exercice d'une industrie
reste pour l'association un moyen d'atteindre son but; il ne tend pas
à réaliser un bénéfice, mais il ne l'exclut pas. Il n'en constitue pas
moins, en lui-même, une activité à but lucratif, c'est-à-dire une activité
économique. Or la LCD régit l'ensemble de la vie économique. Elle vise à
assurer le respect des règles de la bonne foi dans la vie des affaires. Il
n'y a pas de raison de soustraire à son empire des activités purement
économiques par leur nature, sous le prétexte que ceux qui les exercent ne
cherchent pas à réaliser un bénéfice mais se proposent un autre but. Le
Tribunal fédéral a déjà prononcé que les associations à but idéal qui
exercent une activité à but lucratif peuvent invoquer les dispositions
de la LCD (RO 75 IV 23). Pour les mêmes motifs, ces associations doivent
respecter la bonne foi dans les affaires. Elles sont donc soumises à la
LCD, dans la mesure où elles entrent en concurrence économique avec des
tiers. En d'autres termes, le simple fait d'exercer une activité économique
suffit pour entraîner l'application de la LCD; il importe peu en revanche
que cette activité tende essentiellement à réaliser un bénéfice ou qu'elle
constitue avant tout le moyen d'atteindre un but idéal. C'est donc à tort
que la Cour cantonale a écarté les conclusions du demandeur et recourant
pour le motif qu'il ne saurait invoquer les dispositions de la LCD à
l'égard des intimés.

Entscheid:

          Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

    Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé. La cause est renvoyée
à la juridiction cantonale pour statuer sur le fond en application de la
loi fédérale sur la concurrence déloyale du 30 septembre 1953.