Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 V 514



Zurück zur Einstiegsseite Drucken

Urteilskopf

139 V 514

68. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents contre M. (recours en matière
de droit public)
8C_1015/2012 du 28 octobre 2013

Art. 18 Abs. 1 und Art. 19 UVG; Art. 30 UVV; Art. 22 IVG; Art. 68 ATSG;
Zusammentreffen von Versicherungsleistungen.
Der Unfallversicherer, welcher eine ordentliche oder "definitive"
Invalidenrente zugesprochen hat, kann diesen Leistungsanspruch - unter
Vorbehalt der Überentschädigung - nicht aufheben, wenn der begünstigte
Versicherte Taggelder der Invalidenversicherung erhält.
Im konkreten Fall Frage offengelassen, welcher der beiden Versicherer
berechtigt ist, seine Leistung bei einer allfälligen Überentschädigung zu
reduzieren (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 515

BGE 139 V 514 S. 515

A.

A.a M. travaillait comme maçon au service de la société X. SA depuis le 1^er
avril 2005. A ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque
d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents
(CNA). Le 29 janvier 2007, il a été victime d'un accident. Il a subi une
luxation du coude droit avec fracture de la tête radiale et lésions vasculaires
brachiales ayant nécessité une ré-anastomose vasculaire et une fasciotomie de
l'avant-bras droit. Malgré une évolution favorable, une reprise du travail à
but thérapeutique a échoué.
Le 29 janvier 2008, M. a présenté une demande de rente de
l'assurance-invalidité. Après lui avoir accordé une mesure d'orientation
professionnelle auprès du Centre Y. pour la période du 1^er au 19 septembre
2008, l'assurance-invalidité a informé l'assuré, le 28 juin 2010, qu'il
bénéficierait d'une aide au placement sous la forme d'une orientation et d'un
soutien dans ses recherches d'emploi. Cependant, au mois d'août 2010,
l'intéressé a déclaré être en arrêt de travail et ne pas s'être annoncé à
l'assurance-chômage. En conséquence, l'assurance-invalidité a décidé de mettre
fin à l'aide au placement par décision du 3 novembre 2010. Cette décision a été
communiquée à la CNA.
Auparavant, par décision du 8 septembre 2010, confirmée sur opposition le 10
décembre suivant, la CNA avait accordé à M. une rente d'invalidité fondée sur
une incapacité de gain de 21 % dès le 1^er juin 2010.

A.b Par la suite, l'assurance-invalidité a mis en oeuvre des stages
d'observation professionnelle. Du 1^er novembre 2011 au 30 avril 2012, elle a
pris en charge les coûts d'une formation. En raison de ces mesures, l'assuré a
bénéficié d'indemnités journalières de l'assurance-invalidité à partir du 23
mai 2011.
Par décision du 23 novembre 2011, confirmée sur opposition le 27 janvier 2012,
la CNA a suspendu le versement de la rente avec effet au 23 mai 2011 et elle a
demandé à son assuré la restitution des rentes allouées au-delà de cette date,
soit un montant de 5'726 fr. 15, dont elle estimait qu'il avait été versé à
tort.

B. Saisie d'un recours contre cette décision, la Cour de droit public du
Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel l'a admis par
jugement du 14 novembre 2012.
BGE 139 V 514 S. 516

C. La CNA exerce un recours en matière de droit public dans lequel elle conclut
à l'annulation de ce jugement et au rétablissement de sa décision sur
opposition du 27 janvier 2012.
Le recours a été rejeté.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

2.

2.1 L'assuré invalide (art. 8 LPGA [RS 830.1]) à 10 % au moins par suite d'un
accident a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Chez les assurés
actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison
des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était
pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant
l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et
les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).

2.2 Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il
n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une
sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de
réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme; le droit au
traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du
droit à la rente (al. 1). Le droit à la rente s'éteint lorsque celle-ci est
remplacée en totalité par une indemnité en capital, lorsqu'elle est rachetée ou
lorsque l'assuré décède (al. 2). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions
détaillées sur la naissance du droit aux rentes lorsque l'on ne peut plus
attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de
l'état de l'assuré, mais que la décision de l'assurance-invalidité quant à la
réadaptation professionnelle intervient plus tard (al. 3). En se fondant sur
cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté l'art. 30 OLAA (RS
832.202) qui, sous le titre "Rente transitoire", prévoit ceci:
^1 Lorsqu'on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une
sensible amélioration de l'état de santé de l'assuré, mais que la décision de
l'AI concernant la réadaptation professionnelle n'interviendra que plus tard,
une rente sera provisoirement allouée dès la fin du traitement médical; cette
rente est calculée sur la base de l'incapacité de gain existant à ce moment-là.
Le droit s'éteint:
a. dès la naissance du droit à une indemnité journalière de l'AI;
b. avec la décision négative de l'AI concernant la réadaptation
professionnelle;
c. avec la fixation de la rente définitive.
BGE 139 V 514 S. 517
^2 Pour les assurés qui sont réadaptés professionnellement à l'étranger, la
rente transitoire sera allouée jusqu'à l'achèvement de la réadaptation. Les
prestations en espèces des assurances sociales étrangères sont prises en compte
conformément à l'art. 69 LPGA.

2.3 En cas d'accident relevant de la LAA, la réadaptation professionnelle
incombe à l'assurance-invalidité. La rente fixée en application de l'art. 30
OLAA est dénommée "transitoire" et a pour but de permettre à
l'assureur-accidents qui ne peut encore fixer définitivement le degré
d'invalidité de l'assuré, faute de connaître le résultat des mesures de
réadaptation entreprises par l'assurance-invalidité, de verser néanmoins une
rente sans attendre ce résultat. Elle a donc pour vocation unique de maintenir
une continuité dans le versement des prestations lors même qu'il n'est pas
encore possible de fixer définitivement le droit à la rente. Elle prend fin à
partir du moment où l'assuré a droit à une indemnité journalière de
l'assurance-invalidité. La décision portant sur l'allocation d'une rente
transitoire doit mentionner qu'elle sera remplacée dès l'achèvement de la
réadaptation ou s'il est renoncé à sa mise en oeuvre (PETER OMLIN, Die
Invalidität in der obligatorischen Unfallversicherung, 1995, p. 199; GHÉLEW/
RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur l'assurance-accidents [LAA], 1992, p.
106 s.; ALFRED MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 2^e éd. 1989,
p. 371; cf. également RUMO-JUNGO/HOLZER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum
Sozialversicherungsrecht, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 4^e éd.
2012, p. 145 s.). Il s'agit, en effet, d'éviter de faire naître de faux espoirs
quant au montant de la rente ordinaire ou "définitive" pour reprendre la
terminologie de l'art. 30 OLAA (cf. ATF 129 V 283 consid. 4.1 p. 284). Enfin,
en édictant l'art. 19 al. 3 LAA, le législateur n'a pas voulu créer un nouveau
mode d'évaluation de l'invalidité. Une rente fondée sur l'art. 30 OLAA doit
donc aussi être fixée d'après la méthode de comparaison des revenus. Toutefois,
l'évaluation intervient dans ce cas avant l'exécution éventuelle de mesures de
réadaptation. Par conséquent, seule entre en considération, à cette date,
l'activité qui peut raisonnablement être exigée de la part d'un assuré non
encore réadapté, compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail (
ATF 116 V 246 consid. 3a p. 252).

3.

3.1 En l'espèce, il est constant que la CNA n'a pas alloué à l'intimé une rente
transitoire, mais une rente ordinaire (ou définitive). Au moment où la décision
sur opposition du 10 décembre 2010 a été rendue, une tentative d'aide au
placement avait échoué du fait que
BGE 139 V 514 S. 518
l'assuré se déclarait en incapacité totale de travail (décision de
l'assurance-invalidité du 3 novembre 2010). Aucune autre mesure de réadaptation
n'était envisagée. La CNA ne le conteste pas. Elle soutient cependant que les
rentes ordinaires et les rentes transitoires devraient suivre le même sort
lorsque des indemnités journalières de l'assurance-invalidité sont allouées à
l'assuré. Ce ne serait pas tant la nature de la rente qui est servie à l'assuré
que le droit à ces indemnités qui serait déterminant pour l'application de la
coordination prescrite par l'art. 30 al. 1 OLAA. La recourante invoque
également le principe de l'égalité de traitement entre assurés. Selon elle, il
n'y a aucune raison de traiter ici différemment les assurés au bénéfice d'une
rente ordinaire et les assurés au bénéfice d'une rente transitoire. Enfin,
toujours selon la recourante, une différenciation imposerait à l'assureur de
procéder à un calcul de surindemnisation, impliquant notamment une instruction
sur le montant du gain présumé perdu dès le moment où les prestations en cause
(rente et indemnités journalières) entrent en concours.

3.2 Comme l'ont retenu avec raison les juges précédents, cette opinion ne peut
pas être suivie. Elle est de toute évidence contraire au texte clair de la loi
et de l'ordonnance. L'art. 30 OLAA, conformément à la délégation sur lequel il
repose (art. 19 al. 3 LAA), ne trouve application qu'au moment de la fin du
traitement médical (art. 10 LAA), qui marque la naissance du droit à la rente.
Le versement d'une rente transitoire - et sa suppression en cas d'allocation
d'une indemnité journalière de l'assurance-invalidité - n'intervient que dans
l'hypothèse où l'assureur, à la fin du traitement médical, n'est pas à même de
fixer le taux d'invalidité, faute de connaître le résultat de mesures de
réadaptation à venir. Cela correspond du reste à la volonté clairement exprimée
du législateur qui n'entendait adopter une réglementation spéciale que pour ce
type de situations provisoires (sur la genèse de l'art. 19 al. 3 LAA, cf. ATF
129 V 283 consid. 4.2 p. 284 s.). En revanche, quand c'est une rente ordinaire
qui est attribuée à l'assuré c'est le régime général qui trouve application. Le
droit ne s'éteint que dans les éventualités mentionnées à l'art. 19 al. 2 LAA
(remplacement par une indemnité en capital, rachat et décès). Pour cette rente,
la loi ne prévoit pas la suspension ou la suppression du droit lorsque les
mesures de réadaptation professionnelle sont mises en oeuvre par
l'assurance-invalidité. L'octroi de telles mesures n'est pas davantage un motif
de révision de la rente selon l'art. 17 LPGA, qui implique une modification du
taux d'invalidité.
BGE 139 V 514 S. 519

3.3 On notera par ailleurs que l'art. 68 LPGA autorise, sous réserve de
surindemnisation, le cumul des indemnités journalières et des rentes de
différentes assurances sociales. Cette disposition vise notamment - et
précisément aussi - les cas de concours entre les indemnités journalières de
l'assurance-invalidité et les rentes de l'assurance-accidents (art. 39k al. 3
RAI [RS 831.202] a contrario; cf. MICHEL VALTERIO, Droit de
l'assurance-vieillesse et survivants [AVS] et del'assurance-invalidité [AI],
2011, p. 907 n. 3374). S'agissant des difficultés pratiques liées au calcul de
la surindemnisation, elles sont inhérentes au régime de coordination prévu par
le législateur en cas de concours de prestations (cf. art. 69 al. 2 LPGA).
Elles ne justifient pas de s'écarter de l'application de la loi. Enfin, on ne
voit pas en quoi la différence de traitement invoquée par la recourante serait
incompatible avec le principe d'égalité de traitement. Indépendamment du fait
que cette différence résulte - on l'a vu - du système légal, il y a lieu de
constater que la rente transitoire est une prestation temporaire qui est censée
garantir des moyens d'existence à l'assuré dans l'attente de la réadaptation et
du versement des indemnités journalières qui lui est associé, ce qui peut a
priori justifier une différenciation. A tout le moins, la recourante ne
démontre pas le contraire.

4. En conclusion, c'est à tort que la CNA a suspendu le versement de la rente
d'invalidité à partir du 23 mai 2011 et qu'elle a réclamé à l'assuré la
restitution de la rente versée au-delà de cette date. Demeure réservée une
éventuelle réduction des prestations (assortie d'une restitution) pour cause de
surindemnisation, question qu'il n'y a pas lieu d'examiner à ce stade, pas plus
d'ailleurs qu'il n'y a lieu de décider maintenant lequel des deux assureurs
sociaux serait fondé à réduire sa prestation, si tant est qu'il y ait
surindemnisation.