Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 V 393



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Urteilskopf

139 V 393

51. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause Office
fédéral des assurances sociales contre A. (recours en matière de droit public)
9C_984/2012 du 12 juillet 2013

Art. 1 Bst. f Ziff. i, Art. 2 Abs. 1, Art. 3 Abs. 1 und Art. 10 Abs. 1 der
Verordnung (EWG) Nr. 1408/71 des Rates vom 14. Juni 1971 zur Anwendung der
Systeme der sozialen Sicherheit auf Arbeitnehmer und Selbstständige sowie deren
Familienangehörige, die innerhalb der Gemeinschaft zu- und abwandern;
persönlicher Geltungsbereich; Leistungsexport.
Ein Bezüger einer Rente der schweizerischen AHV peruanischer Nationalität, der
mit einer britischen Staatsangehörigen verheiratet ist, kann sich auf die
Grundsätze der Gleichbehandlung (Art. 3 Abs. 1 der Verordnung Nr. 1408/71)
sowie des Leistungsexports (Art. 10 Abs. 1 der Verordnung Nr. 1408/71) berufen
und seine AHV-Rente weiterhin beziehen, nachdem das Ehepaar die Schweiz
verlassen hat, um sich in Grossbritannien niederzulassen (E. 4-6).

Sachverhalt ab Seite 394

BGE 139 V 393 S. 394

A. A., ressortissant péruvien, est entré en Suisse en novembre 1981. Il a
cotisé au régime suisse de sécurité sociale. Il a épousé en décembre 1994 B.,
ressortissante britannique, établie et travaillant en Suisse depuis novembre
1973. S'il apparaît qu'il a exercé différentes activités lucratives en Suisse,
tel n'est plus le cas depuis 1997, au moins.
Sollicitée, la Caisse cantonale vaudoise de compensation a alloué des rentes de
vieillesse aux époux, à partir du 1^er juillet 2009 pour l'épouse (décision du
5 juin 2009) et du 1^er avril 2006 pour l'époux (décision du 12 juin 2009).
Compétente depuis l'installation du couple en Grande-Bretagne en juillet 2010,
la Caisse suisse de compensation (ci-après: la caisse) a supprimé la rente de
l'époux (décision du 13 juillet 2010 confirmée sur opposition le 5 octobre
2010). Elle soutenait qu'il n'en remplissait plus les conditions d'octroi dès
lors qu'il était de nationalité péruvienne, qu'il ne résidait plus en Suisse et
qu'il n'existait aucune Convention de sécurité sociale entre le Pérou et la
Suisse.

B. Saisi d'un recours de A. qui invoquait une violation de dispositions
procédant du droit de la sécurité sociale de l'Union européenne
BGE 139 V 393 S. 395
et concluait au maintien de sa rente malgré le transfert de son domicile dans
un autre pays, le Tribunal administratif fédéral, Cour III, l'a admis (jugement
du 8 octobre 2012).

C. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) interjette un recours en
matière de droit public contre ce jugement. Il en demande l'annulation et
conclut à la confirmation de la décision sur opposition.
A. conclut au rejet sous suite de frais et dépens tandis que la caisse en
propose l'admission.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. Le recourant reproche substantiellement à l'autorité précédente d'avoir
considéré que, dans la mesure où il était marié à une citoyenne britannique
ayant exercé une activité salariée en Suisse, l'assuré pouvait invoquer le
Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application
des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non
salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la
Communauté (RO 2004 121; ci-après: règlement n° 1408/71) conformément à ses
art. 2 par. 1 et 1 let. f ainsi qu'à la jurisprudence européenne et, en
particulier, se prévaloir des principes de non-discrimination et d'exportation
des prestations prévus aux art. 3 par. 1 et 10 par. 1 dudit règlement.

4. Compte tenu des griefs du recourant (cf. consid. 3) et de l'exigence de
motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF (à ce propos, cf. ATF 133 III 545
consid. 2.2 p. 550; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 2009, n°
25 ad art. 42 LTF), il conviendra de déterminer si l'intimé entre dans le champ
d'application personnel du règlement n° 1408/71.

4.1 Conformément à ce que les premiers juges ont correctement mentionné, le
règlement n° 1408/71 vise - notamment - les travailleurs salariés qui sont ou
ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres et qui sont
des ressortissants d'un de ces Etats, ainsi que les membres de leur famille
(cf. art. 2 par. 1 du règlement n° 1408/71). Il précise ce qu'il faut entendre
par travailleur salarié (cf. art. 1 let. a du règlement n° 1408/71) et par
membre de la famille (cf. art. 1 let. f point i du règlement n° 1408/71). On
BGE 139 V 393 S. 396
relèvera à cet égard que le ressortissant de l'Union européenne qui, ayant
exercé une activité salariée en Suisse avant de rentrer dans son pays
d'origine, perçoit une rente de l'AVS suisse est compris dans la catégorie des
travailleurs salariés selon la jurisprudence fédérale (cf. ATF 138 V 197
consid. 4.2 p. 201; ATF 134 V 236 consid. 5.2.3 p. 245 s.) et que, si le
travailleur salarié doit être ressortissant d'un Etat membre, apatride ou
réfugié résidant sur le territoire d'un Etat membre pour relever du règlement
n° 1408/71, aucune condition de nationalité n'est requise pour le membre de la
famille d'un travailleur ressortissant communautaire pour que ce règlement lui
soit applicable (à ce propos, cf. arrêt 9C_277/2007 du 12 février 2008 consid.
4.1 correctement cité par l'autorité précédente; voir aussi BERNARD TEYSSIÉ,
Code de droit social européen 2006, 6^e éd. 2005, n° 1 ad art. 2 par. 1 du
règlement n° 1408/71 p. 997).

4.2 Il est ainsi patent que, en tant que conjoint d'une citoyenne britannique
ayant travaillé en Suisse, l'assuré doit être considéré comme un membre de la
famille d'un travailleur issu d'un Etat membre de l'Union européenne ayant
exercé une activité salariée en Suisse et pouvoir en principe se prévaloir des
droits et systèmes de protection mis en place par le règlement n° 1408/71.

5.

5.1 Au titre de la protection dont peut bénéficier la personne à laquelle le
règlement n° 1408/71 s'applique figurent les principes de non-discrimination et
d'exportation des prestations (cf. par. 1 des art. 3 et 10 du règlement n° 1408
/71 correctement cité par l'autorité précédente).

5.2 La jurisprudence européenne (sur l'étendue de la reprise de la
jurisprudence européenne, cf. ATF 132 V 53 consid. 2 p. 55 s. et la référence)
a cependant apporté des restrictions à la protection que le règlement n° 1408/
71 confère aux membres de la famille selon la nature des droits invoqués.

5.2.1 La Cour de justice des Communautés européennes (ci-après: la CJCE;
devenue entre-temps la Cour de justice de l'Union européenne) faisait une nette
distinction entre les droits propres et les droits dérivés. Les droits propres
du membre de la famille sont ceux que la législation du pays qui sert les
prestations lui alloue indépendamment de tout lien de parenté avec le
travailleur migrant alors que les droits dérivés sont ceux dont il bénéficie en
qualité de membre de la famille du travailleur migrant (cf. ATF 133 V 320
consid. 5.2.2
BGE 139 V 393 S. 397
p. 324 s.; arrêt 9C_348/2007 du 10 décembre 2007 consid. 4.3.1, in SVR 2008 IV
n° 37 p. 125; voir également SILVIA BUCHER, Soziale Sicherheit,
beitragsunabhängige Sonderleistungen und soziale Vergünstigungen: Eine
europarechtliche Untersuchung mit Blick auf schweizerische Ergänzungsleistungen
und Arbeitslosenhilfen, 2000, p. 102 n^o 238); peu importe que le risque se
soit produit en la personne du travailleur migrant ou en celle du membre de sa
famille (cf. BUCHER, op. cit., p. 110 n^o 259). La distinction entre droits
propres et droits dérivés a dans un premier temps eu pour effet d'exclure les
membres de la famille d'un travailleur du principe de l'égalité de traitement
prévue à l'art. 3 par. 1 du règlement n° 1408/71 dans la mesure où les membres
de la famille et les survivants ne pouvaient prétendre qu'aux droits dérivés
mais pas aux droits propres (cf. arrêt de la CJCE du 23 novembre 1976 C-40/76
Kermaschek, Rec. 1976 1669; ATF 132 V 184 consid. 5.2.2 p. 192).

5.2.2 Par la suite, la CJCE a limité la portée de la jurisprudence Ke rmaschek
dans son arrêt du 30 avril 1996 C-308/93 Cabanis-Issarte, Rec. 1996 I-2097. Sur
la base du constat que la distinction entre droits propres et droits dérivés
risquait d'avoir pour conséquence de porter atteinte à l'exigence fondamentale
de l'ordre juridique communautaire que constitue l'uniformité d'application des
règles en faisant dépendre leur applicabilité aux particuliers de la
qualification de droit propre ou de droit dérivé donnée par la législation
nationale applicable aux prestations en cause au regard des particularités du
régime interne de sécurité sociale (cf. point 31), elle a admis que les membres
de la famille d'un travailleur migrant pouvaient invoquer directement le
principe de l'égalité de traitement prévu à l'art. 3 par. 1 du règlement n°
1408/71 (cf. point 44), même en relation avec leurs droits propres (cf. points
33 et 34). Contrairement à ce que soutient le recourant, si le contexte de
l'arrêt Cabanis-Issarte (périodes d'assurance et fixation des cotisations) est
certes différent de celui du cas particulier (exportation des prestations), il
n'en demeure pas moins que la CJCE en a déduit un principe général (cf. point
34) applicable notamment au cas particulier. Il apparaît concrètement que les
membres de la famille d'un travailleur migrant possèdent le droit originaire à
un traitement égal en ce qui concerne toutes les prestations qui, par leur
nature, ne sont pas exclusivement dues aux travailleurs, comme les prestations
de chômage par exemple (dans ce sens, cf. notamment ROSE LANGER, in Kommentar
zum Europäischen Sozialrecht, Maximilian Fuchs [Hrsg.], 4^e éd., Baden-Baden
BGE 139 V 393 S. 398
2005, n° 17 ad art. 42 du Traité instituant la Communauté européenne p. 62). La
CJCE a en outre considéré que l'impossibilité pour le conjoint d'un travailleur
- qui après avoir accompagné celui-ci dans une autre Etat membre déciderait de
retourner dans son Etat d'origine avec ce travailleur - de se prévaloir de la
règle de l'égalité de traitement pour l'octroi de certaines prestations prévues
par la législation du dernier Etat d'emploi aurait des répercussions négatives
sur la libre circulation des travailleurs dans le cadre de laquelle s'inscrit
la réglementation communautaire relative à la coordination des législations
nationales de sécurité sociale. Selon elle, il serait en effet contraire au but
et à l'esprit de cette réglementation de priver le conjoint d'un travailleur
migrant du bénéfice du principe de non-discrimination pour la liquidation de
prestations de vieillesse auxquelles il aurait pu prétendre dans des conditions
d'égalité de traitement avec les nationaux s'il était resté dans l'Etat
d'accueil (cf. point 30; dans ce sens, voir également TEYSSIÉ, op. cit., n° 4
ad art. 3 par. 1 du règlement n° 1408/71 p. 1000).

5.3 En résumé, compte tenu du but et de l'esprit de la réglementation
communautaire en matière de sécurité sociale et de la nécessité d'appliquer
cette dernière de manière uniforme, il y a lieu de considérer que, hormis les
cas où il ressort du règlement n° 1408/71 qu'on est en présence d'une
prestation dont seul le travailleur peut revendiquer le bénéfice sur une base
non discriminatoire, les membres de la famille doivent se voir appliquer la
législation de sécurité sociale de l'Etat d'emploi du travailleur dans les
mêmes conditions que les nationaux de celui-ci.

6. Compte tenu de ce qui précède et dans la mesure où la Suisse ne fait pas
obstacle au versement à l'étranger d'une rente AVS pour ses ressortissants (cf.
art. 18 al. 1 et 2 LAVS), l'intimé peut demander à être traité de façon non
discriminatoire et à percevoir sa rente en Grande-Bretagne. Peu importe que,
comme le mentionne le recourant, le droit à une rente AVS suisse soit un droit
propre. Par ailleurs, l'assuré est légitimé à requérir directement le bénéfice
de l'art. 10 par. 1 du règlement n° 1408/71. Le recours doit donc être rejeté.