Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 139 I 57



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Urteilskopf

139 I 57

6. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause E. contre
Etat de Neuchâtel, Service des ressources humaines de l'Etat (recours en
matière de droit public)
8C_358/2012 du 18 janvier 2013

Regeste

Art. 9 BV; Art. 336c Abs. 1 lit. c OR; Art. 12 Abs. 3 des Gesetzes des Kantons
Neuenburg vom 28. Juni 1995 über das öffentliche Dienstrecht; Auflösung des
Dienstverhältnisses bei Schwangerschaft.
Soweit das öffentliche Dienstrecht des Kantons Neuenburg keinen
Kündigungsschutz bei Schwangerschaft einer mit einer Probezeit von zwei Jahren
angestellten Inhaberin eines öffentlichen Amtes vorsieht, enthält es keine
(echte) Lücke, welche das Bundesgericht in Anwendung von Art. 336c Abs. 1 lit.
c OR zu füllen gehalten wäre (E. 6).

Sachverhalt ab Seite 58

BGE 139 I 57 S. 58

A.

A.a Depuis le 1^er mars 2009, E. a été engagée à titre provisoire en qualité de
secrétaire-comptable à temps partiel auprès de X. Informée par le Service des
ressources humaines de l'Etat de Neuchâtel qu'une résiliation des rapports de
travail pendant la période provisoire était envisagée (courrier du 18 janvier
2011), elle lui a indiqué être enceinte de quatorze semaines, si bien qu'un
éventuel congé serait entaché de nullité (lettre du 1^er février 2011). Par
décision du 14 février 2011, le Service des ressources humaines de l'Etat de
Neuchâtel a résilié l'engagement provisoire de E. au 30 avril 2011, en raison
de l'insuffisance de ses prestations; il a considéré que l'intéressée ne
bénéficiait d'aucune protection particulière excluant une résiliation durant la
grossesse.

A.b Saisi d'un recours de l'intéressée contre cette décision, le Département de
la justice, de la sécurité et des finances du canton de Neuchâtel l'a rejeté,
le 9 août 2011.

B. E. a déféré cette décision au Tribunal cantonal de la République et canton
de Neuchâtel, Cour de droit public, qui l'a déboutée par jugement du 16 mars
2012.

C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, E. demande au
Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler le jugement cantonal, ainsi
que les décisions administratives des 9 août et 14 février 2011.
Le Service des ressources humaines de l'Etat neuchâtelois conclut au rejet du
recours.

D. La I^re Cour de droit social a tenu une délibération publique le 18 janvier
2013.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Erwägungen

Extrait des considérants:

4.

4.1 Sous le titre "Engagement provisoire", l'art. 12 de la loi cantonale
neuchâteloise du 28 juin 1995 sur le statut de la fonction publique (LSt; RSN
152.510) prévoit ceci:
BGE 139 I 57 S. 59
^1 La nomination est précédée d'un engagement provisoire d'une durée de deux
ans qui constitue la période probatoire.
^2 La période probatoire peut être abrégée ou supprimée lorsque l'autorité de
nomination estime qu'elle ne se justifie pas.
^3 Durant la période probatoire, chaque partie peut signifier son congé à
l'autre moyennant un avertissement donné par écrit au moins deux mois à
l'avance pour la fin d'un mois. Le congé ne doit pas être abusif, au sens de
l'article 336 du Code des obligations.
^4 La durée de l'engagement provisoire peut être prolongée à cinq ans pour le
personnel enseignant dont l'activité est partielle; le Conseil d'Etat fixe les
modalités.
^5 Sont réservées les dispositions spéciales prévues par d'autres lois.

4.2 Aux termes de l'art. 336c al. 1 let. c CO, après le temps d'essai,
l'employeur ne peut pas résilier le contrat pendant la grossesse et au cours
des seize semaines qui suivent l'accouchement.
La protection en cas de maternité assurée par l'interdiction pour l'employeur
de licencier une travailleuse enceinte prévue par l'art. 336c al. 1 let. c CO
trouve sa justification dans le fait qu'une femme enceinte ne jouit pas, et ce
pour une période s'étendant à seize semaines suivant l'accouchement, d'une
capacité concurrentielle intacte sur le marché de l'emploi. Un engagement par
un nouvel employeur à la fin du délai de congé ordinaire paraît en effet
improbable en raison de son état (cf. DENIS WEBER, La protection des
travailleurs contre les licenciements en temps inopportun, 1992, p. 121; voir
aussi GABRIELA RIEMER-KAFKA, Der neurechtliche Kündigungsschutz bei
Schwangerschaft und Niederkunft [Art. 336c Abs. 1 lit. c OR], RSJ 85/1989 p.
57).
Cette protection est limitée à la période postérieure au temps d'essai (art.
336c, première phrase, CO). Le temps d'essai prévu par le CO, qui ne peut pas
dépasser trois mois (art. 335b al. 2 CO), est aménagé afin de permettre aux
parties de préparer l'établissement de rapports de travail destinés à durer, en
leur donnant l'occasion d'éprouver leurs relations de confiance, de déterminer
si elles se conviennent mutuellement et de réfléchir avant de s'engager pour
une plus longue période. Si les rapports contractuels qu'elles ont noués ne
répondent pas à leur attente, les parties doivent pouvoir s'en libérer
rapidement (ATF 136 III 562 consid. 3 p. 563).

5.

5.1 Les rapports de travail de droit public ne sont en principe pas soumis aux
dispositions du Code des obligations, à l'exception des
BGE 139 I 57 S. 60
art. 331 al. 5 et 331a à 331e CO, relatifs aux rapports juridiques avec
l'institution de prévoyance (art. 342 al. 1 let. a CO). Aussi bien le statut de
la fonction publique peut-il être librement organisé par les cantons (arrêts
2P.219/2006 du 23 novembre 2006 consid. 2.2; 1P.37/2000 du 17 mai 2000 consid.
2b). Ce statut, qui, pour être en général globalement plus favorable, peut
comporter par rapport au Code des obligations des contraintes plus sévères sur
certains points (arrêts 2P.121/2005 du 19 juillet 2005 consid. 4.2; 2P.82/1994
du 19 août 1994 consid. 3d; 2P.336/1992 du 31 août 1993 consid. 3c). Les règles
relatives au contrat de travail sont seulement applicables à titre subsidiaire,
en cas de lacunes dans la réglementation ou si celle-ci le prévoit (ATF 138 I
232 consid. 6.1 p. 238 et les références) . Le droit fédéral n'oblige donc pas
les cantons à régler la résiliation en temps inopportun pendant la grossesse de
la même manière que l'art. 336c al. 1 let. c CO. Pour que cette disposition
soit applicable, il faudrait que la loi cantonale présente une lacune qu'il
conviendrait de combler en l'appliquant à titre de droit cantonal supplétif.
Par ailleurs, l'application du droit privé à titre de droit cantonal supplétif
n'oblige en principe pas le juge administratif à interpréter les normes
concernées comme elles le sont en droit privé; il peut tenir compte des
spécificités du droit public (ATF 138 I 232 consid. 6.1 p. 238 et arrêt 2C_860/
2008 du 20 novembre 2009 consid. 3.2).

5.2 L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune.
Une lacune proprement dite suppose que le législateur s'est abstenu de régler
un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou
de l'interprétation de la loi. Une telle lacune peut être occulte. Tel est le
cas lorsque le législateur a omis d'adjoindre, à une règle conçue de façon
générale, la restriction ou la précision que le sens et le but de la règle
considérée ou une autre règle légale imposent dans certains cas (ATF 135 IV 113
consid. 2.4 p. 116). En d'autres termes, il y a lacune occulte lorsque le
silence de la loi est contraire à son économie (ATF 117 II 494 consid. 6a p.
499 et la référence citée). En revanche, si le législateur a renoncé
volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une
intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à
la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre
certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la
jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite (apparente ou
occulte) appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe
interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe
de la séparation des
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pouvoirs, de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le fait
d'invoquer le sens réputé déterminé de la norme ne constitue un abus de droit
ou ne viole la Constitution (ATF 131 II 562 consid. 3.5 p. 367 et les arrêts
cités).
Selon la jurisprudence (arrêt 2C_818/2009 du 9 juillet 2010 consid. 4.6),
savoir si l'on est en présence d'une lacune proprement dite occulte, que le
juge peut et doit combler en raison de l'économie de la loi, ou d'une lacune
improprement dite relevant de considérations de politique législative qui
sortent du champ de compétence du pouvoir judiciaire, est une question
d'interprétation parfois délicate, car la frontière entre ces deux notions peut
se révéler relativement ténue. Lorsqu'il est saisi d'une telle question
d'interprétation dans une affaire où, comme en l'espèce, son pouvoir d'examen
est limité à l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue par l'autorité cantonale de dernière instance, selon la formule
consacrée par la jurisprudence, que si la décision attaquée apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain (ATF 134 I 140 consid.
5.4 p. 148; ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17).

6.

6.1 Les premiers juges ont nié l'existence d'une lacune proprement dite, en
retenant que le législateur cantonal avait, le 28 juin 1995, consciemment fait
le choix de protéger tant le fonctionnaire engagé provisoirement (art. 12 LSt)
que le fonctionnaire nommé (art. 45 LSt) d'une résiliation abusive au sens de
l'art. 336 CO, mais pas d'une résiliation en temps inopportun au sens de l'art.
336c CO, dont il ne pouvait ignorer l'existence, cette disposition ayant été
introduite dans le CO en 1971. Se fondant sur la jurisprudence cantonale
(Recueil de jurisprudence neuchâteloise [RJN] 1998 p. 204) et fédérale (ATF 124
II 53), ils ont considéré que l'art. 336c al. 1 let. c CO ne s'appliquait qu'au
contrat de droit privé et que les rapports de service de droit public pouvaient
renoncer à instituer des périodes de protection contre la résiliation en temps
inopportun.

6.2 Le jugement entrepris repose en l'occurrence sur une interprétation de la
loi cantonale qui ne peut être considérée comme arbitraire. L'absence de
référence, dans la LSt, à la protection contre la résiliation en temps
inopportun en raison de la grossesse d'une employée de l'Etat engagée à titre
provisoire ne relève en effet pas d'une lacune proprement dite, comme il
résulte de ce qui suit.
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6.2.1 En ce qui concerne le congé donné durant la période probatoire, l'art. 12
al. 3 LSt se réfère aux règles du CO en renvoyant uniquement à l'art. 336 CO
sur la protection contre les congés abusifs. Constitue ainsi un congé abusif la
résiliation qui serait prononcée à l'égard d'une employée de l'Etat engagée à
titre probatoire, parce qu'elle aurait annoncé être enceinte (art. 12 al. 3 LSt
en relation avec l'art. 336 let. c CO).
Il ressort des travaux préparatoires que la protection contre les congés
abusifs a été mentionnée par le Conseil d'Etat neuchâtelois, sans qu'elle ait
prêté à discussion lors des débats parlementaires, tandis que la protection
contre la résiliation en temps inopportun n'a pas du tout été évoquée (Rapport
du Conseil d'Etat au Grand Conseil du 3 mai 1995 relatif à la politique du
personnel de l'Etat et à l'appui d'un projet de loi sur le statut de la
fonction publique, BO/NE 1995-1996, tome I, séance du 27 juin 1995, p. 814 s.
et séance du 28 juin 1995, p. 894 ss). Malgré l'absence de mention de la
protection contre les congés sous l'angle temporel, on peut partir de l'idée,
comme l'ont admis les premiers juges, que le législateur neuchâtelois avait
également envisagé cette possibilité, mais qu'il a sciemment renoncé à
introduire une disposition y relative dans le droit cantonal de la fonction
publique. Au regard de la systématique du CO (III. Protection contre les
congés, 1. Résiliation abusive [a. Principe: art. 336, b. Sanction: art. 336a,
c. Procédure: art. 336b], 2. Résiliation en temps inopportun: art. 336c), selon
laquelle la protection contre les congés est accordée dans deux cas de figure
(résiliation abusive et en temps inopportun), il n'est en effet guère
concevable que le législateur neuchâtelois ait pris en considération et intégré
l'une des éventualités, sans avoir envisagé la seconde.

6.2.2 S'ajoute à cela que la LSt comporte plusieurs dispositions par lesquelles
le législateur cantonal a tenu compte de la protection particulière dont ont
besoin les titulaires de fonction publique (au sens de la LSt, soit toute
personne faisant l'objet d'un engagement provisoire ou d'une nomination à temps
complet ou à temps partiel; cf. art. 8 LSt) de sexe féminin en cas de maternité
(qui comprend la grossesse et l'accouchement, ainsi que la convalescence qui
s'ensuit pour la mère; cf. art. 5 LPGA [RS 830.1]). A son art. 74 al. 1, la LSt
prévoit qu'en cas de grossesse, un congé de quatre mois est accordé à la mère
avec maintien du traitement. L'art. 75b LSt porte sur le temps consacré par la
mère à l'allaitement: le temps consacré à l'allaitement par la mère sur son
lieu de travail est réputé temps de travail (al. 1), tandis que si elle quitte
son lieu de travail pour allaiter son
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enfant, la moitié du temps consacré à l'allaitement est réputé temps de travail
(al. 2). Les normes d'exécution précisent la durée du congé de maternité (art.
32 du Règlement général du 9 mars 2005 d'application de la loi sur le statut de
la fonction publique [RSt; RSN 152.511]) et prévoient la possibilité pour le
chef de service de la future mère de lui accorder, durant les derniers mois de
la grossesse, un assouplissement de l'horaire ou la possibilité d'effectuer une
tâche différente (art. 15 RSt).
Ces différentes règles montrent que le législateur cantonal a accordé une
importance particulière à la maternité et à sa protection. On peut aussi en
déduire qu'il a examiné de manière complète les différents aspects de cette
protection et qu'il s'est consciemment abstenu d'édicter des règles sur la
protection sociale de la maternité, singulièrement une norme prévoyant
l'impossibilité de résilier les rapports de service pendant la grossesse, pour
privilégier les aspects relatifs à la protection de la santé de la mère et de
l'enfant (à naître).

6.2.3 On précisera encore qu'il peut apparaître contradictoire, de la part du
législateur neuchâtelois, de régler les effets de la maternité en faveur de la
titulaire de fonction publique de manière détaillée (droit à un congé de quatre
mois et maintien du traitement, temps consacré à l'allaitement, assouplissement
de l'horaire ou possibilité d'effectuer une tâche différente), sans lui assurer
aussi une protection contre une résiliation pendant la grossesse et une période
déterminée suivant l'accouchement. Une protection étendue de la maternité ne
semble en effet pouvoir être mise en oeuvre de manière complète que si elle
comporte également la garantie pour l'intéressée de maintenir son emploi durant
une certaine période qualifiée d'inopportune (cf. Message du 17 novembre 1982
sur l'initiative populaire "pour une protection efficace de la maternité", FF
1982 III 805, 826 s. ch. 426).
Une telle contradiction ne suffit cependant pas à retenir que la solution
adoptée par l'organe législatif neuchâtelois est insoutenable. Ni le droit
fédéral - on peut penser ici aux art. 8 al. 3, 10 al. 2, 41 ou 116 Cst. -, ni
le droit cantonal n'imposent en effet à celui-ci de codifier la situation en
cause en prévoyant une règle semblable à l'art. 336c al. 1 let. c CO ou en
renvoyant à cette disposition, comme le voudrait la recourante. Le seul fait
que l'option choisie par le législateur cantonal - absence de règle du droit de
la fonction publique sur le licenciement en cas de grossesse - est
insatisfaisante au regard de l'importance de la protection de la maternité ne
justifie pas une intervention du juge (supra consid. 5.2). Seul le législateur
cantonal pourrait remédier à cette situation.